M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la mission « Pouvoirs publics ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes au régime des trois minutes. Trois minutes,…

M. Antoine Lefèvre. C’est peu…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. … c’est assez peu.

M. Antoine Lefèvre. … surtout pour Jean-Pierre Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Certains pensent d’ailleurs que, moins il y a de débats parlementaires et moins il y a de temps, mieux c’est, finalement. Or, quand on aime le Parlement, on rêve de l’époque où Robert Badinter multipliait par deux son temps de parole sans qu’aucun président de séance n’osât l’interrompre.

M. Antoine Lefèvre. Ça laisse rêveur !

M. Richard Yung. Ces temps sont révolus !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. La force du débat n’est pas toujours déterminée, mes chers collègues, par le chronomètre.

Le budget de l’Élysée, la présidence de la République, s’élève à 103 millions d’euros pour 2018, contre 100 millions d’euros l'année dernière et 109 millions d’euros en 2012. Nous sommes donc passés de 109 millions d’euros en 2012 à 100 millions d’euros en 2017. À cet égard, je rends hommage au président François Hollande (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), qui a fait preuve d’une vertu, d’une maîtrise des finances qui doit être saluée !

M. Antoine Lefèvre. Pour l’ensemble de ses travaux !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Vous me rétorquerez que les crédits augmentent cette année de 3 millions d’euros. Avec la commission des lois, je soutiens cette augmentation, car elle s’explique exclusivement par des questions de sécurité qui sont dirimantes. Il est très important que les contacts entre l’Élysée et l’ensemble des chefs d’États étrangers soient sécurisés et que, en tout lieu du globe, le chef de l’État puisse avoir des relations avec les forces stratégiques et avec les armées.

Vous le savez, une guerre considérable sévit sur la planète dans le domaine du cryptage et du décryptage. À cet égard, les décisions qui ont été prises, et qui figurent dans le rapport, m’apparaissent absolument responsables et nécessaires. C’est pourquoi nous soutenons le budget de l’Élysée et son augmentation, étant entendu que, dans d’autres domaines, la maîtrise des dépenses se poursuit.

Le budget des assemblées parlementaires reste stable en euros courants, eu égard au fait que chaque assemblée doit faire appel à ce que l’on appelle ses « disponibilités », c'est-à-dire aux réserves, ce qui n’est pas une solution pérenne.

Quant au budget du Conseil constitutionnel, Mme Lavarde l’a dit, il est pratiquement constant par rapport à l’antépénultième exercice. Cette année a été marquée par trois élections nationales – l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections sénatoriales –, lesquelles ont entraîné des dépenses qui n’auront pas lieu en 2018.

Le président du Conseil constitutionnel a développé les relations internationales, notamment avec les pays francophones, la Cour constitutionnelle allemande et les pays de l’Europe du Sud. Nous soutenons ces actions, ainsi que tous les efforts visant à mieux faire connaître l’action du Conseil constitutionnel et l’accès au droit, notamment auprès des jeunes. Nous insistons toutefois sur le fait que ces actions doivent s’inscrire dans le respect du principe de maîtrise des dépenses.

Enfin, monsieur le président, pour ce qui est de la Cour de justice de la République, j’espère que bientôt nous n’en parlerons plus, parce que l’on aura trouvé un meilleur dispositif. Accessoirement, j’indique que le coût des locaux de cette institution reste important.

Mes chers collègues, je n’ai dépassé que très modérément (Rires sur de nombreuses travées.), trop modérément le temps qui m’était imparti. Je comprends dans ces circonstances l’indulgence de M. le président. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En marche. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. Le dépassement est très léger en valeur absolue, mais très élevé en pourcentage ! Tout est relatif…

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Kanner, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Monsieur le président, j’espère que vous serez aussi tolérant avec moi, mais je vous rassure, mon discours étant écrit, il me sera plus facile de respecter mon temps de parole.

Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, pour l’exercice 2018, les juridictions administratives et les juridictions financières bénéficient, il faut le constater, d’une hausse de leurs budgets. Je vous invite cependant à ne pas vous arrêter aux apparences, qui pourraient laisser penser que ces juridictions jouissent de situations privilégiées dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons.

