M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous vous interrogez à la fois sur l’efficacité des processus de déradicalisation et sur le renforcement de l’harmonisation de ces politiques à l’échelle européenne.

Le RAN évoque généralement le dispositif français de prise en charge des personnes, notamment mineures, de retour de Syrie de manière très positive, comme un exemple qui mérite de faire partie des bonnes pratiques à diffuser. À l’échelle européenne, les conseils Justice et affaires intérieures ont une position très volontariste sur ce sujet et souhaitent effectivement le partage des bonnes pratiques.

En ce qui concerne l’efficacité des dispositifs de déradicalisation, il nous semble que ce qui fonctionne bien repose sur un suivi au cas par cas, mobilisant les associations, les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou, en prison, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP. C’est avec cette approche que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats. J’ai pu constater que, dans certains cas, elle produit des résultats que l’on peut espérer définitifs.

Ce traitement au cas par cas n’exclut évidemment pas que le Gouvernement mène une réflexion globale sur une intégration économique et sociale des différentes populations dans nos cités. Les questions que vous évoquez, monsieur le sénateur, dépassent à mon avis très largement le cadre strict du processus de déradicalisation, pour inclure des problématiques beaucoup plus larges de politique de la ville.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le retour des djihadistes en France ».

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Débat sur la COP23

Débat organisé à la demande du groupe La République En Marche

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la COP23, organisé à la demande du groupe La République En Marche.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Je vous indique dès à présent, mes chers collègues, que la séance devra être levée au plus tard à une heure du matin. Vingt intervenants étant inscrits, outre l’auteur du débat et Mme la secrétaire d’État, j’invite instamment chacun à respecter strictement le temps qui lui est imparti !

Dans le débat, la parole est à M. André Gattolin, pour le groupe auteur de la demande.

M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon groupe et, en premier lieu, son président, François Patriat, d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de notre niche parlementaire.

Pour quelle raison avons-nous souhaité que notre assemblée débatte ce soir de la COP23 et, plus généralement, de l’état des engagements et des initiatives pris par notre pays en matière de lutte contre le changement climatique ? Tout simplement parce que la lutte contre le réchauffement climatique est le combat majeur de notre temps, comme l’a si justement rappelé le Président de la République, pas plus tard qu’hier, au One Planet Summit qui se tenait dans l’excellente ville de Boulogne-Billancourt…

Mes chers collègues, nous sommes ici ce soir pour parler de l’état de notre planète. Celle-ci va mal, si mal que, le 13 novembre dernier, plus de 15 000 scientifiques, issus de 184 pays, ont averti l’humanité entière par ces mots : « Bientôt, il sera trop tard. »

Notre planète va mal, et même de plus en plus mal. C’est une évidence qui doit être répétée, même si certains, et non des moindres, s’évertuent encore à la nier.

Le constat des climatologues est alarmant ; les faits concordent dramatiquement, au point que les relevés les plus récents sur l’évolution du climat mondial soulignent que nous nous inscrivons actuellement dans le pire des scénarios établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, pourtant actualisés il y a moins de trois ans.

Il ne passe pas un jour sans qu’une nouvelle information ne vienne témoigner, très concrètement, de l’impact du réchauffement climatique sur nos écosystèmes fragiles et sur la vie des hommes sous toutes les latitudes de notre planète. Déclin rapide de la riziculture dans le delta du Mékong en raison de la remontée des eaux salines de la mer dans les terres cultivées, détachement soudain d’immenses surfaces de glace de mer en Antarctique, zone pourtant longtemps considérée comme la plus préservée du réchauffement climatique : les illustrations du phénomène abondent, et il faudrait bien plus d’une soirée pour en dresser le triste catalogue.

