Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation des finances publiques est le premier texte financier que nous ayons à examiner en ce début de quinquennat.

Autant le dire tout de suite, nous, membres du groupe Union Centriste, l’abordons avec bienveillance. Nous avons été contents de tourner la page d’un quinquennat calamiteux pour les finances publiques et espérons être au début d’un mandat qui soit celui de la remise en ordre de nos finances. Cela étant, ce projet de loi comporte de bons aspects, et d’autres qui le sont moins. Je commencerai par les bons.

Il faut tout d’abord relever la volonté de transparence et de réalisme du Gouvernement, notamment dans ses hypothèses de croissance : 1,7 % – un peu plus même, en fin de période – a été jugé à notre portée, réaliste – une kyrielle d’adjectifs a été utilisée. Cela reste plausible, même si, sur les dix dernières années, la croissance moyenne en France a été inférieure à 1 %. Voilà qui témoigne d’un certain volontarisme en matière de croissance.

Il convient aussi de noter une plus grande transparence sur les finances publiques, notamment par la diminution des crédits mis en réserve. Nous approuvons cette démarche, même si nous serons vigilants, pour que ne soient pas mis en réserve des crédits dont on sait d’avance qu’ils devront être utilisés, par exemple des crédits de personnel.

Ce projet de loi contient une nouveauté, que je soutiens, mais dont j’aimerais qu’elle soit précisée – j’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens –, à savoir le plafonnement des restes à payer, c’est-à-dire des reports de factures d’une année sur l’autre.

Le précédent gouvernement a été le spécialiste en la matière, et un sommet a été atteint en 2016 avec 12 milliards d’euros de restes à payer reportés ! Le gouvernement actuel propose de le plafonner en 2017. Reste, monsieur le ministre, que l’on ne connaît pas ce montant : c’est vous qui allez l’arrêter en fin d’année. Cela signifie que l’on vous fait un chèque en blanc… Pour ma part, je souhaite que les choses soient précisées ; j’y reviendrai lors de l’examen des amendements.

Souci de sincérité, volonté de transparence : à cela s’ajoute un désir d’améliorer les comptes en diminuant la dépense publique et les prélèvements obligatoires. Nous sommes parfaitement en phase avec une telle démarche : pour assainir les finances, il faut forcément commencer par diminuer la dépense publique, ce qui doit permettre de baisser les prélèvements obligatoires qui asphyxient les Français et notre économie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, la politique, c’est comme l’amour : il y a les déclarations et il y a les actes ! (Sourires.) Nous formons le vœu que ce souci de sincérité, cette volonté de transparence, ce désir d’améliorer nos comptes, deviennent une réalité dans les années à venir. Nous serons très attentifs et exigeants sur ce sujet.

Il faut toutefois souligner aussi les moins bons aspects de ce texte.

Nous aurions souhaité un peu plus de prudence dans ce projet de loi, monsieur le ministre. J’ai affirmé il y a un instant que les hypothèses de croissance étaient réalistes, mais, lorsque l’on programme des finances publiques, il faut être prudent ! J’aurais aimé que le taux de croissance soit revu à la baisse de 0,5 point, afin que nous soyons assurés d’avoir de bonnes nouvelles plutôt que de mauvaises. Ces dernières années, nous avons eu beaucoup de mauvaises nouvelles ; j’aurais donc apprécié plus de circonspection.

Par ailleurs, les économies sont peu documentées ; le gouvernement précédent nous avait déjà habitués à cela. Nous avons ainsi très peu de vision sur les économies que vous souhaitez réaliser, monsieur le ministre.

Beaucoup de réformes sont annoncées, dans les domaines de la santé, du logement – 40 milliards d’euros –, de la formation professionnelle – 30 milliards d’euros. Il est vrai qu’il y a des choses à faire. Nous veillerons non seulement à ce que ces réformes améliorent l’efficacité de nos politiques publiques, mais également à ce qu’elles aient un impact sur nos comptes publics.

Nous ne pouvons pas vivre éternellement au-dessus de nos moyens, comme nous le faisons depuis des années en France. Il faudra bien à un moment donné que les réformes produisent des effets sur nos comptes publics.

Non seulement les économies sont peu documentées, mais les efforts sont pour beaucoup reportés en fin de période, ce qui nous inquiète. Nous le savons tous, car nous avons tous dirigé des collectivités, c’est plutôt en début de mandat que les efforts sont réalisés, leurs fruits étant récoltés en fin de mandat.

