M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, en matière de défense, le maître mot est « remontée en puissance ». Il vaut aussi pour la sécurité intérieure.

Au-delà des missions classiques de sécurité civile ou de lutte contre la délinquance, la lutte contre le terrorisme est une priorité durable de notre société.

La mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018 améliore les moyens mis à disposition de notre police et de notre gendarmerie pour exercer leurs responsabilités. Outre le remplacement de tous les départs à la retraite, quelque 1 376 emplois de policiers et 450 emplois de gendarmes pourront être créés. Dans le contexte d’extrême contrainte financière que connaît notre pays, l’effort est substantiel. Soyons cohérents avec nous-mêmes : ce budget marque un infléchissement positif.

À ceux qui estimeraient que ce budget est insuffisant, je rappellerai que chacun doit mesurer ses critiques au regard des actions du passé et des perspectives budgétaires soumises à nos concitoyens lors de l’élection présidentielle.

Sans brandir, comme vous le faites régulièrement, monsieur le ministre d’État, la courbe d’évolution des effectifs,…

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Je m’apprête à le refaire !

M. Philippe Bonnecarrère. … reconnaissons que les engagements pris par le Gouvernement, en termes de priorités, sont tenus.

Il a été observé que les créations que j’évoquais compensaient une réduction de temps de travail. De quoi parlons-nous ? De la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et de la transposition qui en a été faite par deux instructions ministérielles en date des 19 septembre 2016 et 4 mai 2017, ainsi que par un décret du 30 janvier 2017.

La question de la qualité de vie des agents doit être traitée avec efficacité et humanité. Il n’est toutefois pas interdit d’évaluer le choix des nouveaux cycles de travail, notamment celui dit « de la vacation forte », qui aurait des conséquences importantes sur la disponibilité opérationnelle.

Je souhaiterais également que soient vérifiées les conditions de la transposition, à la fin de 2016 et en 2017, de la directive de 2003 à laquelle je faisais référence il y a quelques secondes, et que puissent être explorées en particulier les possibilités d’évolution de cette directive. Il est en effet classique que les directives portent exception en matière de défense ; or, à mon sens, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont un même sujet pour notre pays.

J’entends la critique de mes collègues sur le manque de formation et le manque d’équipements.

J’ose espérer, monsieur le ministre d’État, que, sur la durée du quinquennat, il sera possible d’améliorer les moyens de fonctionnement et les équipements ; je compte également sur les évolutions procédurales susceptibles d’alléger la charge de travail des enquêteurs, sujet dont nous espérons qu’il puisse être inscrit à l’ordre du jour du prochain semestre.

Enfin, autorisez-moi à insister sur le respect de la parole de l’État. Lors de votre audition par la commission des lois, vous nous avez indiqué que le ministère de l’intérieur avait accumulé, depuis plusieurs années, des retards de loyers qui s’élèvent, à la fin de 2017, à 114 millions d’euros.

M. Philippe Bonnecarrère. S’il n’est pas possible de tout rattraper en une année, et si un regard sévère peut être porté sur l’absence de sincérité des dispositions budgétaires antérieures, je me permets d’insister pour que la parole de l’État soit respectée, y compris via un lissage pluriannuel de l’effort, l’enjeu étant l’amélioration de la maintenance quotidienne des commissariats et des brigades de gendarmerie. Plusieurs de mes collègues sont intervenus sur ce thème, et nous partageons cette préoccupation.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se ralliera, par son vote, à l’avis favorable formulé sur les crédits de cette mission par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

M. Gérard Collomb, ministre d'État. Merci !

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Mais la commission des finances propose le rejet des crédits !

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la prégnance de la menace terroriste, l’importance de la pression migratoire à laquelle notre pays fait face depuis désormais plus de deux ans et le maintien d’un niveau élevé de délinquance ont impliqué, au cours des derniers mois, une mobilisation sans précédent des forces de sécurité intérieure sur notre territoire.

Eu égard au niveau élevé et à la diversité des menaces, les gouvernements successifs ont engagé, au cours des dernières années, des efforts budgétaires certains et élaboré des plans de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine.

