COMPTE RENDU INTÉGRAL

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable - 24 voix pour, 4 voix contre et 2 bulletins blancs ou nuls - à la nomination de M. Christophe Béchu aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs
Discussion générale (suite)

Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par MM. Dominique de Legge, Christian Manable, Michel Savin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 255).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique de Legge, auteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. Dominique de Legge, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution sur les normes sportives que nous examinons s’inscrit dans le cadre d’une réflexion plus globale voulue par le président du Sénat sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.

M. Charles Revet. Il y a du travail !

M. Dominique de Legge. Elle fait également suite à la mission d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales présidée par notre collègue Michel Savin en 2014.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Selon l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, les collectivités territoriales sont aujourd’hui les premiers financeurs du sport, puisqu’elles assurent un peu plus de 12 milliards d’euros de dépenses par an, soit 70 % des financements publics. Les normes sportives s’appliquent à quelque 250 000 équipements, espaces et sites sportifs, dont les collectivités territoriales sont propriétaires, et leur coût avoisinerait le milliard d’euros, toujours selon l’ANDES.

Si personne ne conteste les règles en matière de sécurité ou d’accessibilité, la multiplication, l’empilement, et l’application sans discernement de ces règles deviennent aujourd’hui insupportables, leur addition créant un environnement juridique potentiellement incertain et impactant lourdement les finances des collectivités.

L’élu local est ainsi confronté à une triple série de normes, à commencer par les normes générales, celles qui s’appliquent aux établissements recevant du public. L’élu local doit ensuite faire face aux normes réglementaires des fédérations sportives. Si l’on peut comprendre que ces dernières ont peu de marge s’agissant d’instructions d’ordre international, on peut en revanche être un peu plus critique lorsque ces recommandations sont dictées par des impératifs commerciaux. Je pense notamment à la « contenance minimale des espaces affectés à l’accueil du public », aux « dispositifs liés à la retransmission télévisée des compétitions », ou aux panneaux publicitaires.

L’élu local doit enfin faire face aux normes d’homologation : il y a celles qui sont délivrées par l’État, mais il y a également les normes AFNOR, qui touchent aux équipements, 370 étant recensées à ce jour dans le domaine du sport en général. Ces normes soulèvent une difficulté : si elles sont dites « volontaires », les juges les reconnaissent de plus en plus comme des obligations entraînant la responsabilité des gestionnaires en cas de difficultés.

Il n’y a donc pas un producteur unique de normes, mais, à un moment donné, au bout de la chaîne, il y a bel et bien un réceptacle unique : les élus locaux.

Mes collègues Michel Savin et Christian Manable développeront plusieurs points et pistes d’évolution. Pour ma part, je souhaite insister sur trois points.

Premièrement, nous devons passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. Trop souvent, la norme est perçue comme une assurance pour se prémunir d’une action en responsabilité en cas d’accident, la réalité de l’usage des équipements et des publics qui les fréquentent étant reléguée au second plan.

Deuxièmement, les équipements sportifs sont composés de plusieurs parties, qui répondent à des fonctionnalités particulières et différentes. L’application de la norme doit se faire en tenant compte des usages réels de chacune de ces parties.

Troisièmement, toute activité humaine étant génératrice de risques, tout doit être fait pour les prévenir. La conception des équipements y contribue bien évidemment. Mais les comportements des usagers doivent être compatibles avec la finalité desdits équipements. De ce point de vue, les responsabilités doivent être mieux partagées, au risque de dissuader les acteurs locaux d’investir.

Mes collègues et moi-même avons souhaité adopter une approche pragmatique, en formulant des souhaits dont la réalisation dépendra d’un travail commun de l’administration, des fédérations et des élus locaux.

Nous comptons donc sur votre détermination, madame la ministre, pour engager, avec le Gouvernement, ce travail sans délai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la proposition de résolution.

M. Michel Savin, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé notre collègue Dominique de Legge, cette proposition de résolution est le fruit d’un travail commun.

C’est exact, nous avons tous à cœur de desserrer les contraintes et d’alléger les coûts qui pèsent sur les collectivités territoriales. Les élus locaux le réclament régulièrement et nous devons les entendre.

Nous le savons tous, les collectivités territoriales investissent chaque année près de 12 milliards d’euros au bénéfice des 36 millions de pratiquants de notre pays. Ces coûts induits sont surtout le résultat du dynamisme sportif des clubs, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Toutefois, les élus locaux ne comprennent pas toujours d’être sollicités pour investir dans des équipements qui ne sont plus aux normes en raison de nouvelles règles édictées par les fédérations sportives ou à la suite du passage d’un club ou d’une équipe d’une division à une autre, ce qui modifie le niveau d’homologation des équipements et impose des investissements importants pour appliquer les normes correspondantes.

Comme mon collègue Dominique de Legge, je pense que les élus locaux ne veulent pas forcément moins de normes, mais moins de normes inutiles ; ils veulent la bonne norme au bon endroit.

Depuis mars 2009, nous disposons d’une instance de concertation reconnue, légitime, efficace et, surtout, plébiscitée par tous les acteurs, à savoir la Commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, qui réunit l’État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif. On ne peut plus dire que les normes sont « hors-sol » ou édictées au mépris de toute consultation des élus locaux.

Nous devons, je le dis devant Mme la ministre des sports, préserver cette instance de dialogue, tout en souhaitant la consolidation de ses prérogatives.

Il nous paraît surtout indispensable de changer l’approche entretenue à l’égard des normes, pour qu’elles s’adaptent mieux aux situations concrètes.

Selon nous, les normes doivent répondre à deux exigences.

Il s’agit tout d’abord d’une exigence de bon équilibre selon les équipements. Nous devons prévoir des normes qui soient fonction de l’usage réel d’un équipement. Cette exigence de bon équilibre des prescriptions s’appliquerait aussi selon qu’il s’agit de manifestations sportives locales, régionales ou nationales, de sport amateur et/ou professionnel.

Les normes doivent ensuite répondre à une exigence d’adaptabilité aux situations. On ne peut pas vouloir limiter les coûts sans envisager une utilisation pluridisciplinaire des équipements sportifs.

Nous invitons donc les fédérations à dialoguer davantage pour assurer la polyvalence et le partage de leurs équipements. Elles pourraient par exemple s’entendre sur des « guides d’utilisation communs » des salles et des équipements sportifs.

L’adaptation des normes commande ensuite à leur application. Les textes des fédérations sportives devraient se borner à fixer des objectifs à atteindre, à charge pour les collectivités territoriales d’en définir les modalités d’application pour y parvenir selon les réalités et les besoins locaux.

Elle commande enfin de prévoir une application différenciée des normes et règles d’homologation, selon les différents espaces d’une même infrastructure sportive, pour tenir compte de son usage réel.

Je conclurai cette présentation en soulignant que nous-mêmes, en tant que législateurs, devons être pleinement conscients des efforts de simplification que nous exigeons des autres producteurs de normes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christian Manable, auteur de la proposition de résolution.

M. Christian Manable, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au XVIIe siècle, La Bruyère écrivait : « Tout est dit, et l’on vient trop tard » ! J’aurais tendance à partager ce sentiment. Néanmoins, il me revient l’honneur de conclure cette présentation générale… (Sourires.)

Je rappellerai d’abord que cette proposition de résolution est le résultat de plusieurs mois de travail. Nous avons auditionné tous les acteurs concernés : les grandes fédérations sportives, bien sûr, les ligues professionnelles, les représentants des collectivités territoriales, l’administration des sports, les instances nationales spécialisées, et même les fabricants et équipementiers de l’industrie du sport.

Comme mes collègues viennent de le souligner, nous avons souhaité répondre à une demande forte et récurrente des élus des territoires, à savoir la simplification des normes sportives applicables aux collectivités territoriales.

