M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. J’adhère à une partie de ce qui vient d’être indiqué, mais je pense qu’il y a tout de même une différence importante entre les mandats syndicaux et les mandats politiques.

Il faut, me semble-t-il, encourager l’engagement syndical, au service des autres personnels dans les entreprises.

Je suis très inquiète quant à l’après. Les élus des comités d’entreprise ou des CHSCT, les représentants du personnel ont des droits en tant que tels et sont des salariés protégés. Mais je crains que, parvenus en fin de mandat, ils ne subissent des pressions, ce qui aura pour conséquence d’entraver la liberté syndicale.

Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous apporter pour que la limitation du cumul dans le temps ne vienne pas fragiliser les représentants syndicaux, surtout lorsqu’ils arrivent au bout du nombre d’années prévu ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Je partage la quasi-totalité des propos de M. Grand, sauf sur un point : on ne peut pas laisser croire – j’ai déjà entendu cette remarque – qu’il faudrait limiter le cumul des mandats dans le temps des délégués syndicaux sous prétexte que l’on veut nous imposer une telle limitation à nous, élus politiques. Évitons que l’amertume qui est la nôtre – elle transparaît dans de tels propos – ne nous conduise à faire subir à d’autres ce que nous regrettons pour nous ! Ce n’est, me semble-t-il, pas un argument à invoquer en faveur de la limitation des mandats dans le temps.

J’ai également entendu que certains, dans leur grande bonté, voulaient limiter dans le temps les mandats des délégués syndicaux « pour leur bien », afin que ces derniers ne se retrouvent pas dans une situation délicate en fin de mandat. Permettez-moi d’être sceptique ! Je pense que les délégués syndicaux sont suffisamment responsables pour décider eux-mêmes s’ils doivent se représenter ou pas !

Les ordonnances prévoient une limitation des mandats, mais sans indiquer la durée. Or, madame la ministre, vous avez raison de le rappeler, les accords de branche peuvent fixer la durée du mandat entre deux et quatre ans. Or trois mandats de deux ans, cela fait six ans. Cela ne laisse pas le temps d’acquérir l’expérience, la compétence et la maîtrise des dossiers, alors que le patron qui, lui, sera présent en permanence, aura pu les acquérir.

Nous avons soutenu des amendements tendant à supprimer cette limitation. Toutefois, je voterai l’amendement de Mme Schillinger, afin d’éviter le pire.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je partage un certain nombre des remarques qui ont été formulées.

Nous parlons de la vie de l’entreprise ; une entreprise, c’est une direction, des salariés, des savoir-faire, des machines-outils, un cadre de vie : c’est tout cela, une entreprise !

Pourquoi avons-nous si peu de salariés qui s’engagent dans le syndicalisme ? Parce que beaucoup subissent la répression syndicale ! Être syndiqué dans un groupe de la grande distribution, par exemple – j’ai rencontré beaucoup de jeunes femmes concernées –, c’est se voir imposer des horaires incompatibles avec une vie de famille ! C’est parfois – mon collègue Martial Bourquin l’a souligné – voir son avancement de carrière stoppé net. Combien a-t-on connu de cas comme ceux-là ?

À mon sens, les syndiqués sont les héros d’aujourd’hui ! Pour s’engager dans son entreprise, pour ses collègues et pour l’entreprise elle-même, parfois dans cette ambiance de répression syndicale, il faut avoir du cran ! Et c’est encore plus vrai dans les PME, où il n’y a bien souvent pas de syndicat ! L’adoption d’un tel amendement ne résoudra pas le problème.

Enfin, comme notre collègue l’a rappelé, c’est aux salariés eux-mêmes de décider qui peut le mieux les représenter. En six ans, on peut en faire, du travail, mais on peut aussi ne pas avoir fini ! Pour pouvoir passer le relais dans de bonnes conditions, il faut parfois dix ans ou quinze ans, et les syndicats et les salariés sont les mieux placés pour savoir quand le moment est venu de changer de représentants.

Nous ne voterons donc pas un amendement qui, à mon sens, va décourager le syndicalisme plus que l’encourager.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je partage la position de M. le rapporteur.

Il me paraît assez logique d’opter pour une limitation à trois mandats, comme la loi le prévoit. Il est vrai que certains mandats sont de deux ans. Dans ce cas, il est peut-être souhaitable d’inciter les branches à porter cette durée à quatre ans, afin de favoriser le gain de compétences.

Mais, fort de la modeste expérience qui est la mienne du monde de l’entreprise, je constate qu’il y a un syndicalisme professionnel, et même très professionnel, de plus en plus éloigné du monde du travail.

