M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 178, qui constitue le cœur de la mission « Défense », voit ses crédits de paiement augmenter de 10,6 % par rapport à 2017, pour s’établir à 8,4 milliards d’euros.

L’année 2018 marquera le début du « resoclage » budgétaire annoncé des surcoûts des OPEX, pour 125 millions d’euros sur le programme 178. Cela induit, de fait, le basculement du financement des OPEX de l’interministériel vers les armées seules, basculement qui se poursuivra sur la prochaine programmation.

Une telle évolution, si elle améliore la sincérité du budget, diminue aussi la remontée en puissance des moyens des armées. Notre souhait aurait été d’augmenter l’enveloppe budgétaire à due proportion.

L’allocation de 450 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’entretien programmé du matériel en 2018 était un effort nécessaire au vu des besoins immenses. Cet effort doit impérativement être poursuivi dans la prochaine loi de programmation militaire.

Si l’exportation de nos armements permet de maintenir la base industrielle de défense nécessaire à notre souveraineté, il conviendra de prévoir dans la prochaine loi de programmation, contrairement à la précédente, les crédits indispensables au financement des missions de soutien à l’exportation – dites SOUTEX – conduites par les armées et la modulation à la baisse des coûts de l’entretien programmé des matériels supportés par l’armée une fois les objectifs d’exportation des industriels atteints.

Les armées n’ont guère touché les bénéfices des 14 à 17 milliards d’euros d’exportations de ces dernières années, exportations pourtant soutenues par leur performance au combat. La prochaine loi de programmation militaire ne doit pas faire l’économie d’une profonde réflexion sur ces enjeux.

Sous réserve de ces remarques, la commission a adopté les crédits du programme 178.

Comme le dira tout à l’heure Olivier Cigolotti, qui s’exprimera en son nom, et pour aller dans le sens des propos de M. le rapporteur général de la commission des finances et de nos échanges lors de la dernière réunion de la commission des affaires étrangères, le groupe Union Centriste s’associera au choix fait par plusieurs autres groupes de s’abstenir sur ce budget, afin, madame la ministre, de soutenir votre engagement.

Les rapporteurs de cette mission, dont je fais partie, ont tous eu l’occasion de vous rencontrer et d’évoquer cette question avec vous. Par le passé, que ce soit sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin ou, avant, sous celle de M. Jean-Louis Carrère, la commission a adopté, à plusieurs reprises dans des moments difficiles, une attitude de soutien au ministre.

Par conséquent, nous sommes dans un état d’esprit très positif à votre égard, et à l’égard de nos armées et de leur engagement. Mais, sans revenir sur ce qui a été dit précédemment et sera répété tout à l’heure, le meilleur service que nous pouvons vous apporter dans votre combat, c’est d’exprimer cette abstention positive. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Christine Prunaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Préparation et emploi des forces ». Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, l’activité opérationnelle, gage de l’excellence et de la sécurité de nos militaires, reste inférieure aux objectifs fixés de près de 10 %. L’amélioration attendue de la mise en place d’un régime d’entraînement différencié tarde à se concrétiser. La commission le déplore et s’inquiète à ce sujet.

La trop lente remontée de la disponibilité technique opérationnelle, dite DTO, constitue un autre point de vigilance.

La DTO des hélicoptères de l’armée de terre, par exemple, ne permet de remplir que 58 % à 66 % du contrat opérationnel. La DTO des équipements de l’armée de terre est à la peine, tout comme celle des équipements aéronautiques. Il faut poursuivre les efforts rigoureux, trop tardivement entrepris, pour soutenir la lente amélioration des résultats.

L’externalisation complète du maintien en condition opérationnelle, dit MCO, ne semble pas apporter la bonne solution.

Enfin, la commission s’inquiète de l’état des services de soutien, éternels sacrifiés subissant de plein fouet les réductions de personnel. Il est impératif, madame la ministre, de suspendre la déflation des effectifs du service du commissariat des armées, ainsi que du service de santé des armées.

Jean-Marie Bockel et moi-même avons visité ce dernier, et nous avons pu constater que les personnels étaient sur-sollicités, mais entièrement à la disposition des blessés. Ils accordent une très grande valeur à leur travail, mais, même s’il est peut-être exagéré de parler de burn-out, nous les avons sentis poussés extrêmement près de leurs limites.

