M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage aux personnels de la gendarmerie nationale, qui ont montré la force de leur engagement tout au long de l’année 2017, particulièrement en outre-mer après le passage de l’ouragan Irma.

Si les crédits du programme 152 prévus pour 2018 me paraissent globalement satisfaisants, je souhaiterais néanmoins attirer l’attention sur le problème posé par l’obsolescence de certains matériels.

Il s’agit des « capacités pivots » décrites par le livre blanc de 2013, selon lequel la gendarmerie nationale « mettra en œuvre des capacités pivots (hélicoptères, véhicules blindés de maintien de l’ordre, réseau national durci de transmission) qui s’inscrivent en complémentarité des moyens des armées ».

La gendarmerie dispose actuellement d’une capacité d’environ 90 véhicules blindés, dont 71 véhicules blindés à roues, datant de 1974, et 20 véhicules de l’avant blindé rachetés à l’armée de terre lors de l’engagement en Afghanistan. Ces matériels sont actuellement très sollicités outre-mer et des renforts devraient être déployés en Nouvelle-Calédonie pour le référendum de 2018. Le remplacement de ces véhicules très usés par 90 nouveaux véhicules tout-terrain représenterait un coût d’environ 45 millions d’euros.

En second lieu, la gendarmerie nationale emploie 26 hélicoptères de type « Écureuil » affichant un âge moyen de 32 ans. Il serait nécessaire de remplacer les dix modèles les plus obsolètes par des EC 145. Le montant total serait d’environ 140 millions d’euros, plus 6,5 millions d’euros par an pour le maintien en condition opérationnelle.

J’ajoute, pour être complet sur les capacités pivots, qu’il faut également renouveler le système de transmissions durcies pour un coût d’environ 10 millions d’euros.

Par ailleurs, la vétusté des sept hélicoptères du groupe interarmées d’hélicoptères, le GIH, qui constituent un outil essentiel en ce qu’ils permettent au GIGN et au RAID de se projeter pour la défense des centrales nucléaires, est également préoccupante. Il s’agit en effet de vieux Puma des armées de l’air et de terre dont il est indispensable d’envisager le remplacement par des hélicoptères de transport moyen de type Caracal, soit une dépense d’environ 125 millions d’euros dans le cadre du budget des armées, si nous voulons préserver la capacité de projection de nos corps d’élite.

Au total, pour ce qui concerne le budget de la gendarmerie, il s’agirait d’une dépense d’environ 200 millions d’euros.

Monsieur le ministre d’État, candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron a clairement exprimé sa volonté de mettre en place « une véritable programmation sur quatre à cinq ans pour la modernisation des moyens de la sécurité intérieure ».

Certes, le renseignement est une composante majeure de la sécurité intérieure, mais ce n’est pas la seule. Cet effort de modernisation doit aussi porter sur les équipements que je viens d’évoquer, de manière à assurer l’avenir de cette capacité essentielle d’intervention de la gendarmerie pendant plusieurs décennies, compte tenu de la durée de vie de ces matériels.

Bien entendu, il faudrait y ajouter parallèlement le remplacement des sept Puma du GIH, ce qui relève de la ministre des armées et de la loi de programmation militaire.

Sous ces réserves, notre commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 152.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le programme « Gendarmerie nationale ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avec une hausse modérée des crédits et une progression d’environ 500 emplois, le budget de la gendarmerie nationale pour 2018 devrait permettre aux gendarmes de continuer d’exercer leurs missions de manière correcte.

Premier aspect positif, l’augmentation des personnels bénéficiera en priorité à la gendarmerie départementale – je pense que les élus y seront sensibles.

L’élargissement, en 2018, de l’expérimentation des brigades territoriales de contact, déchargées des tâches administratives et se consacrant au contact avec la population et les élus, me paraît également aller dans le bon sens.

Nous pouvons aussi saluer l’achèvement du déploiement des 65 000 équipements mobiles du plan Néogend, au profit des gendarmes des unités opérationnelles. Cette évolution devrait améliorer la productivité des gendarmes, valoriser leur travail quotidien et simplifier l’accomplissement de leurs tâches.

À côté de ces aspects positifs, je souhaiterais évoquer deux sujets de préoccupation.

Je veux tout d’abord évoquer l’application de la directive Temps de travail dans la gendarmerie nationale. Les règles relatives au repos quotidien de onze heures, depuis septembre 2016, ont globalement conduit à une perte d’activité équivalant à 6 000 emplois à temps plein.

Le fait que les gendarmes bénéficient d’un temps de repos convenable est incontestablement une bonne chose. Nous savons que cette nouvelle pratique est bien perçue. Il faut toutefois tenir compte de l’exigence de disponibilité propre à l’état militaire et de la nécessité de préserver le niveau d’activité de la gendarmerie face à tous les défis qui se présentent aujourd’hui.

C’est une question particulièrement délicate. Une remise en cause totale de cette réforme pourrait être difficile, alors que des aménagements peuvent être acceptés, à défaut de nouveaux recrutements pour compenser l’effet de la directive. Nous avons bien conscience que cette dernière hypothèse est peu probable en cette période de rigueur budgétaire. Nous suivrons ce sujet avec une vigilance tout à fait particulière.

Je voudrais ensuite évoquer la question de la dette de loyers de la gendarmerie, qui s’élève aujourd’hui à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 89 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui grève d’emblée l’exercice 2018.

Vous avez toutefois indiqué, monsieur le ministre d’État, que l’apurement de cette dette de loyers ferait l’objet d’un plan pluriannuel financé à hauteur de 13 millions d’euros, dès l’an prochain, permettant ainsi à la gendarmerie de ne pas trop rogner sur ses dépenses d’investissement en 2018 pour rembourser la dette. Pourriez-vous nous dire si vous envisagez dès à présent un financement supplémentaire pour ce plan ou s’il s’agit seulement, à crédits constants, de lisser la dépense ?

Sous réserve de ces quelques préoccupations, et eu égard à l’augmentation prévue des crédits et des personnels, notre commission a émis un avis favorable sur les crédits dédiés à la gendarmerie nationale pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la commission des lois partage pleinement et totalement le constat présenté par notre collègue, rapporteur spécial de la commission des finances : cette consolidation budgétaire, que nul ne peut nier, demeure très largement insuffisante au regard de la dégradation très avancée de la situation de nos forces de sécurité intérieure et du contexte sécuritaire.

Monsieur le ministre d’État, votre gouvernement a fait le choix, comme le précédent, de mettre l’accent sur l’augmentation des effectifs. On annonce 10 000 créations d’emplois de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat – 7 500 pour la police et 2 500 pour la gendarmerie. En 2018, quelque 1 376 emplois seront créés dans la police et 459 dans la gendarmerie. Ne nous limitons toutefois pas aux seules annonces.

Nous connaissons l’impact dramatique sur les capacités opérationnelles de nos forces de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail. Selon les informations qui m’ont été communiquées, les créations de postes annoncées permettront tout juste – j’insiste sur cette expression – de combler cette réduction des capacités opérationnelles.

Il y a là un véritable sujet de préoccupation que le Gouvernement paraît avoir écarté de ses calculs. Je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous apporter des réponses sur ce point.

La principale difficulté de ce budget réside toutefois dans l’insuffisance des dotations de fonctionnement et d’investissement allouées à la police comme à la gendarmerie nationale. Ce que relèvent à l’unanimité les forces de sécurité, sans distinction de corps, de grade, de niveau d’exécution ou d’affectation, ce n’est pas tant le manque d’effectifs, mais plutôt les conditions matérielles dans lesquelles elles travaillent, désormais difficilement acceptables et soutenables.

Les sujets de préoccupation sont multiples. Je ne citerai, faute de temps, que quelques cas.

Les équipements, tout d’abord. Une mise à niveau des armements et des équipements de protection a été engagée au cours des dernières années. En revanche, l’état des parcs automobiles est aujourd’hui très préoccupant : l’âge moyen des véhicules de la police est de 6 ans et 9 mois ; il dépasse 8 ans dans la gendarmerie, avec plus de 130 000 kilomètres au compteur en moyenne. L’effort budgétaire consenti en 2018 est loin d’être à la hauteur des besoins de renouvellement.

L’immobilier est également un sujet majeur de préoccupation. Les commissariats et les casernes ont atteint un état très avancé de délabrement. Face à ce constat, on ne peut que regretter que les crédits d’investissement prévus demeurent en deçà non seulement de l’ampleur des besoins de rénovation, mais aussi de leur urgence.

Prenons l’exemple de la gendarmerie : l’enveloppe de 100 millions d’euros permettra de rénover, en 2018, quelque 5 900 logements, en sus des 13 000 logements déjà rénovés. Cet investissement est toutefois bien en deçà de l’effort nécessaire pour réhabiliter les 76 300 logements de la gendarmerie. On ne peut que déplorer, à cet égard, l’impact dramatique des mesures de régulation budgétaire qui conduisent, chaque année, à reporter d’importants chantiers de rénovation.

Je terminerai en évoquant le problème de l’importante dette imposée sur les loyers accumulés par la gendarmerie au cours des derniers exercices et qui s’élève à plus de 100 millions d’euros, comme vous l’avez souligné lors de votre audition, monsieur le ministre d’État.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. Aucun crédit n’est prévu par le projet de loi de finances pour permettre de résorber cette dette, ce qui contraindra nécessairement la gendarmerie à réduire ses autres dépenses de fonctionnement.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. J’en ai pour deux minutes, monsieur le président… (Rires.) Deux secondes, voulais-je dire !

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le programme « Sécurité civile ». Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dix sapeurs-pompiers sont décédés dans l’exercice de leur mission en 2016 et 2017. Je leur rends hommage et salue, à travers eux, l’engagement, le courage et le civisme de l’ensemble des sapeurs-pompiers au service de la population.

Je suis particulièrement préoccupée par les conclusions d’un récent rapport de l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales qui souligne une augmentation de près de 18 % du nombre de sapeurs-pompiers agressés lors d’interventions en 2016. Je tiens donc à condamner avec la plus grande fermeté ces agressions inacceptables.

Les personnels de la sécurité civile ont connu, en 2017, une année d’épreuves et de réformes. Il était donc légitime de fonder certains espoirs dans le budget 2018 de la sécurité civile.

Si certaines attentes n’ont pas été vaines – je pense à l’augmentation globale des crédits alloués au renouvellement nécessaire d’une partie de la flotte d’aéronefs de la sécurité civile, ainsi qu’à la création de 31 postes de démineurs –, ce budget comporte néanmoins une déception si grande qu’elle a conduit la commission des lois, sur ma proposition, à émettre un avis défavorable sur ces crédits.

M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. C’est dommage !

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Il s’agit de la baisse de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui passe de 25 millions d’euros en 2017 à seulement 10 millions d’euros en 2018.

Cette somme de 25 millions d’euros ne constituait pas une aide nouvelle pour les acteurs de la sécurité civile, mais un simple « réaiguillage » d’une partie des économies réalisées par l’État à l’occasion de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, versée aux sapeurs-pompiers volontaires.

L’enveloppe versée par l’État aux départements, au titre de la PFR, est ainsi passée de 32 millions d’euros en 2015 à 3,4 millions d’euros en 2017.

Sur les 25 millions d’euros alloués à la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS en 2017, quelque 20 millions étaient destinés à financer, d’une part, des projets locaux d’intérêt national et, d’autre part, des projets nationaux, au premier rang desquels la préfiguration du système SGA-SGO à destination des SDIS.

Dans un contexte de baisse continue des dépenses d’investissement des SDIS, les conséquences de cette perte sèche, injustifiée et préjudiciable sont particulièrement inquiétantes. La viabilité du projet SGA-SGO pourrait tout d’abord être remise en cause. Le ministère de l’intérieur m’a répondu que les crédits restants lui demeureraient principalement affectés. Mais alors, c’est l’avenir des divers projets locaux des SDIS qui sera plus directement compromis !

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits alloués au programme « Sécurité civile ».