Voilà aujourd’hui deux ans presque jour pour jour que s’est tenue la désormais fameuse Conférence de Paris sur les changements climatiques. Ce sommet avait débouché sur un accord international, qualifié d’historique, par lequel 197 États s’étaient engagés à limiter la hausse des températures mondiales à 2°C, voire à 1,5°C, à l’horizon de la fin du siècle. Voilà aussi un an que Donald Trump a été élu à la présidence des États-Unis, et un peu plus de quatre mois que le désengagement de ce pays de l’accord de Paris sur le climat a été officiellement notifié.

Nous sommes surtout à un moment clé pour l’avenir de notre planète : il faut désormais agir, et ce très concrètement. Nous ne sommes plus au temps des alertes ou de la prise de conscience de l’ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.

En 2002, déjà, le président Chirac prononçait ces fameuses paroles : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Treize ans plus tard, Barack Obama entamait la présentation de son plan pour l’environnement par cette phrase : « Nous n’avons qu’une planète : il n’y a pas de plan B. » Hier, dans le cadre du One Planet Summit, le Président Emmanuel Macron dressait un constat encore plus inquiétant : « Nous sommes en train de perdre la bataille. »

Le but premier de ce sommet, organisé par la présidence française, était précisément de dépasser le temps du constat et des engagements diplomatiques formels, pour accélérer et passer enfin à l’action, en mobilisant le dynamisme de différents partenaires privés français et internationaux. En cela, il complète fort opportunément le système des conférences sur le climat ; il ne le concurrence pas.

La COP23, qui s’est achevée le 17 novembre dernier à Bonn, et la future COP24 de Katowice, en Pologne, ne peuvent produire que des accords multilatéraux s’inscrivant dans une démarche onusienne, soumise tant aux contraintes des négociations diplomatiques qu’au bon vouloir des dirigeants des pays signataires.

Certes, au sortir de la COP23, quelques avancées positives sont à noter.

Nous ne pouvons qu’accueillir avec bienveillance la mise en place d’une plateforme sur les savoirs et les connaissances des peuples autochtones visant à apporter une aide dans la lutte contre le bouleversement du climat. Cette mesure s’adresse à 300 millions d’individus qui voient leurs terres et leurs vies directement menacées par le changement climatique.

Nous nous félicitons également de la création d’un groupe de travail sur la sécurité alimentaire, en vue de repenser des systèmes industriels de production dévastateurs et de renforcer les mesures visant à protéger l’agriculture paysanne.

Il en va de même de la mise en place du plan d’action pour l’égalité des sexes et du lancement d’une alliance pour la sortie du charbon par le Royaume-Uni et le Canada, rejoints par vingt-cinq membres de la COP, dont la France, l’Italie, les Pays-Bas et les îles Fidji, des pays où la part du charbon dans la production nationale d’énergie est déjà faible.

Malgré cette série de mesures positives, prises sur l’initiative d’acteurs étatiques et non étatiques, aucun leadership politique ne s’est démarqué pour reprendre le rôle joué par les États-Unis sous l’administration Obama. L’Union européenne a été particulièrement absente, et la Chine est restée dans ses ambiguïtés. Les pays les plus vulnérables sont partis de cette conférence sans nouvelle annonce de financements pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.

Si ces conférences sont nécessaires, force est de constater que les objectifs seront atteints bien trop lentement. Certes, la spécificité de la COP23 était de progresser sur la définition de règles d’application de l’accord de Paris de 2015, mais ces dernières ne pourront être finalisées que l’an prochain. Ainsi, de 2015 à 2018, trois années se seront écoulées avant qu’une quelconque mise en œuvre de l’accord de Paris soit effective.

Devant cette lenteur, les initiatives publiques et privées se multiplient. Les grandes agglomérations ont créé le Cities Climate Leadership Group, le C40, dont la présidence est revenue en 2016 à Mme la maire de Paris. Ce réseau regroupe 86 agglomérations représentant plus de 600 millions d’habitants, 25 % du PIB mondial et 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Animés par une volonté d’aller plus loin, douze maires de grandes villes, parmi lesquels ceux de Los Angeles, de Mexico, d’Auckland, de Londres et de Paris, ont signé en octobre dernier une déclaration par laquelle ils s’engagent à tendre vers le « zéro émission » d’ici à 2030 pour lutter contre le réchauffement climatique. Los Angeles, qui doit faire face à des incendies monstrueux dus à la sécheresse, a bien conscience que le changement climatique est désormais une réalité quotidienne.

