M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas faux !

Mme Pascale Gruny. C’est dommage !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. J’ai d’ailleurs proposé au Parlement, en particulier à la commission des affaires sociales du Sénat, d’élaborer un véritable plan donnant une visibilité, sur le quinquennat, des mesures de reconnaissance que nous pouvons mettre en œuvre en faveur du monde combattant.

M. Jean-Pierre Grand. Ils seront morts !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. J’ai d’ores et déjà demandé une évaluation très précise du nombre des bénéficiaires éventuellement concernés par l’ensemble de ces requêtes et de l’impact budgétaire de ces dernières. Ce bilan est indispensable, car, nous le voyons tous les jours, les chiffres sont totalement discordants. Cette discordance apparaît nettement dans les amendements que nous allons examiner ensuite – ce fut aussi le cas à l’Assemblée nationale –, par exemple en ce qui concerne la carte 1962-1964.

Nous avons besoin d’avoir une vue plus juste de ce qu’il est possible de réaliser. C’est ensuite seulement que, avec les associations et le Parlement, nous pourrons engager un véritable travail de programmation sur les quatre ans à venir. Je signale toutefois que nous sommes, vous le savez tous, dans un contexte de prudence financière, qui entraîne une grande responsabilité, pour chacun des ministres, dans l’élaboration du budget.

Je souhaite vraiment réaliser ce travail avec vous, afin que nous soyons clairs sur nos engagements et que nous les mettions effectivement en œuvre.

Nous devons aussi réfléchir, de manière plus générale, à l’évolution du monde combattant, qui va se transformer au fil des années avec l’arrivée des soldats qui servent aujourd’hui en opération extérieure. Nous devons nous préparer à cette évolution de façon concrète, car ces soldats formeront, dans les années à venir, la majorité du monde combattant.

Autre sujet important que je souhaite évoquer : la prise en charge des blessés, que ce soit d’un point de vue psychologique ou en termes de reconversion et de réinsertion dans la société. Plusieurs acteurs jouent un rôle essentiel sur cette question : je pense à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre – l’ONAC – et à l’Institution nationale des invalides – l’INI –, mais aussi au service de santé des armées, dont j’ai également la responsabilité – vous le voyez, les missions que m’a confiées Florence Parly sont complémentaires.

Nous devons accorder une attention toute particulière au parcours des blessés et à leur avenir. Il est essentiel de prendre en charge ce problème difficile.

Plusieurs intervenants ont évoqué l’opération Sentinelle. Je rappelle que les soldats de cette opération, qui vont tous en opération extérieure, peuvent obtenir la carte du combattant à partir du moment où ils servent en opération extérieure durant 120 jours. Il n’y a donc pas de souci à se faire sur ce sujet.

Je vous le répète, je suis bien consciente des demandes du monde combattant ; je souhaite que nous les étudiions précisément et que nous puissions donner un cap pour les quatre prochaines années.

En ce qui concerne les questions de mémoire, l’année 2018 sera effectivement un moment important, et il faut y inclure le soixante-quinzième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance comme le quarantième anniversaire de l’intervention française au Liban et de la force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL.

Durant cette très riche année, nous devrons poursuivre le travail de soutien aux actions menées par les collectivités en faveur de la mémoire, par exemple pour l’entretien des lieux de mémoire. Le budget que nous vous proposons le permet.

Ainsi, nous devons continuer d’œuvrer avec force en faveur du tourisme de mémoire. Je rappelle qu’il a permis de créer, à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, une véritable dynamique dans de très nombreux territoires ruraux.

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » concerne aussi la jeunesse – cela a été évoqué –, puisqu’elle inclut le financement de la journée défense et citoyenneté.

Certains brocardent cette journée et je pense qu’ils ont tort, car elle est importante. Le taux de satisfaction relevé auprès des jeunes qui y participent est d’ailleurs excellent : plus de 80 % d’entre eux ont le sentiment non seulement d’avoir appris des choses, mais aussi d’avoir acquis de véritables notions sur l’esprit de défense et sur l’idée de nation, ce qui constitue un objectif important de la journée défense et citoyenneté.