L’important, c’est de pouvoir effectuer des passages – c’est vrai aussi en politique – de l’activité professionnelle vers un mandat d’élu, puis de revenir dans le monde du travail ; cela permet de ne pas s’éloigner des réalités.

Or, aujourd’hui, et je le dis très clairement à mon collègue Fabien Gay, les syndicats sont totalement déconnectés du monde du travail ; ils connaissent peut-être très bien le droit du travail – et tant mieux ! –, mais certainement pas les réalités du terrain. C’est ce qui a suscité de la désaffection à leur égard.

Pour ma part, je souhaite des syndicats forts et des entreprises avec des employés connaissant les réalités du monde du travail. C’est pourquoi je soutiens la position de la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je pense – en tout cas, j’espère – que la négociation dans les PME et la formation des personnels favoriseront l’engagement syndical.

Je voterai en faveur de cet amendement, qui vise à limiter la durée des mandats successifs à douze ans, ce qui me semble déjà assez important.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement.

Depuis hier, on nous parle de dialogue social. Et, en même temps, Mme la ministre déclare depuis le début faire confiance aux partenaires sociaux. Or voilà que l’on veut imposer dans la loi une règle limitative aux délégués syndicaux, c’est-à-dire à celles et ceux qui défendent les salariés ! Il faudrait savoir !

Qu’est-ce que le dialogue social ? Qui favorise-t-il dans les entreprises ?

Avec l’ensemble de mon groupe, je ne partage pas du tout l’esprit de ces ordonnances, qui font toujours pencher la balance dans le sens des directions, et jamais dans celui des salariés ! Il est encore prévu d’ajouter une nouvelle règle pour brimer ceux des salariés qui défendent l’outil et les conditions de travail !

Notre collègue Jean-Pierre Grand nous disait à l’instant que, en tant que gaulliste, il avait une autre conception de la démocratie ; je pense que nous sommes très nombreuses et très nombreux à la partager !

Il est vrai que cet amendement adoucirait un peu le dispositif ; nous ne voterons donc pas contre. Mais nous nous abstiendrons. Il est tout de même terrible que, dans cet hémicycle, nous en soyons réduits à retenir le « moins pire » !

M. Jean-Louis Tourenne. C’est vrai ! Mais il faut tout de même prendre ses responsabilités !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avant que le Sénat ne vote, je voudrais juste apporter une précision afin que nous soyons sûrs de parler tous exactement de la même chose.

Tout d’abord, les délégués syndicaux ne sont pas concernés par cet article : il n’y a pas de limitation de leurs mandats dans le temps. Cela ne figure ni dans le texte des ordonnances ni dans l’amendement de la commission. Sont donc concernés ici les autres élus du personnel, sachant que les délégués syndicaux peuvent être élus ou désignés.

Par ailleurs, je le redis afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, les organisations syndicales soulignent les difficultés en termes d’engagement, rencontrées par les différents élus. De nombreux jeunes, mais aussi des personnels plus anciens, se disent qu’ils ne pourront plus revenir en arrière une fois qu’ils se seront engagés. Ils craignent de se trouver pénalisés dans leur carrière ou leur rémunération, ou au minimum ralentis, ce qui est vrai dans un certain nombre de cas. D’un autre côté, ils ne sont pas certains de pouvoir réussir à se projeter sur une longue durée. Bref, des mandats longs semblent antinomiques avec la capacité de poursuivre une carrière, non pas d’élu, mais dans l’entreprise, en progressant dans son métier.

Mon ambition, en confiant une mission à Dominique Simonpoli et à Gilles Gateau, est de pouvoir aller beaucoup plus loin en ce qui concerne la valorisation des compétences. Je suis très frappée de constater que, dans les entreprises, les personnes qui ont été élues du personnel, qu’il s’agisse d’ouvriers ou d’employés, ont su développer des compétences extraordinaires en matière d’organisation, de management, de conviction, de négociations. Elles s’engagent pour les autres et pour la collectivité, mais au final, au terme de leur mandat, on ne leur propose rien d’autre que de revenir à la case départ. Ce n’est ni correct ni de nature à les inciter à s’engager !

Certes, ce sujet n’est pas à proprement parler l’objet de l’amendement n° 159, mais il est en lien avec lui. C’est une question de cohérence d’ensemble. En tout état de cause, il est très important d’avancer sur les sujets relatifs à l’avenir professionnel et à la lutte contre les discriminations. Voilà pourquoi nous souhaitons avoir des observatoires départementaux pour suivre ces questions de carrière et s’assurer qu’il n’y a pas de discriminations.

