Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Catherine Conconne. Je conclus, madame la présidente !

Madame la ministre, je sais que vous me répondrez en invoquant les Assises des outre-mer ! Mais j’ai du mal à croire qu’il ne s’agit pas là d’un petit cachet de Doliprane, un autre, un énième, face aux douleurs qui nous rongent et qui, il faut l’avouer, sont loin d’avoir été symboliquement prises en compte dans cette édition 2018 du budget de votre mission.

Pour conclure (Sourires.), je partage votre inavouable déception, celle aussi de nos compatriotes. Ils ne comprendraient pas l’inacceptable, c’est pourquoi nous ne voterons pas ce projet de budget. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon.

M. Jérôme Bignon. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’aime les outre-mer et je suis honoré d’avoir été désigné pour présenter les observations de mon groupe sur les crédits de cette mission. Ceux qui me connaissent savent l’intérêt que je porte à ces territoires ; j’y suis allé souvent, toujours avec un plaisir immense, toujours avec des inquiétudes fortes. Mes chers collègues ultramarins, je tiens tout particulièrement à vous saluer, car vous relayez avec toujours beaucoup de dignité, de constance et de responsabilité les préoccupations des populations que vous représentez.

Les défis auxquels sont confrontés nos territoires ultramarins sont immenses. Il suffit de penser, pour s’en convaincre, aux paysages apocalyptiques de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma, aux mouvements populaires en Guyane, qui ne peuvent pas ne pas nous inquiéter. Nous constatons partout une forme de fatigue, de la consternation, un sentiment d’abandon. Il faut réagir !

Nos territoires ultramarins sont en effet plongés dans une situation économique et sociale sérieuse. Dans certains d’entre eux, le taux de chômage est extrêmement élevé. Les jeunes, incarnation du futur de ces territoires, sont le plus durement touchés par le chômage, sont désœuvrés. Le PIB par habitant est parfois scandaleusement bas, notamment en Guadeloupe et à Mayotte ; il est trois ou quatre fois plus élevé en métropole.

L’État fait pourtant des efforts importants, ce n’est pas discutable, pour aider ces territoires. Outre les crédits de la mission « Outre-mer », quatre-vingt-huit programmes de vingt-neuf autres missions contribuent au financement de l’accompagnement des territoires ultramarins, pour un effort total de 21 milliards d’euros en 2018. À l’instar de la rapporteur pour avis, notre groupe regrette cet éclatement des crédits et appelle à une unification de la structure budgétaire de ces engagements.

Depuis le mois de mai dernier, le Gouvernement a engagé une politique de rationalisation de ses dépenses ultramarines en matière d’exonérations de cotisations sociales. Elles représentent plus de la moitié des dépenses de la mission, ce qui nous conduit à saluer cette entreprise.

Les territoires ultramarins peuvent être de formidables acteurs dans la conduite des expérimentations publiques : îles alimentées à 100 % par des énergies renouvelables, laboratoire de prise en charge des personnes âgées, réforme de la politique portuaire et de la surveillance des pêches, etc. Les deux passionnantes tables rondes sur la biodiversité dans les outre-mer, menées par Michel Magras au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en attestent : quantité d’expérimentations ont lieu en outre-mer, et il faut les prendre en compte.

D’ailleurs, madame la ministre, les prochaines assises des outre-mer devront définir avec précision une feuille de route pour avancer sur ces projets. Elles devront incarner l’espérance et amorcer un renouveau.

Plusieurs situations appellent malheureusement une réaction rapide des pouvoirs publics et me conduisent à interpeller le Gouvernement, comme l’a fait avec beaucoup de détermination Mme Assassi. Je pense à la situation sanitaire – le taux de mortalité infantile est un véritable scandale, comparé à celui de la métropole –, à l’essoufflement du système hospitalier sous la pression de problèmes migratoires à Mayotte, à la situation immobilière, avec une insalubrité critique et une situation préoccupante pour près de 150 000 personnes.

Le constat est souvent terrible. Les engagements financiers sont insuffisants pour résoudre ces problèmes. Que permettront de faire quelque 3,9 millions d’euros destinés au financement du domaine sanitaire et social, quand les territoires ultramarins sont au bord du gouffre ? Comment justifier la diminution des crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, alors que le Gouvernement promet d’insuffler une nouvelle dynamique aux déplacements dans ces territoires et de lutter contre les inégalités territoriales ?

