compte rendu intégral

Présidence de M. Philippe Dallier

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Gatel,

M. Michel Raison.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 9 mai 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

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Les infrastructures routières à la suite de la présentation du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur les infrastructures routières à la suite de la présentation du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande de débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Benoît Huré, pour le groupe auteur de la demande.

M. Benoît Huré, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains a souhaité l’inscription à l’ordre du jour d’un débat sur les infrastructures routières, à la lumière du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, pour rappeler son attachement à un réseau routier étendu, longtemps considéré comme exceptionnel, et qui continue à se développer.

La longueur du réseau routier est passée de 962 000 kilomètres en 1995 à 1 073 000 kilomètres en 2014.

Ce réseau est composé de 11 560 kilomètres d’autoroutes, dont 8 951 kilomètres d’autoroutes concédées, 9 645 kilomètres de routes nationales, 378 973 kilomètres de routes départementales et 673 290 kilomètres de routes communales. Il est un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition qu’il soit bien entretenu.

Or nous le savons bien, mes chers collègues, une tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé et du réseau autoroutier a été observée ces dernières années. Même si elle peut sembler limitée pour l’instant, il apparaît nécessaire de l’évaluer et surtout d’y mettre un terme pour éviter la détérioration de ce patrimoine et la hausse du coût de son entretien.

Ainsi, alors que plus de 85 % des chaussées étaient considérées en état correct de 2010 à 2012, c’est-à-dire qu’elles bénéficiaient d’une note supérieure ou égale à 12 sur 20, ce taux a commencé à baisser en 2013, pour atteindre 84,5 %, puis 83,8 % en 2014 et 83,3 % en 2015.

Cette dégradation de l’état du réseau routier a des conséquences sur le terrain, puisqu’elle se traduit par la multiplication des limitations temporaires de vitesse ou des mesures de restriction de la circulation.

Le principal facteur explicatif de cette tendance à la dégradation du patrimoine routier national non concédé est la baisse des crédits attribués à l’exploitation et à l’entretien du réseau routier national.

Les crédits de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ont vocation à financer des opérations de régénération, lesquelles consistent à réhabiliter, renforcer, renouveler ou reconstruire des ouvrages d’art et des chaussées de sections d’itinéraires fortement dégradées en raison de leur ancienneté ou d’événements climatiques. Ils contribuent également à financer des opérations de mise en sécurité des tunnels routiers et le renouvellement des principaux équipements qui y contribuent, des aménagements de sécurité, des équipements dynamiques visant à améliorer la gestion du trafic par l’information des usagers et la régulation des accès ou de la vitesse, ainsi que l’aménagement d’aires de service et de repos.

Malheureusement, les précédents gouvernements ont eu tendance à promettre et même à engager la réalisation de nombreux projets d’infrastructures sans nécessairement s’assurer de leur faisabilité financière.

Sur le plan budgétaire, cette politique s’est traduite par une inadéquation entre les ressources et les dépenses de l’AFITF.

En effet, depuis 2013, l’AFITF rencontre des difficultés budgétaires. Celles-ci sont d’abord dues aux reports successifs de l’entrée en vigueur de l’écotaxe, puis à l’abandon de cette dernière, décidé à la fin de l’année 2014. L’Agence aurait dû bénéficier d’une grande partie des recettes annuelles provenant de cette taxe, soit 700 à 800 millions d’euros, à la place d’une subvention budgétaire que l’État lui versait chaque année. Or celui-ci a commencé à réduire le montant de cette subvention dès 2013, alors que l’AFITF ne percevait aucune recette supplémentaire. Les ressources de l’Agence ont ainsi fortement diminué, passant de 1,9 milliard d’euros en 2012 à 1,6 milliard d’euros en 2013 et 1,7 milliard d’euros en 2014.

Le manque à gagner résultant de l’abandon définitif de l’écotaxe n’a été que partiellement compensé par l’affectation d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Si cette fraction s’est élevée à 1,1 milliard d’euros en 2015, l’AFITF a dû assumer la même année 528 millions d’euros de frais résultant de la résiliation du contrat conclu avec Ecomouv’, société qui avait été chargée de la collecte de l’écotaxe. Rappelons que le paiement de la totalité des frais de résiliation, soit près de 1 milliard d’euros est, quant à lui, échelonné sur une durée de plusieurs années.

En 2017, alors que les besoins de financement de l’Agence étaient estimés à 2,5 milliards d’euros par son ancien président, Philippe Duron, son budget s’est élevé à 2,2 milliards d’euros.

Pour ce qui est du réseau autoroutier, il revient aux sociétés concessionnaires d’entretenir le patrimoine qui leur a été confié et à l’État de vérifier que leurs obligations sont bien remplies.

