M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je répondrai directement à votre dernière question : la mission d’inspection demandée par le Premier ministre réfléchit à cette question. La demande de réévaluation pose en effet des difficultés, puisqu’elle va allonger le temps de l’évaluation.

Trois outils sont envisagés.

Le premier est un recensement biométrique des personnes évaluées, afin d’éviter un « nomadisme protectionnel » – pardonnez cette expression horrible. Cet outil est souhaité par un certain nombre de départements et sans doute également par les parquets afin de pouvoir savoir où vont ces jeunes. Comme vous l’imaginez, il fait l’objet d’une opposition beaucoup plus forte non seulement du Défenseur des droits, mais aussi d’un certain nombre d’associations. Il nous appartiendra de trancher en toute connaissance de cause pour ce qui concerne la mise en œuvre de ce dispositif.

Le deuxième élément de réponse est qu’il faut tendre à une harmonisation des évaluations. J’ai déjà avancé cette proposition, et il nous faudra la concrétiser.

La troisième possibilité serait de rendre l’évaluation opposable dès lors qu’elle a été réalisée.

Nous réfléchissons sur ces différents points, en nous appuyant chaque fois sur la police aux frontières pour les questions d’identité, car elles sont aussi importantes.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains.

Mme Brigitte Lherbier. Je souhaite revenir sur les départements du Nord et du Pas-de-Calais, qui sont, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, arrivés à saturation.

Je vous ai entendue parler de la bienveillance qu’il faudrait avoir à l’égard de tout enfant en souffrance sur le sol français. Je suis bien évidemment d’accord avec vous. Je suis d’ailleurs entrée en politique à l’origine essentiellement dans cette optique, comme nombre d’anciens conseillers départementaux. L’enfant est une personne vulnérable qu’il faut bien sûr encadrer, soigner et protéger dès lors qu’il souffre. Cette philosophie est la mienne et celle de nombre d’entre nous.

Toutefois, dans le Nord, la situation est différente vu le nombre de migrants – hommes seuls pour la plupart – qui arrivent dans ces départements. Les jeunes qui demandent la prise en charge sont âgés et saturent le dispositif. S’ils sont vraiment majeurs, il faut les épauler en mettant en place d’autres dispositifs. Mais il ne faut pas faire reposer ce problème uniquement sur les épaules de l’aide sociale à l’enfance.

L’augmentation exponentielle des jeunes supposés mineurs dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, comme dans tous les autres départements, entraîne une explosion des coûts d’accueil d’urgence. Le prix de l’aide sociale à l’enfance est de 166 euros par jour en France, ce qui correspond à 60 000 euros par enfant et par an. C’est un lourd problème financier qui fragilise toute la protection.

Les services du département du Nord évaluent à 30 % le nombre de jeunes adultes parmi les demandes d’accueil des mineurs non accompagnés. Les juges, faute de moyens et de preuves, se rangent à la présomption de minorité et condamnent les départements à payer des astreintes pour les loger. Les départements sont donc obligés de les accueillir au sein de maisons d’enfants, afin de ne pas payer ces astreintes.

Dans le même temps, des enfants sont en danger au sein de leur famille – j’insiste sur ce point. Faute de place, ils sont contraints de courir le risque de maltraitance au sein de leur famille. C’est le cas dans mon département du Nord, où 200 mineurs en danger ne peuvent être admis dans les centres d’accueil. Madame la garde des sceaux, ces chiffres sont aussi dramatiques que les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, j’entends parfaitement votre observation. L’idée n’est pas de préférer les uns aux autres ; il s’agit de construire une politique équilibrée.

Quand je dis que l’État veut reprendre l’évaluation, c’est non seulement pour prendre acte de la partie régalienne de ce dispositif, mais aussi pour soulager financièrement les départements et donc leur permettre réellement, dans le cadre de l’ASE, de prendre en charge l’ensemble des enfants dont ils doivent assurer la protection, soit parce qu’un juge le leur a demandé, soit parce qu’il s’agit de mineurs.

Cette politique plus équilibrée, nous souhaitons la réinscrire dans la durée. C’est vraiment cette recherche qui permettra aux départements de réinvestir pleinement la mission qui est la leur.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour le groupe Les Républicains.

M. René-Paul Savary. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de toutes ces explications. Comme vous l’avez vu, les situations sont totalement différentes d’un département à l’autre. Lorsque j’étais président du conseil départemental de la Marne, j’avais plus de 240 mineurs étrangers isolés, pour un coût de 4,5 millions d’euros ; le budget passera à 5 millions d’euros en 2018 avec, en parallèle, une recette de l’État – merci, madame la garde des sceaux ! – de 300 000 euros…

Le département des Hautes-Alpes, qui est un département d’accueil – on a vu les reportages concernant le passage des migrants sur des cols enneigés avec toutes les difficultés que cela comporte –, a 1 238 jeunes à évaluer. Le coût pour ce département de 140 000 habitants, rien que pour l’évaluation, est de 2 millions d’euros, compensé à peine à 40 % !

