M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la revue stratégique, le 24 octobre dernier, nous exprimions dans cet hémicycle notre volonté de disposer d’une armée complète et crédible pour faire face à un monde où les menaces se propagent comme un feu de brousse. Ce budget nous permet-il d’enraciner un arbre capable de se dresser et de résister au feu de brousse ?

Au cours de ces dernières années, le budget de la défense a fait l’objet de sous-estimations, de reports de charges, d’annulations de crédits, de promesses de recettes exceptionnelles sans lendemain. Dans le même temps, l’engagement de l’armée, aussi bien à l’extérieur que sur notre territoire, n’a cessé de s’accroître, entraînant des besoins matériels et humains croissants.

Ce budget, madame la ministre, sous votre impulsion, marque une nouvelle dynamique. Je mettrai l’accent sur deux points de satisfaction.

Le premier concerne le volet humain. La défense et la sécurité nationale, ce sont avant tout des femmes et des hommes qui s’engagent pour notre pays. Leur engagement implique leurs familles, qui en subissent les conséquences de plein fouet : difficulté à concilier vie militaire et vie personnelle, mobilité, reconversion et hébergement sont autant d’écueils. Nous approuvons la mise en œuvre d’un plan Famille, ainsi que l’évolution positive des crédits pour le personnel et en faveur de la politique immobilière. Le parc est en effet très dégradé, sa maintenance ayant été longtemps sacrifiée pour préserver les dépenses d’infrastructures des programmes d’armement.

Ce budget concrétise un effort en faveur de la condition du personnel. Pour autant, je dois vous avouer notre inquiétude quant à la bascule entre Louvois et Source Solde qui s’étalera entre 2018 et 2020 et qui, surtout, va interférer avec la mise en place de la retenue à la source.

Louvois, c’est un véritable scandale d’État et nous n’avons pas droit à un second échec. C’est la responsabilité du Gouvernement.

Le second point de satisfaction, c’est l’augmentation accordée aux équipements. Force est de constater l’usure des matériels liée au haut niveau d’engagement de nos armées. La progression des crédits d’entretien du matériel, pour un maintien en condition opérationnelle, est un juste retour des choses. Pour l’armée de l’air, nous saluons dans ce budget la livraison de matériels qui nous font cruellement défaut. Citons le premier ravitailleur en vol A330 MRTT, la montée en puissance du transport aérien, le premier avion léger de surveillance et de reconnaissance, le lancement du programme de recueil de renseignements électromagnétique CUGE.

À l’échelon de l’armée de terre, ce budget compense des lacunes accumulées au cours de ces quinze ou vingt dernières années. Nos équipements sont usés par plusieurs années de sous-dotation et de surengagement. Parfois, ils sont dépassés : ainsi, le pistolet automatique de nos soldats date de 1950 !

Nous approuvons donc les efforts qui sont entrepris ; pour autant, dans deux domaines, nous devrions faire davantage.

Le premier concerne notre capacité à innover. Au cours de son histoire, notre nation a su relever des défis technologiques : c’est une juste cause que d’accroître les crédits consacrés à la recherche, à la cybersécurité et à la révolution numérique. La revue stratégique affiche une ambition technologique et industrielle, et je pense qu’il faut que nous intensifiions davantage nos efforts de recherche et développement.

Il est temps de passer à des équipements de quatrième génération. C’est tout l’enjeu du programme Scorpion, qui mérite d’être accéléré, en particulier pour ce qui concerne les études environnementales et les travaux liés à l’innovation. Je sais que vous en êtes convaincue, madame la ministre. Notre armée doit être dotée d’un niveau de protection de haute qualité.

Le second domaine de préoccupation est notre capacité à traiter les enjeux qui se jouent sur et sous les océans. La mer recèle d’immenses richesses, énergétiques et halieutiques bien sûr, mais aussi d’innombrables minerais indispensables au développement de hautes technologies. Or nous sommes pillés, et, surtout, on convoite notre souveraineté.

Notre marine nationale est dans l’incapacité d’assurer une présence suffisante sur l’ensemble des océans pour couvrir notre espace maritime, le second au monde par sa taille.

Désormais, on croise plus souvent le pavillon chinois en Méditerranée que le nôtre. La Chine s’apprête à contrôler toutes les routes maritimes, et donc les flux commerciaux, ainsi que les communications intercontinentales.