La qualité du réseau autoroutier est suivie grâce à des indicateurs que les concessionnaires d’autoroutes doivent renseigner depuis 2005 et que l’État contrôle au moyen de visites non formalisées, qui permettent de repérer des zones défaillantes, ainsi que d’audits approfondis.

En ce qui concerne l’état du réseau, si la proportion des autoroutes en très bon état de surface est restée relativement stable – autour de 65 à 67 % –, celle des autoroutes en bon état de surface a diminué depuis 2011, passant de 31 % à 18 % en 2013. En conséquence, la proportion du réseau autoroutier dont l’état est plus ou moins dégradé a augmenté, passant de 5 % à 16 %.

On observe donc une tendance à la dégradation d’une partie du réseau autoroutier, ce qui n’est pas acceptable.

Dans son rapport sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes de juillet 2013, la Cour des comptes avait souligné l’expertise des services de l’État qui effectuent les contrôles relatifs à l’état du patrimoine autoroutier, tout en recommandant un renforcement de ces contrôles. Par ailleurs, elle avait relevé que l’État n’utilisait pas suffisamment les outils à sa disposition pour contraindre les sociétés concessionnaires à remplir leurs obligations.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite également replacer ce débat dans le cadre de l’aménagement du territoire.

Nous le savons tous, un des préalables à tout renouveau des territoires est de les doter d’infrastructures modernes de communication, dont les routes et les autoroutes.

Que seraient devenues la Bretagne, la Vendée, les vallées alpines, aujourd’hui prospères – pour ne citer que ces exemples emblématiques –, sans un investissement massif dans les infrastructures de communication, dont le financeur principal a été l’État ?

M. Loïc Hervé. Et la Haute-Savoie ?

M. Benoît Huré. Je suis un élu des Ardennes, territoire enclavé jusqu’en 2005, dépourvu d’investissements significatifs de la part de l’État en infrastructures de communication, sans doute parce que ce département était considéré comme la porte d’entrée des invasions à une époque où nos voisins n’étaient pas toujours nos amis (Sourires.), comme un certain nombre d’ingénieurs des travaux publics me l’ont expliqué on ne peut plus sérieusement.

À la fin des années quatre-vingt-dix, en des termes moins poétiques que ceux de l’écrivain André Dhôtel, pour qui les Ardennes étaient « le pays où l’on n’arrive jamais », un préfet de la région Champagne-Ardenne évoquait, lui, à la veille de son départ du corps préfectoral, le « réduit ardennais ». Ce fut un électrochoc !

Pour mettre fin à cette situation pénalisante et remettre les Ardennes sur les grands axes de communication européens, le conseil général a dégagé d’importants crédits et a convaincu l’État et la région de l’aider à construire une liaison autoroutière qui permette d’arrimer les Ardennes à la fois au réseau autoroutier français et, à partir du mois de juillet de cette année, au réseau autoroutier nord-européen. Il en aura coûté plus de 235 millions d’euros au budget départemental entre 2002 et 2018. C’est plus que la dette actuelle du département !

Plusieurs régions françaises restent enclavées. Je ne me résous donc pas à l’idée que nous n’aurions plus besoin de constructions autoroutières en France.

Je veux citer quelques exemples d’axes stratégiques dont nous avons besoin de manière criante et pressante : un axe qui partirait de l’Espagne et des Pyrénées vers le sillon rhônalpin et l’Europe, qui irriguerait sur son passage le sud du Massif central et intégrerait complètement l’A 45, qui doit relier Saint-Étienne à Lyon, afin de conforter les liaisons européennes et vitaliser les territoires traversés ; un axe qui, de l’Atlantique Ouest vers Strasbourg et l’Allemagne, irriguerait sur son passage le centre de la France ; enfin, un axe qui, depuis la Normandie et Le Havre, via Charleville-Mézières et Luxembourg, irait jusqu’à Giessen, en Allemagne. C’est ce que l’on appelle la route E 44, telle qu’elle apparaît sur les itinéraires européens, qui permettrait d’irriguer sur son passage la Picardie, la Thiérache axonaise et tout le nord-est de la France.

En plus de liaisons autoroutières, les territoires traversés doivent disposer des moyens de moderniser leurs réseaux routiers départementaux embranchés sur les échangeurs autoroutiers, afin que cet ensemble d’infrastructures permette d’atteindre l’un des objectifs en matière d’aménagement du territoire maintes fois rappelés par les spécialistes, à savoir qu’au moins 90 % de la population de notre pays doit avoir accès en moins de trente minutes à un échangeur autoroutier ou à une gare TGV.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Benoît Huré. Pour conclure, je souhaite interroger le Gouvernement sur deux points essentiels qui touchent à la pérennité de nos infrastructures autoroutières et routières.