Ce qui constituait une grande force française pour le déploiement en opérations est apparemment devenu aujourd’hui un talon d’Achille, ces services ne tenant que par le dévouement des personnels. C’est en tout cas notre sentiment.

Il est donc indispensable et urgent de placer les services de soutien au cœur de la réflexion dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire, pour éviter, justement, l’érosion de la capacité de projection de nos armées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial se joignent à ces applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Soutien de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de titre 2 inscrits au programme 212, qui regroupent l’ensemble des crédits du personnel du ministère de la défense, s’établissent pour 2018 à 20,37 milliards d’euros, en hausse de 3,24 % par rapport à 2017.

Cette augmentation, contenue, de la masse salariale traduit plusieurs évolutions, dont nous nous félicitons.

Il en est ainsi de la poursuite de la hausse des effectifs – la progression est de 518 emplois équivalents temps plein –, qui accentue dans un sens favorable la trajectoire approuvée par le Conseil de défense et de sécurité nationale du 6 avril 2016, au bénéfice de la sécurité du territoire, de la cyberdéfense, des services de renseignement et de la protection des emprises militaires.

J’ai également noté la progression de 50,8 millions d’euros des crédits destinés aux réserves, ainsi que la hausse de 75 millions d’euros de l’enveloppe de titre 2 dédiée aux OPEX, dans un effort de « sincérisation » du budget des armées. Il faut néanmoins souligner qu’il s’agit là, en quelque sorte, d’un transfert de la solidarité interministérielle à un financement par le budget de la défense, comme cela a déjà été précisé.

Pour autant, ce projet de budget appelle à mon sens trois mises en garde.

En premier lieu, si la baisse de 35 millions d’euros des crédits destinés à l’accompagnement des restructurations et au financement des aides au départ est justifiée par l’arrêt des déflations, elle ne doit pas occulter la poursuite du processus de transformation de nos armées et la nécessité d’accompagner cette démarche.

En deuxième lieu, s’agissant du volet « rémunérations des militaires », ces derniers, comme l’ensemble des agents publics, pâtiront en 2018 de la suspension du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, et ce alors même qu’ils étaient entrés dans le dispositif avec un an de retard par rapport à la fonction publique.

Nous veillerons à ce que cette mesure d’économie, visant, cette année, à financer une indemnité de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, ne se prolonge pas au-delà de 2018. Naturellement, nous serons aussi attentifs aux effets que pourrait avoir sur les rémunérations des militaires le chantier de la simplification des primes engagé par le ministère, ainsi que le basculement du logiciel Louvois vers le nouveau système de paye Source Solde.

En troisième lieu – il s’agit d’un dernier point d’attention, dont il ne faudrait d’ailleurs pas occulter les effets potentiels sur la masse salariale –, se pose la question de la transposition de la directive européenne sur le temps de travail.

Il faut l’admettre, l’encadrement du temps de travail paraît difficilement compatible avec les spécificités du statut militaire, notamment le principe de libre disposition de la force armée. Cette idée est même en contradiction totale avec l’obligation de disponibilité et l’esprit d’engagement qui caractérisent le métier des armes.

Alors que l’échéance pour transposer la directive approche, la commission des affaires étrangères, sur l’impulsion de son président, s’inquiète légitimement de cette perspective. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment ce dossier évolue et quel dénouement vous entrevoyez ?

Nous espérons en tout cas qu’une solution réaliste et ne mettant pas en cause les fondements de la fonction militaire sera trouvée prochainement. Mais nous savons pouvoir compter sur votre détermination, et je vous en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires étrangères se joint à ces applaudissements)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Gilbert Roger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Soutien de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 212 regroupe aussi, outre les crédits de personnel du ministère, les moyens transversaux de soutien de la politique de défense. Ces moyens connaissent une augmentation significative, d’environ 20 %, principalement liée aux besoins de la politique immobilière, dont les crédits augmentent.

Cette hausse, bienvenue, était même urgente, alors que nous n’avons cessé de souligner, année après année, la dégradation préoccupante de l’état du patrimoine immobilier de la défense et ses effets sur les conditions de vie et le moral des militaires – cela a été rappelé à l’instant.

