compte rendu intégral

Présidence de Mme Valérie Létard

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Mireille Jouve,

M. Guy-Dominique Kennel.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 57 ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Seconde partie

Loi de finances pour 2018

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
Anciens combattants, mémoire et  liens avec la Nation

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général no 108, avis nos 109 à 114).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2018
État B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 50 et 51).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, j’indique d’emblée que la commission des finances vous recommande d’adopter les 2,5 milliards d’euros de crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Cette recommandation ne s’en accompagne pas moins d’un sentiment mitigé suscité par un projet de budget dont les équilibres sont critiquables sur des points cruciaux. J’en mentionnerai quelques-uns.

Première observation : l’effort financier au bénéfice des anciens combattants tend à se déformer dans le sens d’une accentuation de la part des avantages sélectifs aux dépens des prestations à caractère universel. Cette évolution pose un problème d’équité. Elle résulte notamment des dépenses fiscales. Celles-ci pèsent a minima 751 millions d’euros, soit 31 % des crédits de la mission, et devraient s’alourdir mécaniquement compte tenu de la perspective d’une augmentation de la CSG dont se trouvent exonérées plusieurs prestations versées aux anciens combattants.

Deuxième observation : cette accentuation de la sélectivité s’accompagne d’une sous-indexation chronique des interventions financées par la mission, qui renforce l’acuité des interrogations sur la distribution des transferts qu’elle met en œuvre. Le nombre des anciens combattants baisse, de l’ordre de 5 % par an. Les crédits de transferts baissent de 3,1 %, soit un peu moins, mais ce décalage n’est dû qu’à l’extension en année pleine de revalorisations acquises les deux années précédentes. Il faut encore noter l’impact des deux mesures nouvelles formalisées dans les articles rattachés. Toutefois, avec 6,5 millions d’euros, elles ne présentent pas les mêmes enjeux que le choix de ne pas indexer les différentes prestations, qui dégage une économie de plus de 23 millions d’euros.

Ma troisième observation se déduit de la précédente : le projet de budget adresse un signal négatif aux anciens combattants, celui d’une perte régulière de pouvoir d’achat des prestations qui leur sont adressées et, avec elle, celui d’une dévalorisation de la reconnaissance de la Nation envers eux. Le projet de loi de programmation des finances publiques et sa traduction triennale pour les anciens combattants prolongent cette inquiétude légitime. Il faut rapidement corriger cette impression.

Dans ces conditions, et c’est ma quatrième observation, il est indispensable que le filet de sécurité que constitue l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, fonctionne bien. La préservation des moyens en 2018 et la consolidation des bases juridiques des interventions de l’établissement, opérateur de l’État, qui conduit une restructuration à encourager ne compensent pas tout, mais il faut plutôt s’en féliciter. L’engagement de la transformation de l’Institution nationale des Invalides, l’INI, opérateur de l’État, est également un motif de satisfaction.

Ma cinquième observation me conduit à m’interroger sur les moyens de mieux agencer notre politique de reconnaissance envers les anciens combattants. Outre la préoccupation essentielle de ne pas leur imposer une part disproportionnée dans la contribution au rétablissement de nos comptes publics, je crois qu’il conviendrait de réfléchir à l’adéquation entre notre appareil de reconnaissance et la nouvelle sociologie des combattants. La quatrième génération du feu présente en effet des particularités qu’il faudrait mieux prendre en compte. De la même manière, certaines situations individuelles devraient faire l’objet d’améliorations. Il en va ainsi de celle des forces qui protègent notre territoire contre les actions terroristes dans le cadre de l’opération Sentinelle ou encore des aidants des très grands invalides de guerre. Saluons et encourageons aussi les bénévoles qui animent l’indispensable action de mémoire, dont les porte-drapeaux, toujours très dévoués.

J’achèverai ma présentation en relevant, par une dernière observation, que le projet de budget pour 2018, mais également la mission telle qu’elle est programmée pour les années 2018 à 2020 me semblent faire l’impasse sur des éléments importants. Le service universel obligatoire d’un mois qui pourrait remplacer la Journée défense et citoyenneté n’est pas budgété dans la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que la JDC, qui dure un jour, coûte environ 150 millions d’euros au budget de l’État. La réorientation des missions de réparation des spoliations antisémites financées par le programme 158 vers une politique plus proactive consistant à identifier des œuvres spoliées et les ayants droit des réparations afin de lever les parts réservées des indemnisations ne fait l’objet d’aucune traduction dans le projet de budget et pas davantage dans le projet de loi de programmation pluriannuelle.