C’est précisément l’objet de cette proposition de résolution. La matière étant essentiellement réglementaire, l’instrument de la résolution s’est effectivement imposé comme étant le plus adapté à nos propositions.

Dominique de Legge ayant rappelé la philosophie générale du texte et Michel Savin ayant présenté les deux exigences piliers de cette proposition, à savoir la proportionnalité et l’adaptabilité des normes, je me concentrerai sur les points plus techniques.

Depuis le 27 mars 2009, une commission d’examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, tente d’exercer, avec d’autres élus – les représentants de l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, des départements et des régions – un contrôle sur la production normative des fédérations sportives. Formation restreinte du Centre national pour le développement du sport, le CNDS, la CERFRES est ainsi consultée sur tous les projets de norme nouvelle d’une fédération délégataire relative aux équipements sportifs requis pour accueillir les compétitions.

Si sa création a permis de circonscrire le champ de compétence des fédérations sportives, de responsabiliser celles-ci et de favoriser la concertation avec les collectivités territoriales maîtres d’ouvrage, des améliorations peuvent encore être envisagées.

C’est dans ce cadre, madame la ministre, que nous souhaiterions faire plusieurs propositions, neuf au total.

Première proposition, il convient d’allonger les délais d’examen des projets de règlements fédéraux de deux à trois mois, pour donner plus de temps aux différents acteurs. Il s’agit en particulier de permettre, aux fédérations, une « fertilisation croisée » des initiatives et, aux collectivités territoriales, une meilleure évaluation des impacts financiers des normes nouvelles.

Deuxième proposition, il nous paraît également important de sensibiliser les fédérations sportives à la nécessité de bien veiller à laisser aux collectivités territoriales un délai raisonnable pour la mise en conformité aux normes nouvelles de leurs équipements ou infrastructures. Il serait par exemple utile que les fédérations élaborent des échéanciers prévoyant une date butoir d’opposabilité des normes nouvelles, qui tiennent compte de la taille de la collectivité, des contraintes locales et des réalités territoriales. En somme, plus de progressivité et plus d’adaptabilité.

Troisième proposition, nous souhaiterons envisager, avec les associations d’élus concernées – AMF, AdF, Régions de France, notamment –, un élargissement de la composition de la CERFRES, afin de mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités, de plus en plus nombreuses à exercer la compétence « sport ».

M. le président. Mon cher collègue…

M. Christian Manable. Mes chers collègues, M. le président me faisant comprendre qu’il faut abréger mon propos, vous serez donc frustrés du reste des neuf propositions que j’ai évoquées.

M. Charles Revet. Tout à l’heure ! Pendant le débat !

M. Christian Manable. Effectivement, j’y reviendrai peut-être tout à l’heure.

Avant d’interrompre mon propos,…

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. Christian Manable. … je tiens simplement à rappeler que ce texte a fait l’objet d’un large consensus, au sein tant de la délégation aux collectivités territoriales que de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rôle et l’importance des collectivités territoriales dans le financement et le développement de la pratique sportive ne sont plus à prouver, les orateurs qui m’ont précédé l’ont très bien expliqué. Et les chiffres sont éloquents !

Le rôle dévolu aux collectivités pèse d’ailleurs tout particulièrement sur les communes, ce qui rappelle leur position privilégiée de proximité, notamment dans le cadre de l’activité sociale qu’est le sport. Ce rôle est cependant de plus en plus difficile à tenir, au vu, d’une part, de ressources à la baisse et, d’autre part, de la montée en charge des besoins. C’est vrai pour le sport, mais c’est vrai aussi pour d’autres activités.

Cela a déjà été dit, le Gouvernement ne pourra pas atteindre son objectif d’augmentation du nombre de pratiquants sportifs, 3 millions de personnes en plus d’ici aux jeux Olympiques de 2024, s’il continue à faire des économies sur le dos des collectivités et sur celui des associations, y compris des associations sportives. Cela est d’autant plus inquiétant que le sport amateur souffre bien plus que le sport professionnel, lequel bénéficie également de fonds publics.

La loi Bailly adoptée l’an dernier, et dont il faudra dresser un bilan précis, a tenté d’encadrer un certain nombre de pratiques. Le diptyque « mutualisation des dépenses-privatisation des profits » a tourné à plein régime via les partenariats public-privé, ces PPP mis en place pour faire sortir de terre… de véritables gouffres financiers pour les collectivités territoriales !

Permettez-moi de citer l’Allianz Riviera, à Nice, ou la MMArena, au Mans. Et même un stade comme le Groupama Stadium, à Lyon, a fait l’objet, au titre des infrastructures, d’un investissement public de 200 millions d’euros, dont les retombées pour la communauté nationale sont encore à prouver, d’autant que les sommes engagées pourraient être plus utiles dans d’autres chantiers à vocation sportive. Je pense tout particulièrement au sport amateur, exsangue aujourd’hui, car mis à mal par le désengagement de l’État. Et je ne parle pas de la non-compensation de la suppression de la réserve parlementaire, dont 10 millions d’euros allaient aux associations sportives !

L’importance des collectivités territoriales dans le dynamisme de la pratique sportive en France, avec toutes les vertus sociales, civiques, émancipatrices et économiques que cela comporte, c’est le premier constat que notre groupe partage avec les auteurs de la proposition de résolution.

Nous dressons un autre constat commun. Si la création de la CERFRES, en 2009, a permis d’amorcer un dialogue entre l’État, les collectivités territoriales et les fédérations sportives, il convient aujourd’hui de renforcer son rôle. En effet, les fédérations sportives nationales et internationales sont toujours décisionnaires, in fine, dans l’élaboration des normes.

Je le rappelle, ces dernières ont connu une inflation importante, avec 400 000 normes sportives, dont seulement un peu plus de 8 % sont des normes dites « AFNOR ». Une telle situation implique un coût important pour les collectivités propriétaires des installations et suscite des interrogations au sujet de sa légitimité.

Sans vouloir rogner les prérogatives des fédérations sportives, il faut tout de même rappeler que l’alignement décidé par la FFBB, la Fédération française de basket-ball, sur l’USAB, l’USA Basketball, a nécessité de modifier tous les parquets de basket du pays, pour un coût moyen unitaire de 20 000 euros. Voilà du concret ! L’exemple figure dans le rapport d’information sénatorial sur le sport professionnel et les collectivités territoriales.

De la même manière, et même si son périmètre sera plus restreint, la modification des règles de promotion/relégation décidée par la LFP, la Ligue de football professionnel, impliquera des coûts supplémentaires pour les communes concernées dans le cadre de l’organisation des matchs mais aussi de la maintenance des stades et des pelouses.

Venons-en au fond de la proposition de résolution. Comme je le disais à l’instant, le renforcement des rôles de la CERFRES recueille totalement notre assentiment. À ce titre, la question des « normes grises » devra faire l’objet d’un examen attentif.

Je suis toutefois un peu dubitatif sur le principe d’une participation financière des fédérations aux travaux de mise aux normes des équipements. En réalité, ce n’est pas le principe qui me pose problème, mais les conditions de sa mise en application.

Ma première interrogation concerne le rôle des ligues professionnelles dans le processus. Il ne s’agirait pas que les fédérations sportives se retrouvent à supporter le poids financier de normes édictées pour les ligues. Pour ne prendre qu’un exemple, ce sont ces dernières qui négocient les droits télévisés et font appliquer des normes à finalité commerciale et économique aux équipements, pour permettre la captation audio et vidéo des rencontres. Il s’agit d’un vrai questionnement.

Mon autre interrogation porte sur les mécanismes qu’une transcription législative de la résolution pourrait mettre en place, notamment pour s’assurer que le sport professionnel ne capte pas l’essentiel de la contribution financière des fédérations pour la normalisation des équipements.

J’en appelle donc à la vigilance s’agissant du volet « mutualisation et rationalisation » de la proposition de résolution. En effet, si je ne doute pas que certaines normes sont inadaptées et malvenues, je m’interroge sur la question des équipements, ou plutôt la nature de ces derniers.

Nos collègues le savent, les collectivités ont déjà lancé depuis plusieurs années des mutualisations en matière de gros équipements sportifs, notamment les patinoires et les piscines, dont les coûts de fonctionnement sont très importants pour les collectivités territoriales.

Cela permet justement de faire sortir de terre puis d’entretenir des équipements massifs, qu’une collectivité seule ne pourrait financer et « remplir » avec ses seuls administrés. Toutefois, je pense qu’il y a un point d’équilibre à trouver, surtout s’agissant des petits équipements, pour que chaque commune dispose des infrastructures nécessaires pour ses habitants, mais aussi pour ses écoles.

Concrètement, il ne faut pas que cette mutualisation conduise à une nouvelle raréfaction des équipements, ce qui serait préjudiciable à certaines disciplines, moins médiatisées que d’autres et faisant l’objet d’une moindre marchandisation, alors même que la problématique de l’accès au sport, pour lequel je connais votre attachement, madame la ministre, par le biais des associations sportives et l’éducation nationale, est centrale.

Mais mon temps est épuisé, et je dois terminer.

Mes chers collègues, malgré ces réserves, le groupe CRCE votera la proposition de résolution. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste.

M. Claude Kern. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partirai d’un constat simple : trop de normes en matière sportive étouffent les élus locaux que nous avons été et que nous sommes encore, et deviennent la hantise des collectivités. Toutefois, la situation évolue et le travail visant à les rationaliser s’inscrit directement dans l’action, plus globale, de « chasse aux normes » appliquées aux collectivités territoriales que mène le Sénat, « lanceur d’alerte » en ce domaine depuis la XIIIe législature.

Il convient de saluer l’importante réflexion menée par plusieurs de nos collègues sur le sujet, dans un contexte d’érosion tendancielle des dotations versées par l’État aux collectivités. Le débat perdure et, pour revenir au sujet qui nous intéresse, les normes sportives, j’insisterai sur la qualité de l’ensemble des travaux, souvent menés en concertation au sein de notre Haute Assemblée.

Au-delà de l’image réductrice de « dépoussiérage » d’un corpus législatif et réglementaire pléthorique, résultat de la sédimentation d’une longue histoire juridique et d’une accumulation de textes foisonnants produits par de trop nombreux organismes, l’inflation normative et ses conséquences financières renvoient à une évolution sociétale induisant de nombreux facteurs de régulation.

C’est ainsi qu’en matière de pratiques et d’équipements sportifs les différents régimes juridiques mêlent normalisation, de type AFNOR, CEN ou ISO, et réglementation obligeant les collectivités à mettre en conformité les équipements avec les normes édictées par les fédérations sportives, qu’il s’agisse des dimensions du terrain, de l’éclairage, des vestiaires, des tribunes et que sais-je encore.

Je souhaite m’attarder sur la notion de « normes volontaires », au sens de normalisation, telle que définie par l’AFNOR, l’Agence française de normalisation, par le CEN, le Centre européen des normes, ou par l’ISO, l’International Organization for Standardization, des normes qui, non contraignantes, peuvent avant tout, si elles sont bien utilisées, être un outil de l’efficience législative et du choc de simplification.

Leur mode d’élaboration collectif leur confère un statut de règle de l’art tout à fait pertinent que nous nous devons d’exploiter, sans nous départir bien évidemment d’une certaine objectivité, dans la mesure où elles ne sont pas sans importance sur les obligations des collectivités.

Cet ajustement fait, l’action en faveur du contrôle des normes obligatoires relatives aux équipements sportifs des collectivités territoriales s’est améliorée, mais reste encore insuffisante. Ce contrôle est aujourd’hui devenu essentiel, car il n’est plus à démontrer l’impact négatif que le foisonnement normatif fait peser sur les collectivités en termes financiers, logistiques, voire en termes de responsabilité.

Quels sont les avantages à baisser les normes en matière de sport ?

L’avantage est d’abord logistique. Il devient ainsi nécessaire de clarifier et d’harmoniser l’enchevêtrement de normes complexes produites par des organismes trop nombreux et souvent peu coordonnés.

Très clairement, l’élu local doit aujourd’hui faire face à une pression normative sur laquelle il n’a que peu de prise, à savoir la norme générale, produite par l’exécutif ou le législateur, les normes réglementaires, produites, elles, par les fédérations sportives délégataires incluant exigence de pratiques sportives et recommandations d’ordre commercial non obligatoires, et les normes d’homologation.

Il est urgent de procéder à une rationalisation des normes, afin que celles-ci soient non plus additionnelles mais complémentaires et cessent de peser aussi lourdement sur le budget des collectivités territoriales.

L’avantage est également économique. N’oublions pas que les collectivités jouent un rôle déterminant dans la pratique du sport en France, puisqu’elles sont à la fois les principaux financeurs du milieu sportif et les plus grandes pourvoyeuses d’équipements sportifs. Or, eu égard au contexte budgétaire plus que contraint que nous connaissons aujourd’hui, nous ne pouvons faire l’économie d’un travail méticuleux de réduction des normes.

À ce titre, les projections de l’ANDES sont édifiantes : les économies potentiellement réalisées grâce aux actions entreprises sur seulement quatre règlements fédéraux et une norme sanitaire sont ainsi estimées entre 300 millions d’euros et un milliard d’euros !

Nous le savons tous, c’est bien le rapport financier qui compte à la fin. Or, aujourd’hui, celui qui décide n’est pas celui qui paye. C’est cela qu’il faut changer !

Bien évidemment, l’intensité du débat sur le poids financier des normes ne doit pas occulter la question fondamentale du bien-fondé des règles de sécurité.

J’en viens maintenant aux nécessaires améliorations à apporter dans ce domaine aux fins de pragmatisme et de rationalisation. Ainsi, pour les raisons que je viens d’énoncer, nous nous félicitons que les collectivités soient effectivement représentées au sein de la CERFRES et puissent ainsi faire légitimement entendre leur voix pour l’élaboration des réglementations édictées par les fédérations sportives.

Il faut cependant aller plus loin : des progrès restent à faire. Je n’énumérerai pas l’ensemble des propositions du texte en termes d’adaptabilité et de proportionnalité, mais j’insisterai sur certains points.

Il convient, en premier lieu, de renforcer la légitimité ainsi que l’importance de la CERFRES auprès des fédérations sportives, en rendant ses avis obligatoires et non plus consultatifs.

Il faut également lui laisser le temps nécessaire pour examiner les projets de règlement qui lui sont soumis et mener une analyse pertinente.

Il serait par ailleurs souhaitable que la CERFRES puisse être saisie de l’examen des projets des ligues professionnelles, qu’un système d’évaluation des normes a posteriori soit mis en place et que, plus généralement, l’ensemble des dispositions des fédérations et ligues présentant des conséquences financières et logistiques importantes pour les collectivités soient examinées par la commission.

Enfin, un constat s’impose : la CERFRES a très peu saisi le CNEN, le Conseil national d’évaluation des normes, pour faire entendre sa décision à une fédération qui irait à l’encontre de son avis. Faisons-en sorte qu’une telle possibilité devienne un réflexe.

Pour conclure, je forme le vœu que les mesures pratiques de simplification et de rationalisation préconisées par les auteurs de la proposition de résolution inspirent l’action du Gouvernement.

Gageons que notre volonté de pragmatisme – nous souhaitons que les normes édictées soient pertinentes pour la pratique du sport sans représenter une contrainte financière trop lourde pour les collectivités – trouvera un écho favorable auprès de vous, madame la ministre.

Enfin, je tiens à remercier et à féliciter les auteurs de cette proposition de résolution, nos collègues Dominique de Legge, Michel Savin et Christian Manable, pour l’excellent travail réalisé. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)