Nous restons vigilants sur plusieurs points.

En premier lieu, l’augmentation des crédits immobiliers ne permettra, en réalité, qu’un début de rattrapage. Les besoins sont effectivement estimés à environ 2,5 milliards d’euros pour les six prochaines années.

Nous serons également attentifs à ce que l’augmentation en exécution soit inscrite cette fois-ci dans la durée, et sans déformation de l’effort au profit d’autres priorités. Seul un effort soutenu et persistant permettra de changer réellement de cap.

En second lieu, s’agissant des recettes de cessions immobilières, la loi dite Duflot occasionne aujourd’hui d’importantes moins-values pour le budget de la défense : comme vous le savez, madame la ministre, il est question de 25 millions d’euros en deux ans, peut-être même de 50 millions d’euros supplémentaires bientôt avec la vente de la partie centrale de l’îlot Saint-Germain. En contrepartie, la défense a seulement obtenu la réservation de 50 logements sociaux sur 250 : cela nous paraît inadmissible ! Je rappelle qu’il manque au moins 400 logements pour les militaires en région parisienne.

Quant à la vente du bâtiment de l’hôpital du Val-de-Grâce, madame la ministre, ne serait-il pas plus sage – en tout cas, c’est notre avis – d’y renoncer, afin d’assurer à la défense le maintien de surfaces immobilières importantes à l’intérieur de Paris ?

Enfin, le projet Source Solde doit succéder à partir de 2018 au logiciel Louvois, dont on nous dit qu’il serait aujourd'hui sous contrôle. Raison de plus pour ne basculer vers son successeur qu’avec la plus grande prudence et le plus grand discernement. Gardons en mémoire le désastre financier et humain que fut Louvois.

Pour toutes les raisons évoquées par les orateurs précédents, en particulier les 750 millions d’euros qui manquent à ce budget, nous vous invitons, mes chers collègues, à vous abstenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », ne représente que 3 % des crédits de la mission « Défense » avec, en 2018, 1,4 milliard d’euros. Cependant, il est au cœur de la préparation de l’avenir de notre outil de défense, une fonction cruciale !

Depuis 2014, le budget annuel moyen des études amont, qui s’élève à 727 millions d’euros, est en ligne avec l’objectif fixé en la matière par la loi de programmation militaire – la LPM – qui était de 730 millions d’euros. Toutefois, ce budget est insuffisant pour l’avenir. Aussi, nous soutenons votre ambition, madame la ministre, de le porter à hauteur d’un milliard d’euros par an en moyenne dans la prochaine LPM. Et nous y veillerons !

La France est aujourd’hui le pays d’Europe qui consacre le plus important effort budgétaire à sa recherche et développement en matière de défense. Il faut qu’elle le reste. À cet égard, je salue la récente création de Definvest, fonds d’investissement pour soutenir le développement des PME stratégiques pour la défense.

Dans ce contexte positif, nous restons préoccupés par la situation de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA : cette situation s’améliore, mais avec lenteur.

Certes, la gouvernance se trouve à présent entièrement refondée, mais un plan général de rénovation est nécessaire pour maintenir au meilleur niveau les souffleries de l’ONERA, pièce maîtresse de nos grands moyens technologiques. De plus, il faut organiser la rationalisation des implantations franciliennes de l’établissement. Dans ces deux dossiers, les arbitrages financiers nous semblent tarder. Madame la ministre, quel calendrier envisagez-vous ?

Par ailleurs, la situation financière de l’ONERA apparaît encore fragile. L’Office doit certes poursuivre l’adaptation de son offre aux besoins industriels et s’efforcer de mieux valoriser sa recherche, mais, compte tenu notamment de la structure actuelle du marché sur lequel évolue cet établissement, nous sommes inquiets de voir son pilotage déterminé peu ou prou par les économies. Pourriez-vous nous rassurer, madame la ministre, sur le soutien que l’État continuera d’apporter à cet outil essentiel pour la filière aéronautique et spatiale, et qui contribue à faire de la France un des très grands acteurs mondiaux du domaine ?