Pour finir, je voudrais féliciter M. Bazin et apporter tout mon soutien à son amendement qui vise à restituer ces 10 millions d’euros à la sécurité civile. J’ai la faiblesse de croire que le Sénat votera massivement cet amendement. Monsieur le ministre d’État, l’Assemblée nationale saura-t-elle faire preuve de la même sagesse ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas sûr !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il est beaucoup fait référence en cette fin d’année à Georges Clemenceau, et je ne résisterai pas à commencer mon intervention en usant de cette formule, chère à celui qui aimait se présenter comme le premier « flic » de France : « Il faut d’abord savoir ce que l’on veut. Il faut ensuite avoir le courage de le dire. Il faut ensuite l’énergie de le faire ».

Voilà bien le fil conducteur que l’on retrouve dans la proposition budgétaire qui nous est soumise aujourd’hui. Les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,3 milliards d’euros. Et nous avons, pour 2018, un budget qui correspond aux ambitions portées en matière de sécurité, laquelle, je le rappelle, est la première des libertés de nos concitoyens.

Ce budget reflète non seulement la conscience qu’ont le Président de la République, vous, monsieur le ministre d’État, et l’ensemble du Gouvernement de l’importance des missions exercées par le personnel du ministère de l’Intérieur, en particulier en matière de sécurité, mais aussi la volonté d’aller, dans les années qui viennent, vers une France apaisée. Ce sera là tout l’objet de la police de sécurité du quotidien, dont nous attendons beaucoup.

Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent donc de 1,5 % en 2018 par rapport à 2017, ce qui représente un effort considérable au regard des difficultés de cet exercice budgétaire.

Ce budget est offensif : les crédits de personnel, qui atteignent 710 millions d’euros, sont en hausse de 7,3 % par rapport à 2015. Plus encore, le budget de fonctionnement et d’investissement des services est en hausse de près de 18 % par rapport à 2015, à 440 millions d’euros.

La volonté de rompre avec des pratiques anciennes de baisse continue des budgets de sécurité est claire : les efforts faits ces dernières années sont non seulement consolidés, mais aussi accentués.

Cette évolution à la hausse est très importante. Elle signifie que les moyens supplémentaires exceptionnels obtenus depuis 2015 pour les forces de sécurité, dans le cadre de différents plans de court terme, sont désormais devenus la norme. L’effort du Gouvernement dans le domaine de la sécurité marque donc une orientation puissante pour ce quinquennat : ce qui était hier exceptionnel est aujourd’hui pérennisé et inscrit dans la durée.

Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement procédera donc, sur l’ensemble du quinquennat, à la création de 10 000 emplois, de manière à restaurer les capacités de nos forces de sécurité. Dès 2018, seront recrutés environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 membres du personnel de la DGSI et du renseignement territorial.

Cette montée en puissance en matière de personnels sera accompagnée d’un effort important pour l’équipement : 230 millions d’euros de crédits seront consacrés aux deux forces – police et gendarmerie –, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint ces deux dernières années et qui était le fruit de plans exceptionnels.

Ce budget permettra dès lors d’investir dans de nouveaux équipements technologiques – tablettes, smartphones, caméras-piétons… – qui apparaissent essentiels pour réussir la réforme de la police de sécurité du quotidien. Ils permettront à la fois d’atteindre une efficacité technique supérieure et de procéder à des contrôles dans des conditions plus sereines.

Enfin, le Gouvernement a décidé de réaliser un effort exceptionnel en matière d’immobilier. Pour que nos forces de sécurité soient pleinement opérationnelles, il faut en effet que leur quotidien s’améliore. Nous en sommes tous conscients. Nous allons donc rénover les commissariats et les casernes, parfois très dégradés, faute d’entretien régulier et suffisant par le passé. C’est une préoccupation très forte des policiers et des gendarmes, et ils ont raison.

Pour les deux forces de sécurité, les budgets immobiliers sont en forte augmentation : 196 millions d’euros pour la police nationale, soit une hausse de 5,4 %, et 100 millions d’euros pour la gendarmerie nationale, soit une hausse de 9 %.