Enfin, comment s’attaquer au problème du logement tout en diminuant les crédits de la ligne budgétaire unique ? En commission des affaires sociales, Viviane Malet a rappelé que les crédits consacrés au logement ultramarin baisseront de 10 % en 2018, alors même que les populations ultramarines attendent un accompagnement renforcé en matière d’habitat. Il faut donc envisager le recours à d’autres outils, par exemple à la défiscalisation comme incitation à la construction de nouveaux logements.

Une mesure, cependant, nous donne espoir. Nous nous félicitons que les objectifs du service militaire adapté pour 2017 aient été atteints et que ce budget soit sanctuarisé jusqu’en 2025. C’est un outil fondamental pour assurer le suivi et l’accompagnement des jeunes ultramarins en situation d’échec scolaire ou en grande difficulté. La poursuite de ce programme est essentielle pour l’avenir de ces territoires.

Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits de cette mission et accordera une attention toute particulière aux Assises des outre-mer, auxquelles nous aimerions pouvoir participer pour dire notre détermination. Elles seront déterminantes pour l’avenir de notre relation avec ces territoires ultramarins. Certains ont parlé d’un budget de transition ; nous espérons que ces assises permettront d’assurer dans de bonnes conditions une transition intelligente, qui redonne de l’espoir à ces territoires.

« Ma puissance d’espérance est mon seul capital », écrivait Baudelaire à sa mère. Cette formule vaut aujourd’hui pour les outre-mer. C’est leur puissance d’espérance dans la République qui leur permet de croire en un avenir meilleur. Notre abstention est tout à la fois bienveillante et vigilante. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un budget traduit une vision politique. Il exprime une certaine philosophie de l’action publique qui guide ceux que les Français ont choisis pour présider à leurs destinées.

Je n’ai pas l’intention de rentrer dans le détail de la mission « Outre-mer » ; beaucoup l’ont déjà fait, d’autres le feront après moi et nous disposons de rapports très complets sur le sujet. Je préfère mettre l’accent sur la méthode, qui, pour le groupe du RDSE, reste l’une des clefs de l’action politique.

Ce premier projet de budget de la mission « Outre-mer », défendu par vous, madame la ministre, préserve l’essentiel, mais ne va pas au-delà. En tant qu’ancien président de collectivité, je sais aussi que rien ne se fait du jour au lendemain. Comme l’a affirmé Michel Magras en commission, c’est « l’amorçage budgétaire du quinquennat ». Je fais mien le commentaire formulé par nombre de mes collègues : la hausse annoncée de 4 % n’est en fait qu’un dégonflement « sincère » des crédits pour 2017. En effet, madame la ministre, vous avez consenti un effort de sincérité budgétaire, qui devra être durable : êtes-vous prête à en prendre l’engagement devant nous ?

J’en viens au cœur de mon propos, en partant du constat que le budget 2018 est un budget de transition. Qu’en est-il pour demain ? À cette heure, c’est encore assez flou.

La question centrale qui se pose aujourd’hui est celle de la vision de l’État pour l’outre-mer. Souhaite-t-il, souhaitons-nous, nous qui siégeons dans cette assemblée, transformer les outre-mer ? En effet, il s’agit d’une œuvre collective. Une action politique résolue en outre-mer passe par une vision claire de notre avenir.

Je note, avec une constance qui me gêne, que, si les réalités ultramarines sont complexes, nous faisons toujours l’objet d’un traitement différencié par rapport à l’Hexagone. A-t-on vu des états généraux organisés dans l’Hexagone, comme cela a été le cas partout en outre-mer en 2009 ? Non.

Le Président de la République nous annonce aujourd’hui la tenue d’assises. Leur contour précis a été assez long à se dessiner, mais les choses sont désormais lancées, il faut s’en féliciter.

En posant comme postulat que l’outre-mer doit travailler à définir son avenir, le Président de la République ne propose pas une vision de l’outre-mer ; il nous demande, à nous ultramarins, de regarder vers la métropole et d’exprimer nos souhaits. Finalement, l’État, n’ayant pas de vision propre, ne demande-t-il pas à ses outre-mer de lui en livrer une sur un plateau ? C’est ce regard totalement inversé qui me gêne profondément. La France a pourtant tant à apprendre de ses outre-mer !

Cette absence de vision, voire de regard, sur le sens de l’action de l’État en outre-mer est encore plus flagrante en matière de culture. Nous avons tous pris note de votre volonté, madame la ministre, de faire de la Cité des outre-mer une œuvre collective. Elle ne l’a peut-être pas été suffisamment jusqu’à présent, et la suppression des crédits donne aujourd’hui à penser que les engagements de François Hollande seront difficiles à tenir.

Par ailleurs, comment comprendre qu’aujourd’hui la disparition de la chaîne France Ô puisse être une hypothèse de travail pour France Télévisions ? Alors même que, sur le plan culturel, des ponts doivent être créés entre l’outre-mer et l’Hexagone, force est de constater que l’avenir incertain de la Cité des outre-mer et la disparition possible de France Ô transforment le regard que l’Hexagone porte sur l’outre-mer, et risquent même de l’éteindre.

Je crois sincèrement que la politique ultramarine doit reposer sur un socle commun défini par le Gouvernement, dans le nécessaire respect des réalités de territoires dont les problématiques sont extrêmement diversifiées.

Or la méthode de nouveau employée par l’État, c’est de laisser croire que la colonne vertébrale du développement en outre-mer passe par de grandes consultations seulement menées dans nos territoires. Seront-elles inutiles ? Non, je ne le souhaite pas, mais ma crainte profonde est que l’on suscite un espoir qui, s’il ne se traduit pas budgétairement dans les années qui viennent, débouchera, à l’inverse de l’effet recherché, sur une démotivation des territoires et des populations. Les élus auront alors à s’expliquer devant celles-ci sur le résultat de ces consultations.

Lors de la présentation de son rapport, mon collègue Michel Magras déclarait, après avoir auditionné le rapporteur national des Assises des outre-mer, que « le but fondamental de ces assises n’est pas tant de réitérer des préconisations déjà largement connues que de faire émerger et soutenir une nouvelle génération d’entrepreneurs ultramarins ». Je suis d’accord à 100 % avec cet objectif.

Cependant, nous aurions souhaité avoir des discussions en amont pour bien comprendre ce processus. Les présidents de collectivité que vous avez reçus, madame la ministre, vous l’ont également dit. Nous cherchons avant tout à nourrir le débat public et à faire avancer les choses.

Dans ce processus où manque une certaine vision, il faut aussi tenir compte de ce que les collectivités ont déjà fait en matière de réflexion sur leurs territoires. Cette absence de vision claire de la part de l’État donne aussi parfois le sentiment que toutes les actions menées constituent un empilement sans cohérence ni colonne vertébrale.

Alors que nos territoires engagent un processus de programmation pluriannuelle pour conforter leur développement économique, j’espère sincèrement que ces ambitions se traduiront budgétairement en 2019, que ce soit pour l’adaptation au changement climatique ou le développement portuaire outre-mer ; je sais que ce thème vous tient à cœur, madame la ministre.

Le groupe du RDSE votera les crédits de la mission « Outre-mer », car nous savons dans quelles conditions vous les avez défendus, madame la ministre. Ce budget de transition vous engage pour l’avenir. Les conclusions des assises devront trouver une traduction budgétaire cohérente dans les années à venir au travers des plans de convergence et des prochains contrats de développement.

Pour autant, si ce vote se veut bienveillant, nous demandons à l’État d’élaborer une vision claire de ce qu’il souhaite pour les outre-mer. Il doit s’agir de regards croisés, et non pas seulement d’un regard de l’outre-mer vers la métropole. Vous pouvez bien évidemment vous appuyer sur cette assemblée, dont les membres sont issus des territoires, mais également sur une instance comme le Conseil économique, social et environnemental pour définir des méthodes. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d’examiner les crédits dévolus pour 2018 à la mission « Outre-mer », je tiens à remercier MM. les rapporteurs spéciaux de leur excellent rapport, ainsi que Mme le rapporteur pour avis, qui a produit, au nom de la commission des affaires sociales, une analyse tout aussi approfondie des crédits de cette mission budgétaire.

Pour 2018, le budget de la mission « Outre-mer » se maintient au-dessus du seuil de 2 milliards d’euros. Il est même en hausse de 85,1 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, ce qui représente une progression louable de 3,72 %.

Cette hausse des crédits est un premier pas d’autant plus encourageant que la projection pluriannuelle table sur une hausse globale des crédits d’environ 10 % d’ici à la fin du quinquennat.

Il restera donc, madame la ministre, à transformer l’essai lors des prochains exercices budgétaires, afin que les ambitions affichées en début d’année à l’occasion de l’élaboration de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite « loi EROM », se concrétisent véritablement au bénéfice de nos compatriotes ultramarins.

Mais, disons-le tout de go, la suppression par le Gouvernement des 22 millions d’euros de crédits affectés à l’« équivalent fonds vert » fut véritablement une erreur.

Alors que la COP23 vient de s’achever et que nous sommes à quelques jours seulement du sommet sur le climat organisé par le Président de la République, comment pourrions-nous, madame la ministre, qualifier autrement cette décision ?

Créé l’an dernier, ce mécanisme dédié aux territoires du Pacifique commence tout juste à produire ses effets. Consolidation de berges fragilisées par la répétition des catastrophes naturelles, école bioclimatique, centrale hybride, lampadaires photovoltaïques, réseaux d’eau et d’assainissement, équipements solaires : ces investissements environnementaux, engagés sur la seule année 2017, à hauteur de 12,5 millions d’euros, plaident à coup sûr pour le maintien du mécanisme.

Nous saluons donc l’initiative transpartisane de nos collègues députés, grâce à laquelle l’Assemblée nationale est parvenue à rétablir le fonds vert. Cette décision devrait permettre d’assurer le financement de projets déjà engagés pour l’année 2018, dont le coût avoisine 20 millions d’euros. Je pense notamment à la gestion des déchets dans les îles Australes, à la centrale hydro-électrique de Fatu Hiva ou encore aux différentes centrales hybrides des îles Tuamotu.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même veillerons attentivement au maintien de ce fonds. Nous le jugeons indispensable aux collectivités françaises du Pacifique.

Nous regrettons par ailleurs que les crédits alloués au Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS, soient simplement reconduits et non rehaussés, alors que votre ministère s’était engagé à doubler, dès l’année prochaine, le nombre de billets délivrés au titre de ce fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs des habitants des territoires ultramarins avec la métropole ou les pays situés dans leur environnement régional. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement de notre collègue Gérard Poadja visant à relever de 100 000 euros les crédits alloués au FEBECS, afin que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française puissent également en bénéficier.

Nous en avons conscience, les territoires ultramarins ne sauraient être exemptés de l’effort commun de redressement de nos finances publiques. Mais ne perdons pas, madame la ministre, le pari que nous avons pris de faire converger ces territoires avec ceux de la métropole !

Des motifs de satisfaction existent par ailleurs, et ils méritent d’être soulignés.

Les crédits de paiement du programme 138, « Emploi outre-mer », s’élèveront ainsi en 2018 à plus de 1,33 milliard d’euros, soit une hausse de 4,25 % par rapport à 2017. L’effort porte principalement sur l’action Soutien aux entreprises, qui représente plus de 80 % des crédits du programme.

Au-delà, plus de 50 % des crédits de la mission « Outre-mer » seront opportunément affectés à des mécanismes d’exonération de cotisations sociales à destination des entreprises ultramarines. Conjuguées au maintien à 9 % du taux majoré du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les outre-mer, ces aides devraient favoriser la production et le développement économique de nos territoires ultramarins.

Toutefois, si la fiscalité incitative est un outil souvent efficace, elle peut aussi devenir rapidement inextricable. La question de son éventuelle remise à plat devra à cet égard être abordée dans le cadre des Assises des outre-mer. Il y va de la lisibilité et de l’efficacité de notre politique économique et fiscale.

Toujours au titre du programme 138, nous saluons la concrétisation des engagements pris concernant le SMA, le service militaire adapté, qui joue un rôle précieux pour l’insertion de nombreux jeunes.

Quant au programme 123, « Conditions de vie outre-mer », il connaît lui aussi une augmentation de ses crédits de paiement, à hauteur de 4,5 %. La progression des crédits est néanmoins inégale et varie suivant les actions du programme concerné.