C’est pourquoi, madame la garde des sceaux, nous attendons avec impatience les mesures annoncées par le Premier ministre devant l’Assemblée des départements de France. Quelle est l’esquisse de ce qui va être proposé dans quelques jours ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je sais le travail qui est effectué dans le département dont vous assuriez auparavant la présidence.

Je ne vais pas répéter ce que j’ai dit depuis le début de ce débat. Dans le dispositif qui serait prévu par l’État, comme je l’ai dit à Mme la sénatrice Lherbier, il me semble que le rééquilibrage permettra à tous les départements de mieux assumer l’ensemble de leurs missions.

Quant à l’esquisse de la décision, je ne saurais vous dire exactement ce qu’elle est. Je pourrais en revanche vous parler de l’esquisse du rapport de la mission d’inspection.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Elle est ce que j’en ai dit : une reprise en charge par l’État de l’évaluation et de la mise à l’abri, avec un État qui assure ou un État qui assume ce qui est actuellement réalisé par les départements. Je le redis, car ils sont très attachés à ce rôle, les départements resteraient pleinement investis de leurs compétences, par le biais de l’aide sociale à l’enfance, concernant les personnes déclarées mineures.

Ce rééquilibrage est évoqué dans le rapport préliminaire de la mission d’inspection, mais il n’est, à ce stade, pas définitif. Tout rapport suppose ensuite une prise de décision…

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour la réplique.

M. René-Paul Savary. Madame la garde des sceaux, ce n’est pas équilibré : 155 millions d’euros, selon vos chiffres, pour l’évaluation et 1 milliard d’euros pour la prise en charge par les départements. Les départements n’en peuvent plus, de même que les personnels, qui sont aussi soumis à des phénomènes de contagion - on n’a pas évoqué les problèmes sanitaires, mais ils doivent être pris en compte.

Les contrats jeune majeur, quant à eux, pourraient – pourquoi pas ? – relever des départements, qui ont le savoir-faire. Mais cela suppose, derrière, un coût, car cela n’entre pas dans leurs compétences obligatoires.

En conclusion, je tiens à dire que les départements sont prêts à assumer leurs responsabilités, mais ils n’ont plus les possibilités financières et vont être soumis à la double peine en 2019. En effet, compte tenu de l’augmentation de plus de 2 % de leurs dépenses de fonctionnement, Bercy va les épingler. Ce problème interministériel devient de plus en plus grave et risque d’avoir des conséquences dramatiques pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la prise en charge des mineurs isolés.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 23 janvier 2018 :

À quatorze heures trente :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (n° 119 rectifié, 2017-2018) ;

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 194, 2017-2018).

Texte de la commission (n° 195, 2017-2018).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

 

 

nomination de membres d’organismes extraparlementaires

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :

- M. François Bonhomme est membre titulaire et M. Didier Marie membre suppléant du Comité des finances locales ;

- Mme Nathalie Delattre et M. Jacques Bigot sont membres titulaires de la Commission nationale chargée de la vidéoprotection ;

- M. Thani Mohamed Soilihi est membre titulaire et MM. Patrick Kanner et Pierre Frogier membres suppléants de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ;

- Mme Éliane Assassi est membre titulaire du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- M. Jean-Luc Fichet est membre suppléant du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

- Mme Françoise Gatel est membre titulaire et M. Arnaud de Belenet membre suppléant du Conseil national d’évaluation des normes ;

- Mme Laurence Harribey est membre titulaire et Mme Sophie Joissains membre suppléant du Conseil national de la mer et des littoraux ;

- M. Loïc Hervé est membre titulaire du Conseil supérieur des archives ;

- M. Sébastien Leroux est membre titulaire du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire.

 

nomination de membres d’une commission d’enquête

Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure (21 membres)

Mme Éliane Assassi, MM. Arnaud de Belenet, Michel Boutant, Vincent Capo-Canellas, Alain Cazabonne, Philippe Dallier, Mme Nathalie Delattre, MM. Gilbert-Luc Devinaz, Philippe Dominati, Jordi Ginesta, Mme Samia Ghali, M. François Grosdidier, Mme Gisèle Jourda, MM. Patrick Kanner, Henri Leroy, Mmes Brigitte Lherbier, Anne-Catherine Loisier, M. Alain Marc, Mme Isabelle Raimond-Pavero, MM. André Reichardt, Jean Sol.

 

nomination de membres d’un groupe de travail

Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Groupe de travail préfigurant la commission spéciale sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance

MM. Serge Babary, Julien Bargeton, Éric Bocquet, François Bonhomme, Henri Cabanel, Emmanuel Capus, Pierre-Yves Collombat, Mmes Josiane Costes, Nathalie Delattre, Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mmes Frédérique Espagnac, Dominique Estrosi-Sassone, M. Michel Forissier, Mme Pascale Gruny, MM. Jean-Raymond Hugonet, Jean-François Husson, Mmes Élisabeth Lamure, Christine Lavarde, MM. Pierre Louault, Jean-Claude Luche, Victorin Lurel, Didier Mandelli, Rachel Mazuir, Mme Michelle Meunier, MM. Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Angèle Préville, M. Alain Richard, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Michel Vaspart, Mmes Dominique Vérien, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

 

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD