M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l'article.

M. René-Paul Savary. Cet article favorise les droits, notamment à la retraite, des médecins remplaçants et, en tout état de cause, facilite leur affiliation aux régimes d’assurance sociale.

Cette mesure part d’un bon sentiment.

Force est toutefois de constater que les remplaçants ne s’installent pas : ils ont tout intérêt à rester remplaçants toute leur vie, ce qui sera encore plus vrai si leur statut est de nouveau amélioré.

Autrement dit, on va voir apparaître un médecin généraliste ambulatoire, qui ne s’installera pas pour ne pas avoir à embaucher, qui, en cas de difficulté, partira sans avoir à respecter de délai, qui ira là où on lui offrira les meilleures conditions de travail.

Je ne suis pas certain que cette solution réponde réellement aux préoccupations de terrain.

Pour ma part, je pensais que l’on chercherait plutôt à inciter les remplaçants, qui le restent déjà trop longtemps, ce que je déplore, à se stabiliser au bout d’un certain nombre d’années.

Si vous pensez, madame la ministre, que cette mesure peut améliorer la situation, pourquoi pas ? Pour ma part, je souhaite que l’on réfléchisse à ce concept nouveau de médecin généraliste ambulatoire.

Une évaluation du dispositif sera vraisemblablement nécessaire – il en résultera peut-être un exercice nouveau –, mais je n’ai pas l’impression que les esprits soient encore mûrs, en tout cas dans la profession médicale.

Il serait intéressant de savoir si cette proposition émane, par exemple, de l’Ordre des médecins ou si elle a été réclamée par un certain nombre de syndicats, ce dont je ne suis pas sûr.

Je souhaiterais avoir quelques explications, si vous le voulez bien, madame la ministre, sur la motivation d’une telle mesure.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.

Mme Nathalie Goulet. Cet article m’avait complètement échappé.

J’estime, madame le ministre, que c’est une excellente disposition.

En effet, les problèmes que rencontrent les territoires ruraux doivent être réglés de manière urgente. Il n’est plus question d’attendre l’installation pérenne de médecins. Nous n’en avons plus le temps. De fait, dans certaines zones, il n’y a plus de médecins du tout.

À cet égard, faciliter les remplacements est déjà une solution. Certes, cela n’amènera pas plus de médecins, mais, compte tenu de l’urgence de certaines situations, c’est vraiment mieux que rien… Cette demande émanait d'ailleurs d’un certain nombre de médecins.

Je voterai donc cette disposition des deux mains.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame Goulet, s’il n'y a pas de médecins, il ne peut pas y avoir de remplaçants. C’est un autre problème.

Madame la ministre, la mesure est intéressante et, bien évidemment, je la voterai.

Toutefois, les documents émanant, en particulier, du conseil de l’Ordre montrent que les médecins s’installent de plus en plus tard : entre 38 et 42 ans plutôt que vers 32 ou 33 ans. En fait, la plupart du temps, les jeunes médecins font des remplacements.

Bien évidemment, cette mesure est intéressante, parce qu’elle va permettre à des jeunes d’aller au contact de la médecine libérale et de savoir ce qu’est une patientèle, c’est-à-dire d’avoir une expérience différente de la médecine hospitalière, mais elle risque aussi de leur faire prendre goût à l’absence de charges : pas de secrétariat à rémunérer, cotisations payées… Tout est avantageux dans le statut du remplaçant. C’est d’ailleurs pour cela que les remplaçants le restent longtemps. Par conséquent, la mesure me paraît à double tranchant.

Il serait peut-être souhaitable que, dans les mois à venir, vous puissiez nous faire une communication sur les avantages qui auront été tirés du dispositif de cet article, que nous allons, de toute façon, voter.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur Savary, vous vous inquiétez de la possibilité que cette mesure favorise des remplacements ad vitam aeternam. Vous avez raison.