Les crédits supplémentaires alloués aux juridictions administratives sont en réalité destinés essentiellement, comme l’a dit voilà quelques instants le rapporteur spécial, à la Cour nationale du droit d’asile, qui est confrontée à une progression importante, pour ne pas dire exponentielle, du nombre de ses entrées. Cette augmentation des effectifs pourrait pourtant être insuffisante, car les 51 nouveaux emplois fléchés permettent la création, ce qui est bien, de deux chambres, soit une capacité de traitement de 7 000 affaires par an. Or, selon la présidente de la Cour nationale du droit d’asile que j’ai rencontré lundi dernier, l’augmentation des entrées pour 2018 représenterait, selon les estimations, 11 000 affaires supplémentaires.

J’évoquerai maintenant les juridictions administratives de droit commun. Les délais de jugement inférieurs à un an qui sont affichés cachent une tout autre réalité. Si l’on retire du calcul les procédures d’urgence, encadrées dans des délais contraints, ces délais sont nettement plus longs en moyenne. Ils sont ainsi de un an, huit mois et vingt-deux jours pour les tribunaux administratifs.

Pour faire face à la pression contentieuse, les juridictions administratives ont engagé de nombreuses réformes de procédure. Tant mieux ! Elles ont ainsi développé les téléprocédures ou multiplié les procédures à juge unique par exemple. Mes chers collègues, il semble difficile d’aller plus loin sans porter atteinte à la qualité des décisions de justice.

La commission des lois vous propose d’autres pistes d’amélioration. Elle propose ainsi d’engager une réflexion sur le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle, dans le prolongement des travaux de notre assemblée sur le redressement de la justice, en veillant cependant, et je pense que vous y serez sensibles, à préserver l’accès à la justice des publics socialement les plus fragiles. La commission propose également le renforcement de l’équipe du magistrat, en s’inspirant du statut des juristes assistants qui interviennent auprès des juges judiciaires de notre pays.

Quant aux crédits alloués aux juridictions financières, ils sont à peine suffisants pour leur permettre d’atteindre le plafond d’emplois fixé depuis 2010, alors même qu’elles assument des missions toujours plus nombreuses. Ces juridictions ont désormais un véritable rôle d’accompagnement des collectivités territoriales, ce qui rend nécessaire l’adaptation de leurs outils de travail. Il serait ainsi pertinent de leur permettre de contrôler des politiques locales thématiques faisant intervenir une pluralité d’entités différentes.

En conclusion, malgré le volontarisme et le professionnalisme que j’ai pu constater et dont font preuve les magistrats et les personnels des juridictions, le constat est sans appel : les gisements de productivité, à effectifs constants, sont épuisés.

Dès lors, aucune nouvelle compétence ne devra désormais être attribuée sans une évaluation sérieuse de ses effets sur l’activité de ces juridictions et sans l’allocation de moyens suffisants, sous peine de mettre leur fonctionnement en péril et de porter atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.

Au bénéfice de ces observations, mais aussi de ces inquiétudes, la commission des lois est favorable à l’adoption des crédits des programmes « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Véronique Guillotin et M. Yvon Collin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative » regroupent trois programmes.

Le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », comprend principalement le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale, le Secrétariat général du gouvernement, le secrétariat général des affaires européennes, ou SGAE, et le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique.

Le programme 308, qui est important, regroupe les budgets des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et libertés.

Vient enfin le programme 333, Moyens mutualisés des administrations déconcentrées.

C’est globalement un budget de 1,6 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,5 milliard d’euros en crédits de paiement. Il est proposé dans un souci de maîtrise des finances publiques et tire bénéfice d’un certain nombre de mutualisations. Je pense ainsi aux effets de l’opération immobilière Ségur-Fontenoy, qui a permis depuis deux ans le regroupement progressif d’un certain nombre d’administrations.

Je souhaite maintenant vous inviter à la vigilance sur certains points de ces programmes.

J’évoquerai d’abord l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, intégrée au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN. Son rôle est d’accompagner les administrations dans la défense de leurs systèmes informatiques. C’est une priorité vitale pour la France.