Les crédits de la ligne budgétaire unique, dont la finalité, rappelons-le, est de répondre aux besoins en logement social, reculent ainsi de 1,57 %. Cette baisse nous inquiète d’autant plus que l’augmentation des coûts de construction se poursuit et que la LBU supporte des restes à payer et des restes à charge toujours substantiels.

Le logement social est un enjeu particulièrement sensible dans les outre-mer. Nous aimerions donc obtenir quelques précisions sur la stratégie du Gouvernement en la matière. Pourquoi avoir réduit de 20 millions d’euros les crédits alloués à l’action Logement ? La stratégie du Gouvernement à l’égard des territoires d’outre-mer doit reposer sur ces deux jambes que sont l’efficacité économique, d’une part, et la justice sociale, d’autre part.

Ces quelques questions ou observations sont autant de pistes de réflexion. Nous vous invitons, madame la ministre, à les prendre en considération.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », auxquels il est dans l’ensemble favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2018 est l’occasion, pour les élus ultramarins, d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires. Dans cet esprit, je mettrai l’accent sur plusieurs points qui me tiennent à cœur.

Si d’autres orateurs avant moi ont rappelé les singularités de nos outre-mer, j’insisterai naturellement, quant à moi, sur le cas de La Réunion, où le chômage est un fléau chez les jeunes, mais frappe aussi les seniors. Or ces derniers sont les grands oubliés de ce projet de budget ! Pourtant, la situation de ce public peu ou pas qualifié, peu mobile et très éloigné du marché du travail va encore se dégrader du fait de la baisse drastique du nombre de contrats aidés, alors même qu’un récent arrêté préfectoral plaçait les seniors au cœur des publics éligibles aux contrats uniques d’insertion et leur accordait le bénéfice de mesures dérogatoires s’agissant de la durée maximale de l’aide à l’insertion professionnelle.

Madame la ministre, nous nous devons d’apporter à tous les solutions qu’ils attendent pour faire tomber les obstacles qui les tiennent éloignés de l’emploi. Les moyens mobilisés dans cette mission devraient permettre de répondre à cet enjeu.

J’évoquerai maintenant le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », et plus particulièrement le logement.

Je déplore que les crédits affectés au logement soient en diminution. Les autorisations d’engagement de l’action n° 1 baissent de 8 %, soit 20 millions d’euros, alors même que la demande est importante, du fait notamment de la pression démographique, de la forte proportion de familles monoparentales et des disponibilités foncières contraintes.

Au-delà des chiffres, il faut penser aux familles. Être propriétaire de son logement est au cœur du projet d’une vie. L’accession à la propriété est un enjeu primordial de la politique du logement, et il nous appartient d’aider les ménages qui le souhaitent à devenir propriétaires.

Ce parcours prend une forme singulière dans nos territoires. Ainsi, à La Réunion, il est fréquent que les parents cèdent une partie de leur bien à leurs enfants ou petits-enfants, qui doivent continuer à être aidés à la fois par la solidarité intergénérationnelle et par les opérateurs sociaux pour faire construire un logement de type LES. Je ne peux donc que m’inquiéter de la baisse de 13 millions d’euros des crédits destinés à l’accession à la propriété, lesquels ne s’élèvent plus qu’à 7 millions d’euros, contre 20 millions d’euros en 2017. Cela pénalisera fortement les plus modestes.

Dans les outre-mer, il faut l’avoir à l’esprit, cette mesure va anéantir des projets de vie, en excluant de nombreux emprunteurs. En outre, elle fragilisera encore plus le secteur du bâtiment en affectant les programmes de construction, alors que seule une politique de construction soutenue améliorera les conditions de logement et d’existence des Ultramarins.

De même, je déplore la chute du budget des aides à l’amélioration de l’habitat privé, ainsi que la baisse des aides pour la résorption de l’habitat insalubre, alors que les populations des outre-mer sont confrontées à des conditions de logement parfois très dégradées. Le budget baisse de 80 % ! Un tel choix est extrêmement regrettable…

J’en viens aux enjeux en termes de développement durable et de préservation de l’environnement dans nos territoires.

Y faire face passe par le développement de méthodes d’économie circulaire sur des territoires, souvent insulaires, dont les différences doivent être prises en compte dans la définition des orientations nationales. Or les hausses programmées de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, vont grever lourdement les budgets des collectivités ultramarines, déjà mis à mal par les différentes réformes fiscales et la baisse des dotations de l’État.

Par ricochet, le développement des méthodes vertueuses de gestion des déchets se trouvera entravé. Or les territoires d’outre-mer doivent pouvoir réaliser les équipements indispensables au traitement des déchets, des équipements adaptés au contexte insulaire et à l’éloignement géographique de l’Hexagone et de l’Europe. Il s’agit de créer des outils de valorisation efficaces et de contribuer à l’émergence de filières de recyclage vecteurs d’emplois.

Actuellement, 75 % des déchets ménagers produits sur le territoire réunionnais sont enfouis, alors que l’enfouissement est le mode de traitement le plus critique, et 90 % des déchets triés sont exportés pour être recyclés en Asie ou en Afrique.

Il est donc important, madame la ministre, de s’attacher à préserver d’une fiscalité pénalisante des territoires comme La Réunion, afin de leur donner le temps de rattraper leur retard dans la mise en œuvre des outils multifilières indispensables. Tel était le sens de l’amendement que j’avais déposé sur la première partie du projet de loi de finances pour 2018 et qui a été adopté par le Sénat le 25 novembre dernier. Je demande donc que le volet « écologie et transition énergétique » des Assises de l’outre-mer permette la poursuite des travaux sur ce sujet.

En ce qui concerne nos jeunes, enfin, la hausse du budget du SMA doit être soulignée, car cette structure est utile à plus de 6 000 d’entre eux chaque année et permet une insertion de 80 % des volontaires. Mais pourquoi réduire, dans le même temps, les financements de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité ? Il faut avoir présentes à l’esprit les difficultés des jeunes ultramarins pour se former et s’insérer professionnellement hors de leur département d’origine. C’est l’ouverture vers l’extérieur de nos jeunes qui se trouvera affectée.

Pour conclure, je soulignerai la disparition des lignes budgétaires dédiées au financement du plan Kanner pour le développement des équipements sportifs en outre-mer. Il s’agit pourtant d’un enjeu important pour la jeunesse ultramarine.

Madame la ministre, les orientations budgétaires doivent intégrer les spécificités de nos territoires, qui font face à des défis de grande ampleur.

À mon sens, ce projet de budget ne répond pas aux attentes des habitants, qui souhaitent une meilleure prise en compte de leurs modes de vie et de leurs aspirations à plus d’égalité et de justice. Aussi ne pourrai-je pas voter les crédits de cette mission, marqués par une baisse de la ligne budgétaire unique et des crédits de la continuité territoriale.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2018 s’élèvent à un peu plus de 2 milliards d’euros, soit un volume sensiblement égal à celui de 2017. D’emblée, on peut dire que ce budget n’a pas significativement évolué ces six dernières années.

Le budget des outre-mer s’inscrit dans le contexte de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, la croissance en volume des crédits de la mission prévue pour 2019 et 2020 est inférieure aux objectifs de croissance de l’ensemble des crédits ministériels.

Cette perspective contraste avec les espoirs suscités, d’un côté, par le discours de responsabilité prononcé par le Président de la République en Guyane, et, de l’autre, par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et ses objectifs de convergence.

Il est important de rappeler que les crédits budgétaires ne sont pas le seul levier pour soutenir nos territoires et les politiques publiques en outre-mer. Le budget de la mission « Outre-mer » ne représente en fait que 12,25 % de l’effort global de l’État en direction de nos collectivités.

Il faut ainsi signaler que le montant cumulé des autorisations d’engagement destinées aux territoires ultramarins, toutes missions confondues, est en progression de 1,26 % par rapport à 2017, pour atteindre 17 milliards d’euros.

À cet égard, je constate avec satisfaction, à la lecture du document de politique transversale, que les engagements budgétaires de l’État sont en hausse. Je retiendrai notamment, pour 2018, une augmentation de 13,2 % des crédits destinés à la santé, de 23,2 % des crédits en faveur de la transition énergétique, de 8,5 % des crédits pour l’écologie et l’aménagement durable, et enfin de 3,6 % des crédits de l’enseignement scolaire.

Nous sommes également satisfaits de l’augmentation de 10 millions d’euros des autorisations d’engagement au sein du programme « Police nationale ».

Aux citoyens français des outre-mer, je voudrais dire que l’État ne se désengage pas de nos territoires sous cette mandature. Ce projet de loi de finances représente un soutien à l’exercice des missions régaliennes de l’État en outre-mer. Il nous faut maintenant investir dans une mutation tournée vers un développement économique s’appuyant sur nos atouts territoriaux.

Les crédits de paiement dédiés au programme 138, « Emploi outre-mer », augmentent de 4,5 %, ce qui représente 54 millions d’euros de plus. Cet effort porte essentiellement sur l’action Soutien aux entreprises, garantissant ainsi la pérennité des dispositifs d’allégement et d’exonération de cotisations dont bénéficient nos entreprises. Ce programme permet également le financement d’une aide au fret dont le champ d’intervention est élargi. Autre élément positif, les moyens dédiés au service militaire adapté sont renforcés, ce qui est important pour notre jeunesse.

Globalement, ce projet de budget va donc dans la bonne direction. Cependant, permettez-moi, madame la ministre, d’attirer votre attention sur certains points.

D’abord, nous constatons une stabilisation à la baisse des crédits alloués à la continuité territoriale. Plus généralement, la baisse de près de 10 millions d’euros du budget de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité est inquiétante, alors que la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer a élargi les missions de cet opérateur. Je pense notamment au déploiement de la mobilité retour, qui est un impératif pour un territoire comme le mien, dont la démographie est vieillissante. En outre, le Président de la République a promis de porter à 200 000 le nombre de billets d’avion aidés chaque année.

J’évoquerai ensuite la faiblesse de l’enveloppe destinée au développement du sport dans nos territoires. Les outre-mer, terres de champions, méritent bien plus ! C’est là une évidence. Il est donc nécessaire de revoir en profondeur l’aide apportée aux actions sportives dans nos territoires. Madame la ministre, un effort particulier me semble indispensable à cet égard. Je sais aussi pouvoir compter sur la détermination de notre ministre des sports, Laura Flessel, pour inverser la tendance et faire en sorte que l’outre-mer soit à l’image de la « Guêpe ».

En fait, ce premier budget de l’actuelle majorité peut être considéré comme une étape vers un nouveau partenariat entre l’État et les collectivités d’outre-mer. Le Gouvernement pourra trouver une source d’inspiration dans les conclusions des Assises des outre-mer, si chères au chef de l’État.

En conséquence, nous espérons que ces assises ne seront pas une fois encore l’occasion pour l’État de reporter à plus tard le respect de ses obligations envers ces territoires qui font la richesse de la France et contribuent à son rayonnement à travers le monde.

Les récents événements survenus en Guyane témoignent de la nécessité de conduire une véritable réflexion sur la mise à niveau de nos départements. La situation économique de Mayotte est emblématique d’une France à deux vitesses ; il faut absolument la corriger.

J’ai ici même appelé à la bienveillance du Gouvernement s’agissant de la problématique de l’eau en Guadeloupe et des investissements à réaliser pour en finir avec ce scandale. À Saint-Martin et dans le sud Basse-Terre, les cyclones Irma et Maria ont montré qu’il convient désormais d’appréhender autrement la question des matériaux, du type d’habitat et du plan d’aménagement du littoral.

En outre, la situation du CHU de Martinique, placé sous administration provisoire, et l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre sont un grand coup porté au système de prise en charge sanitaire, déjà fragilisé dans nos régions.

Vous l’aurez compris, les besoins sont immenses et multiples, les volontés sont présentes et affichées. Les politiques publiques doivent donc être plus efficientes. Dans la nouvelle logique de copartenariat avec les collectivités locales prônée par le chef de l’État, il nous faut faire mieux avec moins.

Madame la ministre, soyez assurée de notre soutien politique. Nous voterons ce projet de budget pour 2018, qui constitue un premier signal encourageant. Il faut maintenant que se concrétisent les ambitions formalisées dans la loi relative à l’égalité réelle outre-mer et que les perspectives ouvertes par les Assises des outre-mer prennent véritablement corps. Nos territoires ont besoin de concret, et notre jeunesse de perspectives. (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois applaudit.)