M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la période contemporaine est marquée par un attrait croissant pour les sports et activités de pleine nature. Il faut se féliciter de ce phénomène, qui favorise le développement touristique, donc économique, de nos territoires et valorise des espaces naturels.

Le département dont je suis l’élu, la Haute-Savoie, est particulièrement concerné par ce phénomène. Je ne vais pas vous citer ici l’ensemble des activités extérieures qui sont pratiquées chez nous tout au long de l’année, mais simplement vous rappeler quelques disciplines montagnardes emblématiques comme l’escalade, l’alpinisme, le ski, le parapente et, plus récemment, le trail.

Ces activités, comme la plupart des activités de nature, sont par essence à risque, et les pratiquants de ces sports le savent. Ce constat doit nous amener à remarquer une forme de paradoxe : le développement d’activités à risque dans une société dont l’aversion aux risques est de plus en plus grande. Notre époque est en effet marquée par la volonté de limiter le risque, de l’encadrer, de s’assurer contre celui-ci.

Le texte que nous proposent aujourd’hui nos collègues a suscité une double réaction au sein de notre groupe.

Première réaction, partagée par les précédents orateurs : appliquer de manière brutale la responsabilité du fait des choses au propriétaire ou au gestionnaire de sites pour des dommages causés lors d’une pratique sportive sur des sites naturels pose problème. En effet, cela va provoquer un découragement, donc probablement un désengagement, des fédérations sportives, voire des collectivités qui s’étaient organisées pour accompagner et développer ces activités. On comprend alors aisément les répercussions immédiates en matière d’attractivité touristique que cela pourrait engendrer dans nombre de territoires.

Deuxième réaction : le problème de droit qui nous est soumis est réel, mais il ne résulte, a priori – M. le rapporteur nous l’a confirmé –, que d’une décision de justice de première instance. L’affaire est actuellement devant la cour d’appel, dont on ne sait quelle sera son interprétation. Et ne parlons même pas de l’éventualité d’un pourvoi en cassation.

Se pose alors une question de principe : peut-on, doit-on, légiférer maintenant ? Au-delà du fait que ce soit une décision judiciaire isolée, on pourrait aussi se dire qu’il serait préférable d’attendre les travaux de notre Haute Assemblée sur le projet de réforme du droit de la responsabilité qui devrait s’amorcer à la fin de l’année. Mais, là encore, est-ce une raison pour nous empêcher de travailler dès maintenant ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non !

M. Loïc Hervé. Notre présence en nombre ce soir montre combien cette question nous intéresse.

Après une réflexion alimentée par les travaux approfondis de notre rapporteur et de la commission des lois, nous avons estimé qu’il était nécessaire que le Sénat s’attaque, dès aujourd’hui, au problème juridique soulevé par nos collègues du groupe Les Républicains.

Le Sénat a intérêt à statuer sur cet aspect particulier de la responsabilité du fait des choses, quitte à ce que ce travail soit un jour intégré à une réforme plus vaste de la responsabilité civile.

En commission, notre rapporteur nous a proposé d’intégrer le nouveau dispositif prévu dans la proposition de loi non pas dans le code de l’environnement, mais dans le code du sport.

Nous souscrivons à cette modification, d’autant plus que ce code prévoit déjà, dans son article L. 321-1-3, une exonération, pour les pratiquants d’une activité sportive, de la responsabilité sans faute pour les dommages matériels à l’encontre d’autres pratiquants du fait des choses sous leur garde. Rappelons au passage que cette évolution de 2012 était, elle aussi, issue d’une initiative parlementaire.

Sur le plan juridique, l’évolution de la matière qui nous occupe aujourd’hui a été largement bouleversée par un revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en 2010 et réduisant le champ d’application de la théorie des risques acceptés. Depuis ce revirement, la responsabilité du fait des choses a désormais vocation à s’appliquer à l’ensemble des dommages causés par le fait d’une chose, quelle que soit la nature de celle-ci, quel que soit le dommage causé et quelle que soit l’activité qui en a été l’occasion.

Les effets de cette décision se sont rapidement fait sentir avec une forte augmentation des primes d’assurance de certaines fédérations, notamment en matière de sport mécanique.

Force est de constater que la problématique que nous examinons ce soir est très spécifique, puisque les « choses » dont nous parlons aujourd’hui ne sont pas des matériels de sport : il ne s’agit pas de la responsabilité des dommages causés par une raquette de tennis ou une moto de compétition… Ces hypothèses, plus classiques, ont déjà donné lieu à de très nombreuses décisions judiciaires.

Ici, il est en fait question, au travers de la notion juridique de « chose », d’éléments qui composent l’environnement naturel d’une pratique sportive, en l’occurrence un rocher sur une paroi d’escalade. On comprend bien que le débat n’est pas tout à fait de même nature.

On comprend surtout qu’en désignant comme juridiquement responsable une fédération sportive pour des dommages qu’elle ne pouvait ni prévoir ni éviter, on la place dans une situation intenable.

L’objectif de cette proposition de loi est très simple, mes chers collègues : trouver le bon aménagement juridique permettant de sauvegarder et de permettre le développement d’activités sportives et de nature. Vous avez ainsi évoqué, madame la secrétaire d’État, le nombre de pratiquants dans notre pays de ce type d’activités.

Je tiens à remercier notre rapporteur de la qualité de son travail, la finesse de son analyse juridique et l’intelligence des apports faits à la proposition de loi initiale. Il nous propose aujourd’hui un dispositif qui pourra sans doute encore être amélioré au cours de la navette parlementaire, mais qui lance le débat et souligne l’implication du Sénat sur cette problématique très importante pour le développement économique et touristique de nos territoires. J’ai, là encore, une pensée pour mon département qui vit de cette activité.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de vous l’indiquer en commission, j’aime les premiers de cordée. Non pas dans l’acception macroniste de la formule,…

M. Loïc Hervé. Cela viendra ! (Sourires.)

M. Jérôme Durain. … mais au sens littéral du terme. Je suis moi-même grimpeur, mais comme cela n’emporte pas d’obligation de déport ou de conflit d’intérêts, je poursuis mon propos. (Nouveaux sourires.)

Pour poser les termes du débat qui nous intéresse aujourd’hui, j’ai choisi de partir du nom qu’on donne en escalade à celui qui se trouve à l’autre bout de la corde, tout en bas : il s’agit de l’assureur. Ce terme résume à lui seul toutes les interrogations auxquelles cette proposition de loi veut apporter des réponses, soit la prise de risque, la responsabilité qui y est liée et le financement des dommages en cas d’accident. Autrement dit, qui pratique, qui sécurise et qui paye ?

Ce texte trouve notamment son origine dans un accident d’escalade à Vingrau et dans une décision de justice s’y rapportant. Mais les questions posées intéressent tous les pratiquants de sport de pleine nature, l’ensemble des fédérations qui en régissent la pratique, les propriétaires de sites naturels et les collectivités territoriales qui en assurent le développement et la promotion.

Plusieurs questions philosophiques sous-tendent nos débats aujourd’hui. Quelle place accordons-nous à la prise de risque dans notre société, notamment dans les espaces naturels ?

Quelle part d’acceptation du risque de la part des pratiquants eux-mêmes ? Sur ces sujets, qu’est-ce qui doit relever de la responsabilité individuelle ou de l’assurance d’un tiers ?

Jusqu’où les fédérations et les collectivités doivent-elles être responsables des pratiques individuelles ? Quel est le juste coût des assurances que doivent prendre en charge les pratiquants ?

La première des questions que nous nous sommes posées en commission était : devons-nous légiférer sur la base d’un cas précis et d’une décision de justice, toujours en appel ? Autrement dit, faut-il attendre la Chancellerie et la prochaine réforme du droit de la responsabilité ? Nous avons répondu positivement.

Au-delà du seul cas de Vingrau, c’est tout le développement des sports de pleine nature qui est suspendu aux incertitudes juridiques. Le régime de la responsabilité civile est, me dit-on, intouchable. Pourtant, les textes de 1804, comme la construction jurisprudentielle qui les accompagne, ne sont plus à même de répondre à la complexité des situations auxquelles nous devons faire face aujourd’hui.

Vous avez sans doute lu le récit dans la presse cette semaine du sauvetage héroïque d’Élisabeth Revol. Son histoire a bien commencé, quand elle est devenue la première femme à réussir l’ascension hivernale du Nanga Parbat, en compagnie d’un alpiniste polonais. Le risque fut payant. Puis l’histoire s’est ternie dans la descente, durant laquelle Mme Revol n’a pu s’engager que seule, quand son compagnon de cordée a dû rester au sommet, à l’agonie. Elle a été rejointe par d’autres ressortissants polonais venus à sa rescousse de nuit, à la lampe frontale, dans des conditions dantesques.

Cette histoire, terrible, ne nous intéresse pas aujourd’hui que par son contexte : les montagnes françaises ne sont pas l’Himalaya et l’initiative législative du jour n’aurait que peu d’impact au Pakistan. Elle nous interpelle par les messages qu’elle porte. Nul n’imaginait qu’une opération de sauvetage dans l’Himalaya puisse être payée grâce à un appel au financement participatif, à hauteur de 50 000 dollars, en temps réel, au moment même du drame vécu par Élisabeth Revol sur le Nanga Parbat.

Les pratiques sportives actuelles, dans l’environnement juridique contemporain, requièrent des réponses nouvelles. J’ai le sentiment que cette proposition de loi nous les apporte. Je crois également que le travail de précision juridique, apporté avec beaucoup de minutie par notre rapporteur, va dans le bon sens.

Le grand grimpeur et alpiniste italien Reinhold Messner nous dit que « la montagne n’est ni juste, ni injuste, elle est dangereuse ». Sur la question du risque lié à la pratique des sports de pleine nature, nos efforts doivent précisément porter sur la juste responsabilité de chacun des acteurs concernés. Cela vaut pour les risques ordinaires comme pour les risques exceptionnels.

Pour la clarté de la démonstration, je veux dresser le tableau noir, dans le champ de l’escalade, des conséquences possibles d’une situation où le régime de la responsabilité sans faute continuerait à prévaloir : une fédération, la Fédération française de la montagne et de l’escalade, qui suspend tout ou partie des 800 conventionnements qui la lient à des propriétaires partout en France ; des propriétaires qui interdisent l’accès à leurs sites ; un niveau d’équipement et de sécurisation des sites qui diminue ; des pratiques sauvages ou clandestines qui prospèrent ; des collectivités qui mettent la pédale douce sur la promotion de l’escalade – Loïc Hervé a insisté sur l’intérêt touristique du développement des sports de pleine nature – ou qui, à l’inverse, surinvestissent dans un équipement déraisonnable visant à « bétonner », dans tous les sens du terme, les sites.

Au-delà des risques en matière d’accidentologie, ou des crispations possibles entre propriétaires et pratiquants, il faut considérer sérieusement cette perte de ressource réelle de développement local pour des communes, intercommunalités ou départements qui auraient été prêts, littéralement, à « investir dans la pierre ».

Vous aurez compris que je prône au nom de mon groupe – c’est de circonstance s’agissant d’escalade (Sourires.) – une position équilibrée. Le texte que nous étudions interroge à ce titre, en premier et en dernier lieu, les pratiquants. L’escalade, la randonnée et le VTT font partie des rares pratiques totalement libres d’accès et gratuites. C’est une chance et un rare privilège dans un monde de plus en plus marchand et je suis, comme beaucoup d’autres, très attaché à ces deux caractéristiques.

On peut considérer à l’échelle nationale que la moitié de la population française pratique la marche ou la randonnée. Trois Français de plus de quinze ans sur quatre déclarent, en 2016, pratiquer un sport de nature, soit 34,5 millions de personnes.

La contrepartie de ce libre accès et de cette gratuité doit sans doute être recherchée dans l’acceptation sociale d’un risque raisonnable. Cela renvoie à la nécessité, dans le cadre de pratiques non encadrées, d’avoir des pratiquants conscients, formés, assurés. Dans le modèle qui nous intéresse, le rôle des fédérations est central sur ces trois points. Car des pratiquants mieux formés, davantage responsabilisés, cela signifie moins de risque d’accident.

Vous aurez donc compris que tout le monde est concerné par ce texte : l’alpiniste chevronné, le randonneur occasionnel, le « VTTiste » du dimanche. Je souhaite que l’on puisse continuer à emprunter un sentier de grande randonnée, pour aller à Compostelle ou ailleurs, sans devoir se détourner d’un chemin qu’un propriétaire inquiet aurait interdit d’emprunter…

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Jérôme Durain. … et que l’on puisse initier des enfants à l’escalade sans analyse juridique préalable.

Au nom de mon groupe, j’apporte mon soutien à cette proposition de loi de M. Retailleau,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Jérôme Durain. … le président d’un groupe avec lequel je suis souvent en désaccord, mais avec lequel il m’arrive aussi de tomber d’accord sur des sujets de niche, comme cette proposition de loi ou l’importance du jeu vidéo ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Les amendements adoptés en commission me satisfont. Le rapporteur a fait le choix de définir la notion de faute dans un sens plus restrictif qu’initialement prévu, ce qui semble adapté à l’activité visée.

En ce qui concerne l’articulation avec l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement, on comprend que la cohabitation de deux dispositifs risquerait de créer des règles contradictoires.

Je suis plutôt partisan d’en rester à la rédaction adoptée en commission. Et il me tarde d’entendre l’avis de nos collègues de l’Assemblée nationale, dont je ne doute pas qu’ils se saisiront de l’occasion qui leur est offerte de donner de l’écho aux premiers de cordée, aux assureurs, aux randonneurs et à tous ceux qui font des espaces naturels leur terrain de jeu privilégié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec une certaine perplexité que j’aborde cette discussion générale, car si j’ai entendu des propos assez pertinents de la part des orateurs qui sont intervenus précédemment, je n’ai pas le sentiment que l’explication résultant de leur synthèse soit d’une clarté absolue.

Le problème du droit, c’est que les choses peuvent paraître simples lorsqu’une seule solution est offerte, mais qu’elles commencent à devenir compliquées lorsqu’il y en a trois ou quatre… Quand on fait référence à plusieurs codes et à différents sujets en même temps, on entre dans les véritables difficultés.

Un élément nous unit avec certitude – je l’ai senti au travers des applaudissements –, c’est qu’il faut régler le problème. C’était d’ailleurs le sens de la proposition de loi, que j’avais cosignée à l’époque, déposée par Bruno Retailleau avec un certain nombre de membres du groupe Les Républicains, dont d’ailleurs le rapporteur, lequel propose aujourd’hui une autre solution.

Cela montre bien que la situation n’est pas si simple : on propose à un moment donné une solution qui, avec le temps et la réflexion, peut évoluer. C’est pour cette raison que nous avons des débats dans les deux chambres, à la fois en commission et en séance. Je veux d’ailleurs rendre hommage à la réflexion menée par André Reichardt avec les membres de la commission des lois, sous l’égide de son président.

Nous devons répondre à des évolutions sociétales complexes, qui se font jour sur les espaces naturels, et à une forte artificialisation d’un certain nombre de ces espaces qui amoindrit les espaces de nature. Nous assistons à des demandes de plus en plus nombreuses de manifestations sportives, souvent axées sur la performance.

En même temps, nous constatons un grand attachement de nos concitoyens à la nature et aux espaces naturels. On a déjà aussi évoqué l’intérêt touristique pour l’attractivité des territoires de ces espaces naturels. Une valorisation du réseau des sites naturels protégés est une source de bonne santé et de bien-être, avec des aménagements limités pour laisser l’émotion gagner et conserver l’esprit des sites.

On comprend bien tous ces arguments, mais on constate en même temps – c’est un problème – une judiciarisation générale de la société. Dès que l’on reçoit un gravier sur le coin de la tête, on se demande comment faire réparer le préjudice de cette atteinte à son intégrité physique…

Les contentieux en responsabilité exposent les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, malgré toute l’information fournie et les précautions prises. Si cette tendance se confirmait, certains propriétaires ou gestionnaires d’espaces naturels risqueraient de faire le choix, à terme plus ou moins rapproché, de fermer des portions significatives de ces espaces naturels, ce qui n’est évidemment pas l’objectif.

En effet, en préservant ces espaces, l’objectif est de les rendre accessibles à tous nos compatriotes et à nos amis étrangers qui viennent visiter notre pays. C’est la raison pour laquelle le choix fait par la commission des lois, que je peux comprendre et qui a une pertinence juridique indiscutable, me paraît, et je le regrette, limiter la couverture de responsabilité.

Ce n’était pas, selon moi, l’objectif du texte que nous avions déposé. Au contraire, il s’agissait de répondre le plus largement possible aux risques d’accident encourus par les promeneurs, les sportifs, et de favoriser également la sécurité des gardiens de ces sites, qui ne pouvaient pas voir leur responsabilité engagée à tout propos dès lors qu’ils ouvraient très largement ces espaces et que le public, toujours plus nombreux, les fréquentait.

Ma première réflexion sur ce texte fut, compte tenu du travail accompli, de ne pas proposer d’amendement de suppression de l’introduction du dispositif dans le code du sport, car cette mesure a son mérite.

En toute honnêteté, je me suis dit – je vous le raconte comme je l’ai vécu, puisque j’ai encore une ou deux minutes pour le faire – qu’il fallait peut-être concilier l’article du code de l’environnement, qui n’est pas clair et qu’il est nécessaire de modifier – Mme la secrétaire d’État a bien voulu apporter des précisions sur le sujet, en indiquant que c’était probablement une bonne idée –, avec l’introduction d’un article dans le code du sport, afin de prévoir une large couverture.

On aurait à la fois l’introduction d’un article dans le code du sport, ce qui répond à un certain nombre de problèmes, et le maintien de l’article L. 365-1 du code de l’environnement, en y apportant des précisions. C’est ce que j’ai fait, puisque je n’ai pas proposé la suppression de l’article dans les amendements que j’ai déposés. En revanche, j’ai proposé des amendements de substitution : un amendement principal et un amendement de repli, les deux visant à apporter des précisions, mais rédigés de façon différente.

À cet instant, je suis embarrassé, parce que le Gouvernement a déposé un amendement dont les dispositions posent une difficulté, car elles prévoient la suppression de l’introduction du dispositif dans le code du sport.

Voici ma position, à l’instant où je vous parle et dans les douze secondes de temps de parole qui me restent : en l’état de notre discussion, mais nous verrons comment évolue le débat au fur et à mesure de l’examen des amendements, je suis favorable à l’amendement proposé par M. le rapporteur et voté par la commission des lois, visant à rétablir l’article L. 365-1. Et je souhaite y ajouter, pour défendre le point de vue que je soutiens, l’amendement n° 2 déposé par les membres de mon groupe.

Tel est, mes chers collègues, l’état d’esprit dans lequel je suis à ce stade de la discussion, étant entendu que, s’agissant d’un texte qui poursuit un objectif d’intérêt général évident, je suis favorable à la recherche d’une solution de compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir nous place devant la question de la prise en charge des risques individuels par la société, sous l’angle spécifique de la pratique des sports de nature.

De nos jours, ces activités progressent en nombre et rassemblent beaucoup d’adeptes, y compris sur ces travées. À titre d’exemple, la Fédération française de randonnée pédestre compte 242 000 adhérents et la Fédération française de la montagne et de l’escalade quelque 96 000. Plus de trois Français sur quatre de plus de quinze ans déclarent pratiquer régulièrement une activité de pleine nature.