Je vous précise qu’elle nous a été inspirée par la difficulté à trouver des remplaçants dont nous ont fait part un certain nombre de médecins, ainsi que par leur volonté d’être remplacés, en zone rurale, par de jeunes collègues, qui ont besoin de découvrir les cabinets libéraux et pourraient bien prendre goût à cet exercice. Je pense notamment aux étudiants non thésés.

Pour favoriser de tels remplacements, il fallait prévoir un dispositif incitatif.

Oui, cette mesure présente des avantages et des inconvénients, mais je pense tout de même qu’aucun médecin n’a intérêt à être remplaçant toute sa vie et à errer de cabinet libéral en cabinet libéral.

Je suis tout à fait disposée à venir rendre compte devant la représentation nationale de l’évolution qu’aura permise l’adoption de cet article.

L’idée était de faire découvrir les cabinets libéraux et la ruralité à des médecins qui, aujourd’hui, recherchent plutôt l’exercice salarié que des remplacements. Elle partait effectivement d’un très bon sentiment.

S’il présente un risque mineur, je pense que ce dispositif sera plutôt porteur dans le cadre de la lutte contre les déserts médicaux.

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 ter.

(L'article 16 ter est adopté.)

Article 16 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Article 17

Article 16 quater (nouveau)

I. – Le 2° de l’article L. 5551-1 du code des transports est ainsi rédigé :

« 2° Dans le respect de la convention du travail maritime, adoptée à Genève le 7 février 2006, les gens de mer résidant en France de manière stable et régulière et embarqués sur un navire battant pavillon d’un État étranger autre qu’un navire mentionné à l’article L. 5561-1 du présent code, s’ils remplissent les conditions suivantes :

« a) Ne pas relever du 34° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale ;

« b) Ne pas être soumis à la législation de sécurité sociale d’un État étranger en application des règlements de l’Union européenne ou d’accords internationaux de sécurité sociale conclus avec la France ;

« c) Ne pas être couverts par une protection sociale au moins équivalente à celle prévue à l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2018.

III. – L’affiliation à un régime d’assurance vieillesse des gens de mer affiliés au 31 décembre 2017 en application du 2° de l’article L. 5551-1 du code des transports, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du présent article, ne peut être remise en cause qu’à leur demande expresse et dès lors qu’ils sont couverts par une protection sociale au sens du c du 2° du même article L. 5551-1, dans sa rédaction résultant du présent article.

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer le mot :

affiliés

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s'agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 quater, modifié.

(L'article 16 quater est adopté.)

Article 16 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Articles additionnels après l'article 17

Article 17

Le titre II du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le début du troisième alinéa de l’article L. 224-5 est ainsi rédigé : « Sous réserve du 8° de l’article L. 225-1-1, elle peut assurer… (le reste sans changement). » ;

2° L’article L. 225-1-1 est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° D’assurer, en matière de marchés publics de services bancaires, la fonction de centrale d’achat, au sens de l’article 26 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, pour le compte des caisses nationales et des organismes locaux du régime général. » – (Adopté.)

Article 17
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Article 18

Articles additionnels après l’article 17

M. le président. L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mmes Gruny, Di Folco et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Savary, Mme Lopez, MM. Chaize, Bonhomme et Dallier, Mme Imbert, MM. Vaspart, D. Laurent, Paccaud et Gilles, Mme Lamure, MM. Kennel, B. Fournier, Mandelli, Mouiller, Bazin, del Picchia et Revet, Mmes Malet, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Bonne et Lefèvre, Mmes Estrosi Sassone et Canayer, MM. Genest et Longuet, Mme Micouleau, MM. Paul et Frassa, Mmes L. Darcos et Deromedi et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 213-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au sein de chaque union de recouvrement est désigné pour chaque cotisant un interlocuteur dont la mission est de faciliter les démarches sociales des entreprises et de les conseiller. Les réponses de cet interlocuteur, qui se doivent d’être précises, motivées et fournies dans un délai compatible avec les nécessités de l’entreprise, engagent l’union de recouvrement. Les modalités d’application des présentes dispositions, et notamment les conditions suivant lesquelles le cotisant a connaissance du nom ainsi que des coordonnées de son interlocuteur, sont précisées par décret. » ;