Pour ce qui concerne le service national universel, nous sommes en train d’évaluer les rapports rédigés par les inspections générales. La représentation nationale sera évidemment associée aux réflexions.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite, en conclusion, vous remercier de votre implication sur les questions qui concernent le monde combattant et le travail de mémoire. Vous connaissez les demandes formulées par les associations ; j’ai le sentiment que vous avez compris les difficultés de tous ces sujets et que vous souhaitez nous accompagner dans les réflexions que nous allons conduire.

Je qualifierai de nouveau ce budget de dynamique, bien qu’il diminue, tout simplement parce que nous sommes parvenus à mettre en œuvre des mesures nouvelles. Je souhaite qu’il en soit de même dans les années à venir et je compte sur votre aide pour cela. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)

Anciens combattants, mémoire et  liens avec la Nation
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Article 50

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2 460 517 265

2 461 153 844

Liens entre la Nation et son armée

42 844 421

42 681 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 316 874 662

2 317 674 662

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

100 798 182

100 798 182

Dont titre 2

1 755 981

1 755 981

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-237 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller, Morisset, Duplomb, Grand, D. Laurent, Nougein, Bonnecarrère, Perrin, Raison et Lefèvre, Mmes Di Folco et Garriaud-Maylam, MM. Reichardt, L. Hervé et de Legge, Mme Bruguière, MM. Savin et Meurant, Mmes Morhet-Richaud et Gruny, MM. Bazin et Henno, Mme Micouleau, M. Danesi, Mme Deromedi, MM. Daubresse, Leleux, Charon, Détraigne et Paccaud, Mme Guidez, MM. Kennel, Bansard et Brisson, Mme Lopez, M. Pierre, Mme Doineau, MM. Longuet et Cuypers, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Pillet et Longeot, Mme Estrosi Sassone, M. Courtial, Mme Berthet, M. Priou, Mmes Imbert et F. Gerbaud, MM. Poniatowski et Bas, Mmes Lassarade et Lherbier, MM. Rapin, Hugonet et Dufaut, Mme Billon, MM. Gremillet, Revet, Allizard et B. Fournier et Mme Raimond-Pavero, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son armée

 

18 000 000

 

18 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

18 000 000

 

18 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

18 000 000

18 000 000

18 000 000

18 000 000

SOLDE

 0

0

La parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Au sein de la troisième génération du feu, qui a servi en Algérie, une dernière inégalité persiste dans l’attribution de la carte du combattant. Depuis 2004, celle-ci est attribuée à tous les hommes qui y ont servi quatre mois avant l’indépendance, c’est-à-dire le 2 juillet 1962. Depuis 2014, tous les soldats qui ont servi quatre mois sur ce territoire, dès lors que leur séjour avait commencé avant cette date, peuvent la recevoir – c’est ce qu’on appelle la carte « à cheval ».

Cela ne prend pas en compte la situation des militaires qui, en application des accords d’Évian, ont été affectés dans ce pays nouvellement indépendant jusqu’en 1964, dont l’effectif total est estimé à plus de 150 000 hommes. Durant cette période, 627 d’entre eux ont été reconnus morts pour la France, ce qui témoigne de la dangerosité de leur mission.

Il convient aujourd’hui de réparer cette injustice.

Comme vous l’avez relevé, madame la secrétaire d’État, des estimations divergentes sur le versement de la retraite du combattant, donc du coût de cette mesure, ont été avancées. Pour le Gouvernement, il représenterait plus de 100 millions d’euros, mais ce calcul est basé sur l’hypothèse que l’ensemble des soldats concernés n’en bénéficient pas aujourd’hui et la percevront dès l’an prochain. Or un nombre important de ces hommes avait déjà servi en Algérie durant la guerre et touche la retraite du combattant à ce titre.