Concernant le secteur privé, je veux rappeler ici que l’engagement pris par de grandes entreprises ou institutions financières en matière de lutte contre le réchauffement climatique est capital. Il sera, à l’avenir, absolument déterminant pour atteindre les objectifs fixés à Paris il y a deux ans. En ce sens, le One Planet Summit d’hier, qui sera appelé à se reproduire chaque année, marque une étape très positive. Mme la secrétaire d’État aura, je crois, l’occasion d’en dire davantage à ce sujet dans quelques minutes.

Bien sûr, nous avons eu droit, comme toujours, à quelques critiques acerbes, mettant en doute la sincérité des engagements pris à cette occasion par certains grands acteurs de l’économie. L’accusation de greenwashing est récurrente ; si elle est, dans certains cas, avérée, elle tourne souvent au leitmotiv un peu facile de la part de certains qui n’acceptent d’engagement contre le changement climatique que de nature étatique ou citoyenne.

Certes, l’État a de lourds devoirs en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais l’ampleur du défi est telle qu’il ne peut tout. L’État ne peut pas tout faire à lui seul ou tout imposer par une forme de coercition réglementaire. Le combat contre le changement climatique n’est pas que de nature politique ; il s’agit bien d’un combat culturel et civilisationnel, qui doit mobiliser tous les acteurs de la société, jusqu’à ceux qui, par intérêt immédiat, y sont modérément sensibles, si nous voulons nous donner une chance de le remporter.

Quoi qu’on en dise, le monde des grands acteurs de l’économie et de la finance est en train d’évoluer très sérieusement en matière de responsabilité climatique et environnementale. La preuve la plus éclatante de ce changement tient sans doute à l’ampleur croissante prise, ces trois dernières années, par le mouvement de désinvestissement dans le domaine des énergies fossiles dans lequel se sont engagés certains groupes financiers et de grandes institutions publiques, parapubliques ou privées. Lancé en 2007 par l’écrivain et journaliste américain Bill McKibben, le mouvement 350.org, qui incite précisément au désinvestissement financier des entreprises des secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre, rencontre un succès inattendu. Les investisseurs sont désormais de plus en plus attentifs au bilan social et climatique des entreprises qu’ils financent.

Ce n’est là qu’un exemple, mais un exemple à méditer. Notre beau Sénat, qui a récemment décidé de soumettre ses placements financiers à des critères éthiques, pourrait bien s’en inspirer pour témoigner de son engagement actif dans ce combat du siècle pour notre planète.

Madame la secrétaire d’État, soyez assurée du soutien plein et entier des sénateurs du groupe La République En Marche dans ce combat qui est le vôtre et le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir organisé ce débat. Le Président de la République l’a encore souligné hier, nous sommes à un moment de bascule, à un moment absolument crucial dans l’histoire de l’humanité. Malheureusement, il nous faut regarder les choses en face : nous sommes mal partis pour tenir les engagements de l’accord de Paris.

J’ose le dire ici ce soir, parce que notre dialogue sur les questions climatiques doit être franc et honnête : la trajectoire actuelle est presque mortifère. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce sujet absolument fondamental.

L’année 2017 a été marquée par la tentative de déstabilisation de l’accord de Paris menée par l’administration de M. Trump, qui a pris une décision que la France regrette bien sûr profondément. Nous nous sentons investis d’une responsabilité particulière, puisque c’est à Paris qu’a été négocié et signé cet accord. Le Président de la République a d’ailleurs immédiatement assumé cette responsabilité, quelques heures à peine après la décision du président Trump de sortir de l’accord de Paris.