Nous l’avons vu cette année, les intérêts vitaux de l’Ukraine ont fait l’objet de cyberattaques. Indirectement, un certain nombre d’entreprises françaises ont été impactées par ces attaques, pour un coût ayant représenté plusieurs millions d’euros. Il est donc important que nous ayons un budget sérieux dans ce domaine.

L’ANSSI a besoin de moyens pour recruter des compétences. Elle doit avoir la capacité d’intervenir dans toutes les administrations. J’ai encore le souvenir douloureux de l’impossibilité pour les Français de l’étranger de voter par internet cette année, la sécurité étant insuffisante. L’ANSSI, dont le budget est en légère augmentation, doit à mon sens être une priorité très importante dans les années à venir.

Le secrétariat général des affaires européennes, le SGAE, dont le rôle sera de défendre les positions françaises au moment du Brexit, doit disposer des moyens adaptés aux ambitions de la France pour l’Europe et en Europe.

J’en viens aux autorités administratives indépendantes, qui sont des contre-pouvoirs indispensables dans une société demandant de plus en plus de technicité.

Je tiens ici à rendre un hommage particulier à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. J’ai voté contre la loi relative au renseignement il y a quelques années, mais cette commission, qui dispose des moyens de travailler correctement, rend crédibles les dispositions mises en place dans cette loi.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, fera l’objet l’année prochaine d’une profonde modification compte tenu de la mise en œuvre du nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, règlement que nous devrons transposer au début de l’année prochaine.

Le Défenseur des droits, essentiel pour lutter contre les discriminations, aura comme rôle nouveau de protéger les lanceurs d’alerte.

Enfin, je n’évoquerai ni le contrôleur général des lieux privatifs de liberté ni le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la réduction du nombre de membres des cabinets ministériels. Certes, il peut sembler intéressant d’un point de vue théorique de créer un lien plus direct entre les ministres et les administrations, mais nous n’avons pas l’impression que cette idée du nouvel exécutif fonctionne réellement bien aujourd’hui, pour les contacts avec les élus, mais aussi, parfois, en interministériel.

Une note du directeur de cabinet du Premier ministre, que j’ai intégrée à mon rapport, encadre quelque peu le nouveau fonctionnement des administrations, lequel diffère un peu de nos traditions. Il faut veiller à ce que l’administration n’évolue pas vers un moindre contrôle politique et ne fonctionne pas un peu trop sur elle-même. Sinon, cela risque de heurter notre histoire et de nuire au contrôle démocratique sur l’administration.

Monsieur le secrétaire d’État, sous ces réserves, la commission des lois a émis un avis favorable sur ces crédits. Elle vous demande de veiller à tous ces points, au budget des administrations des autorités administratives indépendantes et de faire en sorte que la réduction du nombre de membres des cabinets ministériels permette quand même à l’État de fonctionner correctement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les budgets de trois missions et un budget annexe.

Les missions « Pouvoirs publics » et « Conseil et contrôle de l’État » appelleront peu de remarques de ma part. Je relève néanmoins que, si les budgets du Sénat et de l’Assemblée nationale sont stables, celui de la présidence de la République progresse de 3 % pour atteindre 103 millions d’euros, alors qu’il stagnait à 100 millions d’euros les années précédentes. Bien que cette hausse soit justifiée par un renforcement nécessaire de la sécurité et la création de la Task Force, en même temps, je crois aux vertus de l’exemplarité, y compris au plus haut sommet de l’État.

Depuis leur création en 1999, les chaînes parlementaires LCP et Public Sénat figurent également dans la mission « Pouvoirs publics ». Leur fusion, propice à la rationalisation, est une évolution que nous soutenons.

Nous accueillons également favorablement la proposition de suppression de la Cour de justice de la République, annoncée par le Président de la République en juillet dernier. Son budget de 861 000 euros apparaît excessif au regard du faible nombre de décisions rendues. En outre, le maintien d’une juridiction d’exception pour les membres du Gouvernement ne peut plus être aujourd'hui compris par nos concitoyens.

Au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », on observe que l’augmentation des effectifs est concentrée sur les organes de sécurité.

Les autorités administratives indépendantes et les services du secteur de la protection des libertés connaissent cependant une stabilisation, voire une diminution de leurs effectifs, ce que nous regrettons. Ainsi, le Défenseur des droits perd cinq ETP, équivalents temps plein.

J’en viens maintenant à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, qui conserve des effectifs stables. Ses deux opérateurs, le Centre interministériel de formation anti-drogue et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, conservent aussi leurs crédits. Nous en sommes satisfaits.

Mon intervention sera centrée sur cette mission.

La MILDECA a pour objectif, grâce à un dispositif transversal, de coordonner les actions à l’échelle nationale. Il est question bien sûr de budget, mais c’est surtout la situation des addictions en France et son évolution qui nous intéressent tous, je crois.

La liste des produits concernés est consultable sur le site internet de la MILDECA – tabac, alcools, stupéfiants, psycho-actifs –, mais le champ des addictions est plus large et s’étend aux addictions sans produits, comme la dépendance aux jeux – jeux d’argent et jeux de hasard – ou aux écrans. Bref, il s’agit d’un problème de comportement, plus que d’un problème lié à l’objet de la dépendance lui-même.

Je ne reviendrai pas en détail sur le tabac, qui a nourri les débats au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et dont personne n’ignore les effets délétères sur la santé, la mortalité évitable et l’impact des pathologies induites sur les comptes sociaux.

Malgré les plans gouvernementaux successifs, la situation de la France vis-à-vis du tabac reste préoccupante. Il en est de même pour l’alcool. Pour ces deux substances, la France caracole dans le peloton de tête des pays de l’OCDE.

Je suis favorable à la hausse des taxes sur le tabac inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à condition, comme je l’ai déjà dit et comme s’y est engagée Mme la ministre des solidarités et de la santé, qu’elle soit accompagnée de mesures de prévention et de lutte contre la contrebande.

Le cannabis, quant à lui, reste de loin le stupéfiant le plus consommé. Il est encore trop souvent banalisé. Pourtant, il est prouvé qu’il est un produit dangereux, responsable de troubles de l’attention, de la mémoire, de baisse de motivation, et que sa consommation constitue un risque non négligeable de décompensation de pathologies psychiatriques. Il doit rester, à mon avis, un produit illicite.

Force est toutefois de reconnaître que la réponse pénale à l’usage de stupéfiants – je parle bien d’usage – n’est plus adaptée : depuis 1970, la peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende n’est presque jamais appliquée, ce qui donne un sentiment d’impunité aux consommateurs et d’impuissance aux pouvoirs publics. Les résultats, en plus, ne sont pas au rendez-vous.

La contraventionnalisation de l’usage, comme l’a proposé le Président de la République, sans levée de l’interdit, est un débat qui mérite d’être engagé.

Quelques minutes pour évoquer ces trois missions, c’est un peu court pour être exhaustive. Sur la MILDECA, je vous renvoie donc à l’excellent rapport détaillé de Chantal Deseyne, au nom de la commission des affaires sociales, rapport que je partage pour l’essentiel.

Pour conclure, je déplore les baisses de financement qui se poursuivent dans cette mission, lesquelles atteignent 25 % depuis 2012. Ces baisses posent la question des moyens alloués face à l’ampleur des phénomènes d’addiction.

Eu égard aux enjeux, un Grenelle de la prévention remplacerait avantageusement l’empilement des mesures successives relevé par la rapporteur.

Je finirai par une proposition : 90 % du produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogues sont reversés aux services enquêteurs, 10 % seulement sont consacrés à la prévention, via la MILDECA. J’invite le Gouvernement à moduler si possible cette répartition. Ce serait un signal fort en faveur de la lutte contre les dépendances, car, si les équilibres budgétaires et la sécurité sont importants, nous ne le nions pas, la santé de la population l’est tout autant.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Véronique Guillotin. Plus de prévention, c’est in fine moins de soins et des économies réalisées. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Michelle Meunier et Nadia Sollogoub ainsi que MM. Joël Bigot, François Patriat, Richard Yung et Michel Laugier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de regretter la fusion de ses trois missions dans une discussion commune, compte tenu notamment de l’importance des programmes qui composent la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». En cinq minutes, je ne mettrai l’accent que sur certains programmes et ferai bien évidemment l’impasse sur les autres.