Il est plus raisonnable d’estimer qu’environ 25 000 personnes seraient concernées, soit le nombre de titres de reconnaissance de la Nation décernés pour les services en Algérie entre 1962 et 1964 – environ 36 000 –, duquel est soustrait le nombre de cartes « à cheval » attribuées depuis 2014 – 11 000.

Le coût serait donc d’environ 18 millions d’euros par an, ce que le déclin démographique des anciens combattants permet de financer à budget constant.

Par ailleurs, il n’est pas question en l’occurrence de rouvrir le débat sur la guerre d’Algérie et ses bornes temporelles. Le maintien de forces françaises sur ce territoire indépendant après le 2 juillet 1962 s’apparente plutôt à une opération extérieure.

Or, depuis 2015, les anciens combattants des OPEX peuvent bénéficier de la carte du combattant après quatre mois de présence sur un théâtre d’opérations. Ces OPEX ne sont pas toutes postérieures à la guerre d’Algérie : dans la liste, fixée par arrêté, on compte par exemple Madagascar entre mars 1947 et octobre 1949.

En théorie, l’intervention du législateur ne serait donc même pas nécessaire, si le Gouvernement prenait ses responsabilités. Il lui suffirait en effet de modifier cet arrêté.

En raison des règles propres à la recevabilité des amendements au projet de loi de finances, cet amendement prévoit le transfert de 18 millions d’euros de l’action n° 02 vers l’action n° 01.

Mme la présidente. L’amendement n° II-363, présenté par M. Bérit-Débat et Mme Féret, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son armée

16 500 000

16 500 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

16 500 000

16 500 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

dont titre 2

TOTAL

16 500 000

16 500 000

16 500 000

16 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. M. Mouiller a développé un certain nombre d’arguments que nous partageons. Je serai donc rapide.

Cet amendement vise à réparer une injustice au détriment des combattants présents en Algérie, à la suite des accords d’Évian, entre le 2 juillet 1962 et 1964.

Cette mesure, évoquée depuis fort longtemps, a fait l’objet de multiples interventions parlementaires. Je pense par exemple à la proposition de loi déposée par M. Darmanin, qui est aujourd’hui ministre de l’action et des comptes publics.

C’est une mesure que toutes les associations d’anciens combattants – l’UNC, la FNACA… – attendent que les parlementaires adoptent.

Chaque quinquennat connaît une avancée en matière d’anciens combattants et j’ai bien entendu, madame la secrétaire d’État, votre proposition de travailler sur un plan couvrant la durée de celui qui commence.

Cependant, la mesure, dont il est question dans cet amendement et dont je ne nie pas le coût budgétaire, est attendue depuis très longtemps. C’est pourquoi voter cette avancée, qui mettrait fin à l’injustice qui frappe ceux qui ont été appelés en Algérie après le 2 juillet 1962, permettrait de corriger une situation qui n’est plus acceptable depuis de nombreuses années.

Mme la présidente. L’amendement n° II-445, présenté par Mmes Cukierman et Cohen, M. Watrin, Mme Prunaud, M. Foucaud, Mme Assassi, MM. Bocquet, Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Benbassa et MM. Savoldelli et Collombat, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la Nation et son armée

 

10 000 000

 

10 000 000

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

10 000 000

 

10 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Comme cela a été dit, la demande dont nous discutons est malheureusement récurrente. Beaucoup de choses ont déjà été dites et j’en ai moi-même parlé dans mon intervention générale.

En adoptant ces amendements, nous offririons au Président de la République la possibilité de tenir l’une de ses promesses de campagne : en effet, le 25 avril 2017, il s’est adressé aux associations du monde combattant, en se déclarant « favorable à l’attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 ».

Certes, cet engagement, que nous permettrions au Président de réaliser, a été fait par d’autres avant lui… Si le premier amendement présenté, dont l’impact financier diffère du nôtre, était adopté, nous ne pourrions que nous en féliciter, même si le nôtre devenait alors caduc !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je souhaite tout d’abord remercier les différents intervenants de leurs témoignages sur cette grande cause.