Ainsi, les effectifs des forces de police et de gendarmerie ont été renforcés lors des derniers exercices budgétaires. Un effort de mise à niveau des matériels a été engagé, sans toutefois qu’il atteigne le niveau exigé par l’aggravation de la situation.

Bien que les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 215 millions d’euros, soit une hausse de 1,44 %, cet effort apparaît bien modeste au regard du contexte sécuritaire particulièrement tendu. Cet effort budgétaire demeure en effet bien en deçà des attentes et des besoins des forces de sécurité intérieure, dont les conditions matérielles, je le rappelle, continuent de se dégrader, contribuant au mal-être généralisé au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Mes chers collègues, cette mission budgétaire suscite donc de nombreuses interrogations.

Tout d’abord, en dépit des hausses de crédits, parfois faibles, deux baisses significatives apparaissent au sein du programme 176, « Police nationale » ; elles nous semblent difficilement compréhensibles. En effet, les crédits de l’action Ordre public et protection de la souveraineté diminuent de 59 millions d’euros. Quant aux crédits de l’action Sécurité et paix publiques, ils sont, eux, amputés de 62,6 millions d’euros.

Toujours au sein du programme 176, alors que la France a décidé de maintenir les contrôles aux frontières jusqu’au 30 avril 2018, les crédits de l’action Police des étrangers et sûreté des transports internationaux, qui permettent notamment d’assurer le contrôle des personnes aux frontières, la lutte contre l’immigration clandestine et le démantèlement des filières qui l’organisent, ne représentent que 8,3 % des crédits du programme.

Quant aux crédits du programme 152, « Gendarmerie nationale », ils s’élèvent à 8,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 8,66 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une quasi-stagnation par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2017. En euros constants, ce budget de la gendarmerie nationale connaîtra donc une baisse de 0,44 % en crédits de paiement.

Cette évolution, qui pèse sur les budgets de fonctionnement et d’investissement, est d’autant plus regrettable que la gendarmerie a vu le panel de ses missions s’élargir considérablement au cours des dernières années, un rôle accru lui ayant été confié en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration irrégulière.

Concernant les programmes 176 et 152, « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », l’effort budgétaire consenti sur les moyens humains masque une sous-dotation manifeste des crédits de fonctionnement et d’investissement. Cet effort ne permettra pas de remédier au vieillissement des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie, de rénover le parc immobilier, qui se trouve dans un état de délabrement avancé, ou de poursuivre la mise à niveau des équipements des forces de sécurité.

Enfin, que dire de l’importante dégradation de la situation matérielle de nos forces de sécurité, qui contribue à la croissance du mal-être au sein de la police et de la gendarmerie nationales ? Aujourd’hui, la colère légitime de nos policiers s’ajoute à celle de leurs compagnes ; elle doit être entendue.

Avant de conclure, je souhaite rendre hommage, depuis cette tribune, aux hommes et aux femmes qui, tous les jours, souvent au péril de leur vie, assurent notre sécurité. Je veux ici saluer leur engagement au service des citoyens.

Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce projet de budget n’apporte pas à la police et à la gendarmerie nationales des moyens financiers, matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation. Il ne prend pas, en outre, la pleine mesure de la dégradation du contexte sécuritaire dans notre pays.

Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, débattre du budget de la Nation et le voter, c’est bien plus qu’autoriser les recettes et les dépenses. C’est assurer le soutien de la France à tous ceux qui garantissent sa sécurité quotidiennement ; c’est donner à ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour remplir cette mission les moyens concrets d’assurer la protection de nos concitoyens.

Avant d’aborder les considérations d’ordre strictement budgétaire, je veux rendre un hommage solennel aux membres des forces de sécurité blessés ou disparus en service : policiers, gendarmes et pompiers sont des héros discrets, mais ils sont indispensables à la vie des Français – je crois utile de le rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Pierre Charon. Monsieur le ministre d’État, nous aurons à cœur d’entendre vos réponses aux préoccupations des rapporteurs. Le travail qu’ils ont réalisé mérite d’être salué.

Deux points retiennent mon attention.

Le premier concerne la directive européenne relative au temps de repos. Le temps de récupération est indispensable ; néanmoins, l’équation devient très difficile, puisque les recrutements sont à peine suffisants pour assurer les rotations.