2° La section 3 bis du chapitre 3 du titre 4 du livre 2 est complétée par un article L. 243-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 243-6- – Les réclamations concernant les relations d’un organisme de recouvrement avec ses usagers sont reçues par une personne désignée par le directeur, après avis du conseil au sein de cet organisme, afin d’exercer la fonction de conciliateur pour le compte de celui-ci. Son intervention ne peut pas être demandée si une procédure a été engagée devant une juridiction compétente par l’usager la sollicitant. L’engagement d’une telle procédure met fin à la conciliation. Seul le cotisant peut demander l’intervention d’un conciliateur auprès de l’organisme de recouvrement dont il dépend. Le rôle et les pouvoirs du conciliateur sont fixés par décret. Ces dispositions ne trouvent pas application en cas de contrôle diligenté conformément à l’article L. 243-7 du présent code. » ;

3° L’article L. 243-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de difficultés rencontrées au cours de la vérification, le cotisant a la faculté de s’adresser à l’interlocuteur désigné par le directeur de l’organisme, après avis du conseil au sein de cet organisme, et dont les références lui sont indiquées dès le début des opérations de contrôle. »

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Aujourd’hui, en cas de contrôle, le cotisant est seul face à l’inspecteur. Certes, une procédure contradictoire a été prévue, mais elle a lieu devant le même inspecteur, qui changera rarement d’avis. Il serait donc judicieux de créer les conditions d’un véritable dialogue.

De même, on constate trop souvent un manque de réactivité des organismes à la suite de demandes, parfois pressantes, des entreprises, comme en matière de délais de paiement.

Dans tous ces cas, il convient d’améliorer le dialogue et de faire en sorte que les organismes jouent pleinement leur rôle de conseil.

Les textes doivent être améliorés sur trois points : la création d’un interlocuteur en cas de contrôle qui pourra intervenir en cas de difficultés, comme cela existe en matière fiscale ; la création d’un conciliateur hors cas de contrôle et dans le cadre de réclamations d’un usager ; la désignation d’un interlocuteur pour les entreprises, dont la mission sera de conseiller et de faciliter les démarches sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour ce qui est de la mission de rescrit social visée par le 1°, le dispositif de l’amendement est déjà satisfait par l’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale qui détaille les modalités du rescrit social qu’exercent l’ensemble des organismes de recouvrement et l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

La mission de médiation visée par le 2° relève manifestement du domaine réglementaire.

Néanmoins, puisqu’il semblerait, madame la ministre, que les modalités d’exécution du rescrit social soient moins souples que celles du rescrit fiscal, je demande, au nom de la commission, l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. L’amendement tend à la désignation, au sein des URSSAF, d’un interlocuteur spécifique pour répondre aux différents besoins des cotisants.

Madame Gruny, nous partageons bien évidemment votre préoccupation de renforcer le dialogue et la confiance entre les entreprises et l’URSSAF au-delà des dispositions existantes, mais nous ne sommes pas favorables à votre amendement.

En effet, celui-ci nous paraît satisfait par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

Les informations sur les mesures mises en œuvre en matière de relations avec les entreprises et les organismes sont détaillées en annexe au présent projet de loi.

Ainsi, à l’occasion d’un contrôle, le cotisant peut opposer à l’URSSAF la charte du cotisant contrôlé qui détaille, de manière concrète, l’exercice des droits du cotisant.