Lorsque nous ont été annoncées les orientations budgétaires au mois de juillet, il avait été prévu de réaliser 58 milliards d’euros d’économies d’ici à 2020. Aujourd’hui, ce montant a été ramené à 42 milliards d’euros ; 16 milliards d’euros ont disparu en trois mois ! Je sais bien qu’il est très difficile de réaliser des économies, mais comprenez que nous soyons sceptiques sur la réalité des efforts qui seront consentis et des économies qui seront faites. Nous espérons que nos inquiétudes seront démenties par les faits.

On constate certes une volonté de diminuer la dépense, notamment son poids dans la richesse nationale. Toutefois, les crédits de seize missions augmenteront d’ici à 2020, quand ceux de six missions diminuent et neuf stagnent. Selon moi, que seize missions voient leurs crédits augmenter, c’est trop.

M. Julien Bargeton. Effectivement.

M. Vincent Delahaye. Il n’est pas possible d’avoir seize priorités, nos comptes étant très déficitaires. L’augmentation des budgets de ces missions est un problème.

Monsieur le ministre, le projet de loi de programmation que vous nous présentez prévoit un retour à l’équilibre en cinq ans. Cela me pose également un véritable problème. Je pense que c’est totalement illusoire. Sous le dernier quinquennat, le gouvernement d’alors avait fait la même proposition, on a bien vu ce que cela a donné.

Il serait plus raisonnable de nous montrer plus prudents sur nos hypothèses et de négocier auprès de nos concitoyens et de la Commission européenne un retour à l’équilibre sur dix ans. Ce délai serait à mon avis plus réaliste, plus crédible, et il pourra être tenu. En effet, ce qui importe dans une loi de programmation, c’est de pouvoir tenir ses engagements. Or je crains que vous ne puissiez le faire en cinq ans.

Notre déficit en 2018 augmentera en valeur absolue. Je préfère parler en valeur absolue plutôt qu’en pourcentage du PIB, car lorsque l’on dit aux Français que notre déficit représente 2 % ou 3 % du PIB, cela ne leur parle pas. En revanche, si on leur dit que, pour équilibrer nos comptes, comme le font la plupart des ménages et des entreprises en France, il faudrait augmenter tous les impôts de 28 %, y compris la TVA, cela leur parle. Si nous voulons des comptes équilibrés, comme l’Allemagne, c’est ce qu’il faudrait faire. Voilà la réalité ! Ce discours de réalisme et de prudence devrait transparaître un peu plus dans ce projet de loi de programmation.

Il ne vous aura pas échappé que le groupe Union Centriste, sans être en marche, souhaite que cela marche (Sourires.) et que ce quinquennat soit utile à la France. Pour cela, il aura un œil bienveillant, je l’ai dit, mais aussi vigilant et exigeant pour aider le Gouvernement à aller dans le bon sens.

Nous voterons donc ce projet de loi de programmation des finances publiques, même si, à certains égards, il nous inquiète, à condition que les amendements, essentiellement ceux de la commission, visant à permettre à la France de respecter ses engagements européens et de mieux répartir les efforts entre la sécurité sociale, les collectivités locales et l’État soient adoptés.

Pour terminer, je le répète et nous y reviendrons au cours de notre débat, les efforts demandés aux collectivités locales sont beaucoup trop importants. Certes, vous leur demandez un peu moins d’efforts, mais vous leur en demandez encore beaucoup. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Jackie Pierre et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention sera axée sur la trajectoire des finances publiques, en particulier des finances locales.

Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit de mettre à contribution les collectivités territoriales, qui devront réduire leurs dépenses à hauteur de 13 milliards d’euros par rapport au tendanciel.

Treize milliards, c’est plus que sous le quinquennat de François Hollande, au cours duquel les ressources des collectivités avaient été diminuées de 11 milliards d’euros, ce qui les avait obligées à réduire leurs dépenses de fonctionnement, mais aussi, et parfois surtout, leurs dépenses d’investissement. Les conséquences furent assez hétérogènes, mais pour certaines collectivités le coup fut très rude.

L’effort de 13 milliards d’euros exigé par le Gouvernement est sans précédent, d’autant que, comme l’a bien expliqué notre rapporteur, ce montant est calculé par rapport à une évolution tendancielle sous-estimée des dépenses des collectivités.

Selon la commission des finances, l’effort réel demandé aux collectivités sera en fait non pas de 13 milliards d’euros, mais de 21 milliards d’euros ! L’addition, vous en conviendrez, est beaucoup plus amère, monsieur le ministre.