Pour finir, je dirai un mot sur Djibouti, puisque les crédits du programme 144 financent, entre autres, l’aide versée au titre de l’implantation des forces françaises. Alors que la Chine dispose aujourd’hui à Djibouti de sa première base militaire à l’étranger, il est important de ne pas laisser notre influence décroître dans cette zone stratégique. Madame la ministre, quelles assurances pouvez-vous nous donner sur le sujet ? Je vous remercie par avance de vos réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur spécial applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dernier Livre blanc sur la défense l’avait assuré, la revue stratégique de défense et de sécurité nationale l’a confirmé : dans un monde plus incertain et plus dangereux, la France doit poursuivre ses efforts dans le domaine du renseignement, condition de son autonomie stratégique. Le projet de loi de finances pour 2018 s’inscrit pleinement dans cet objectif.

Première observation, les deux services qui dépendent du ministre des armées, à savoir la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, et la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense, la DRSD, poursuivent la montée en puissance de leurs effectifs.

Pour sa part, la DGSE bénéficie de 822 créations d’emplois sur la période 2014-2019. Depuis 2014, 410 de ces créations de postes ont déjà été réalisées. L’effort principal reste à conduire au cours des deux prochaines années. La DRSD profite, sur la même période, de 534 créations d’emplois, dont seulement 243 ont été réalisées.

La difficulté de recrutement et de fidélisation des personnels, globalement surmontée à la DGSE, tient à la spécificité de certains profils recherchés et à la faiblesse des viviers. La DRSD est confrontée de surcroît à une véritable transformation de son activité et de sa structure d’emplois. Par manque de visibilité – il s’agit d’un petit service –, mais aussi de capacités à proposer des niveaux de rémunération suffisants, elle éprouve des difficultés à assurer cette montée en puissance.

Dans les deux services, la fonction ressources humaines devrait être confortée et des solutions devraient être apportées pour permettre de recruter dans de meilleures conditions. À la suite de missions d’audit, des améliorations sont en cours, mais elles restent timides par rapport aux enjeux. Madame la ministre, quelles solutions pouvez-vous esquisser dans la perspective de la prochaine LPM, qui verra sans doute un nouveau renforcement des effectifs de ces services ?

Deuxième observation, les deux services ont engagé – sur son propre budget pour la DGSE – ou envisagent d’engager – avec le concours et le financement de la direction du patrimoine pour la DRSD – d’importants programmes immobiliers pour héberger à la fois ces nouveaux effectifs et leurs capacités techniques. À cette fin, la DGSE a renforcé son expertise technique. La DRSD cherche, quant à elle, à regrouper ses différentes entités dans un bâtiment unique plus fonctionnel, afin d’améliorer son efficacité et son fonctionnement horizontal. Ce projet sera-t-il soutenu dans la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ?

Troisième et dernière observation, la DRSD a pu répondre non sans difficulté, et avec l’appui des réservistes, à l’explosion des demandes d’habilitation et d’avis de sécurité, à la suite des attentats terroristes. Il faut en effet s’assurer de la loyauté et de la fidélité des militaires.

En revanche, en matière d’inspection de sites, le respect des programmes de visite pour identifier les sources de vulnérabilité s’avère compliqué en raison de l’accroissement du nombre de sites à inspecter. Le ratio s’est effondré en 2016 et s’est à peine redressé en 2017, même si la priorité donnée aux points d’importance vitale a été respectée. Le centre d’inspection a amorcé sa remontée en puissance : là encore, des créations d’emplois sont nécessaires, mais le temps de formation est long et les résultats se font attendre. Surtout, il faudrait que les préconisations soient effectivement mises en œuvre dans les délais requis, ce qui n’est pas toujours le cas. On l’a vu avec le malheureux épisode du vol survenu dans le dépôt de munitions de Miramas.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. J’en termine, monsieur le président.

La commission demande depuis plusieurs années la mise en place d’un indicateur de performance spécifique. Êtes-vous disposée à l’instaurer, madame la ministre ? Qu’est-ce qui pourrait éventuellement s’y opposer ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, à l’occasion de ce premier exercice budgétaire de la commission des affaires étrangères, je veux tout d’abord réaffirmer notre respect et notre confiance pour nos forces armées.

À l’heure même où nous parlons, 30 000 de nos soldats sont déployés sur notre territoire comme dans les zones de crise les plus dangereuses. Nos armées sont un élément vivant de la Nation. Elles remplissent avec professionnalisme, engagement et courage leur mission particulièrement difficile. Je veux leur rendre en cet instant, au nom de la commission, un hommage confiant et sincère. Mais au-delà des paroles, notre soutien passe par des actes, c’est-à-dire des moyens à la hauteur des missions : c’est tout l’enjeu du débat budgétaire !

Or, madame la ministre, nous sommes perplexes devant une équation budgétaire aussi énigmatique.

D’un côté, le Gouvernement nous annonce des hausses de crédits sans précédent, qui montrent clairement que l’on s’engage sur la bonne voie : l’hémorragie est stoppée. De l’autre côté, nous pointons du doigt cependant avec inquiétude les trop nombreuses dépenses non financées, reports, suppressions et gels de crédits qui rendent bien aléatoire l’effort annoncé : 850 millions d’euros perdus en juillet et ce gel de 700 millions d’euros millions qui, s’ils ne sortent pas rapidement du congélateur de Bercy, finiront par ne plus être consommables !

Mais cet argent, nos soldats en ont besoin pour assurer leur mission et leur propre sécurité ! Nos 4 000 entreprises l’attendent aussi pour faire vivre un secteur économique riche de plus de 200 000 emplois. Aussi nous interrogeons-nous : quelle est la valeur du vote du Parlement ? Il y a un an, nous avons voté ces crédits : où sont-ils ? Ils sont bloqués par des arbitrages gouvernementaux ! Mais quelle est, dans ces conditions, la valeur du débat que nous menons chaque année sur le budget ? S’agit-il d’un débat virtuel ?

Madame la ministre, nous aurions sincèrement aimé accompagner vos efforts personnels par un vote favorable. Malheureusement, la commission qui s’est réunie de nouveau hier préconise désormais, à l’instar de nombreux groupes, l’abstention sur les crédits de la mission « Défense », au vu de cette incertitude insupportable sur la fin de gestion de l’année 2017. Mais enfin, au nom de quoi fait-on peser sur la défense cette épée de Damoclès ? Nos soldats qui risquent chaque jour leur vie n’ont-ils pas le droit de disposer des ressources que le Parlement a votées pour eux ?

Cette protestation ne s’adresse évidemment pas à vous, madame la ministre. Si vous êtes bien sûr tenue au principe de la solidarité gouvernementale, nous mesurons – je peux en attester ici – votre détermination personnelle et votre pugnacité pour obtenir ces crédits. C’est pour vous aider que nous lançons cet appel au Gouvernement : nous voulons qu’il aille au bout de son engagement !

Certes, le projet de loi de finances pour 2018 affiche une augmentation de 1,8 milliard d’euros. Il poursuit les programmes d’équipement et les recrutements dans le renseignement et la cyberdéfense. Il accentue la protection des hommes et des emprises et met en application le plan Familles et conditions de vie des militaires, qui porte votre marque personnelle, madame la ministre, ce dont nous vous félicitons.

Mais nous sommes perplexes, car, si on nous annonce un effort enfin rehaussé à 2 % du PIB en 2025, certains ont le culot de nous expliquer qu’on a déjà atteint les 2 % : il suffit de compter les pensions ! Mais pourquoi n’y avait-on pas pensé plus tôt ? (Mme la ministre sourit.) De même, la remontée en puissance sera si concentrée entre 2022 et 2025, avec une courbe de croissance qui s’accélère vertigineusement après le quinquennat, que sa soutenabilité peut être sérieusement mise en cause.

Enfin, nous sommes perplexes, car les hausses affichées, 1,8 milliard d’euros puis 1,7 milliard d’euros, sont, hélas, siphonnées par le « resoclage » des OPEX, les opérations extérieures : derrière ce terme abscons, il faut comprendre un transfert pur et simple de leur financement de la solidarité interministérielle vers les armées.

Il faut également parler des subterfuges utilisés pour freiner tout investissement futur : je veux bien sûr parler de l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques, dont nos amendements ont neutralisé les effets mortifères pour les armées. Le sort de ces amendements est désormais confié à la commission des finances. Elle saura, j’en suis persuadé, en défendre le dispositif auprès des députés lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Je n’énumère pas toutes les questions en suspens : les rapporteurs pour avis les ont évoquées avec talent. Je veux d’ailleurs saluer le travail d’approfondissement qu’ils ont conduit sur ces sujets dans un délai extrêmement court et les en remercie.

Qu’il me soit simplement permis de relayer trois points noirs qu’ils ont mis en avant.

L’immobilier, d’abord : il manque 400 logements au moins pour les militaires en région parisienne. La commission regrette la proportion très faible de logements sociaux dédiée aux militaires au sein de l’îlot Saint-Germain : un sur cinq, avec un cadeau de 50 millions d’euros à Mme la maire de Paris ! Après le cadeau fait à Sciences Po pour l’Hôtel de l’Artillerie, tout cela fait beaucoup ! Notre commission avait tenté de protéger ces ressources, mais l’Assemblée nationale ne nous a pas suivis. Madame la ministre, nous pensons qu’il faut absolument conserver le Val-de-Grâce comme réserve immobilière pour nos armées : obtiendrez-vous que cela devienne la position du Gouvernement ?

La disponibilité des matériels, ensuite : les rapporteurs ont décrit les effets désastreux de la fameuse « courbe en baignoire » qui frappe les matériels neufs comme les anciens. Chacun connaît dans cette enceinte les prouesses qu’il faut réaliser pour maintenir en service des matériels d’âge canonique alors que, dans le même temps, les hélicoptères de toute dernière génération et les tout récents A400M connaissent eux aussi des défauts de maturité qui les clouent au sol !

Troisième point noir, enfin : le soutien, éternel sacrifié, qui est devenu, à force d’être laminé, un vrai talon d’Achille aujourd’hui. La commission souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le service de santé des armées, qui est au bord du burn-out. Il mène de front une vigoureuse réforme, comme bien peu d’administrations en ont engagé, et une activité très intense en opération. La rupture n’est pas loin. Or c’est vraiment la capacité de projection de nos armées et le secours qu’il convient de leur porter qui sont en jeu.

En résumé, ce qui est frappant, c’est évidemment le décalage, le hiatus, pour ne pas dire la contradiction manifeste entre cette somme d’incertitudes sur les moyens des armées et l’aggravation de la menace décrite par la revue stratégique.

Mardi dernier, le Président de la République a été accueilli à Ouagadougou par des jets de grenade sur les soldats français ! La revue stratégique a décrit la dispersion des crises, depuis les immensités sahéliennes où le terrorisme est toujours actif jusqu’aux confins de la mer de Chine, à l’espace extra-atmosphérique, au cyberespace, et au cœur même de nos sociétés démocratiques abreuvées de désinformation. Comme pour appuyer nos craintes, ce missile intercontinental nord-coréen vient nous rappeler la triste réalité.

Face à ces menaces, c’est bien le maintien d’un modèle d’armée complet et équilibré qui est l'enjeu de la prochaine loi de programmation militaire annoncée pour le mois de février 2018. Cela impliquera, il faut le mesurer pleinement, un considérable effort sur les moyens. En effet, le modèle est bon, mais il est exsangue à l’issue d’une décennie d’éreintement et de sous-investissement. Il va falloir prendre les bonnes décisions et s’y tenir !

Cet effort requis pour notre sécurité sera aussi rentable pour notre économie. Nos collègues de la commission des finances le savent bien : la défense, ce sont 200 000 emplois de haute technologie et non délocalisables ; c’est le premier budget d’investissement de l’État ; ce sont des investissements de rupture, d’innovation, qui tirent toute l’économie ; c’est une quinzaine de milliards d’euros d’exportations par an. Combien de secteurs de l’économie peuvent en dire autant ?

Alors, madame la ministre, au moment du vote, ce sera le triste choix de l’abstention. Paradoxalement, ce sera un moyen de vous soutenir dans vos efforts. Nous voulons surtout dire au Gouvernement que, en matière de défense, il faut tenir le langage de la vérité, car il y va du moral de nos soldats, mais aussi de la sécurité de la France ! (Applaudissements.)