En outre, les décisions relatives aux petits travaux seront déconcentrées pour rendre les services plus réactifs et plus à l’écoute des besoins, c’est là du pragmatisme et du bon sens. Les crédits de la mission « Sécurités » pour 2018 apportent aux policiers et aux gendarmes des moyens matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation.

Ce budget est en résonance avec l’arsenal législatif mis en place à travers la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, face auquel nous ne baisserons pas la garde, ni dans la volonté ni dans les moyens alloués.

Ce budget met également en œuvre les ambitions nouvelles du Gouvernement, notamment la lutte contre les inégalités face à la délinquance et aux incivilités qui nourrissent les sentiments d’injustice et d’abandon par la République.

Avec la police de sécurité du quotidien, les services de la sécurité publique seront dotés d’outils leur permettant de mieux identifier les besoins de sécurité pour à la fois prévenir et réprimer les délits, en s’adaptant aux réalités des territoires.

La sincérité, mes chers collègues, est aussi la marque de ce budget, contrairement à celui de 2017 qui affichait des hausses non soutenables, entraînant, entre autres, des annulations de crédits en cours d’exercice et des reports de loyers de la gendarmerie nationale. Le budget 2018 permettra d’amorcer l’apurement de cette dette liée aux loyers.

Je le répète, dès 2018, et tout au long de la législature, en matière d’effectifs, les deux forces de sécurité seront dotées de 10 000 emplois supplémentaires, conformément aux engagements du Président de la République.

Je me permets d’ailleurs de rappeler à mes collègues du groupe Les Républicains que les suppressions d’effectifs, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, avaient profondément désorganisé les services, particulièrement les forces mobiles et le renseignement intérieur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

En 2012, un rattrapage timide a été engagé, avant d’être accéléré à la suite des attentats de 2015. Grâce à ce budget, les effectifs de la police nationale dépasseront enfin le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers, et ceux de la gendarmerie nationale retrouveront le niveau de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes et 30 000 réservistes.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !

M. Frédéric Marchand. Ce budget porte un coup d’arrêt à la tendance de paupérisation opérationnelle des forces de sécurité. L’effet sur le quotidien des agents et des services sera rapidement visible, notamment grâce à l’acquisition de véhicules légers en nombre suffisant, ou encore grâce aux crédits pour les petits travaux d’aménagement et d’entretien des commissariats, qui augmenteront de 10 millions d’euros et pourront être utilisés directement, au plus près des besoins.

La volonté politique que traduit ce budget consiste à créer une relation de qualité entre la population et les forces de sécurité. Nous pourrons ainsi mieux identifier les besoins de sécurité de nos concitoyens, au plus près des territoires, et garantir leur sécurité de façon déterminée et efficace.

La sécurité intérieure est une grande priorité du quinquennat. À ce titre, ce budget traduit un engagement fort pour la sécurité des Français,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Frédéric Marchand. … engagement que le groupe La République En Marche porte avec conviction et détermination.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre d’État, vous avez officiellement lancé le mois dernier, à La Rochelle, la police de sécurité du quotidien. « L’objectif [serait] de construire, avec les élus de terrain, avec la population et avec l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la prévention, des solutions pour répondre plus efficacement aux préoccupations de nos concitoyens », déclarait ainsi le Président de la République, en octobre dernier, en présentant sa principale annonce en matière de stratégie de sécurité. La grande concertation lancée le 28 octobre dernier s’achèvera dans quinze jours, et les premières expérimentations commenceront dès janvier 2018.

Or, monsieur le ministre d’État, malgré une étude attentive du budget, je n’ai trouvé aucune dotation allouée à ce nouveau dispositif : pas un euro !

Autrement dit, la création de cette police de sécurité du quotidien ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire ; celle-ci devra donc s’appuyer sur les moyens existants, ce qui engendrera une charge de travail supplémentaire pour les forces de l’ordre, à moyens constants, donc sans aucune compensation. C’est également ce que révèle le rapport de M. Dominati.

Vous vous défendez de vouloir remettre en chantier la police de proximité. Pour notre part, nous souhaitons véritablement la réhabiliter. Vous n’êtes pas sans savoir que nous défendrons en ce sens une proposition de loi dans l’ordre du jour réservé à notre groupe, le 13 décembre prochain. Mais d’ores et déjà, pour que notre proposition prenne corps, nous vous proposerons, dans le cadre de ce budget, par voie d’amendement, de « réparer » un oubli en budgétisant la police de proximité.

Pour que cette police voie réellement le jour, il faut déployer de véritables moyens, des moyens dont la sécurité de proximité n’a jamais bénéficié.

La réalisation d’une police de proximité suppose une gestion des effectifs adaptée ; il faut donc en premier lieu la doter des moyens nécessaires, mais aussi créer, sur le mode de la Direction générale de la sécurité intérieure créée le 14 avril 2014, une Direction générale de la police de proximité. Celle-ci disposerait, comme toute entité de cette importance, de services administratifs et de soutiens nécessaires à son fonctionnement et à sa gestion.

Il est vraiment temps, me semble-t-il, de cesser de s’attaquer uniquement aux conséquences sans songer aux causes, et de donner la priorité à la prévention et à la dissuasion plutôt qu’à la répression.

En outre, les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de la dégradation de leur relation avec la population. Leurs conditions de travail se trouvent extrêmement détériorées, notamment en raison du renouvellement incessant de l’état d’urgence ces deux dernières années et du stress permanent que créent des relations trop souvent conflictuelles.

Si le régime d’état d’urgence a pris fin le 1er novembre dernier, le Gouvernement reconnaît que la menace revêt désormais « un caractère durable » et a souhaité doter l’État de nouveaux moyens juridiques permanents, de droit commun. La loi du 30 octobre 2017, qui fait entrer l’état d’urgence dans notre droit commun, a cet objectif. Le surcroît opérationnel ne devrait donc aucunement se trouver diminué par la fin de l’état d’urgence, et pourrait même s’accentuer.

À ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour saluer la sage décision du Conseil constitutionnel, qui, à la suite d’une saisine de la Ligue des droits de l’homme, vient de censurer un article de la loi sur l’état d’urgence permettant aux préfets d’autoriser des contrôles d’identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

J’avais, avec les autres membres de mon groupe, dénoncé cette disposition lors des multiples prorogations de l’état d’urgence, et le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur n’avait pas assuré une « conciliation équilibrée » entre, d’une part, « la sauvegarde de l’ordre public » et, d’autre part, « la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée » garantis par la Constitution.

Pour en revenir au budget proprement dit, dans le total des crédits de cette mission, qui doivent augmenter de 1,34 %, nous notons que les recrutements se font au détriment des dépenses d’investissement et de fonctionnement. Comme le rapporteur spécial de la commission des finances, nous n’avons de cesse de dénoncer l’insuffisance de la formation de nos forces de l’ordre.

C’est absolument déraisonnable et dangereux pour nos concitoyens et pour les fonctionnaires de police et de gendarmerie eux-mêmes ! Je ne veux pas faire de parallèle avec la multiplication des suicides de policiers, mais je ne peux pas ne pas y faire référence.

Quant à l’augmentation continue de l’âge moyen des véhicules, elle devient une constante au tableau des insuffisances constatées. Tout le monde connaît également la vétusté dramatique de nos commissariats, qui en fait à la fois des lieux de travail désagréables et peu accueillants pour nos concitoyens et cojusticiables. À l’heure où les victimes sont encouragées à parler, à déposer leurs plaintes, la question des lieux de recueil de la parole des victimes et de la formation de ceux qui la reçoivent et la retranscrivent doit être prise très au sérieux – je vous le demande solennellement, monsieur le ministre d’État.

Notre police et notre gendarmerie sont depuis trop longtemps, hélas, en voie de paupérisation ; or les budgets proposés ne sont en aucun cas à la hauteur de l’enjeu et de la crainte qu’il suscite pour l’avenir de notre pays.

Le budget présenté pour nos soldats du feu n’est guère plus reluisant, et nous suivrons l’avis défavorable de notre collègue Catherine Troendlé sur les crédits de ce programme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)