Le second point concerne l’organisation du travail et la répartition des tâches au sein de la gendarmerie. Il est temps que cette dernière cesse d’effectuer des tâches indues à la place d’autres administrations. La réalité des menaces nous impose de créer les conditions d’un recentrage de ses activités sur son cœur de métier.

Son travail d’enquête est très important, à l’heure où la société se judiciarise de plus en plus et où l’opinion ne supporte plus les vices de procédure bénéficiant aux criminels.

À cet instant du débat, je voudrais revenir sur des points spécifiques concernant la gendarmerie, qui me tiennent à cœur. La gendarmerie a une image largement positive auprès de nos concitoyens. Elle représente, pour les Français, l’ordre et la proximité. Aux yeux des sénateurs représentants des territoires que nous sommes, les gendarmes ont un rôle primordial dans le maillage social et territorial.

La gendarmerie incarne la souveraineté de notre État et l’unité de notre nation. Non seulement les gendarmes contribuent à la sécurité de nos concitoyens, mais, par leur statut militaire, ils sont les garants de la résilience nationale. Alors que notre pays fait face au terrorisme depuis plusieurs années, la résilience est une notion des plus précieuses.

De fait, ce corps historique de protection de l’État et de la Nation constitue la cible de ceux qui ont la haine de la France, de ceux qui méprisent nos institutions. Tragiquement, la haine de nos forces de l’ordre s’accompagne de violences inacceptables et intolérables. Le sang-froid dont elles font preuve force le respect et démontre leur niveau de professionnalisme ; il convient de le saluer.

Récemment encore, une brigade territoriale de la gendarmerie a fait l’objet, à Meylan, d’un incendie. Ses conséquences auraient même pu être criminelles. Cinq véhicules ont été détruits, mais l’intention était de tuer des gendarmes. La multiplication de ce genre d’initiatives démontre que certains vivent non pas dans la peur du gendarme, mais bien dans la haine du gendarme ! Ces différents événements doivent entraîner, de notre part et de la part de la justice, un appui sans faille.

Rappelons la complexité des défis auxquels sont confrontés les gendarmes, notamment dans les domaines relatifs à la lutte contre le terrorisme. En la matière, je me réjouis de voir le rôle de la gendarmerie renforcé. Je veux saluer l’apparition de nouvelles unités qui protégeront certains sites sensibles.

En outre, la gendarmerie a une expérience historique, comme peut en témoigner le GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale – j’espère d’ailleurs que la mutualisation ne nuira pas à son moral. Tout ce qui contribue à préserver et à améliorer ce savoir-faire de la gendarmerie doit être encouragé.

La lutte contre le terrorisme constitue aussi un travail global, qui ne se limite pas aux seules interventions ou aux missions de protection. Ce combat se tient également en amont, dans la surveillance et dans la détection de certains comportements.

Par ailleurs, il faut souligner le rôle que joue la gendarmerie dans la prévention de la radicalisation. Dans ce domaine, l’apport de la gendarmerie est particulièrement précieux. En effet, par son ancrage territorial et historique, par sa connaissance du terrain, la gendarmerie joue un rôle indispensable dans le renseignement de proximité, qui est l’échelon de base de notre renseignement.

Par son implantation, la gendarmerie peut détecter les moindres signes de radicalisation. C’est un appui précieux dans la lutte contre le radicalisme islamiste, antichambre du terrorisme.

Nos 3 111 brigades et chacun de nos gendarmes sont autant de postes d’observation dans ce combat qui doit être mené sans faiblesse. Nous devons utiliser au maximum la connaissance du terrain que possède la gendarmerie, car cela contribue à une défense efficace de notre ordre public. Mais la reconnaissance de ce savoir-faire en matière de renseignement territorial passe aussi par la création des antennes de renseignement territorial, dont je me réjouis de voir qu’elles sont animées par nos gendarmes.

J’appuierai donc tout ce qui va dans la perspective du renforcement de ces capacités de renseignement.