En cas de différend avec l’organisme, un système de médiation est en train d’être mis en œuvre. Ce dispositif figurera dans le projet de loi visant à améliorer les relations entre l’administration et le public qui est en cours d’élaboration et qui vous sera soumis dans les prochaines semaines. Ce projet de loi prévoit notamment l’instauration de la fonction de médiateur au sein de chaque URSSAF, à l’instar de dispositifs déjà expérimentés au sein de plusieurs URSSAF ou institutionnalisés dans d’autres branches du régime général de la MSA ou du RSI. Cette fonction s’ajoute aux dispositifs déjà existants de traitement des réclamations.

Enfin, en matière de conseil et d’accompagnement, les procédures de rescrit permettent à l’entreprise d’interroger l’URSSAF sur les règles applicables et d’obtenir une réponse écrite et opposable, à l’instar du dispositif existant dans le domaine fiscal.

Au demeurant, les questions d’organisation interne ne sont pas du domaine de la loi et exigent une approche plus précise et plus fine en fonction des situations. C’est d'ailleurs ce qui est prévu dans le cadre du contrat pluriannuel en préparation entre l’État et la branche recouvrement.

Les pouvoirs publics favoriseront la personnalisation de la relation entre les cotisants et les URSSAF, notamment par la désignation d’un interlocuteur unique pour les catégories de cotisants qui en ont le plus besoin ou à l’occasion d’un événement le justifiant.

En conclusion, les objectifs poursuivis au travers de votre amendement sont ou vont donc être très prochainement satisfaits dans les termes et selon les modalités que je viens d’exposer.

Le Gouvernement sollicite par conséquent le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Gruny, l'amendement n° 19 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Pascale Gruny. Je vais vous faire confiance, madame la ministre.

Si je vous ai bien comprise, vous n’êtes pas opposée au dispositif de mon amendement. Au contraire, vous travaillez à sa mise en œuvre.

J’espère que vous avez entendu ce que beaucoup d’entreprises demandent : alors que, en matière fiscale, une vraie discussion s’engage systématiquement, en matière sociale, elles ont toujours affaire au même contrôleur de l’URSSAF, qui, dans son interprétation de la loi, exercice bien souvent difficile, ne change pas d’avis.

À l’heure où l’on entend parler de droit à l’erreur et de conseil, je suis satisfaite de ce que vous venez de dire et je suivrai avec attention ce que vous allez faire.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 19 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mmes Gruny, Di Folco et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Savary, Mme Lopez, MM. Chaize, Bonhomme et Dallier, Mme Imbert, MM. Vaspart, D. Laurent, Paccaud et Gilles, Mme Lamure, MM. Kennel, B. Fournier, Mandelli, Mayet, Mouiller, Bazin, del Picchia et Revet, Mmes Malet, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Bonne et Lefèvre, Mmes Estrosi Sassone et Canayer, M. Longuet, Mme Micouleau, MM. Paul et Frassa, Mmes L. Darcos et Deromedi et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 243-7-… ainsi rédigé :

« Art. L. 243-7-… – Lorsque le contrôle est effectué au sein de l’entreprise, les documents ou supports d’information ne peuvent être emportés par l’inspecteur à l’organisme qu’après autorisation du cotisant.

« Le cotisant doit avoir la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec l’inspecteur du recouvrement sous peine d’irrégularité de la procédure de contrôle. »

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Les rapports entre URSSAF et entreprises ont toujours été marqués d’une certaine méfiance. Il convient de les améliorer.

Certes, on ne peut nier les progrès réalisés en la matière, mais beaucoup reste à faire pour rétablir de véritables et nécessaires relations de confiance.

Dans le cadre de la procédure de contrôle, cet amendement tend, à ce stade, à la mise en place de deux mesures simples.

Les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale traitent du contrôle sur place. Elles concernent la majorité des contrôles effectués par les URSSAF. Or, faute de position claire de la loi ou de la jurisprudence, on constate certaines pratiques d’emport de documents qui se concilient difficilement avec la notion de vérification sur place et avec le respect de la procédure contradictoire.