Depuis, les cris d’alarme des scientifiques se multiplient, car nous sommes au seuil de l’irréversible. Alors que l’évolution des émissions de gaz à effet de serre est plus que jamais préoccupante, nous avons la quasi-certitude que nous échouerons à contenir le changement climatique si nous n’entrons pas immédiatement de plain-pied, dès aujourd’hui, dans l’action, dans la transformation de nos modes de vie et de nos comportements, mais aussi de notre économie, de nos façons de travailler et même de penser.

Nous avons aussi la quasi-certitude de vivre une nouvelle extinction des espèces, qui mettra à mal notre agriculture et l’humanité tout entière.

Permettez-moi de revenir rapidement sur la COP23. Selon certains, le bilan de cette conférence serait en demi-teinte. Pour ma part, je voudrais rappeler le contexte dans lequel elle s’est déroulée. Les États-Unis, l’un des premiers émetteurs mondiaux de CO2, venaient de décider de se retirer de l’accord de Paris. D’autres États auraient pu les suivre dans cette attitude mortifère, parce qu’il est très facile de s’enfermer dans l’idée qu’on ne peut pas concilier développement économique et lutte contre le changement climatique. Heureusement, les États du monde entier ont refusé de tomber dans cette facilité : selon moi, cela suffit à faire de la COP23 une certaine réussite, qu’il faut véritablement saluer.

Il faut aussi, quand on évoque la COP23, penser qu’il y a urgence pour les petits États insulaires, qui vivent au quotidien la réalité du changement climatique. À cet égard, le fait que cette conférence se soit tenue sous présidence fidjienne revêt une dimension symbolique. Depuis le début du siècle, les eaux ont monté de 19 centimètres. C’est énorme, et la poursuite de ce phénomène risque d’entraîner la disparition de nombreuses petites îles, c’est-à-dire de tout un pan de l’humanité. La France, qui compte de nombreux territoires insulaires affectés par la montée des eaux, est elle aussi directement concernée.

Je tiens à souligner que certaines avancées, que je ne détaillerai pas ici, ont été obtenues lors de la COP23. En matière de financements, notamment, des engagements ont été pris. Ils devront être confirmés lors de la COP24. Les questions du genre et du développement seront traitées dans le cadre du dialogue « Talanoa ».

Les actions de la société civile ont été, plus que jamais, sur le devant de la scène lors de la COP23, ainsi qu’à l’occasion du One Planet Summit. On voit de manière frappante que nous sommes maintenant entrés dans le temps de l’action. L’accord de Paris a fourni un cadre structurant, une base, de grandes lignes directrices. La France se doit de protéger cet acquis.

Il nous faut, aussi et surtout, encourager les initiatives partout sur nos territoires. Parce que vous avez une très bonne connaissance des acteurs – élus, collectivités locales, entreprises, citoyens –, vous êtes plus que jamais, mesdames, messieurs les sénateurs, des moteurs de la transition écologique. Nous avons besoin de vous pour enclencher cette transition, la rendre totalement irréversible et la faire entrer de plain-pied dans la réalité.

Dans ce contexte, l’année 2018 sera à l’évidence décisive pour la mise en œuvre de l’accord de Paris et la préparation de l’indispensable relèvement de l’ambition en 2020.

À l’échelon national, une action résolue est plus que jamais nécessaire. Le One Planet Summit a permis de réaffirmer encore une fois l’ambition de la France. À cette occasion, le Président de la République et nos partenaires ont pris douze engagements très forts que je détaillerai plus tard.

Je tiens maintenant à rappeler certaines des initiatives phares que le Gouvernement a prises et a déjà commencé à mettre en œuvre.

Le 6 juillet, le ministre d’État Nicolas Hulot a annoncé un plan Climat plus ambitieux encore que l’accord de Paris. Au travers de ce plan, nous nous fixons pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Nous définissons également des objectifs ambitieux pour chacun des grands secteurs qui structurent notre économie et la vie des Français : par exemple, la fin des véhicules thermiques d’ici à 2040 ou le recyclage à 100 % des plastiques d’ici à 2025.