Nous nous réjouissons de la livraison d’un Barracuda. Les sous-marins nucléaires d’attaque, ou SNA, de la classe Rubis ont été conçus pour une durée de vie de vingt-cinq ans. Aujourd’hui, ils en ont presque 35. Alors que la Chine met à la mer en quatre ans l’équivalent de la totalité de la flotte française…

Pour avoir navigué sur un SNA, je tiens à rendre hommage aux équipages, qui sont confinés dans les plus petits sous-marins du monde. Ils ont beaucoup de courage ; ce sont des gens brillants.

Nous souhaitons que soit accéléré le programme BATSIMAR, ou bâtiment de surveillance et d’intervention maritime. Nos avisos sont usés et dans l’incapacité d’assurer une protection optimale de nos zones exclusives.

Nous saluons votre initiative, madame la ministre, d’engager la livraison d’un patrouilleur pour les Antilles, de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers en 2018 et d’un bâtiment multi-missions B2M. Cependant, reconnaissons-le, cela ne suffira pas pour assurer notre souveraineté outre-mer.

Je suis également convaincu que nous avons besoin de deux porte-avions, alors même que le Charles-de-Gaulle est en cale sèche pour deux ans. La maîtrise des espaces aéromaritimes en dépend. Nous ne pouvons pas continuer à courir le risque d’une présence discontinue, voire aléatoire. Nos voisins britanniques l’ont bien compris, qui ont fait le choix de deux porte-avions.

Le terrain de jeu de l’économie et de l’écologie sera demain non la mondialisation, mais la maritimisation. Nous disposons de formidables atouts industriels ; nous devons mettre le cap vers la croissance bleue. Pour cela, notre marine nationale est incontournable et doit être renforcée dans ses moyens d’action.

Pour conclure, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et d’arbitrages difficiles, nous aimerions que l’effort affiché par une augmentation de 1,8 milliard d’euros du budget soit réel. L’annulation de 850 millions d'euros de crédits, puis, maintenant, le gel de 700 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 200 millions d'euros pour les OPEX et des reports de charges, risquent une fois encore de masquer la réalité des effets d’annonce.

C’est la raison majeure pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra, tout en soulignant que nous croyons, madame la ministre, à votre détermination à convaincre Bercy. Nous souhaitons que les engagements pris soient strictement tenus. Ainsi, nous démontrerons notre considération et notre reconnaissance envers les femmes et les hommes engagés dans la défense de notre nation.

Dans le même temps, entre deux lois de programmation militaire, un contexte international sous tension et une solidarité européenne encore trop timide, ce budget nous invite à l’humilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Olivier Cigolotti. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre un hommage solennel aux femmes et aux hommes de la défense. Qu’ils œuvrent sur le sol national ou sur des théâtres d’opérations à des milliers de kilomètres, nous les assurons de notre soutien indéfectible. Nous pensons particulièrement aux familles, qui payent quotidiennement un lourd tribut à la défense nationale.

Permettez-moi ensuite de remercier le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Christian Cambon, de son engagement et de son fidèle soutien au travail des parlementaires au sein de la commission. Je salue également l’implication de mes collègues rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires étrangères.

Madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à appeler votre attention sur le contexte dans lequel nous examinons ce budget.

Je commencerai par le contexte international. Ces cinq dernières années ont été tragiquement rythmées par l’actualité terroriste. Le contexte géopolitique mondial se caractérise par un accroissement des menaces polymorphes et asymétriques.

En tant que puissance mondiale et membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la France a continué d’assumer ses responsabilités. Son implication dans les résolutions de crises, principalement en Afrique et au Levant, a fortement et durablement mobilisé et fragilisé l’appareil de défense dans son intégralité.

De plus, nos impératifs de souveraineté dans les territoires ultramarins, le redéploiement des États-Unis et de la Chine dans le Pacifique nous obligent à un recalibrage matériel, humain et stratégique, afin de répondre aux défis majeurs de la maritimisation.

Par ailleurs, il importe d’être lucide sur la réalité de l’agenda gouvernemental. Nous sommes dans un entre-deux, à la veille de l’élaboration d’une nouvelle LPM et au début d’un nouveau quinquennat. La réalité pour les comptes du ministère, c’est que nous sommes à un mois de la clôture de l’exercice 2017.

Plus pragmatiquement, si l’heure est à l’affichage d’ambitions internationales pour le Président de la République, l’heure est aussi au bilan comptable, notamment en termes de report de charges et de calcul du surcoût des OPEX. Le premier devrait avoisiner les 3,5 milliards d'euros, ce qui est un niveau record. La projection d’objectifs, en termes d’investissements, aussi louables soient-ils, ne peut occulter le passif de la dernière année de la LPM.

À la fin de l’année 2017, de l’avis de tous, trois mots caractérisent la situation des armées et de notre outil de défense : excellence, surtension, usure.

Comme l’ont rappelé mes collègues avant moi, nous avons initialement accueilli favorablement l’augmentation des crédits, à hauteur de 1,8 milliard d’euros. Si les 34,2 milliards d'euros de dotation pour 2018 laissaient entrevoir des signaux positifs, les mouvements comptables alternant annulation, gel et dégel de crédits ne favorisent pas aujourd'hui la confiance.

Madame la ministre, nous savons les efforts que vous avez déployés pour compenser l’annulation de crédits de 850 millions d'euros intervenue cet été. Aussi, nous regrettons que votre pugnacité se heurte à la rigidité du ministère de l’action et des comptes publics.

Alors que la revue stratégique ne réduit aucunement les ambitions de la France, l’incompréhension demeure face au gel de crédits de 700 millions d’euros. À quoi bon débattre dans cet hémicycle d’une revue stratégique presque idéale, si nous ne décidons pas d’y consacrer les moyens nécessaires ?

C’est dans ce cadre que s’inscrivent nos préoccupations concernant les OPEX et la politique de maintien en condition opérationnelle, le MCO. La rebudgétisation à hauteur de 200 millions d’euros de la provision OPEX contraste avec l’insincérité des cinq dernières années. (Mme Hélène Conway-Mouret s’exclame.)

Alors que le montant global des OPEX atteint systématiquement le milliard d’euros et que le surcoût dépasse les 600 millions d'euros chaque année, la remontée à 650 millions d'euros du budget dédié aux OPEX témoigne du réalisme du ministère.

Concernant les matériels, nous craignons qu’à terme l’augmentation du report de charge ne pèse lourdement sur le MCO et les programmes d’équipement. Il s’agit non plus du développement d’une base industrielle technologique de défense, mais de sa préservation. Vis-à-vis de nos partenaires européens, nous devons rester crédibles, performants et à la pointe de la recherche. D’ailleurs, madame la ministre, je vous ai interrogée sur les défis technologiques de la défense dans cet hémicycle même, le 24 octobre dernier.

Avant de conclure et pour garder un esprit positif, je souhaite dire combien nous nous réjouissons de la mise en place du plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires.

Les 300 millions d'euros, répartis sur cinq ans, sont légitimement attendus, car le mal-être des familles altère le moral et l’efficacité des soldats en mission. Les mauvaises conditions de vie et le ressenti pénalisent les efforts de la politique de fidélisation que nous appelons tous de nos vœux.

Aussi, à la lumière de tous ces éléments, madame la ministre, vous comprendrez que mon groupe s’abstiendra. Cette abstention n’est en rien hostile ; elle révèle notre volonté de soutien pour les armées et pour la préservation de notre appareil de défense. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, la défense de la France avait besoin d’une réponse : elle est là. Le budget que je défends devant vous est un budget de remontée en puissance ; il répond aux attentes de nos armées et il anticipe l’avenir.

Nous avons déjà eu l’occasion de parler beaucoup ensemble de ce projet de budget. J’aimerais cependant en rappeler en quelques mots les grandes lignes.

Ce budget, tout d’abord, c’est 1,8 milliard d’euros supplémentaires pour notre défense. C’est une hausse historique, jamais vue depuis vingt ans, qui permettra de donner à nos armées les moyens d’accomplir pleinement leurs missions, d’acquérir de nouveaux équipements, de nouveaux matériels et d’investir pleinement pour l’innovation. Grâce à cette augmentation, nous pourrons honorer nos dettes du passé et créer des conditions budgétaires saines et sincères pour bâtir la prochaine LPM.

En quelques mots, le projet de budget pour 2018 répond aux besoins immédiats de nos armées par différentes mesures fortes.

Tout d’abord, nous assurerons un soutien total à nos engagements opérationnels. L’intensité de notre engagement est forte, plus forte même que nous ne l’avions imaginée à l’origine. Ces engagements sont nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté des Français. Or ils usent notre matériel. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2018 consacre 450 millions d’euros supplémentaires à l’entretien programmé du matériel. Cela rendra possible un retour de la préparation opérationnelle vers les normes fixées par l’actuelle loi de programmation militaire.

La sécurité des Français passe par le bon exercice des missions de nos soldats. Nous protégerons donc plus fortement et plus efficacement encore nos militaires. C’est le sens du « paquet protection » que je vous propose dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2018. Concrètement, ce sont 200 millions d’euros pour la protection de nos forces, 49 000 gilets pare-balles de nouvelle génération et des véhicules blindés supplémentaires.

Le projet de loi de finances pour 2018 place le soldat et sa famille en son cœur. Les conditions de vie des militaires et de leurs familles sont l’une de mes priorités absolues. J’ai présenté voilà un mois un plan Famille ambitieux et concret, qui améliorera, dès 2018, le quotidien de nos forces et de leurs familles.

Mme Florence Parly, ministre. Ce plan comporte des mesures pour mieux vivre la mobilité, pour améliorer le logement des familles et l’hébergement des soldats, ou encore pour faciliter l’intégration des familles au sein de la communauté militaire. Il est doté de moyens financiers substantiels : 300 millions d’euros sur cinq ans et 22 millions d’euros supplémentaires déjà inclus dans ce projet de loi de finances pour 2018 pour améliorer le quotidien de nos forces.

Le projet de loi de finances pour 2018 répond donc aux attentes du quotidien de nos armées, mais il permet également de préparer leur avenir.

D’abord, ce texte prévoit des moyens supplémentaires extrêmement importants pour les équipements. Les équipements de nos armées sont fortement éprouvés, parfois vieillissants, j’en parlais voilà quelques instants. Nous devons donc les renouveler : c’est une condition essentielle pour garder notre supériorité opérationnelle et pour pouvoir continuer à intervenir partout où les intérêts de la France seront menacés.

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit donc de porter à 18,5 milliards d’euros les crédits d’équipement, soit une augmentation de 1,2 milliard d’euros.

Un effort particulier sera également mené en faveur des dépenses d’infrastructures, lesquelles ont trop longtemps été les variables d’ajustement des budgets de la défense. C’est fini ! Hors dissuasion et hors fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2018 porte à 1,5 milliard d'euros les dépenses d’infrastructures, ce qui représente une augmentation de 25 % par rapport à 2017.

Il permet également de prendre en compte mon engagement pour l’innovation. Je place en effet celle-ci au centre de mon action, car c’est le seul moyen que nous avons de répondre à des ennemis mieux armés, mieux équipés. C’est aussi le seul moyen de répondre à des menaces plus diffuses, plus technologiques. Je crois en l’innovation et ce projet de budget consacrera 720 millions d’euros aux études, dans un effort de R&D global porté à 4,7 milliards d’euros. C’est un point de départ, et la LPM dont nous discuterons au premier trimestre 2018 prévoira une augmentation rapide et importante des budgets des études et du soutien à l’innovation.

Le projet de loi de finances pour 2018 n’oublie pas certaines de nos priorités. Je pense notamment au renseignement et à la cyberdéfense. Les moyens que nous y consacrons sont consolidés et nous connaîtrons de nouvelles augmentations d’effectifs dans ces domaines.

J’aimerais conclure cette présentation générale en ajoutant que ce projet de budget est une étape. Chaque année jusqu’en 2022, le budget de la défense croîtra de 1,7 milliard d’euros supplémentaires. Nous gardons donc bien le cap vers l’objectif fixé par le Président de la République : consacrer 2 % du PIB à la défense en 2025.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que cette présentation générale répond à un certain nombre des questions que vous avez pu soulever lors de vos interventions. J’aimerais néanmoins revenir sur quelques points que vous avez soulignés.

Le premier d’entre eux est la question de la fin de gestion 2017. J’entends tout à fait vos interrogations. Je constate même que cela pousserait certains d’entre vous à ne pas voter une hausse de 1,8 milliard d’euros du budget de notre défense.

Vous connaissez tous l’enjeu de cette fin de gestion pour le ministère des armées : il était double.

Tout d’abord, il s’agissait de couvrir les surcoûts des OPEX et des missions intérieures. C’est chose faite, puisque j’ai obtenu un arbitrage favorable pour une couverture intégrale de ces surcoûts, sans annulation sur le budget des armées, dans le cadre des projets de décrets d’avance et de la loi de finances rectificative de fin d’année.