La gendarmerie est la représentante de l’État auprès de la population ; il faut, à ce titre, saluer son rôle dans les territoires ultramarins, où elle couvre une zone correspondant à 68 % de la population. C’est bien l’unité de la République et de la Nation qui est assurée concrètement. Nos compatriotes d’outre-mer le savent ; ils sont « en demande de gendarmerie », d’autant plus que le facteur d’insularité rencontre aujourd’hui de plein fouet la mondialisation des trafics et de la criminalité.

S’agissant de la protection de l’ordre public et de la sécurité du quotidien, le bilan de l’action de la gendarmerie est positif – on constate ainsi une diminution des violences physiques et des cambriolages. Ces signes encourageants n’auraient évidemment pas été possibles sans son travail.

Outre les territoires ultramarins, nous devons impérativement prendre en compte la dimension européenne de la gendarmerie. Sur ce point, on peut parfois regretter le manque de volonté des Européens eux-mêmes.

Aussi, monsieur le ministre d’État, serait-il bienvenu que la France appelle ses partenaires à maintenir et à augmenter efforts et politique de coopération. Je pense par exemple à certains réseaux et mafias, et notamment aux commerces d’armes, de drogues et d’êtres humains. Leurs ramifications et implantations sont pleinement européennes, c’est-à-dire sans frontières ; elles sont libres de leurs mouvements.

N’oublions pas que la France, par sa géographie, est au cœur de trafics, à l’est, mais aussi au sud. J’en veux pour preuve le nombre d’interpellations des go fast entre l’Espagne et la Belgique. Nos concitoyens exigent de l’Europe des frontières sûres et bien gardées ; leur porosité ne peut qu’alimenter le terrorisme et tous les trafics.

Il faut donc soutenir la gendarmerie dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Cent gendarmes ont été engagés dans le cadre de FRONTEX ; c’est un début encourageant, mais il faut absolument que les dotations suivent. La gendarmerie doit être soutenue dans la défense de ces frontières que l’Europe a trop tardé à protéger !

La gendarmerie peut contribuer à rendre l’Europe plus efficace, plus proche des Français. Le mot « protection » ne doit pas être un tabou, mais devenir une réalité.

Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, d’attirer votre attention sur l’émergence d’un nouveau terrain de jeu pour le grand banditisme : le crime et la délinquance peuvent être virtuels ; le cas échéant, néanmoins, les conséquences et dommages sont bien réels, avec, hélas, de nouvelles victimes. La cybersécurité est l’un des nouveaux terrains d’action de la gendarmerie. C’est un enjeu vital pour l’ensemble de la société et de ses acteurs, tant gouvernementaux qu’économiques.

Sur internet se livre une véritable guerre. Les « e-délinquants » ont des capacités de déstabilisation sans échelle : leurs cibles sont aussi bien les particuliers, les multinationales que les institutions gouvernementales. En réalité, la criminalité numérique exige non pas une politique de cyberdéfense, mais une politique offensive. Cela passe par une politique de recherche, d’investissement et de formation de grande ampleur.

Contrôle de l’action du Gouvernement, afin que les crédits de fonctionnement cessent d’être engagés au détriment des crédits d’investissement, et soutien permanent aux forces de sécurité sont les deux valeurs de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je partage les propos de Pierre Charon, qui vient de rendre hommage aux forces de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, à ces hommes et à ces femmes qui donnent tant, jour et nuit, 365 jours par an, pour notre sécurité.

En revanche, malheureusement, je ne suis pas d’accord avec lui sur d’autres sujets qu’il a abordés.

M. Pierre Charon. C’est rare !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela arrive, mon cher collègue ! C’est le cas, notamment, s’agissant des effectifs.

Monsieur le ministre d’État, j’ai remarqué que vous alliez créer 1 629 postes de policiers et 459 postes de gendarmes. À mes collègues du groupe Les Républicains,…

M. Roger Karoutchi. Ne commencez pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Sueur. … et notamment à M. Karoutchi, je souhaite rappeler un certain nombre de faits.

Chers collègues, je sais que cela vous fait de la peine…

M. Roger Karoutchi. Cela me fait surtout de la peine pour vous !

M. Jean-Pierre Sueur. … et que c’est difficile à admettre. Toutefois, au moment où vous nous donnez des leçons – vous avez le droit de le faire –, je rappelle que, entre 2007 et 2012 – vous vous en souvenez bien, monsieur Karoutchi –, plus de 10 000 emplois ont été supprimés ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Julien Bargeton applaudissent.)

M. Philippe Bas. La période est-elle comparable ? Et le terrorisme ?

Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Et que s’est-il passé ensuite ?

M. Jean-Pierre Sueur. Plus de 10 000 emplois ont été supprimés dans la police et dans la gendarmerie : c’est une réalité !

M. Jackie Pierre. C’est terminé ! Passez à autre chose !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est du passé, certes. Mais l’histoire est bien là ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Sueur a la parole !

M. Antoine Lefèvre. Mais il ne cesse de nous interpeller !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là pour débattre, mes chers collègues. Au Parlement, on a le droit de parler ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Allons bon !

M. Antoine Lefèvre. Eh bien, nous allons parler aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour mémoire, je rappelle également que, au cours de la même période, les crédits d’investissement relatifs à la police ont baissé de 16 % et les crédits relatifs à la gendarmerie de 18 %. On ne peut donc pas ne pas dire qu’un redressement, depuis lors, s’est produit. D’ailleurs, monsieur le ministre d’État, vous êtes, à cet égard, dans le droit fil de vos prédécesseurs.

Mes chers collègues, comme nous détestons tous le simplisme, après avoir donné acte à M. le ministre d’État de ces augmentations d’effectifs, qui doivent être notées, je soulignerai, comme vous l’avez fait les uns et les autres, que les crédits d’équipement ne sont pas au niveau que nous aurions pu espérer.

Alors qu’un effort exceptionnel de 37 millions d’euros a été réalisé dans la loi de finances pour 2017, on constate dans ce projet de loi de finances une diminution de 7 % des crédits d’équipement, qui concernent l’armement, l’habillement, les moyens de protection et d’intervention des forces de police et de gendarmerie. C’est un vrai problème.

Par ailleurs, le rapport de M. Henri Leroy explique que, dans la pratique, l’investissement immobilier sert souvent de variable d’ajustement. Lorsque 85 % des crédits sont consacrés aux personnels, lesquels ne peuvent évidemment être ajustés, il reste 15 % pour l’immobilier et les équipements, qui, eux, peuvent donner lieu à des ajustements.

C’est pourquoi, monsieur le ministre d’État, je serai très heureux si vous preniez l’engagement de sanctuariser complètement ces crédits et de refuser la régulation. Si tel n’était pas le cas, ce serait extrêmement dommageable, puisque ces crédits ne sont déjà pas suffisants !

Puisque le temps m’est compté, je salue l’effort en faveur de la sécurité du quotidien, tout en reprenant les questions qui ont été posées par Mme Assassi, notamment, sur le financement de ce programme.

Enfin, je souligne l’importance des actions que vous menez, dans la continuité totale de vos prédécesseurs, monsieur le ministre d’État, pour lutter contre le terrorisme, sujet qui nous préoccupe tous. Je n’insisterai que sur un point : quand la DGSI, a été mise en place, et avant qu’elle ne fût mise en place, la connexion entre le renseignement de terrain et le renseignement au niveau central posait un vrai problème.

Je sais que vous vous êtes attaché, vous l’avez rappelé, à supprimer cette distance dans un objectif d’efficacité. Je salue cette action ; peut-être pourriez-vous nous en parler davantage, car une telle politique est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme, qui est une priorité absolue dans notre pays.

Monsieur le ministre d’État, nous ne suivrons pas nos collègues qui ont décidé de voter contre ce budget. Nous ne suivrons pas non plus nos homologues socialistes de l’Assemblée nationale. Nous nous abstiendrons, ce qui signifie que nous voyons à la fois les points positifs, qui concernent les effectifs, et les insuffisances. Nous espérons que notre vote constituera un encouragement pour poursuivre votre action à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, pour des raisons que personne n’ignore, ces trois dernières années ont donné lieu à d’importantes décisions politiques et à des réformes législatives en faveur du renforcement des moyens dévolus aux forces de la sécurité intérieure, qui ont été accompagnées par une augmentation parallèle des crédits de la mission « Sécurités ».

Au sein des forces de la police et de la gendarmerie nationales, des programmes de modernisation ont été engagés par ailleurs, afin de recentrer les activités des agents sur le cœur de leur métier : la protection des personnes et des biens.