Telle est le plan d’action que nous nous sommes fixé ; à nous maintenant de le décliner et de le mettre en œuvre chaque jour. Ainsi, ce matin encore, au ministère de l’économie et des finances, je travaillais avec Delphine Gény-Stephann à la mise en œuvre concrète du plan de recyclage total des plastiques et à la réduction des mises en décharge d’ici à 2025.

Je ne détaillerai pas d’autres mesures, pourtant essentielles, tel le paquet « solidarité climatique » en faveur des plus vulnérables. En effet, si la transition écologique n’est pas solidaire, elle ne sera pas, ou elle sera bien trop lente pour que nos objectifs puissent être atteints.

Parmi ces objectifs figure l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. Nous déterminerons précisément comment l’atteindre dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie ; nous avons commencé à y travailler. L’énergie nucléaire reste absolument essentielle, notamment pour assurer la sécurité d’approvisionnement pour tous les Français, mais nous voulons peu à peu réduire sa part, ou en tout cas rééquilibrer notre mix énergétique en faveur des énergies renouvelables.

Les transports sont au cœur du plan Climat et de notre travail. Nous en discutons beaucoup à l’échelon européen. D’ailleurs, je me rendrai vendredi en Bulgarie pour évoquer ce sujet, avant d’assister lundi, à Bruxelles, au conseil des ministres de l’énergie de l’Union européenne. Il s’agit d’entrer dans l’action et d’enclencher toute une dynamique, en France, bien sûr, dans nos territoires, mais aussi à l’échelon européen et international.

Je vous remercie encore une fois d’avoir organisé ce débat et je me réjouis de pouvoir discuter avec vous plus en détail de toutes les actions qui sont menées par le gouvernement auquel j’appartiens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Débat interactif

M. le président. Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, je vous rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour deux minutes au maximum.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Ronan Dantec. (M. Joël Labbé applaudit.)

M. Ronan Dantec. Madame la secrétaire d’État, j’estime moi aussi que le sommet organisé par le président Macron, le One Planet Summit, a été un véritable succès. C’était une réponse politique nécessaire au désengagement américain. Il restera probablement, dans l’histoire complexe des négociations sur le climat, comme un moment où la finance internationale s’est vraiment interrogée sur sa responsabilité. L’OCDE est chargée, dans ce cadre, d’une mission visant à analyser si nos budgets sont, dans leur globalité, climato-compatibles.

Néanmoins, il y a des trous dans la raquette ! Vous reconnaîtrez, madame la secrétaire d’État, que si nous ne sommes pas, nous aussi, totalement exemplaires, les engagements ne seront pas tenus. Si, l’année prochaine, nos émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, comme cela a été le cas l’année dernière, nous ne nous en sortirons pas.

Des annonces sectorielles ont été faites, concernant par exemple le transport maritime. Il n’y en a pas eu sur le transport aérien. D’après les informations les plus récentes, de très bonne source, dont je dispose, la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, qui est connue pour la qualité de ses analyses, n’est pas capable aujourd’hui de fournir des données sur les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. C’est absolument étonnant…

Le transport aérien, qui se développe, est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre par kilomètre parcouru. Avez-vous prévu de l’inclure dans la stratégie nationale bas carbone, madame la secrétaire d’État, et, si tel est le cas, de quelle manière ? Quelles mesures prévoyez-vous de prendre pour que ce mode de transport soit pris en compte, comme les autres, au titre de notre objectif de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il est absolument crucial de réduire les émissions de CO2 dans le secteur des transports. Le transport aérien représente en effet 2 % des émissions de gaz à effet de serre. Or, pas plus que le transport maritime, il n’est inclus dans le champ de l’accord de Paris. Il nous faut donc nous attaquer à cette question.