La notion d’emport de documents peut revêtir plusieurs aspects. Le problème est que cette procédure, pour le moins rapide, ne respecte pas le caractère oral et contradictoire du contrôle.

Cet amendement vise à éviter de nombreux contentieux, lesquels sont de plus en plus fréquents.

Une clarification des textes mériterait d’être apportée, dans un souci de transparence.

Un début de solution pourrait être trouvé dans le domaine du contrôle fiscal. Un arrêt de principe du Conseil d'État rendu en la matière le 21 mai 1976 a défini les trois conditions strictes et cumulatives permettant le déplacement de tout ou partie de la comptabilité des contribuables, sachant que le non-respect de ces dernières entraîne l'irrégularité de la vérification : certaines formalités – une demande écrite du contribuable et la délivrance d'un reçu par le vérificateur – doivent être remplies préalablement à l'emport des documents ; le déplacement des documents comptables ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable du débat oral et contradictoire auquel il a droit ; la restitution des documents doit intervenir avant la clôture des opérations de contrôle.

Ainsi, en matière de contrôle par les URSSAF, il pourrait être tout simplement rappelé que, lorsque le contrôle est effectué au sein de l’entreprise, les documents ou supports d’information ne peuvent être emportés par l’inspecteur à l’organisme qu’après autorisation du cotisant.

En outre, il convient de rappeler que, dans tous les cas, le cotisant doit avoir la possibilité d’un débat oral et contradictoire avec l’inspecteur du recouvrement, sous peine d’irrégularité de la procédure de contrôle. Il s’agit ici d’un rappel solennel, qui doit, dans l’intérêt des parties, être clairement inscrit dans les textes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme Gruny a clairement exprimé l’objet de cet amendement.

Même si les conditions d’exercice du contrôle semblent suffisamment préserver les droits des cotisants, je demande l’avis du Gouvernement sur cette question, qui semble toucher au droit de propriété des chefs d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Vous proposez, madame Gruny, d’interdire d’emporter des documents et de rendre obligatoire le débat oral et contradictoire.

Pour ce qui concerne le premier point, je rappelle que les services de contrôle ne disposent que des documents qu’ils ont demandés et qui leur ont été remis par les personnes contrôlées. La jurisprudence a toujours sanctionné le fait de se saisir de documents sans l’accord du cotisant.

Par ailleurs, l’article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les copies des documents remis doivent être détruites avant l’engagement de la mise en recouvrement.

Le dispositif de votre amendement ne me semble donc pas nécessaire sur ce point.

S’agissant du second point, le code de la sécurité sociale prévoit que le cotisant peut se faire assister de la personne de son choix pendant le contrôle.

D’ailleurs, l’obligation de dialogue est déjà imposée tout au long du contrôle, notamment avant l’envoi de la lettre d’observation. La charte du contrôle, opposable aux inspecteurs depuis l’année dernière, précise en détail les modalités de ces échanges.

Au contraire, l’adoption de votre amendement créerait une nouvelle obligation, sous peine d’irrégularité de la procédure, qui nous semble peu claire, puisque l’expression « débat oral et contradictoire » que vous employez paraît davantage faire référence à la phase du contradictoire postérieure aux conclusions du contrôle.

Il nous semble donc risqué pour la validité des procédures de contrôle et source de confusion d’édicter une règle aussi générale, alors que les dispositions actuelles obligent déjà les inspecteurs à répondre aux demandes des personnes qu’ils contrôlent.

Hormis ces remarques sur le fond, sachez que nous allons très prochainement présenter devant la représentation nationale ce que nous appelons le projet de loi Droit à l’erreur, qui s’intitulera, en réalité, Pour un État au service d’une société de confiance. Il nous semble que c’est plutôt dans ce cadre que devraient être discutées les dispositions de l’ensemble de ces amendements.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Gruny, l'amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu du travail qui va s’engager.