Les auteurs de la proposition de loi l’ont souligné, il s’agit également d’un facteur majeur d’attractivité, encouragé par la loi, pour bon nombre de nos territoires. Sur les territoires de montagne en particulier, la loi du 9 janvier 1985 permet de limiter le droit de propriété au nom de l’activité sportive, l’objectif étant de favoriser le développement du tourisme.

Cependant, le développement de ces activités n’est pas sans causer certaines difficultés.

En premier lieu, et c’est l’objet de cette proposition de loi, il existe une difficulté juridique liée à la mise en cause de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites naturels en cas d’accidents.

La pluralité des situations juridiques s’appliquant à la pratique des sports de nature ne facilite pas l’analyse, selon qu’il s’agisse de pratiques encadrées par une association ou une entreprise ou d’une pratique « sauvage » et selon l’état des relations entre le propriétaire du site naturel, public ou privé, et son gestionnaire.

Lorsque ces activités sont dangereuses, elles devraient faire l’objet d’un encadrement minimal, ce qui n’est d’ailleurs pas contraire à l’objectif de dynamiser le tissu économique rural. En conséquence, les activités sportives « sauvages » pratiquées hors des périmètres balisés par le propriétaire ou le gestionnaire des sites régulièrement désigné par le propriétaire devraient plutôt engager la responsabilité des sportifs concernés.

Si je prends l’exemple du département que je connais le mieux, celui du Puy-de-Dôme, où les volcans de la chaîne des Puys sont dans leur quasi-totalité des espaces privés, comment des propriétaires pourraient-ils courir un risque juridique démesuré alors qu’ils offrent leurs parcelles aux activités de nature, sans que la fréquentation soit réellement maîtrisable ? L’engouement pour les sports de nature accroît considérablement la pression sur eux qui, dans nombre de cas, n’ont parfois pas consenti à y accueillir du public.

Le régime actuel de responsabilité sans faute pourrait, en outre, se révéler très coûteux pour les gardiens de sites naturels, comme dans le cas de l’exemple retenu par Bruno Retailleau et ses collègues, si leur responsabilité devait être systématiquement recherchée devant les tribunaux après chaque accident.

C’est pourquoi il est utile aujourd’hui de s’interroger sur une évolution du régime de responsabilité. Comme l’ont déjà souligné certains membres de la commission des lois, il s’agit d’ailleurs plus d’une conséquence de l’aversion au risque de notre société et de logiques assurantielles sous-jacentes que de la volonté des pratiquants de ces sports extrêmes, familiers de la prise de risque.

Il est donc nécessaire de parvenir à une rédaction équilibrée, qui ne limite pas la pratique des sports de nature, pas plus qu’elle ne déresponsabilise les propriétaires ou gestionnaires de sites naturels, ni les pratiquants de telles activités sportives. Utiliser un espace à des fins de loisirs est un droit qui doit s’accompagner de devoirs, le premier étant de respecter la propriété d’autrui, en étant responsable de ses actes et en faisant preuve de prudence. De ce point de vue, la rédaction proposée par le Gouvernement offre un bon compromis, que nous soutiendrons.

En second lieu, cette discussion ne doit pas occulter une autre responsabilité collective liée à la pratique des sports de nature et des activités de plein air. L’adaptation du droit de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites ouverts au public ne doit pas s’appréhender aux dépens de la nécessaire préservation de ces espaces, déjà fragiles par nature et parfois mis à rude épreuve par les pratiques sportives. Sur ce sujet, la responsabilité des gestionnaires de sites ne doit pas être totalement exonérée. Il y va de la pérennité de ces espaces et de notre capacité à les transmettre aux générations futures. Un meilleur partage des responsabilités doit être trouvé.

Enfin, un partenariat avec les propriétaires est nécessaire pour permettre une meilleure signalétique et une meilleure information des usagers. Le soutien à l’attractivité des territoires et au développement de cette économie touristique passe par l’accompagnement des gardiens de sites naturels.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains. – M. Jérôme Bignon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.