Permettez-moi d’ailleurs de vous dire, monsieur le ministre, que se targuer auprès des élus de ne pas baisser les dotations s’apparente, d’une certaine manière, à une belle opération de mystification, ce que d’aucuns traduisent parfois par enfumage.

L’effort en dépenses sera certes réalisé dans le cadre d’une démarche de contractualisation, mais en cas de non-respect des objectifs de réduction des dépenses de fonctionnement et de désendettement, un mécanisme de correction sera appliqué l’année suivante, à travers une diminution des concours de l’État ou des ressources fiscales affectées.

Si, sur la forme, la démarche est inverse : « on vous impose un effort en matière de dépenses, si vous n’obtempérez pas, on vous baisse vos dotations », plutôt que « on vous baisse vos dotations, pour vous obliger à baisser vos dépenses », avouez, monsieur le ministre, que, sur le fond, cela revient au même ! La marge de négociation contractuelle avec l’État, c'est-à-dire le préfet, sera très limitée. Elle tournera autour d’un taux d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 %. Le Premier ministre, lors de questions d’actualité au Gouvernement ici même, avait précisé que le taux pourrait être de 1,1 %, 1,2 % ou 1,3 %, selon les collectivités.

La marge de négociation résultera certes d’une démarche contractuelle, mais elle sera limitée à un ou deux dixièmes de point et dépendra avant tout, ce que nous ne pouvons accepter, de la décision du représentant de l’État dans le département, le préfet.

Certes, la contractualisation est une idée séduisante sur le papier. En réalité, il peut s’agir d’une forme de mise sous tutelle des collectivités, le préfet décidant du niveau maximal des dépenses des collectivités.

Autant l’objectif d’évolution des dépenses locales, l’ODEDEL, était indicatif, autant le non-respect par les collectivités contractantes de l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement, que nous pourrions appeler « ODEDEF », entraînera une sanction financière. Se pose donc, vous l’avez bien compris, la question de l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriale, ainsi que celle de leur libre administration.

Certes, je le concède, monsieur le ministre, seules les 319 plus grandes collectivités territoriales seront concernées. Le Gouvernement est d’ailleurs un adepte de ce nombre, comme nous le verrons cet après-midi lorsque nous évoquerons la surtaxe des 320 plus grosses entreprises.

Le taux de 1,2 % s’imposera aux autres collectivités, mais de manière indicative. Il s’imposera également de la même manière à celles des 319 collectivités qui pourraient refuser la contractualisation.

Se pose donc la question suivante : quel est l’intérêt pour une collectivité de contractualiser et d’aboutir au taux de 1,1 %, alors que, sans contrat, elle pourrait aller jusqu’à 1,2 % ? En réalité, monsieur le ministre, un grand flou subsiste sur les contours de cette contractualisation.

Il apparaît donc comme assez incongru de demander aux sénateurs de voter une telle réforme alors même que ses détails ne sont pas connus, qu’il s’agisse du mécanisme de sanction ou du système de bonus pour les collectivités territoriales qui atteindraient leur objectif.

Lors de son audition au Sénat, votre collègue Jacqueline Gourault a botté en touche à plusieurs reprises et renvoyé les questions aux futures conclusions de la mission confiée à notre collègue Alain Richard et à Dominique Bur, ou à la Conférence nationale des territoires.

C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu en commission des finances l’amendement de notre rapporteur tendant à prévoir que les lignes directrices des contrats entre l’État et les collectivités territoriales seront définies par la loi. Par ailleurs, nous avons soutenu ses amendements visant à préciser les modalités d’application du malus, d’une part, et d’un bonus, d’autre part.

Nous avons également approuvé le relèvement à 1,9 % de l’objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, pour les raisons développées par notre rapporteur.

Enfin, la commission des finances a adopté un amendement que j’avais déposé, ainsi que d’autres collègues d’autres groupes, visant à supprimer la proposition d’une règle d’or renforcée, fondée sur la capacité de désendettement. L’introduction d’un nouveau ratio prudentiel est en effet apparue superfétatoire à la quasi-totalité des membres de la commission, et ce pour plusieurs raisons.

Cette règle fait peser le risque, j’y reviens, d’une tutelle renforcée de l’État sur le recours à l’emprunt. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur les conséquences qu’elle pourrait avoir sur le niveau d’investissement public local. Alors qu’il est techniquement démontré que l’actuelle règle d’or se suffit à elle-même, le risque de plafonnement du recours à l’emprunt pose tout à la fois un problème politique et un problème économique.