J’évoquerai tout d’abord la mission « Pouvoirs publics ». Aujourd'hui, cela a déjà été dit, le Parlement est un peu mis à la diète. Or l’inflation législative et la nouvelle façon envisagée de travailler en commission exigeraient des moyens supplémentaires. De toute évidence, les dotations des petits groupes ne permettent pas – et je sais de quoi je parle ! – un travail à la hauteur des changements en cours et des exigences constitutionnelles. La question des moyens doit être au centre d’une nécessaire revalorisation du Parlement.

J’évoquerai ensuite la dotation de la Cour de justice de la République. Le coût des locaux de cette institution est bien trop élevé, sachant en outre que cette institution est en sursis, comme l’a annoncé le Président de la République lors du Congrès à Versailles au mois de juillet dernier. Pour notre part, nous soutenons la proposition de renvoi des membres du Gouvernement devant les juridictions de droit commun.

J’en viens à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Nous saluons, dans le programme 165, l’augmentation de 2 millions d’euros des crédits de la Cour nationale du droit d’asile et la création de 51 équivalents temps plein. Cet effort budgétaire est nécessaire dans le contexte de la crise migratoire que nous connaissons, bien qu’il soit loin d’être proportionnel à la hausse de 30 % des recours devant cette juridiction.

En revanche, le programme 126, « Conseil économique, social et environnemental », pose question. Les missions actuellement attribuées à cette instance justifient-elles le budget colossal qui lui est dédié et qui est sans cesse abondé ? Nous ne le pensons pas. Une réforme de cette institution semble indispensable. L’idée d’une véritable troisième chambre citoyenne a émergé. Encore faut-il qu’elle mûrisse…

Le programme 340, « Haut Conseil des finances publiques », tire les conséquences de l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance européen, que le groupe CRCE n’a cessé de dénoncer. L’existence même d’une telle instance, quel que soit son budget, pose de sérieuses questions s’agissant du respect des principes démocratiques et de la souveraineté budgétaire du Parlement.

Pour finir, j’évoquerai la mission « Direction de l’action gouvernement ». Parallèlement à l’augmentation des moyens alloués à la sécurité, nous devons avoir l’assurance que les droits et libertés fondamentales seront bien respectés, comme l’indique avec justesse M. Leconte dans son rapport. Contrairement à lui, nous pensons que l’équilibre est loin d’être assuré.

Alors que les effectifs de l’ANSSI et du Groupement interministériel de contrôle, le GIC, sont en hausse, nous déplorons que ne soient pas accordés les quelques ETP que souhaitait le Défenseur des droits. Nous le regrettons amèrement compte tenu de l’importance des travaux de cette autorité du programme « Protection des droits et libertés », de rang constitutionnel. Je rappelle qu’elle regroupe les compétences notamment du Médiateur de la République, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, et du Défenseur des enfants.

Dans le contexte d’état d’urgence répété, et compte tenu du renforcement considérable des pouvoirs administratifs de l’État à la suite de l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, les crédits du Défenseur des droits auraient dû être largement renforcés, d’autant que chaque nouvelle loi lui confie de plus en plus de missions et que son champ d’intervention ne cesse donc de s’élargir.

Or, au contraire, que se passe-t-il ? L’activité au siège du Défenseur des droits pourrait être affectée en raison de la précarité des emplois de huit agents, qui sont mis à disposition de l’institution par d’autres organismes. Ces emplois, qui n’entrent pas dans le plafond, mais qui sont rémunérés par le Défenseur des droits, peuvent en effet prendre fin à tout moment.

D’autres crédits auraient dû être renforcés. C’est le cas, cela a été dit, des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, à l’heure où les enjeux, en termes de santé publique, sont considérables sur l’ensemble de notre territoire. De même, les crédits du Contrôleur général des lieux de privation de liberté auraient pu être augmentés. Le Contrôleur général s’inquiète d’une possible régression des droits, perçus par certains comme un « luxe », et craint par exemple une dégradation des droits des étrangers, y compris des mineurs, dans un futur projet de loi relatif à l’immigration.

Finalement, la course au tout-sécuritaire dans laquelle se trouve piégé le Gouvernement se traduit dans ce budget, notamment dans le déséquilibre des dotations. Le renforcement des crédits pour la sécurité intervient au détriment des droits et libertés fondamentales.

Nous ne soutiendrons donc pas les budgets de ces trois missions.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits dédiés aux missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État » et « Direction de l’action du Gouvernement ». Ces missions, qui touchent au cœur du fonctionnement des institutions républicaines, sont stratégiques à plus d’un titre.

J’évoquerai tout d’abord la mission « Pouvoirs publics ». Ses crédits n’augmentent que de 0,08 % entre 2017 et 2018. Le budget des deux assemblées est stabilisé, comme c’est le cas depuis cinq ans : 518 millions d’euros pour l’Assemblée nationale et 323 millions d’euros pour le Sénat, soit plus de 80 % des crédits de la mission. Nous saluons cet effort de modération de la dépense publique, qui ne se fait pas au prix d’une qualité de prestation dégradée. Je pense d’ailleurs que la qualité et le dévouement des fonctionnaires qui nous accompagnent, ici au Sénat, nous le démontrent au quotidien.

Nous estimons néanmoins que, pour l’avenir, la fin du cumul des mandats et la baisse attendue du nombre de parlementaires ne devront pas mettre en péril les ressources qui nous sont nécessaires pour agir : le Parlement ne pourra exercer l’ensemble de ses rôles constitutionnels avec rigueur et efficacité que si on lui conserve les moyens de ses attributions.

En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l’État », nous saluons le rôle fondamental du Haut Conseil des finances publiques, du Conseil économique, social et environnemental, de la Cour des comptes et du Conseil d’État dans la définition, le contrôle et l’analyse des politiques publiques. Les crédits affectés à ces quatre programmes s’établissent à 680 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 665 millions d’euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d’environ 1 % et de 2 %, respectivement.

Cette progression relativement modérée est en continuité avec les lois de finances des années précédentes, mais ne reflète pas à notre sens l’accroissement des missions dont les juridictions administratives, notamment, sont accablées. Le rapport public 2017 du Conseil d’État est à ce titre très instructif. La plus haute juridiction administrative a vu le nombre d’affaires portées devant elle augmenter de 10 % en 2017 par rapport à 2016.

La Cour nationale du droit d’asile a également connu ces dernières années une hausse structurelle de son activité, due à la croissance du contentieux des étrangers. Le Gouvernement a identifié ces points de tension, mais n’y répond que de manière modeste. La crise des migrants et l’inscription de nombreuses dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun nous semblent au contraire appeler un renforcement franc et massif de nos institutions juridictionnelles.

J’en viens à la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Je voudrais, là encore, évoquer plus précisément un service qui contribue de manière importante, bien que méconnue, à la sécurité des Français.

Je veux parler du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui comprend entre autres l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, le Centre de transmissions gouvernemental et le Groupement interministériel de contrôle. La montée en puissance de ces services est réelle ; nous la saluons. Néanmoins, ils demeurent en deçà de leurs homologues britanniques ou allemands, en termes tant d’effectifs que de moyens.

La problématique du recrutement, notamment, est cruciale, comme l’illustre la compétition que doit livrer l’ANSSI avec les géants du web pour attirer les talents dans le domaine de la cybersécurité.

Nous estimons que notre effort de défense passe également par le renforcement de ces agences qui nous permettent de mieux combattre les nouveaux types de menaces, en premier lieu la menace cyber.

Sous réserve de ces quelques interrogations, portant surtout sur les crédits consacrés aux juridictions administratives et aux services de défense rattachés au Premier ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de ces missions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Michèle Vullien ainsi que MM. Yvon Collin et Marc Laménie applaudissent également.)