M. François Bonhomme. On voit ce que cela donne !

M. François Grosdidier. C’est du parisianisme !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Permettez-moi d’intervenir sur un point, à savoir l’ancrage territorial. Je reviendrai sur les autres sujets dans le cadre de la discussion des amendements.

Aujourd’hui, le découpage en circonscriptions interrégionales, composées de plusieurs régions qui n’existent plus, ou en circonscriptions régionales que certains voudraient caler sur les nouvelles régions, ne garantit en rien l’ancrage territorial, je le dis très simplement.

Premièrement, le code électoral ne fixe aucune condition de résidence.

M. François Grosdidier. Il n’y a qu’à l’ajouter !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ainsi, des députés habitaient Paris, alors qu’ils étaient élus ailleurs… Il y a dans cet hémicycle suffisamment de responsables politiques actuels et passés – j’en vois qui commencent à sourire –, pour ne pas nous laisser croire que les partis politiques ne décidaient pas des candidatures, dans le cadre des scrutins régionaux ou interrégionaux comme dans celui d’une liste nationale. J’en ai fait suffisamment l’expérience ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Bien sûr que si !

M. François Grosdidier. Les électeurs ne suivent pas !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Et je ne parle pas du nomadisme de certaines personnalités dans le cadre des élections européennes, parce que tous les partis étaient concernés ! Des gens se faisaient élire en région Centre, puis en Normandie ou dans l’est de la France…

M. François Bonhomme. Ça ne va rien changer !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le scrutin national aura donc le mérite d’obliger les différentes familles politiques à construire des listes.

Ainsi, pour les élections régionales, il ne viendrait à l’idée de personne de faire figurer dans une liste des candidats tous issus d’un même département. On cherche à réunir des gens de tous les départements…

M. François Grosdidier. Il y a des sections départementales !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Non, les élections départementales, c’est un scrutin majoritaire et non pas proportionnel.

Dans une commune, quand vous faites une liste, vous essayez de réunir des gens de tous les quartiers, et non pas d’un quartier unique. Bien évidemment, les listes nationales seront composées de gens de différentes régions, y compris de l’outre-mer, car je fais confiance aux partis politiques pour respecter l’ensemble des territoires.

M. François Grosdidier. C’est bien le problème !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle que les eurodéputés disposent d’une semaine par mois pour travailler dans leur circonscription électorale. Ce n’est pas parce que l’on figure sur une liste nationale que l’on n’est pas ancré dans un territoire ! Vraiment, un tel argument ne va pas dans le sens de ce que vous voulez défendre.

Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Berthet, M. Piednoir, Mme Gruny, M. Cardoux, Mme Di Folco, MM. Reichardt, Grosdidier et Joyandet, Mme Bories, MM. Dufaut, Babary et Houpert, Mme Lamure, M. Revet, Mme Deromedi, MM. Émorine et Kennel, Mme Deroche et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. La loi du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques a réorganisé le territoire national en huit circonscriptions interrégionales, afin de rapprocher les élus européens de leurs électeurs et d’endiguer l’abstention aux élections européennes en favorisant la participation électorale – du moins l’espérait-on à l’époque !

En présentant le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, le Gouvernement considère que la loi du 11 avril 2003 a échoué à atteindre ces objectifs et propose de revenir en arrière.

Cependant, le scrutin régional est la norme dans la quasi-totalité des pays européens de plus de 20 millions d’habitants.

Il est au demeurant illusoire de considérer qu’un agrandissement de la circonscription permettra de susciter un surcroît d’intérêt de la part des Français pour les élections européennes. Le retour à une circonscription unique ne peut contribuer à renforcer le lien de représentation entre citoyens et élus au Parlement européen. Au contraire, ce choix aura pour effet d’affaiblir la nécessaire territorialisation du scrutin et, finalement, d’éloigner un peu plus les électeurs de leurs représentants. (M. Philippe Dominati applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission fait appel à la sagacité de M. François Bonhomme. Notre collègue a en effet déposé un autre amendement prévoyant une répartition des élus dans les circonscriptions des régions actuelles. Cet amendement, qui est soutenu par nombre de nos collègues, paraît constituer la véritable alternative à la proposition du Gouvernement et, pour l’instant, d’une majorité de la commission, à savoir la circonscription nationale unique.

Ne serait-il donc pas plus judicieux, mon cher collègue, de vous concentrer sur l’amendement prévoyant un découpage fondé sur les régions actuelles, plutôt que d’entraîner le retour aux huit circonscriptions, lesquelles ne cadrent plus avec les régions, en faisant adopter un amendement de suppression de l’article 1er ?

L’une de ces anciennes circonscriptions a d’ailleurs de la chance : c’est celle du nord-ouest, qui regroupe la nouvelle région Hauts-de-France et la nouvelle région Normandie. Mais toutes les autres régions sont désormais réparties entre des circonscriptions européennes différentes. Il me semble donc que votre cause serait mieux défendue en concentrant vos efforts sur l’autre amendement que vous avez déposé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est naturellement défavorable à cet amendement. Je le rappelle, 23 États sur 27 ont choisi une circonscription nationale unique. C’est une évidence, pour représenter la population d’un État, il faut des listes nationales regroupant tous les territoires.

M. François Grosdidier. Ce sont de petits États !

Mme la présidente. L’amendement est-il maintenu, monsieur François Bonhomme ?

M. François Bonhomme. Dans la mesure où il me reste un brin de sagacité (Sourires.), je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié est retiré.

Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 11 rectifié ter est présenté par MM. Brisson et Retailleau, Mme Estrosi Sassone, MM. Joyandet et Pointereau, Mmes Bonfanti-Dossat et M. Mercier, MM. Babary, Laménie, Pierre, Saury, Perrin, Raison, B. Fournier et Houpert, Mme Garriaud-Maylam, MM. Charon, Piednoir, Bouchet et Chaize, Mme Lopez, M. Chatillon, Mme Gruny, M. Savin, Mme Bruguière, MM. Cuypers et Duplomb, Mme Deseyne, MM. Paccaud, Magras, Grosdidier et Bazin, Mme de Cidrac, MM. Panunzi, Kennel et Bansard, Mme Renaud-Garabedian et MM. de Nicolaÿ, Vaspart, Cornu, Mayet, Gremillet et H. Leroy.

L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par MM. Bonhomme, Bonne et J.M. Boyer, Mme Deromedi, M. Sol et Mmes Di Folco, Puissat, Lanfranchi Dorgal, Bories et Deroche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le tableau annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

« 

Nom des circonscriptions

Composition des circonscriptions

 Auvergne-Rhône-Alpes

Ain

Allier

Ardèche

Cantal

Drôme

Isère

Loire

Haute-Loire

Puy-de-Dôme

Rhône et métropole de Lyon

Savoie

Haute-Savoie

Bourgogne-Franche-Comté

Côte d’Or

Doubs

Jura

Nièvre

Haute-Saône

Saône-et-Loire

Yonne

Territoire de Belfort

 Bretagne

Côtes-d’Armor

Finistère

Ille-et-Vilaine

Morbihan

 Centre-Val de Loire

Cher

Eure-et-Loir

Indre

Indre-et-Loire

Loir-et-Cher

Loiret

 Grand Est

Ardennes

Aube

Marne

Haute-Marne

Meurthe-et-Moselle

Meuse

Moselle

Bas-Rhin

Haut-Rhin

Vosges

 Hauts-de-France

Aisne

Nord

Oise

Pas-de-Calais

Somme

 Île-de-France et Français établis hors de France

Paris

Seine-et-Marne

Yvelines

Essonne

Hauts-de-Seine

Seine-Saint-Denis

Val-de-Marne

Val-d’Oise

Français établis hors de France

 Normandie

Calvados

Eure

Manche

Orne

Seine-Maritime

 Nouvelle-Aquitaine

Charente

Charente-Maritime

Corrèze

Creuse

Dordogne

Gironde

Landes

Lot-et-Garonne

Pyrénées-Atlantiques

Deux-Sèvres

Vienne

Haute-Vienne

 Occitanie

Ariège

Aude

Aveyron

Gard

Haute-Garonne

Gers

Hérault

Lot

Lozère

Hautes-Pyrénées

Pyrénées-Orientales

Tarn

Tarn-et-Garonne

 Pays de la Loire

Loire-Atlantique

Maine-et-Loire

Mayenne

Sarthe

Vendée

 Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse

Haute-Corse

Corse-du-Sud

Alpes-de-Haute-Provence

Hautes-Alpes

Alpes-Maritimes

Bouches-du-Rhône

Var

Vaucluse

 Outre-mer

Saint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Saint-Barthélemy

Saint-Martin

Wallis-et-Futuna

. »

La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié ter.

M. Max Brisson. Par cet amendement, il s’agit de faire correspondre les circonscriptions électorales des représentants français au Parlement européen avec les régions administratives métropolitaines, auxquelles s’ajoute une circonscription ultramarine unique.

Cette proposition a déjà été beaucoup critiquée. Pourtant, parmi les motifs ayant conduit, en 2015, à la création des grandes régions était souvent citée la nécessité d’accroître le poids en Europe des régions françaises. Dès lors, le scrutin européen doit être l’occasion d’achever le travail. Il faut ancrer les députés européens dans des régions gestionnaires des fonds européens et en charge d’une partie des problématiques de l’Union.

Alors que, avec le découpage de 2004, les députés européens représentaient des circonscriptions multirégionales vides de sens, cet amendement vise à ancrer les députés européens dans des régions constituant un échelon administratif essentiel, celui des préfectures régionales, un échelon politique majeur, celui des conseils régionaux et, plus globalement, un échelon de plus en plus structurant dans l’organisation de la vie économique, sociale, culturelle et sportive du pays.

Nos députés seraient donc en phase avec des régions ayant leurs caractéristiques et problématiques propres : régions de montagne, régions maritimes, régions à dominante agricole, régions en position de carrefour sur les axes de mobilité européenne, régions frontalières ou régions ultramarines. Ce lien est également le seul moyen de ne pas laisser en dehors de l’aventure européenne les territoires de la France périphérique, en dissolvant leur représentation dans des listes nationales. Choisir une telle option ne peut que contribuer à accentuer une fracture préoccupante avec la France des centres connectés à la dynamique européenne.

Certes, de nombreux pays ont des circonscriptions nationales, mais ce sont pour l’essentiel des pays beaucoup plus petits que la France. Les pays européens les plus grands et les plus peuplés ont fait le choix, à l’exception de l’Espagne, d’un mode de scrutin régionalisé.

Nous ne pouvons, mes chers collègues, risquer d’éloigner davantage nos concitoyens, en renonçant à toute incarnation territoriale. Un scrutin véritablement régionalisé est le seul moyen de sceller la nécessaire proximité entre les citoyens et ceux qui les représentent. L’Europe, comme la France, s’incarne dans les territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.

M. François Bonhomme. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. Il vise simplement à apporter une réponse tout à fait différente à un diagnostic sans doute partagé : le mode de scrutin actuel, dans le cadre d’un découpage interrégional, n’est pas satisfaisant et produit des effets que nous avons tous dénoncés ici.

Simplement, nous en tirons une conséquence bien différente de la proposition du Gouvernement de revenir à une circonscription unique. Il s’agit non pas d’élargir un peu plus la circonscription, mais de créer un début – il convient d’être modeste en la matière – d’ancrage territorial.

Mme la ministre a évoqué le « nomadisme électoral ». Précisément, plus vous abaissez le seuil, plus vous êtes dans l’ancrage territorial et moins vous rencontrez le phénomène que Mme la ministre a bien connu par le passé…

Par ailleurs, il s’agit aussi de donner moins de pouvoirs aux partis politiques, en privilégiant les candidats avec des ressources propres, fondées sur leur compétence ou leur expérience, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, où les officines politiques se répartissent les postes.

Cette proposition n’est pas la panacée, mais elle a au moins le mérite, malgré ses imperfections, de fixer un cadre non pas interrégional, mais régional, correspondant aux nouveaux découpages territoriaux.

Mme la présidente. L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam et MM. Frassa et Le Gleut, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

« Le tableau annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

« 

Nom des circonscriptions

Composition des circonscriptions

Auvergne-Rhône-Alpes

Ain

Allier

Ardèche

Cantal

Drôme

Isère

Loire

Haute-Loire

Puy-de-Dôme

Rhône et métropole de Lyon

Savoie

Haute-Savoie

Bourgogne-Franche-Comté

Côte d’Or

Doubs

Jura

Nièvre

Haute-Saône

Saône-et-Loire

Yonne

Territoire de Belfort

Bretagne

Côtes-d’Armor

Finistère

Ille-et-Vilaine

Morbihan

Centre-Val de Loire

Cher

Eure-et-Loir

Indre

Indre-et-Loire

Loir-et-Cher

Loiret

Grand Est

Ardennes

Aube

Marne

Haute-Marne

Meurthe-et-Moselle

Meuse

Moselle

Bas-Rhin

Haut-Rhin

Vosges

Hauts-de-France

Aisne

Nord

Oise

Pas-de-Calais

Somme

Île-de-France

Paris

Seine-et-Marne

Yvelines

Essonne

Hauts-de-Seine

Seine-Saint-Denis

Val-de-Marne

Val-d’Oise

Normandie

Calvados

Eure

Manche

Orne

Seine-Maritime

Nouvelle-Aquitaine

Charente

Charente-Maritime

Corrèze

Creuse

Dordogne

Gironde

Landes

Lot-et-Garonne

Pyrénées-Atlantiques

Deux-Sèvres

Vienne

Haute-Vienne

Occitanie

Ariège

Aude

Aveyron

Gard

Haute-Garonne

Gers

Hérault

Lot

Lozère

Hautes-Pyrénées

Pyrénées-Orientales

Tarn

Tarn-et-Garonne

Pays de la Loire

Loire-Atlantique

Maine-et-Loire

Mayenne

Sarthe

Vendée

Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse

Haute-Corse

Corse-du-Sud

Alpes-de-Haute-Provence

Hautes-Alpes

Alpes-Maritimes

Bouches-du-Rhône

Var

Vaucluse

Outre-mer

Saint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Saint-Barthélemy

Saint-Martin

Wallis-et-Futuna

Français établis hors de France

Français établis hors de France

. »

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement, quasi identique aux deux précédents, présente néanmoins une différence extrêmement importante. Cosigné par certains de mes collègues représentant les Français de l’étranger, il tend à introduire une circonscription supplémentaire pour les Français de l’étranger.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, les Français établis hors de France sont les tout premiers concernés par la construction européenne. Ils en vivent au quotidien les enjeux, en subissent les conséquences quand elles sont négatives, se battent pour l’idéal européen. Il m’apparaît donc extrêmement légitime qu’une telle revendication, qui est ancienne, soit enfin acceptée, et qu’ils puissent être représentés directement au Parlement européen, sans être rattachés arbitrairement à la circonscription d’Île-de-France, avec laquelle ils n’ont souvent pas le moindre lien.

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié ter, présenté par MM. Poadja, Marseille et Artano, Mmes Billon, Férat, Goy-Chavent et Guidez, MM. Joyandet, Lagourgue et Laugier, Mme Malet, MM. Laurey et Revet, Mmes Tetuanui et Deromedi et M. Poniatowski, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le tableau annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

« 

NOM DES CIRCONSCRIPTIONS

COMPOSITION DES CIRCONSCRIPTIONS

Hexagone

Auvergne-Rhône-Alpes

Bourgogne-Franche-Comté

Bretagne

Centre-Val de Loire

Corse

Grand Est

Hauts-de-France

Île-de-France et Français établis hors de France

Normandie

Nouvelle-Aquitaine

Occitanie

Pays de la Loire

Provence-Alpes-Côte d’Azur

Atlantique

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Saint-Barthélemy

Saint-Martin

Saint-Pierre-et-Miquelon

Indien

Mayotte

La Réunion

Pacifique

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

. »

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Je souhaite présenter cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja, qui ne peut être parmi nous ce soir.

Si le projet de loi était adopté en l’état, les représentants des outre-mer pourraient être relégués, lors des élections européennes, à des places non éligibles, au détriment des populations ultramarines. Il est pourtant primordial qu’ils puissent continuer à défendre, à Strasbourg ou à Bruxelles, les enjeux qui leur sont propres, en tenant compte de leurs spécificités.

Créer une circonscription ultramarine serait un moindre mal, mais une telle décision serait insuffisante. Les régions ultrapériphériques et les pays et territoires d’outre-mer présentent des spécificités reconnues par la Constitution, ainsi que par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et qui méritent d’être défendues au Parlement européen.

Pour s’assurer que les trois océans – Atlantique, Indien et Pacifique – seront bien représentés, cet amendement prévoit la création de trois circonscriptions ultramarines, selon le périmètre des trois sections prévues à l’article 3–1 de la loi du 7 juillet 1977.

Mme la présidente. Les amendements nos 22 rectifié quater, 34 et 77 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 22 rectifié quater est présenté par MM. Poadja, Marseille et Artano, Mme Billon, M. Bonnecarrère, Mmes Férat, Goy-Chavent et Guidez, MM. Joyandet, Kern, Lagourgue et Laugier, Mme Malet, MM. Laurey et Revet, Mme Tetuanui, M. Savin, Mme Deromedi et M. Poniatowski.

L’amendement n° 34 est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Antiste, Leconte et Marie, Mme Harribey, M. Todeschini, Mme Tocqueville, M. Duran, Mmes Conway-Mouret, Artigalas et Rossignol, MM. Courteau et Lalande et Mmes Ghali, Espagnac et Perol-Dumont.

L’amendement n° 77 rectifié bis est présenté par MM. Arnell, A. Bertrand, Castelli et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Requier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

Le tableau annexé à la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

« 

NOM DES CIRCONSCRIPTIONS

COMPOSITION DES CIRCONSCRIPTIONS

HEXAGONE

Auvergne-Rhône-Alpes

Bourgogne-Franche-Comté

Bretagne

Centre-Val de Loire

Corse

Grand Est

Hauts-de-France

Île-de-France et Français établis hors de France

Normandie

Nouvelle-Aquitaine

Occitanie

Pays de la Loire

Provence-Alpes-Côte d’Azur

OUTRE-MER

Saint-Pierre-et-Miquelon

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Saint-Martin

Saint-Barthélemy

».

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié quater.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement est également la traduction de l’idée développée à l’instant par ma collègue. Je tiens à excuser de nouveau Gérard Poadja, qui a dû repartir en Nouvelle-Calédonie, à la suite d’un décès. Il aurait tout particulièrement tenu à soutenir cet amendement aux côtés de nos collègues de Polynésie et de la Réunion.

Si l’amendement n° 23 rectifié ter visait à créer trois circonscriptions ultramarines, celui-ci n’en prévoit qu’une seule. Toutefois, il est conforme à l’idée développée par de multiples intervenants, notamment au cours de la discussion générale.

Madame la ministre, cet amendement exprime une sensibilité ultramarine, consciente des enjeux de ces territoires. Je pense également à la dimension maritime de notre pays, qui s’appuie largement sur l’outre-mer, notre pays possédant la deuxième zone économique exclusive du monde. Par ailleurs, au sein du bloc continental que constitue l’Union européenne, si le Portugal, le Danemark, voire les Pays-Bas, ont également une forme d’outre-mer, celui-ci n’a pas la dimension ni l’importance des territoires ultramarins français.

C’est donc au titre de cette sensibilité que nos collègues s’efforcent de porter le message d’une circonscription ultramarine. L’ensemble du groupe centriste sera extrêmement sensible à la manière dont les élus ultramarins seront intégrés au débat européen, même si nous comprenons bien que le comportement des partis politiques est également en jeu en la matière.

Enfin, mes collègues sont conscients que le message que nous portons en faveur de l’outre-mer peut trouver des limites constitutionnelles, au regard de l’égalité devant le vote. C’est l’exercice du cœur et de la raison que j’évoquais au cours de la discussion générale ! Par conséquent, s’il devait y avoir, dans quelques minutes, un scrutin public, nombre des membres de notre groupe soutiendraient cet amendement, mais nous ne serions pas unanimes, eu égard à la perspective constitutionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 34.

M. Victorin Lurel. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu et à celui que notre collègue Guillaume Arnell présentera dans quelques instants.

Nous nous retrouvons sur toutes les travées pour reconnaître la nécessité de maintenir une circonscription d’outre-mer.

Madame la ministre, la France est sans doute le seul pays européen à être « archipélique » et à avoir une telle dimension « continentale », sur trois bassins océaniques. La seule Polynésie française est plus grande que l’Europe !

Vous avez indiqué devant l’Assemblée nationale et le Sénat que le maintien de cette circonscription ferait peut-être courir un risque de rupture de l’égalité devant le suffrage. Je n’en crois rien !

Nous avons une jurisprudence, celle de 2003 ; on peut vous montrer les décisions du Conseil constitutionnel. Je pourrais également évoquer la jurisprudence Nicolo, qui concernait mon département, la Guadeloupe. Il est possible d’avoir des modes de scrutin différenciés. D’ailleurs, nous sommes nous-mêmes élus selon un double mode de scrutin. Mutatis mutandis, ce qui est possible ici l’est aussi ailleurs, même s’il s’agit d’autres départements. On peut parfaitement avoir une circonscription hexagonale et une circonscription d’outre-mer.

Encore une fois, il n’y a aucune incompatibilité : si l’Europe représente les citoyens, pourquoi les citoyens des outre-mer ne pourraient-ils pas représenter l’Europe ? Ce n’est pas parce qu’ils sont élus dans une circonscription géographique que le Conseil constitutionnel pourrait prononcer une censure !

Dans les outre-mer, nous avons deux types de territoires.

D’une part, les pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, sont souvent des collectivités d’outre-mer ayant des intérêts propres au sein de la République. Il s’agit d’une catégorie constitutionnelle. Cela inclut des modes de scrutin différenciés.

D’autre part, les régions ultrapériphériques, les RUP, sont souvent des collectivités de plein droit, de l’article 73 de la Constitution. Elles ont aussi des spécificités, des contraintes et des situations particulières, qu’il faut absolument prendre en compte.

Je ne vois pas pourquoi tout cela ne serait pas examiné sous le prétexte d’une possible rupture d’égalité devant le suffrage et pourquoi nous ne pourrions pas faire coexister une circonscription hexagonale et une circonscription d’outre-mer.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. Je soutiens donc le maintien de deux circonscriptions différentes avec le même mode de scrutin.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié bis.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement est identique aux deux amendements qui viennent d’être présentés.

Au sein de l’Union européenne comme de la République, les territoires d’outre-mer sont soumis à des dispositions particulières, principalement justifiées – mais pas uniquement ! – par leur éloignement géographique, qui est source de contraintes importantes, notamment lorsqu’il s’agit d’appliquer les règles de droit parmi les plus progressistes du monde dans un environnement économique plus contrasté que celui de l’Union européenne.

Il est donc nécessaire d’exercer une surveillance particulière lors de l’examen de textes européens susceptibles d’impacter plus durement ces territoires. Je pense notamment à la mise en œuvre de la politique agricole commune, à la politique environnementale ou encore à la conclusion d’accords de libre-échange par l’Union européenne.

Pour justifier son absorption par la circonscription unique, il a été argué que la circonscription d’outre-mer n’avait pas de cohérence dès lors qu’elle réunissait des territoires éparpillés dans l’océan Atlantique, la mer des Caraïbes, l’océan Indien et le Pacifique. Il est vrai que des différences existent d’un territoire à l’autre. Mais nous faisons face à des défis similaires ; c’est la raison pour laquelle les contours de cette circonscription n’ont, jusqu’à présent, pas été contestés par les populations concernées.

Contrairement aux autres territoires de la République, seuls ceux de l’outre-mer sont soumis à un statut constitutionnel particulier. Cela devrait permettre de minimiser le risque d’inconstitutionnalité.

Il s’agit ici non pas d’une revendication identitaire, mais de réalisme ! Comment s’assurer que l’Union européenne sauvegarde les intérêts des territoires situés à ses confins, même les plus éloignés, sans que ces derniers soient convenablement représentés ? Je regretterais que nous ne prenions pas la mesure du risque qu’une telle réforme représente pour ces territoires, dont la valeur stratégique pour la France comme pour l’Union européenne n’est pas encore suffisamment reconnue !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces sept amendements.

Nous avons deux amendements dont l’objet principal est de substituer à la circonscription unique prévue dans le projet de loi un ensemble de treize circonscriptions ; il y aurait une circonscription pour chaque région de métropole, à l’exception de la Corse, qui serait regroupée avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et une circonscription pour l’ensemble des départements et collectivités d’outre-mer.

C’est une position que je qualifierai de « transversale ». Elle est contradictoire avec le projet du Gouvernement. La commission s’est prononcée nettement en faveur de la circonscription nationale, donc contre le découpage en circonscriptions régionales.

Au demeurant, des représentations régionales ne garantiraient pas nécessairement une meilleure représentation de la France.

Je rappelle d’ailleurs que, pendant toute la première période des élections européennes, la famille politique aujourd’hui représentée par Les Républicains a longuement défendu l’idée selon laquelle la représentation collective de la France au sein du Parlement européen était une nécessité,…