Un problème politique tout d’abord, parce que la nouvelle règle conduit, en matière de financement des nouveaux investissements dont la durée s’étale sur des décennies, à priver les élus locaux de la possibilité d’arbitrer entre autofinancement, c’est-à-dire par le contribuable actuel, et recours à l’emprunt, c’est-à-dire par le contribuable de demain.

Un problème économique ensuite, parce qu’il s’agit d’un frein au développement d’équipements locaux, alors même que l’État continue d’accroître son endettement pour faire face à des impasses de fonctionnement.

Avec les seuils proposés, les politiques de villes nouvelles par exemple n’auraient jamais pu être menées à bien et les grands projets tels que la construction d’infrastructures de transport en commun, indispensables au développement de plusieurs grandes agglomérations, devront être abandonnés !

Par ailleurs, ce ratio d’endettement n’est pas exempt de limites techniques, que j’ai développées dans l’exposé des motifs de mon amendement adopté en commission des finances.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce projet de loi de programmation si ses amendements adoptés en commission des finances figurent bien dans le texte qui résultera de nos travaux en séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser mes remerciements à mes collègues socialistes de la commission des finances d’avoir accepté de laisser une fenêtre d’expression à un membre de la commission des affaires sociales.

Je tenais à indiquer que, dans l’ensemble des administrations publiques – État, organismes de sécurité sociale, collectivités territoriales –, les finances sociales représentent 583,6 milliards d’euros de dépenses, 46,4 % des dépenses publiques, 54 % des prélèvements obligatoires et 26,2 % du produit intérieur brut. La dette sociale – la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, les hôpitaux et l’assurance chômage – représente 225 milliards d’euros.

Sur des bases macroéconomiques prudentes – un taux de croissance de 1,7 % en moyenne à compter de 2019, une progression annuelle de 3,6 % de la masse salariale privée –, le texte issu des débats à l’Assemblée nationale prévoit, à l’article 9, une évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale moins dynamique que celle du PIB, soit un objectif de 21,2 % du PIB en 2018, de 21 % en 2019 et de 20,8 % en 2020. L’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, progresserait en moyenne de 2,35 % par an en euros courants pour atteindre 195,2 milliards d’euros en 2018, 199,7 milliards d’euros en 2019 et 204,3 milliards d’euros en 2020.

Pour 2018, compte tenu d’une évolution tendancielle de 4,5 % des dépenses, l’effort de maîtrise serait de 4,2 milliards d’euros. Nous en débattrons dès lundi prochain.

L’article 11 fixe un objectif de diminution des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale d’au moins 1,5 % en moyenne annuelle sur la période 2018–2022, à périmètre constant.

Les articles 22 et 23 visent à garantir l’information du Parlement sur la situation financière des établissements publics de santé, par un rapport annuel, et sur la rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, par un rapport remis avant la fin du premier trimestre 2018.

Je tiens à souligner, pour la période précédente, le respect des objectifs de dépenses des régimes obligatoires, en particulier du régime général, le respect de l’ONDAM attendu pour la huitième année consécutive en 2017, témoignages de la volonté permanente du Gouvernement de conduire le retour à l’équilibre des comptes sociaux, condition indispensable à la pérennité de notre protection sociale, sans porter atteinte à la qualité des services et prestations offerts.

Enfin, demeure posée la question de la dette du régime de sécurité sociale, en particulier le solde de l’ensemble assurance vieillesse et Fonds de solidarité vieillesse, portée par l’ACOSS, un amortissement n’étant aujourd'hui ni prévu ni possible par la CADES.

Sur l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques, et après l’excellente intervention de notre collègue Thierry Carcenac, nous suivrons précisément les positions du groupe proposées par nos collègues de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je rappelle que je devrai suspendre la séance au plus tard à treize heures trente, afin que nous reprenions nos travaux à quinze heures précises, pour les questions d’actualité au Gouvernement.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Beaucoup de choses ont été dites. L’examen des amendements nous permettra de discuter des points évoqués par le rapporteur général et l’ensemble des intervenants. À ce stade, je répondrai simplement aux questions portant sur les collectivités locales, en particulier à celles qu’a posées M. Jean-François Husson.

Votre démonstration est assez peu convaincante, monsieur le sénateur. Si vous pensez qu’il ne faut pas demander aux collectivités locales de faire des économies, dans ce cas, pourquoi avoir approuvé les 20 milliards d’euros de baisses des dotations des collectivités qui figuraient dans le projet du candidat à la présidentielle que vous souteniez ?