Moyennant ces observations en guise d’avertissement, je vous confirme la décision de la commission des finances d’adopter les crédits de la mission.

La France a combattu et la France combat. Elle fait son devoir. Le devoir de tous les Français est de marquer leur reconnaissance envers ses anciens combattants, les jeunes et les moins jeunes. Nous veillerons attentivement à ce qu’il en soit mieux ainsi dans les prochaines lois de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union centriste et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Bruno Gilles, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, je me substitue ce matin à Bruno Gilles, dont l’état de santé s’améliore chaque jour un peu plus. Les propos que je vais tenir sont donc les siens, madame la secrétaire d’État.

La commission des affaires sociales a émis, la semaine dernière, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Pour autant, même si elle a apprécié les échanges qu’elle a pu avoir avec vous, madame la secrétaire d’État, elle ne peut se satisfaire d’enregistrer purement et simplement le lien mécanique entre le déclin démographique des anciens combattants et le recul du budget.

Chaque année, nous constatons que les anciens combattants de la guerre d’Algérie vieillissent, tandis que les jeunes anciens des opérations extérieures, les OPEX, restent peu nombreux. En 2018, les effectifs des anciens combattants diminuent de près de 5 % et les crédits de la mission, de 3 %. Nous pensons qu’une partie de la substantielle économie réalisée, qui s’élève à 76 millions d’euros, aurait pu être mise à profit pour corriger certaines des iniquités qui persistent dans l’application du droit à réparation. M. Bruno Gilles en a identifié deux dans son rapport, liées à la guerre d’Algérie.

Il y a, tout d’abord, la question de l’attribution de la carte du combattant pour quatre mois de service en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Alors que 627 d’entre eux y ont été reconnus « morts pour la France », comment est-il possible de refuser la qualité de combattant aux hommes qui ont servi durant cette période ?

Il n’est pas ici question d’ouvrir un débat historique sur la guerre d’Algérie ou de venir perturber les relations entre nos deux pays. Au contraire, il faut plutôt considérer qu’il s’agissait là d’une opération extérieure. Le coût de cette mesure serait de l’ordre de 18 millions d’euros par an ; elle pourrait donc être financée dans le projet de loi de finances pour 2019.

Il convient aussi de mettre un terme à l’injustice dont sont victimes les anciens supplétifs de statut civil de droit commun, ces pieds-noirs qui ont servi dans les harkas et les autres formations supplétives sans que leur engagement soit reconnu jusqu’à ce jour.

Ainsi, le législateur leur a toujours refusé le bénéfice de l’allocation de reconnaissance. Une décision du Conseil constitutionnel leur avait pourtant temporairement donné satisfaction, mais l’administration n’a pas accédé à leurs demandes. Environ 70 personnes seraient concernées, ce qui représente un coût, minime, de 260 000 euros par an. Il faut agir dès cette année, madame la secrétaire d’État, en faveur de ces femmes et de ces hommes, qui vivent souvent dans une situation précaire. C’est l’objet d’un amendement de Bruno Gilles que je vous présenterai dans la suite de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite aujourd’hui porter la voix des associations représentatives du monde combattant, qui ont toute ma considération et dont j’ai eu plaisir à auditionner les représentants locaux, ces dernières semaines, dans mon département, le Calvados.

Je débuterai mon intervention en soulignant combien ces associations regrettent l’absence d’un secrétariat d’État chargé spécifiquement des anciens combattants et de la mémoire au sein de l’actuel gouvernement.

Le monde associatif représentatif des anciens combattants et des victimes de guerre s’inquiète d’une telle absence. Ces associations estiment très justement que, moralement et symboliquement, les anciens combattants sont un facteur essentiel, aussi bien pour la transmission de la mémoire que pour le bon déroulement des cérémonies patriotiques. Elles estiment également que, pour l’opinion publique, il eût été indispensable que la liste des membres du Gouvernement fasse état, clairement et lisiblement, de leur existence à travers l’affectation d’une personne dédiée à cette fonction spécifique.

Indispensable aussi pour le devoir de mémoire, afin que certains événements historiques tragiques ne se reproduisent plus ; mémoire pour toutes ces victimes, tous ces soldats morts ou blessés pour la France. Jamais les citoyens français ne doivent oublier les sacrifices consentis par leurs aînés hier et par leurs pairs aujourd’hui pour assurer notre droit à vivre libres, égaux et dans la fraternité.

Ce budget 2018 des anciens combattants, de la mémoire et du lien armée-Nation au travers de la jeunesse s’établit à 2,46 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2017. Chaque année, le ministère justifie ces reculs par la diminution du nombre d’anciens combattants. Je note, surtout, que ces réductions budgétaires aboutissent à ce que les différentes générations du feu ne soient toujours pas traitées de la même manière.