Ensuite, et vous l’avez souligné à plusieurs reprises, il s’agissait d’obtenir le dégel des 700 millions d’euros de crédits rendus indisponibles sur le programme « Équipements des forces » de la mission « Défense ».

Sur ce sujet, les arbitrages sont en cours. (Exclamations. – M. le président de la commission des affaires étrangères s’impatiente.) Certains l’ont rappelé, je n’ai jamais rien lâché sur le budget des armées ;…

M. Yvon Collin. C’est vrai !

Mme Florence Parly, ministre. … ce n’est donc pas aujourd’hui que je commencerai.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

Mme Florence Parly, ministre. Mais vous comprenez que, dans cette période de négociations, je ne suis pas encore en mesure de tout vous dire… Ce que je puis affirmer, en revanche, c’est que ces crédits n’ont pas fait l’objet d’une décision d’annulation dans le cadre de la fin du schéma de fin de gestion. C’est déjà une première étape.

Sans préjuger le reste, je constate que cela laisse ouverte l’hypothèse d’un arbitrage favorable pour le dégel de ces 700 millions d’euros de crédits, qui sont nécessaires au financement de l’équipement de nos forces et à la maîtrise du niveau de notre report de charges d’entrée en gestion 2018.

Il s’agit, bien sûr, d’un élément important pour notre défense, mais aussi pour la prochaine LPM. Je peux donc vous dire que je reste déterminée à obtenir le dégel de ces 700 millions d’euros de crédit.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Nous l’espérons !

Mme Florence Parly, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la question de l’annulation des 850 millions d’euros de crédits intervenue au mois de juillet 2017 est revenue à maintes reprises dans vos interventions. Je n’y reviens pas, tout a été dit sur notre détermination à faire en sorte que ces annulations ne portent pas sur la substance même de ce budget.

Je répondrai maintenant plus précisément à certains d’entre vous.

Monsieur Guerriau, vous avez exprimé vos attentes en faveur des conditions de vie des militaires. Les femmes et les hommes de la défense, ainsi que leurs familles, font preuve d’un courage et d’un engagement exemplaires. Ils sont au cœur de mon action, et j’ai déjà détaillé quelques-unes des mesures du plan Famille.

Vous m’avez interrogée en particulier sur la directive européenne sur le temps de travail. La transposition de cette directive fragiliserait le statut militaire et l’obligation de disponibilité qui en découle. Le temps d’activité des militaires ne saurait en effet reposer sur une logique purement comptable. On n’est pas militaire quelques heures par jour, on l’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La gestion de ce temps d’activité doit donc laisser, dans un cadre réglementaire adapté, une marge d’appréciation au commandement, responsable à la fois de la condition du personnel et de la bonne exécution des missions.

J’ai par conséquent demandé à mes services d’expertiser les options possibles et de me fournir une étude approfondie, afin de mesurer les impacts de cette directive européenne, en tenant compte du retour d’expérience des pays européens qui l’ont mise en œuvre, notamment l’Allemagne.

Madame Prunaud, vous avez vous aussi exprimé votre préoccupation à l’endroit des conditions de vie de nos militaires et vous êtes interrogée sur le bien-fondé de notre dissuasion.

Pour ma part, je souhaite réaffirmer mon plein soutien, conformément au souhait du Président de la République, au budget qui sera consacré dans les prochaines années au renouvellement des deux composantes de notre dissuasion nucléaire.

En effet, c’est notre dissuasion qui permet de préserver notre liberté d’action et de décision en toutes circonstances. C’est aussi elle qui permet au Président de la République d’écarter toute forme de menace ou de chantage qui viserait à nous paralyser. C’est donc une dissuasion défensive, qui a pour finalité de préserver la capacité de notre nation à vivre, c’est-à-dire de protéger notre pays de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre du débat sur le prochain projet de loi de programmation militaire.

Madame la sénatrice, vous m’avez également interrogée sur la réforme du service de santé des armées, le SSA.

Le SSA s’est engagé dans une démarche de transformation, qui prévoit notamment une meilleure insertion de ses établissements dans les territoires de santé et garantit un niveau d’activité permettant à son personnel d’atteindre un niveau de performance technique optimal.