M. le président. L'amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mmes Gruny, Di Folco et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Savary, Mme Lopez, MM. Chaize, Bonhomme et Dallier, Mme Imbert, MM. Vaspart, D. Laurent, Paccaud et Gilles, Mme Lamure, MM. Kennel, B. Fournier, Mandelli, Mayet, Mouiller, Bazin, del Picchia, Revet et Retailleau, Mmes Malet, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Bonne et Lefèvre, Mmes Estrosi Sassone et Canayer, MM. Genest et Longuet, Mme Micouleau, MM. Paul et Frassa, Mmes L. Darcos et Deromedi et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 243-13 du code de la sécurité sociale, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinquante ».

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Selon l’article L. 243-13 du code de la sécurité sociale, les contrôles visant les entreprises versant des rémunérations à moins de 10 salariés ou les travailleurs indépendants ne peuvent s'étendre sur une période supérieure à trois mois, comprise entre le début effectif du contrôle et la lettre d'observations. Toutefois, ce principe est entouré de beaucoup d’exceptions.

À une heure où l'on cherche à valoriser les PME, cette disposition devrait être élargie pour concerner les entreprises de moins de 50 salariés.

Il s’agit donc de modifier le seuil en vigueur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. D’une part, le délai de trois mois nous paraît un peu court pour réaliser l’ensemble des étapes de contrôle des entreprises employant plus de 10 salariés.

Au-delà, nous allons vous soumettre très prochainement un projet de loi ambitieux visant à améliorer le dialogue et la confiance entre l’administration et ses usagers, dont je viens de parler. Nous vous proposerons, dans ce cadre, une expérimentation d’ampleur engageant les administrations à coordonner leurs contrôles, de sorte que la durée totale de ces derniers ne pourra excéder neuf mois.

L’expérimentation pourra durer trois ans. Elle pourrait bénéficier à 1 million de PME dans deux grandes régions, les PME étant définies comme des entreprises de moins de 250 salariés.

Vous le voyez, madame la sénatrice, nous avons l’ambition de travailler sur ces sujets.

Pour l’instant, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Gruny, l'amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Pascale Gruny. Oui, monsieur le président.

Un délai de trois mois me paraît largement suffisant pour une PME de moins de 50 salariés.

Au demeurant, presque tous les contrôles actuellement effectués durent d'ores et déjà moins de trois mois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mmes Gruny, Di Folco et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Savary, Mme Lopez, MM. Chaize, Bonhomme et Dallier, Mme Imbert, MM. Vaspart, D. Laurent, Paccaud et Gilles, Mmes Garriaud-Maylam et Lamure, MM. Kennel, B. Fournier, Mandelli, Mayet, Mouiller, Bazin, del Picchia, Revet et Retailleau, Mme Malet, M. Bonne, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes Estrosi Sassone et Canayer, MM. Genest et Longuet, Mme Micouleau, MM. Paul et Frassa, Mmes L. Darcos et Deromedi et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et pour une durée maximum de 6 mois ».

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. À l’issue d’un contrôle, l’agent chargé de celui-ci adresse à la personne contrôlée une lettre mentionnant, s’il y a lieu, les observations constatées au cours du contrôle et engageant la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure. Le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard est alors « suspendu pendant la période contradictoire ».

Toutefois, la durée de suspension de ce délai n’est pas précisée. Cela ne contribue ni à la transparence ni à la sécurité juridique.

Une entreprise contrôlée est en droit de recevoir les résultats du contrôle dans un délai raisonnable. Or la disposition introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ne va pas dans ce sens et n’incite guère les organismes à « presser le mouvement », puisque toute la période depuis les observations jusqu'à la mise en demeure est suspendue. La loi est justement là pour prévenir les abus.

Il importe donc de prévoir que le délai de prescription des cotisations, contributions, majorations et pénalités de retard soit suspendu pendant la période contradictoire et pour une durée maximale de six mois.