Il est vrai que l’ordonnance prévoyait au départ de limiter les mandats successifs à trois, et nous avions sous-estimé le fait qu’il existait beaucoup de mandats de moins de quatre ans. Cela aurait pu restreindre la durée des mandats successifs à six ans. Or si être élus du personnel peut constituer un piège sur toute une carrière – je ne parle pas des délégués syndicaux –, limiter les mandats à six ans ne permet pas de développer les compétences et paraît excessif. C’est la raison pour laquelle les auteurs de l’amendement désirent aller jusqu’à douze ans. La commission ne le souhaite pas, mais au vu des débats, il me semble que cet amendement sera voté sur de nombreuses travées, certains le feront avec conviction, d’autres en pensant que c’est moins pire, si je puis dire. (On sesclaffe au banc des commissions.)

M. Alain Milon, rapporteur. Voulez-vous que je demande un scrutin public ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. À votre guise ! (Sourires.)

Cela n’a pas été souligné dans la discussion, mais nous avons prévu une absence de limitation en dessous de 50 salariés, car cela poserait un problème en termes de ressource. En revanche, dans les plus grandes entreprises, il est important que les mandats puissent tourner afin qu’un plus grand nombre de salariés puisse développer cette culture de la négociation, de la représentation.

De surcroît, nous avons prévu, mais la commission veut le supprimer, que par accord majoritaire dans l’entreprise on puisse aller au-delà de cette limite de trois mandats et de douze ans. C’est pourquoi l’amendement défendu par M. le rapporteur me paraît trop restrictif au regard du développement syndical.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. J’ai le sentiment très net que, dans l’ensemble, nous sommes à peu près tous d’accord : ce sont ceux qui votent qui doivent limiter le nombre de mandats des élus dans le temps, et non le Gouvernement ou la loi.

Par ailleurs, l’amendement défendu par Patricia Schillinger aborde la question de la durée du mandat dont nous avons suffisamment parlé. Mais on a omis de souligner qu’il est possible de s’affranchir par accord d’entreprise de cette limitation à trois mandats, comme Mme la ministre vient de le rappeler. À quoi bon alors l’inscrire dans la loi ? Je confirme donc l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 159.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 186, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° bis Au premier alinéa de l’article L. 2315–18, les mots : « , ou, le cas échéant, les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail » sont supprimés ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à réaffirmer l’obligation introduite en commission de former l’ensemble des élus du CSE aux questions de santé et de sécurité, et pas uniquement les membres de la commission dédiée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. C’est un amendement intéressant, en cohérence avec ce que j’ai dit hier lors du débat sur la santé au travail. À mon sens, la santé, la sécurité et les conditions de travail doivent être l’affaire de tous et pas simplement de la commission spécialisée, même si cette dernière joue un rôle utile d’approfondissement.

Pour faire de la prévention, tout le monde doit être à bord sur les sujets de santé, de sécurité et de conditions de travail, ce qui demande un minimum de formation. Celle-ci ne sera peut-être pas aussi poussée que pour les membres de la commission dédiée à ces questions. Mais que tous les membres du CSE puissent bénéficier d’une formation dans ce domaine me paraît une bonne initiative. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 186.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 139, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa de l’article L. 2315-23, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux » ;

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Quand elles ne les suppriment pas tout simplement pour les entreprises plus petites, les ordonnances fragilisent par petites touches soit les instances représentatives du personnel, en les fusionnant ou en supprimant un certain nombre de leurs prérogatives, soit les élus, comme on vient de le voir lors du précédent débat.

Autre petite touche, il est prévu ici que l’employeur ne sera plus limité à un nombre maximum de collaborateurs pouvant assister avec lui aux réunions plénières de l’instance. Certes, l’employeur peut avoir besoin de s’entourer de collaborateurs, car s’il dirige l’entreprise il ne connaît pas pour autant toutes les questions dans le détail. Néanmoins, lorsque l’on est salarié représentant du personnel et que l’on siège dans des instances où il faut convaincre, participer au dialogue, mais aussi s’opposer, il n’est pas facile d’avoir en face de soi un grand nombre de personnes entourant l’employeur, d’autant que les salariés n’ont pas forcément l’habitude de s’exprimer en public. Ce genre de disposition peut donc rendre leur expression plus difficile.

Voilà pourquoi le nombre de collaborateurs maximum avec lequel l’employeur pouvait assister aux réunions était auparavant limité. Nous proposons de rétablir cette limitation afin de permettre la pleine et entière expression des salariés au sein de ces instances. En effet, quand on se retrouve face à son responsable direct, il est peut-être plus difficile de s’exprimer.

Cette proposition contribuera à rendre ces instances constructives et va dans le sens du dialogue social. Il s’agit de limiter cette fragmentation par petites touches, cette fragilisation du pouvoir et des capacités d’agir des représentants du personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. En fait, cet amendement vise à abaisser de trois à deux le nombre de collaborateurs qui peuvent assister l’employeur, lequel préside le CSE.

Toutefois, les compétences de la nouvelle instance sont bien plus étendues que celles du comité d’entreprise, notamment – on l’a vu pour l’amendement précédent – en matière de santé et de sécurité au travail, qui relevaient jusqu’à présent du CHSCT. Il est donc logique, sur ce point, de faire évoluer le droit et de permettre à l’employeur de disposer d’un collaborateur spécialisé sur ces questions.

La commission émet donc un avis défavorable et préfère s’en tenir à trois collaborateurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ce qui est important, au-delà du nombre de collaborateurs, c’est que de part et d’autre l’on puisse discuter. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il n’est aucunement question de limiter le nombre de collaborateurs aux deux seules mêmes personnes pour tous les points de l’ordre du jour de l’instance. Il serait tout à fait possible, d’ailleurs cela se fait déjà, que l’employeur demande à être assisté de tel collaborateur lorsqu’il s’agit des risques professionnels et de tel autre quand il s’agit d’un sujet ayant trait à la finance de l’entreprise. (M. Michel Dagbert opine.)

Deux collaborateurs permettent à l’employeur d’être correctement entouré sans fragiliser la voix des salariés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 139.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 193, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 21

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2315–24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf accord de l’employeur, un règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales. Cet accord constitue un engagement unilatéral de l’employeur que celui-ci peut dénoncer à l’issue d’un délai raisonnable et après en avoir informé les membres de la délégation du personnel du comité social et économique. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la nature des engagements pris par l’employeur dans le règlement intérieur du CSE et les conditions dans lesquelles il peut les dénoncer sur la base de la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui tend à codifier une jurisprudence établie de la Cour de cassation. Ce sera plus simple à la fois pour les employeurs et pour les syndicats de salariés. Il s’agit ici des obligations de l’employeur. Il faut déjà accéder au code du travail ; nous allons essayer de le rendre plus lisible grâce au code numérique. Mais si l’on doit en plus rechercher tous les arrêts de la Cour de cassation…

À partir du moment où la jurisprudence est établie et qu’elle correspond à une pratique qui convient au législateur, il vaut mieux la codifier.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 193.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 140, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Tourenne et Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et G. Jourda, MM. Courteau, Kerrouche, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 22

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 2315-36 est ainsi modifié :

a) Aux 1° et 2°, les mots : « trois cents » sont remplacés par le mot : « cinquante » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Cette commission dispose de la personnalité civile et prend de manière autonome les décisions en matière de santé, sécurité et conditions de travail, notamment en matière d’expertise. » ;

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement a pour objet de rétablir la présence de représentants aux fonctions spécifiques en matière de santé et de sécurité dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés.

Qu’est-ce qui légitime l’absence d’instance spécifique, avec une spécialisation des représentants, dans les entreprises de taille plus petite ? Nous savons tous, cela a été dit et répété hier soir, parfois jusqu’à tard, que ces représentants, qui disposaient de connaissances à la fois techniques et humaines des situations de travail dans l’entreprise, étaient indispensables pour faire vivre la prévention des risques professionnels. Notre proposition répond aux propos de Mme la ministre. La prévention des risques professionnels se fait-elle à droit constant ? N’avons-nous rien perdu ? Il me semble au contraire que beaucoup de salariés vont y perdre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à abaisser de 300 à 50 salariés le seuil d’effectif à partir duquel la création d’une commission spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail est obligatoire au sein du CSE, et à lui conférer la personnalité civile, ce qui lui permettrait notamment d’ester en justice.

Il part du postulat, erroné à mon sens, que la fusion des instances représentatives du personnel, les IRP, au sein du CSE entraînera un examen moins approfondi de ces questions par cette instance, en particulier lorsqu’elle ne dispose pas d’une commission dédiée, dont la mise en place est obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi que sur les sites Seveso.

Outre le fait qu’il est possible d’en créer une par accord collectif dans les entreprises de plus petite taille, je ne pense pas que l’absence de cette commission dans les entreprises de taille moyenne empêche les membres du CSE de se spécialiser chacun sur les questions pour lesquelles ils ont une appétence particulière. Il pourra s’agir de la santé au travail ou bien des problématiques financières de l’entreprise, selon la façon dont les élus décident de s’organiser.

Par ailleurs, je suis opposé à ce que la commission dédiée soit dotée de la personnalité civile et émette elle-même des avis. C’est contraire à l’esprit de la réforme, qui repose sur la création d’une instance unique de représentation du personnel. Cela reviendrait à en recréer une seconde.

Surtout, je pense que c’est un facteur de qualité des avis émis que de permettre à l’ensemble des membres du CSE de se prononcer sur des questions de santé et de sécurité au travail. Ils ont chacun leurs expériences propres en la matière et sont à ce titre légitimes pour se prononcer sur ces questions. Je tiens par ailleurs à rappeler que pour cette raison la commission a rendu obligatoire la formation de l’ensemble des membres du CSE aux problématiques de santé, de sécurité et des conditions de travail, et pas uniquement celle des membres de la commission.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, en cohérence avec ce que j’ai précisé hier et voilà quelques instants sur les sujets de santé, de sécurité et de conditions de travail.

D’abord, il serait complètement contradictoire de recréer une sous-commission avec une personnalité morale alors que, justement, nous avons décidé la fusion pour créer une seule personnalité morale disposant d’une vue d’ensemble de l’entreprise.

Par ailleurs, je rappelle que cette commission est déjà obligatoire pour les entreprises de moins de 300 salariés dans les établissements sensibles, c’est-à-dire avec une installation nucléaire ou classés Seveso. L’inspection du travail peut imposer la création d’une telle commission lorsqu’il y a des sujets spécifiques liés à la nature de l’activité, à l’agencement et à l’équipement des locaux.

Enfin, et surtout, vous venez de rendre obligatoire la formation pour tous les membres du CSE. Or le CSE dans ses compétences doit au moins quatre fois par an consacrer ses travaux aux sujets de santé, d’hygiène et de sécurité travail. Il est donc faux de dire que ces questions ne seront plus traitées ou qu’elles ne le seront pas assez bien.

Cet amendement ne me paraît pas nécessaire. Il est même contradictoire avec ce que nous voulons faire. Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je le confirme, cet amendement est certainement contraire à l’esprit des ordonnances.

Vous m’avez répondu que ces commissions existaient dans les entreprises dites « sensibles ». Néanmoins, il y a dans beaucoup d’entreprises des situations de travail sensibles, sans pour autant qu’elles relèvent notamment de la réglementation Seveso !

Par ailleurs, vous dites qu’il faut fusionner car une vision globale est nécessaire pour traiter des questions de santé et de sécurité au travail. Cependant, il importe de ne pas laisser entrer d’autres considérations en ligne de compte quand il s’agit de santé et de sécurité au travail dans ces instances. Faute de quoi on finit toujours par les négliger. Or les salariés n’ont qu’un corps : protégeons-le !

Si les élus doivent prendre en compte d’autres considérations que la santé et la sécurité au travail, et obéir à d’autres intérêts, il sera alors facile de négliger les questions de prévention, surtout si celles-ci n’ont pas un caractère grave, que le danger est diffus, qu’il n’est pas imminent. C’est ainsi que l’on omet de prendre garde.

C’est la raison pour laquelle ces instances spécifiques étaient incomparables en termes d’efficacité et pour prendre en compte les situations de travail provoquant des dégâts sur la santé des salariés. Pour toutes ces raisons, il est essentiel, de notre point de vue, en contradiction avec l’esprit des ordonnances, de prendre en compte les dispositions prévues au travers de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, tenez bon, ne lâchez surtout pas ! (Sourires.) C’est le principe même de l’intérêt de la loi.

Quand nous discutons avec des salariés ou des chefs d’entreprise sur le terrain, il ressort de nos échanges que vos ordonnances leur apporteront plus de souplesse au sein des instances représentatives. Or ces entreprises sont sensibles aux problèmes de santé. Le bien-être de leurs collaborateurs, le fait qu’ils puissent s’épanouir à travers leur travail, est même pour elles la meilleure façon d’être plus compétitives !

Plus le problème est de faible importance, plus chacun fera preuve de souplesse et de bonne volonté pour le prendre en considération. Et face à des problèmes graves, bien sûr, chacun veillera à prendre les mesures qui s’imposent. Mais ce sera trop tard ! C’est au niveau de la prévention qu’il faut agir !

En ayant des actions de prévention volontaire, une entreprise sera plus dynamique et plus performante. Les salariés voudront y travailler, car la protection y sera meilleure qu’ailleurs, qu’il s’agisse des droits ou des conditions de travail. C’est donc un moment important de la loi sur lequel il faut rester particulièrement ferme !