De manière générale, s’agissant de ces trois amendements comme de ceux qui suivront sur les crédits de la mission, la commission des finances et moi-même sommes naturellement sensibles aux intentions de leurs auteurs, car ils souhaitent finalement prendre en compte des situations qui sont mal couvertes depuis de nombreuses années et encore aujourd’hui.

Il s’agit en particulier de surmonter les effets injustement défavorables pour les anciens combattants du rapport constant, lorsque la politique salariale du Gouvernement se fait rigoureuse, c’est-à-dire en l’absence de revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

Les trois amendements présentés évoquent des chiffres différents – 18 millions d’euros, 16,5 millions et 10 millions – et, si nous partageons collectivement le même constat, ils ne peuvent qu’appeler une demande de retrait. La commission adoptera la même position pour les amendements suivants.

Je perçois en effet deux difficultés.

Tout d’abord, les réductions de crédits proposées conduiraient à remettre en cause en profondeur des actions que tout un chacun juge par ailleurs souhaitables.

Ensuite – c’est un point déterminant –, le vote de tels amendements n’aurait pas de portée pratique sans l’assentiment du Gouvernement. Nous touchons là un point technique de l’examen des lois de finances. Effectivement, les bases légales et réglementaires des dépenses qu’il s’agit de financer manquent totalement, si bien que l’abondement du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » n’aurait pas d’autre effet que de constituer une réserve de crédits au sein de ce programme, l’emploi des fonds en question n’étant pas autorisée en pratique.

Si le Gouvernement déclarait qu’il répond favorablement à ces demandes, il conviendrait évidemment de revoir la question.

Cela étant, la commission des finances demande, à ce stade, le retrait de ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Nous avons déjà beaucoup parlé de la question de la carte du combattant 1962-1964. Nous le savons, il s’agit d’une demande d’équité de la part du monde combattant, mais vous voyez bien, à la lecture de ces trois amendements, la difficulté dont je parlais tout à l’heure, à savoir l’évaluation du coût de la mesure. Je vous indique d’ailleurs que, au sein du ministère, les évaluations sont encore plus élevées.

C’est pourquoi je renouvelle l’idée que je vous ai soumise : d’abord, évaluer très précisément le nombre de bénéficiaires et le coût de la mesure, puis élaborer des propositions et les discuter avec le monde combattant et le Parlement. Je formulerai la même proposition sur les autres demandes.

C’est dans cet esprit et au bénéfice de ce travail que je vous demande de retirer vos amendements, mesdames, monsieur les sénateurs. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je soutiens l’amendement présenté par Philippe Mouiller, car la société doit trouver un équilibre entre le passé et l’avenir, entre le droit à réparation et le devoir de mémoire.

En ce qui concerne le devoir de mémoire, je profite du temps qui m’est donné pour soutenir le dossier en cours d’examen à l’UNESCO et évoqué par mon collègue meusien. Dans le département de la Meuse se trouvent des sites importants, qui méritent d’être pris en considération.

Vous le savez, je suis élu de la Marne, territoire d’histoire et de mémoire : Attila, le sacre des rois, Valmy, la naissance de la République, la campagne de France et les batailles de la Marne… Nous sommes donc particulièrement attentifs à ces sujets et je vous demande, madame la secrétaire d’État, de soutenir ce dossier qui est particulièrement important.

J’en viens au droit à la reconnaissance de la Nation, donc aux amendements qui ont été présentés. Quand on a un certain âge, on a entendu parler, dans sa famille, de la Première Guerre et de la Deuxième Guerre mondiales comme de la guerre d’Algérie. En tant que pied-noir, j’ai vécu avec l’histoire des événements d’Algérie et je dois dire que la manière dont ces épisodes m’ont été relatés ne correspond pas forcément à ce que j’ai entendu, en tant qu’élu, de la part des associations.

Il est vraiment important d’affirmer cette reconnaissance et nous sommes à un moment où le contexte financier, par la diminution mécanique du budget, le permet. Les chiffres ont été – brillamment – précisés par Alain Milon, qui remplaçait, au nom de la commission des affaires sociales, notre collègue Bruno Gilles : en 2018, les crédits dédiés aux anciens combattants diminuent de 76 millions d’euros.

Nous ne devons absolument plus attendre pour avancer sur la question de la reconnaissance des combattants d’Algérie.

Voilà les raisons pour lesquelles je soutiens l’amendement présenté par Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Sophie Joissains applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je suis certainement le seul dans cet hémicycle à avoir participé à la guerre d’Algérie. C’était entre 1958 à 1960. Comme je suis le vice-doyen de la Haute Assemblée, vous imaginez l’âge de ceux qui sollicitent aujourd’hui l’attribution de la carte du combattant… Pourtant, vous dites à ces anciens combattants, madame la secrétaire d’État, d’attendre encore un peu afin de discuter avec les associations ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Loïc Hervé et Mme Sophie Joissains applaudissent également.) Or toutes les associations souhaitent l’adoption de cette mesure. C’est une question de justice !

Évidemment, je comprends les problèmes de relation entre l’Algérie et la France, puisque, en 1962, le conflit était a priori terminé. Mais après juillet 1962, certains, qui n’avaient rien demandé, ont encore passé deux ans là-bas, et je vous rappelle qu’il y a eu plus de 600 morts.

Nous avons donc un devoir de reconnaissance.

J’avais d’ailleurs déposé un amendement, qui – je ne sais pas pourquoi – n’a pas été jugé recevable. Il reprenait la formule des opérations extérieures : puisque nous n’étions plus censés être en guerre, les soldats envoyés en Algérie après 1962 participaient aux opérations de maintien de l’ordre. Ces soldats exerçaient en fait les mêmes responsabilités que ceux qui sont aujourd’hui envoyés à l’étranger en OPEX.

Reconnaissons qu’ils étaient en Algérie au titre d’une OPEX ! Ils pourront alors bénéficier de la carte du combattant.

Ce n’est pas un problème financier, puisque, malheureusement, des combattants disparaissent tous les ans et que, compte tenu de l’âge, les choses n’iront qu’en s’aggravant. De ce fait, les crédits permettent d’accorder à ces combattants ce qu’ils méritent, à savoir la carte du combattant.

C’est une question de justice pour ceux qui ont été engagés là-bas. Je voterai donc l’amendement de Philippe Mouiller, dont je suis cosignataire. Il faut mettre un terme à cette situation dès maintenant et soigner les meurtrissures des soldats, car, si cette mesure est différée, peu d’entre eux seront encore présents pour en bénéficier effectivement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. C’est non sans émotion que je prends la parole après Charles Revet. Je n’appartiens pas à la même génération que lui et je souhaite le remercier du travail qu’il accomplit en tant que président du groupe d’études des sénateurs anciens combattants et de la mémoire combattante qui, dans cette maison, travaille sur les questions qui nous intéressent ce matin.

Madame la secrétaire d’État, je veux d’abord vous remercier de l’ouverture dont vous faites preuve. Cette demande récurrente des associations est légitime, mais elle s’est toujours heurtée à un refus de la part des gouvernements successifs.

Ce matin, sur l’initiative de Philippe Mouiller et de plusieurs autres collègues siégeant sur différentes travées, nous relançons ce débat.

Nous sommes au lendemain de la journée commémorative de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc et le Président de la République est à Alger aujourd’hui même. Nous sommes donc à un moment où la question de l’attribution de la carte du combattant aux soldats français engagés – appelés, pour beaucoup d’entre eux – en Algérie de 1962 à 1964 doit être posée. Les plus jeunes de ces soldats ont aujourd’hui 73 ans.

Beaucoup de soldats professionnels engagés dans des opérations extérieures ont eu gain de cause et ont obtenu cette carte du combattant.

Ces amendements ne visent ni plus ni moins qu’à conférer aux soldats envoyés en Algérie le même statut. Ils sont encore nombreux, les associations que nous rencontrons régulièrement n’ont de cesse de nous le rappeler. Certains présidents d’association, dont celui de l’UNC, sont d’ailleurs présents dans les tribunes du Sénat ce matin.

Pour la réconciliation franco-algérienne, la reconnaissance de l’engagement des soldats français en Algérie après le 2 juillet 1962 mérite une décision rapide.

Je comprends votre demande, madame la secrétaire d’État, de disposer de temps pour évaluer l’engagement financier que cette mesure peut représenter pour le budget de la Nation. Néanmoins, cette affaire dure depuis cinquante ans !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat. Et ça tombe sur moi !

M. Loïc Hervé. C’est vrai, madame la secrétaire d’État, j’en conviens !

Il s’agit maintenant de prendre une décision rapide. Quand il était candidat, le Président de la République a pris un engagement, qui doit être tenu maintenant.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Bien évidemment, nous voterons en faveur de ces amendements. Nous ne devrions plus être dans une phase d’attente et d’évaluation, en ce qui concerne la réalisation d’une telle promesse.

Aujourd’hui, comme plusieurs intervenants l’ont rappelé, il y a urgence à adopter cette mesure, ne serait-ce que pour éviter qu’elle ne s’applique – malheureusement – qu’à titre posthume…

Encore une fois, cette mesure fait effectivement partie des promesses du candidat Macron et je crois savoir que d’autres promesses n’ont pas tardé, quant à elles, à être mises en œuvre… On l’a bien vu cet été !

Avec ces amendements, nous permettons donc au Président de la République de continuer avec la rapidité, l’efficacité et la modernité qu’il entend incarner dans la gestion de notre pays.

Sur le fond, j’entends les arguments avancés pour demander le retrait des amendements. Tout d’abord, arrêtons de nous la raconter ! Oui, la problématique du débat budgétaire au Parlement est compliquée, car la liberté des parlementaires de modifier réellement le projet de loi de finances tel qu’il est présenté par le Gouvernement est extrêmement limitée.

On peut revenir sur le gage, on peut toujours s’interroger sur les choix faits pour telle ou telle mission et souligner leurs conséquences sur les équilibres budgétaires. J’ai envie de dire qu’il vous appartiendra, en cours d’année, de trouver des solutions. En effet, ces amendements permettent de répondre à la demande du monde combattant sans tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution et sans remettre en cause la qualité de la mission.

Je considère, en tout cas, qu’il serait intéressant que ce signal soit envoyé par le Sénat. Cela nous donnerait ainsi l’occasion de voir sur cette question l’attitude de nos collègues députés, nous permettant d’apprécier si leur mobilisation est sincère et jusqu’au-boutiste !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Charles Revet s’est exprimé très clairement tout à l’heure. Je ne reviendrai pas sur les motivations de ces amendements qui me paraissent assez évidentes.

Les budgets des dernières années le montrent, on peut trouver des solutions pour traiter les sujets et répondre à un certain nombre de priorités, notamment l’amélioration des pensions pour les veuves de guerre. Il subsiste toujours aujourd’hui des marges de manœuvre pour pouvoir progresser sur la question. Leur origine est malheureusement toute simple, le nombre de combattants en vie ne cesse de diminuer ! Ces marges, il faut les utiliser.

Cela a été dit par ma collègue Cukierman, le cadre dans lequel nous pouvons proposer un amendement est très limité. Je pense au respect des règles de recevabilité dont la commission des finances est la garante pour éviter d’aggraver les charges publiques. Tout cela, je le comprends, mais je veux m’en tenir à l’esprit de ces amendements.

Nous avons à nous prononcer sur trois amendements de même nature. Je propose, pour ma part, le retrait de l’amendement n° II-363 du groupe socialiste et républicain au profit de l’amendement n° II-237 rectifié quater, pour lequel nous voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)