L’augmentation de près de 2 % des crédits que vous proposez s’inscrit dans la continuité des exercices précédents, ce qui est une bonne chose.

Comme le rappelait le Président de la République dans son adresse aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre dernier, vous avez demandé, monsieur le ministre d’État, que tous les agents de votre ministère soient associés à la redéfinition de notre stratégie de sécurité intérieure, par voie de consultation.

C’est une excellente méthode, destinée à valoriser le travail d’agents dont le moral a été très durement éprouvé au cours des dernières années. Nous ne sous-estimons pas la pression pesant sur chacun d’entre eux. Il n’est pas difficile d’imaginer que, ces temps-ci, le poids de l’uniforme se fait un peu plus lourd… Les risques encourus sont devenus aussi grands que les attentes de nos concitoyens.

C’est pourquoi nous vous soutenons dans votre initiative : il est nécessaire de redonner à vos effectifs tous les hommages qui leur reviennent, tant leur action en faveur de l’ordre et de la paix civile est déterminante.

La valorisation des forces de l’ordre et de la sécurité publique est également une condition nécessaire pour le succès des réformes que vous proposez, qu’il s’agisse du renforcement du continuum de sécurité ou, dans le cas de la police nationale, de la création de la police de sécurité du quotidien.

L’incomparable violence des attaques terroristes ne doit pas nous faire oublier les effets de la délinquance, des cambriolages et des incivilités quotidiennes sur la propagation du sentiment d’insécurité dans l’ensemble de la population.

Sur les 3 800 postes créés dans la police nationale, 1 200 ont été affectés à la DGSI et au renseignement territorial. Cependant, le développement des moyens techniques et humains de nos services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ne doit pas compromettre la mise en œuvre d’autres réformes, aujourd’hui à l’expérimentation.

Je pense, notamment, à l’expérimentation des caméras-piétons et, au sein de la gendarmerie, au développement des « brigades territoriales de contact ». Il faut remettre le gendarme au plus près de la population, c’est comme cela que nous obtiendrons des informations et du renseignement. Je pense également à l’outil numérique Néogend, qui devrait faciliter la tâche des agents sur le terrain. Toutes ces applications utiles dans les démarches quotidiennes des forces de l’ordre devraient être maintenues.

À propos de la gendarmerie nationale, il est par ailleurs décevant que l’évolution des crédits de son programme ne suive pas le même profil que celui de la police nationale. Cet arbitrage intervient alors même que les attentes sécuritaires ont grandi sur l’ensemble du territoire, et pas simplement dans les zones protégées par la police nationale.

Dans de nombreuses communes, l’organisation de manifestations culturelles et autres est fortement menacée par les nouvelles normes de sécurité anti-attentats qui s’imposent. Il pourrait être envisagé de renforcer l’association des élus à la définition des stratégies locales de sécurité afin de maintenir l’expression de notre vie culturelle et associative. C’est ma vision de ce que pourrait être le « continuum territorial de sécurité » ; il semble que sur ce point nos visions pourraient converger, monsieur le ministre d’État.

Sans remettre en cause la politique menée dans ce domaine, je voudrais également formuler quelques remarques sur les moyens affectés à la lutte contre le terrorisme.

Près de trois ans après le déclenchement de l’opération Sentinelle, et après plusieurs décennies sous le régime de Vigipirate, il faut à présent s’interroger sur l’efficacité de telles opérations préventives, mobilisant par ailleurs des effectifs importants.

Mes dernières observations concerneront la sécurité routière. La hausse des crédits est justifiée par l’augmentation du nombre de personnes accidentées et par le ralentissement de la baisse du nombre de personnes tuées.

Depuis les années soixante-dix, le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route a baissé sensiblement, passant de plus de 16 000 par an à un peu moins de 3 500 personnes tuées cette année. Toutefois, la cible fixée à 2 000 morts par an n’est toujours pas atteinte. Parmi ces victimes, beaucoup sont des cyclistes et des piétons.

Je terminerai par un petit billet d’humeur. J’ai pris connaissance de l’éventuel projet de réduire la vitesse autorisée sur les routes à 80 kilomètres à l’heure…