De nombreuses mesures ont été prises pour 2018, à commencer par la fin du déploiement des seize centres médicaux des armées nouvelle génération, l’amélioration de la performance et la consolidation des partenariats des hôpitaux d’instruction des armées, les HIA. L’Institut de recherche biomédicale des armées aura pour objectif d’achever la mise en service de ses laboratoires confinés NRBC ; l’école du personnel paramédical des armées de Toulon et l’école de santé des armées du Lyon seront regroupées sur le site de Lyon. Enfin, nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance du SSA pour assurer une plus grande cohérence à sa tête.

Tous ces éléments ne remettent évidemment pas en cause les remarques que vous avez pu formuler sur les difficultés que le service de santé des armées a pu éprouver face à l’évolution rapide, voire très rapide, qui lui a été demandée. Je partage tout à fait votre préoccupation, car il s’agit là d’un service absolument essentiel au bon fonctionnement des armées.

Monsieur Allizard, je vous remercie d’avoir insisté sur l’importance de l’innovation, de la recherche et des moyens qui y seront consacrés. Je suis très heureuse de vous avoir entendu en parler, car c’est un sujet auquel j’attache une importance toute particulière.

Aujourd'hui, le ministère des armées s’engage pleinement pour l’innovation et chacun a maintenant pris la mesure des enjeux que cela implique.

Vous avez particulièrement appelé mon attention sur l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, l’ONERA. Vous l’avez souligné, l’ONERA est dans une situation financière fragile. Il doit donc se réformer pour dégager les ressources nécessaires afin de mener ses activités d’établissement de recherche et d’opérateur de grands moyens techniques dans une logique de complémentarité avec les industriels du secteur, conformément au contrat d’objectifs et de performance 2017-2021, signé à la fin de l’année dernière.

Je suis ce dossier avec attention, et plusieurs orientations doivent être prises, conformément au contrat d’objectifs et de performance. Je pense notamment à une réorganisation des implantations de l’ONERA, en particulier en Île-de-France, avec le passage de trois sites à un site centré sur Palaiseau à l’horizon de 2022 ou à une meilleure valorisation des résultats de la recherche de l’Office, avec pour but une augmentation significative de ses recettes contractuelles.

Vous avez également appelé mon attention sur l’importance stratégique de la base de Djibouti. Il s’agit en effet d’une base majeure dans une zone marquée par les conflits – au Yémen ou en Somalie –, où la France et ses armées comptent bien rester implantées dans la durée. Nous y disposons de plus de 1 450 personnes, d’une base aérienne, d’un régiment, d’une base navale. Nous garderons nos positons sur place en étroite coopération avec le gouvernement djiboutien.

De là, nous continuerons à former les armées africaines qui sont impliquées dans la sécurité de la zone somalienne. Nous continuerons à contribuer, avec nos partenaires européens, à la sécurité des détroits, tout en restant vigilants face à l’implantation récente et très importante, que vous avez rappelée, de l’armée chinoise sur place.

Djibouti continuera donc, et j’y veillerai dans le cadre du prochain projet de loi de programmation militaire, d’être une base essentielle dans notre dispositif des forces de présence.

Monsieur Boutant, je vous remercie d’avoir salué l’effort de renforcement des effectifs entamé dans le cadre de la loi de programmation actualisée en faveur des services de renseignement.

Vous avez attiré mon attention sur la DRSD, dont les missions ont été fortement accrues au cours des années précédentes – l’exercice de ces missions a parfois été rendu difficile, notamment lors d’un certain nombre de contrôles –, ainsi que sur la situation de ses infrastructures.

J’ai pu moi-même prendre la mesure de la situation et me rendre compte de la transformation profonde à laquelle cette direction s’est pliée. Cette transformation mérite d’être pleinement soutenue par une remontée en puissance des effectifs. C’est prévu, notamment dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu non pas à toutes vos interrogations, mais à un certain nombre d’entre elles. Je crois très sincèrement que le budget pour l’année 2018 est une opportunité rare pour nos armées, pour notre défense et pour notre sécurité.

L’augmentation de 1,8 milliard d’euros est la réponse aux besoins de nos armées, mais également la réponse attendue par nos concitoyens face aux menaces qui pèsent sur la France et qui ont été parfaitement identifiées dans la revue stratégique de défense et de sécurité nationale.

Enfin, ce projet de loi de finances constitue une base saine pour le prochain grand exercice que nous effectuerons ensemble, c'est-à-dire la construction de la loi de programmation militaire. Ce texte sera l’occasion de dessiner la défense de demain, une défense que je veux plus forte, plus innovante, plus européenne. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que je pourrai compter sur vous, sur votre bonne volonté et sur votre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)