M. Jean-François Husson. Que vous souteniez aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre. Avouez que c’est assez contre-intuitif. J’aurais aimé que vous rappeliez ce point par honnêteté intellectuelle.

M. Jean-François Husson. C’est le candidat que vous souteniez aussi !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous n’avez pas bien suivi : après le Trocadéro, je ne suis pas resté !

J’évoquerai maintenant cette question sous un angle plus juridique que politique, à savoir le risque que le préfet exerce une tutelle sur les collectivités territoriales. Comme si les préfets des départements étaient d’horribles personnages qui n’avaient pas aussi fondé la République !

Très franchement, qui peut croire que la contractualisation est une mise sous tutelle ? Je rappelle que cette tutelle est déjà prévue dans le code général des collectivités territoriales. En cas d’endettement trop important, le réseau d’alerte des finances locales est mis en place par le préfet. Cela arrive malheureusement de temps à autre.

Cela arrive assez peu aux grandes collectivités, dont on a parfois laissé filer l’endettement pour des raisons non pas administratives mais politiques, l’État n’ayant pas osé leur dire qu’elles étaient allées très largement au-delà des règles prudentielles et de bonne gestion. Même si tout le monde peut condamner ces pratiques, on est tous persuadé que seule une infime partie des élus locaux est à l’origine de difficultés budgétaires, mais il en existe. On peut parfois d’ailleurs discuter de leurs difficultés et les entendre. L’État, sous d’autres gouvernements, a ainsi ouvert des possibilités pour permettre à ces collectivités de faire face aux emprunts toxiques ou à d’autres difficultés n’étant pas propres, intrinsèquement, aux collectivités locales. La règle de mise sous tutelle existe donc. Aujourd'hui, nous proposons le contraire.

Ce que nous proposons dans le projet de loi de programmation présenté à la commission des finances, c’est au contraire un débat démocratique, un débat d’orientation autour de l’endettement. Depuis que des élus de l’opposition siègent dans les conseils municipaux, les conseils régionaux et les conseils départementaux, cela permet d’éclairer, notamment avant des élections, le débat sur la bonne gestion des finances publiques.

Seules ne sont concernées que les collectivités qui dépassent très largement les réseaux d’alerte. Le préfet écrit au président de région, au président de département, au maire ou au président de l’intercommunalité, quand ces ratios – nous ne les avons pas inventés, ils existent déjà – sont dépassés. L’élu propose alors un débat sur cet endettement, qui n’est pas fondé un an sur un an. C’est pourquoi votre second argument selon lequel la contractualisation empêchera les collectivités de mettre en œuvre des infrastructures de transport ou d’autres infrastructures importantes ou, pis, qu’elle empêchera le développement de villes nouvelles est complétement faux. Je rappelle que les collectivités ne sont pas les seules à financer de telles infrastructures. Heureusement que l’État y contribue de manière décisive, s’agissant notamment des infrastructures de transport, même si on peut parfois considérer que, ici ou là, sa contribution n’est pas suffisante.

Ce que nous souhaitons, c’est que la contractualisation se fasse sur cinq, six ou sept ans, un investissement n’étant pas annuel. L’objectif est que l’État puisse accompagner les collectivités. Un ressaut d’endettement peut se produire, c’est tout à fait logique, pour des raisons très concrètes.

Enfin, on ne peut pas faire preuve de schizophrénie et considérer que l’État ne doit s’intéresser ni à la sécurité sociale, gérée par les partenaires sociaux, ni aux collectivités locales, en raison du principe de libre administration, alors que le déficit est celui de toutes les administrations publiques, les APU. Quand nous sommes condamnés, que ce soit par la Commission européenne ou la Cour des comptes, ou quand, au contraire, on nous trouve quelques vertus, à l’instar du Haut Conseil des finances publiques qui a bien voulu souligner la sincérité de notre démarche, parfois même son originalité, ce qui est le cas pour les collectivités locales, c’est au regard de la situation toutes APU et non de la seule situation de l’État. Ce dernier ne représente qu’une branche de nos déficits ou de notre endettement. Si on est responsable à Bruxelles, devant le Parlement et l’opinion publique du déficit toutes administrations publiques confondues, on doit aussi avoir les moyens d’atteindre des objectifs.

Voilà ce que je souhaitais dire, madame la présidente. Nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat lors de l’examen des articles, notamment de ceux qui portent sur les collectivités locales.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

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Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
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