Sachez toutefois que, dans ce domaine, le Gouvernement n’est pas resté inactif. Vous avez certainement suivi le travail sérieux et de longue haleine que nous avons engagé, s’agissant notamment des accords commerciaux. En effet, si le Gouvernement croit profondément en la valeur du libre-échange, il faut veiller à ce que celui-ci ne se fasse pas au détriment de la planète.

C’est cet équilibre difficile que nous avons cherché à promouvoir au titre du CETA, l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Hier encore, j’étais avec mon homologue québécoise, et le ministre d’État avec son homologue canadien, pour y travailler. Par ailleurs, nous œuvrons avec l’Organisation maritime internationale, l’OMI, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur maritime.

Il va de soi que nos services recherchent activement des moyens efficaces de réduire nos émissions de CO2 dans le secteur aérien. Nous en discutons d’ailleurs beaucoup à l’échelon européen.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. En outre, l’accord CORSIA, Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, a été conclu au mois d’octobre 2016. La première phase de sa mise en œuvre a malheureusement été insuffisante, mais nous allons continuer à y travailler. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris et les annonces des scientifiques sur un réchauffement très probable du climat de la planète d’au moins 1,5° C, voire 2°C nous inquiètent tous beaucoup.

Certains pays sont victimes d’une forme de double peine : parce qu’ils ne sont pas très développés, ils sont de faibles émetteurs de gaz à effet de serre, mais, soit parce qu’ils sont insulaires, soit en raison de leur situation géographique, ils subissent les effets du changement climatique. Avec mon collègue Yvon Collin, j’ai pu voir sur le terrain, à Saint-Louis, l’effet de la salinisation des rizières le long du fleuve Sénégal et constater la destruction des cultures ; c’est tout à fait impressionnant.

Madame la secrétaire d’État, pour prévenir cette évolution a été annoncée en 2009, à Copenhague, la création d’un Fonds vert pour le climat, devant être doté de 100 milliards de dollars. Depuis, on peine à trouver les fonds en vue de réaliser les investissements nécessaires pour éviter les conséquences mécaniques du réchauffement climatique. Des annonces ont été faites, mais, en ce qui concerne la France, le produit de la taxe sur les transactions financières est déjà utilisé, madame la secrétaire d’État, dans le budget national… On peut évoquer deux pistes intéressantes : un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, c’est-à-dire d’application d’un correctif représentatif de la prise en compte des réglementations nationales, et la mise à contribution de secteurs qui ne participent aujourd’hui aucunement à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, à savoir les transports aériens et maritimes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, il est vrai que le Fonds vert pour le climat est régulièrement critiqué. Cela entretient l’idée que ce fonds serait dysfonctionnel, lent à devenir opérationnel et insuffisamment accessible aux pays les plus vulnérables. Sur ce dernier point, les préoccupations exprimées portent souvent davantage sur le volume d’engagements financiers directement accessibles aux pays en développement que sur la complexité de la procédure d’accès.

Pourtant, les pays les moins avancés et les petites îles, qui représentent environ 40 % des projets et 30 % des engagements financiers, n’ont pas été pénalisés en termes de volume d’engagements. Un processus d’approbation simplifié pour les petits projets non risqués sur les plans environnemental et social a été validé par le conseil au mois d’octobre 2017. Si l’on peut déplorer la lenteur des décaissements – qui s’élèvent à environ 110 millions de dollars à ce jour –, il faut tout de même souligner les progrès qui ont été récemment réalisés et dissocier les blocages relevant du Fonds vert pour le climat de ceux qui tiennent aux entités accréditées ou au conseil.

Rappelons aussi que le Fonds vert pour le climat n’en est qu’à sa deuxième année de fonctionnement. L’arrivée à leur terme des mandats des membres du conseil, à la fin de 2018, devra être l’occasion de repenser le mode de gouvernance du fonds. Nous nous y attacherons en soutenant le renforcement du secrétariat et en plaidant pour un mode de décision majoritaire, dont l’adoption contribuera à dépolitiser le processus décisionnel au sein du conseil.