Bien sûr, le groupe socialiste et républicain a parfaitement conscience qu’il n’est, hélas, pas possible, dans un contexte budgétaire contraint, de remédier à court terme à toutes les inégalités que subissent nos concitoyens. Néanmoins, nous tenons à souligner que les injustices dont nous débattons aujourd’hui pénalisent depuis des années, voire des décennies, ceux qui, ayant consacré leur vie à la Nation, méritent pourtant des réponses claires.

Nous regrettons tout particulièrement que la hausse du point de retraite, confirmée pour septembre dernier – et qui était une décision du Gouvernement précédent – ne soit pas pérennisée, que rien ne soit prévu pour 2018, alors que cette retraite est modeste puisqu’elle s’élève, je le rappelle, à environ 750 euros.

Plus globalement, nous déplorons un manque d’anticipation. En effet, au-delà de la baisse des effectifs des bénéficiaires des crédits discutés aujourd’hui, l’extension, par exemple, depuis le 1er octobre 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à une OPEX pendant au moins 120 jours va nécessairement engendrer une augmentation légitime du budget, particulièrement quand ces bénéficiaires arriveront à l’âge de la retraite. Rien, dans ce budget, ne semble anticiper cette évolution, ce qui confirme notre crainte d’un effet de ciseaux entre l’entrée de ces nouveaux bénéficiaires et la baisse continue du budget des anciens combattants, obérant la capacité des gouvernements successifs à faire des propositions nouvelles, voire à tenir des engagements pris.

De même, certains sujets auraient mérité de trouver une issue favorable en cette année 2018. Je pense en particulier à l’attribution de la carte du combattant à ceux qui, ayant séjourné en Algérie entre juillet 1962 et 1964, attendent depuis cinquante ans d’être enfin reconnus par la Nation.

Je citerai également le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » entre 1939 et 1945. Je regrette d’ailleurs, je me permets de le souligner, que nous ne puissions discuter aujourd’hui d’un amendement que j’avais déposé, déclaré irrecevable, visant à établir un rapport permettant d’évaluer le coût d’une telle indemnisation.

Je citerai encore l’extension de la campagne double, à attribuer en fonction du temps passé sur un théâtre de guerre et non plus en fonction des actions de guerre, ou encore l’assouplissement du dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire, de façon à en faire bénéficier toutes les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge du décès du conjoint. J’ai été particulièrement alertée par la situation financière de nombreuses veuves, qui subissent une chute de revenus importante après le décès de leur mari, au point, pour certaines d’entre elles, de se retrouver dans un extrême dénuement. Cela n’est pas acceptable.

Je souhaite aussi me faire l’écho des inquiétudes qui s’expriment à propos du budget de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui se veut constant alors que ses missions s’élargissent et qu’un grand nombre d’anciens combattants ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté. L’ONAC-VG doit aujourd’hui accompagner des publics nouveaux, aux demandes plus importantes. De même, si l’Office poursuit sa modernisation, celle-ci doit se faire en préservant les indispensables liens de proximité tissés avec les bénéficiaires et les associations locales représentatives du monde combattant.

L’année 2018 devrait être une année de réflexion sur l’évolution stratégique de l’ONAC-VG qui préparera le contrat d’objectifs et de performance entrant en vigueur en 2019. Il nous paraît essentiel de consolider le réseau territorial actuel. Autrement dit, malgré l’émergence de grandes régions, tout doit être fait, dans les années à venir, pour conserver le maillage départemental de l’ONAC-VG et mieux harmoniser les pratiques entre territoires.

Alors, bien sûr, il y a aussi des points positifs dans ce budget. Je note, en lien avec le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, la hausse de près de 25 % des moyens dédiés à la politique de mémoire : 8 millions d’euros seront versés à la mission du centenaire et plus de 10 millions d’euros seront consacrés à l’entretien et à la rénovation des sépultures, et ce en lien avec le projet d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité des sites funéraires et mémoriels de la Grande Guerre.

Je pense également aux articles 50 et 51 du projet de loi de finances, rattachés à cette mission. Le premier prévoit une revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance versée aux harkis, ainsi que de l’allocation viagère en faveur de leurs conjoints survivants. À cela s’ajoute, avec l’article 51, une mesure d’équité permettant le calcul des pensions d’invalidité et des pensions de réversion antérieures à 1962 au taux du grade, et non plus au taux forfaitaire du soldat.

Avec ces deux articles rattachés, les choses vont dans le bon sens, mais doivent toutefois être relativisées au regard du faible nombre de personnes concernées.

Loin de toute polémique, ce qui ne serait pas à la hauteur du monde combattant, et malgré quelques regrets et réserves, madame la secrétaire d’État, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités, voteront les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », afin de soutenir les quelques avancées de ce budget et de témoigner de notre profond respect envers ceux qui ont tant donné à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au cœur des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, je rends ici hommage à nos militaires vétérans et à leurs familles pour les sacrifices consentis à la défense de la France, sur son sol et ailleurs. La patrie se doit de leur montrer sa reconnaissance.

Dans cette optique, je salue la décision du Gouvernement de stabiliser les crédits et les emplois de cette mission, la diminution de l’ordre de 3 % des crédits s’expliquant en partie par la baisse naturelle du nombre de bénéficiaires des différents dispositifs.

Le programme 167 est en hausse de 4,5 millions d’euros. La croissance importante du budget en faveur de la mémoire pour l’année 2018 est une nécessité pour faire du centenaire de la Grande Guerre un événement de rassemblement national et de souvenir collectif majeur. La fin du cycle des commémorations de 14-18 doit être l’occasion de remettre au centre de notre politique la transmission à notre jeunesse d’une pédagogie renouvelée sur notre politique de défense, et c’est ce qui apparaît dans ce budget.

Le programme 169 est, quant à lui, en baisse de 80,6 millions d’euros. Cette tendance est confirmée par le projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022. La décroissance naturelle du nombre de bénéficiaires ne prend pas en compte des mesures qui auront une incidence budgétaire à moyen terme, comme l’extension, depuis le 1er octobre 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à une OPEX pendant au moins 120 jours.

Alors, que retenir principalement de ce budget ?

L’augmentation de deux points de la retraite du combattant représente un effort qui était nécessaire.

Le budget de l’action sociale de l’ONAC-VG, maintenu à 26,4 millions d’euros, permettra de soutenir les anciens combattants, conjoints survivants, la quatrième génération du feu et les victimes d’actes de terrorisme.

Nous nous réjouissons également de l’investissement sur cinq ans de 50 millions d’euros de rénovation des bâtiments de l’Institution nationale des Invalides. Nous saluons les initiatives concernant l’entretien et la valorisation des monuments et hauts lieux de la mémoire nationale et le tourisme mémoriel.

Nous approuvons les mesures prises pour corriger des inégalités connues de longue date, comme la revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance versée aux harkis et l’alignement des pensions militaires d’invalidité.

Malgré ces mesures attendues et justes, quelques interrogations demeurent. Je pense notamment à la carte « 62-64 » qui n’est toujours pas accordée aux anciens combattants d’Algérie restés après les accords d’Évian. Qu’attendons-nous pour réparer cette injustice ?

Je pense encore à la révision de l’indemnisation des pupilles de la Nation dont les parents sont morts pour la France durant la Seconde Guerre mondiale, ou bien à la revalorisation de la pension de base des conjoints survivants des grands invalides de guerre.

Je pense également à la situation des supplétifs de statut civil de droit commun. Il est regrettable que certains aient vu leurs droits reconnus en justice quand d’autres ont été déboutés pour des questions de forme. Il s’agit de mettre fin à une rupture d’égalité qui a d’ailleurs été dénoncée par le Conseil constitutionnel et qui ne devrait pas avoir d’incidence financière importante au regard du nombre peu élevé de personnes concernées, soit 150.

Ce budget, madame la secrétaire d’État, est satisfaisant malgré la baisse des crédits. Il conforte les dispositifs de reconnaissance et de réparation, et corrige plusieurs inégalités, même si certaines demeurent. Il accompagne, par des crédits supplémentaires, le cycle du centenaire et la modernisation des opérateurs du monde combattant, et ce dans un contexte de réduction du déficit public, nous en sommes tous conscients.

Nous prenons acte des efforts engagés et espérons que d’autres avancées nécessaires, dont celles que je viens d’évoquer, verront le jour au cours de la législature, pour le respect, la dignité et la reconnaissance que nous devons aux combattants et à leurs familles.

Tous ces éléments vont dans le bon sens et, pour cela, madame la secrétaire d’État, mon groupe votera ces crédits.

Néanmoins, dans cette mission plus que dans toute autre, il s’agit, au fond, de réfléchir à ce qui fait de nous une Nation, aux valeurs qui justifient le combat, les blessures, le sacrifice ultime de nos soldats. Comme le disait très justement Simone Veil : « Je n’aime pas l’expression de devoir de mémoire. Le seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur spécial, cher Marc, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le budget 2018 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Le budget total de cette mission, pour 2018, s’élève à 2,46 milliards d’euros.

Ce budget, vous le savez, traduit la reconnaissance et la solidarité de la Nation à l’égard des anciens combattants. Il témoigne non seulement de l’hommage rendu par la Nation à ceux qui lui ont sacrifié une part d’eux-mêmes, mais aussi de la volonté de l’État de transmettre la mémoire de notre histoire et d’affermir les liens entre la Nation et son armée.

Ce budget préserve et consolide intégralement les droits des anciens combattants, dans la mesure où l’ensemble des dispositifs budgétaires et fiscaux est maintenu.

Ce budget comprend deux mesures nouvelles, qui répondent à des impératifs d’équité et d’amélioration des dispositifs en vigueur : l’article 50, tout d’abord, qui prévoit une revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance et de la rente viagère versées aux anciens membres des formations supplétives ; l’article 51, ensuite, qui instaure, à compter du 1er janvier 2018, un alignement des pensions militaires au taux du grade, corrigeant une inégalité de traitement entre les titulaires de ces pensions.

Alors que le centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis a été commémoré en 2017, l’année 2018 marquera la fin du cycle mémoriel consacré au centenaire de la Grande Guerre.

Le budget de la politique mémoire a été largement augmenté. À cet égard, je tiens à saluer l’initiative du Gouvernement d’accroître de 5,3 millions d’euros le budget consacré aux commémorations de la Grande Guerre, afin de permettre aux opérateurs d’organiser toutes les cérémonies prévues à ce titre. Le représentant de la Meuse que je suis y est très sensible, et je pense que les élus de mon territoire, au regard de l’historique bataille de Verdun, le seront aussi.

Par ailleurs, je me réjouis de l’affectation de 11,2 millions d’euros à l’entretien, à la rénovation et à la valorisation de nos monuments et lieux de mémoire.

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » joue aujourd’hui un rôle essentiel, permettant la réconciliation de différentes générations autour de notre bien commun : la Nation et son histoire.

Ce budget est marqué par le souci de la transmission de la mémoire, notamment à la jeunesse. Elle est, à mon sens, primordiale. Bien menée, elle permet aux jeunes de s’approprier leur histoire, tout en associant les différentes générations de Français autour de la Nation.

Une réflexion doit être menée afin de rendre le devoir de mémoire plus audible pour les jeunes générations. Il faut donner une nouvelle dimension, une nouvelle dynamique aux activités destinées à pérenniser le devoir de mémoire. La direction du patrimoine, de la mémoire et des archives me semble être la structure la plus à même de remplir cette mission.

Pour terminer, je souhaiterais m’attarder quelques instants sur les perspectives d’avenir du monde combattant contemporain. Celui-ci regroupe les Français et les personnels des anciennes colonies ayant participé à la Seconde Guerre mondiale, aux guerres d’Indochine et d’Afrique du Nord, mais également aux opérations extérieures. Il est également composé des victimes de guerre et du terrorisme.

Aujourd’hui, la génération des opérations extérieures n’adhère que trop faiblement au monde combattant. À moyen terme, il serait important que ces combattants intègrent les associations patriotiques et le monde combattant, afin que les actions de reconnaissance ne se limitent pas aux acquis des générations précédentes. En effet, les participants aux opérations extérieures, les victimes de guerre et du terrorisme sont les représentants du monde combattant contemporain.

Pour préparer l’avenir, des mesures doivent être prises. Je pense notamment aux soldats engagés en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 pour assurer le transfert de nos installations. Pour cette période, ils ne pouvaient plus bénéficier du statut d’ancien combattant puisque le conflit était achevé, et le système d’attribution au titre des opérations extérieures n’a été créé que postérieurement.

Il serait souhaitable qu’ils puissent obtenir la carte du combattant et la croix du combattant, au même titre que les forces engagées dans les OPEX, et qu’ils puissent ainsi bénéficier de la retraite du combattant, sans effet rétroactif – je ne demande pas l’impossible !

Madame la secrétaire d’État, il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur le sujet, afin de combler le vide juridique sur ce dossier et d’attribuer à ces hommes la reconnaissance qu’ils méritent.

Pour conclure, Verdun étant le symbole de la Première Guerre mondiale, l’inscription de ce champ de bataille au patrimoine de l’UNESCO serait à mon sens le plus parfait des aboutissements du centenaire de cette guerre.

Le groupe du RDSE soutient l’action du Gouvernement et votera en faveur de ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)