Premièrement, qu’en est-il de la possible création d’un établissement public doté d’un financement issu du transport routier pour mener la rénovation du réseau national et la construction de nouvelles infrastructures routières et autoroutières ?

M. le président. Merci, mon cher collègue !

M. Benoît Huré. Je vous remercie de la réponse que vous pourrez m’apporter, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de plaisir que j’interviens aujourd’hui à nouveau devant votre Haute Assemblée pour poursuivre nos échanges autour des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures, le COI.

Le 13 mars dernier, j’avais déjà eu l’occasion de vous exposer les grands principes de la politique globale de mobilité que nous entendons promouvoir. Le 28 mars, nous avons pu débattre ensemble de l’avenir des lignes à grande vitesse et de l’aménagement du territoire. Vous me donnez aujourd’hui l’occasion d’aller plus loin en matière de politique routière, et je vous en remercie.

Notre objectif est de bâtir une société de mobilité inclusive, dont chacun de nos territoires, chacun de nos concitoyens puisse tirer parti au quotidien.

Faire face à ce défi, qui conjugue efficacité économique, aménagement du territoire et cohésion sociale, c’est naturellement donner à la route la place qui doit être la sienne au cœur d’une politique de lutte contre le changement climatique qui doit favoriser le développement des modes alternatifs pour le transport des biens et des personnes, notamment le ferroviaire. Alors que 90 % du transport de marchandises et de voyageurs est à ce jour assuré par la route, le développement de ces modes alternatifs est une priorité fondamentale de la politique de mobilité que je défends.

Cela étant, n’oublions pas que le système routier français constitue un réseau de 1 million de kilomètres qui assure un maillage extrêmement fin de chacun de nos territoires.

Par ailleurs, la route du XXIe siècle n’aura que peu à voir avec celle qui a été cartographiée et développée par Daniel-Charles Trudaine au XVIIIe siècle. Demain, la route sera encore plus utile et pertinente, parce qu’elle sera plus propre, plus innovante, plus connectée et plus sûre. Elle devra favoriser le développement des véhicules électriques autonomes, du vélo, des nouveaux transports en commun à faibles émissions, du covoiturage, de l’autopartage et de la multimodalité.

Lors de son discours du 1er juillet 2017 à Rennes, le Président de la République a fixé un cap très clair : recentrer nos politiques de mobilité sur les transports du quotidien, la lutte contre la congestion dans les grandes agglomérations, l’accès à l’emploi et aux services dans les territoires et l’organisation de nos systèmes logistiques.

Comme vous le savez, les besoins de nos territoires, de nos concitoyens, de nos entreprises ont beaucoup évolué depuis vingt ans. Ils continuent à évoluer rapidement. Dans un contexte marqué par les contraintes qui pèsent sur les finances de l’État et des collectivités territoriales, la route du futur devra également être plus sobre. Nous devons anticiper et accompagner ces évolutions majeures en révisant en profondeur nos stratégies et nos modes d’action.

Ce besoin de changement, votre Haute Assemblée l’appelle de ses vœux depuis longtemps. J’ai déjà eu l’occasion, à cette tribune, de saluer les travaux de votre commission des finances et de votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ce besoin de changement, nos concitoyens s’en sont eux-mêmes largement fait l’écho lors des Assises nationales de la mobilité, avec même une réelle impatience.

Cette impatience, je la comprends, je la partage, et je mesure l’urgence d’y apporter une réponse, afin d’éviter que ne se creusent les fractures sociale et territoriale. J’y insiste, la capacité de la route à devenir un facteur d’inclusion est l’un des grands défis de la mobilité de demain.

Le Gouvernement s’est donc employé à ouvrir une nouvelle page, sous le signe de l’écoute, de la cohérence et de la sincérité, pour redonner du crédit aux engagements de l’État sur un sujet qui, pour reprendre les mots prononcés à cette tribune par votre collègue Gérard Cornu en mars dernier, est « caractérisé depuis trop longtemps, il faut oser le dire, par les annonces et la fuite en avant, et par une technique bien connue en politique et bien éprouvée, qui veut que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ».

C’est le sens du travail confié au Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron. Le rapport qui m’a été remis le 1er février dernier est le fruit d’un travail considérable. Je me réjouis que les conclusions issues de cette démarche exigeante aient été adoptées à l’unanimité des membres du COI et je salue ici l’engagement de vos collègues, Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Gérard Cornu et Michel Dagbert. Leur travail est d’autant plus précieux qu’il pose les bases d’une véritable stratégie d’investissement pour les deux décennies à venir.

Comme vous le savez, trois scénarios sont désormais sur la table. Le premier, à ressources constantes, permet simplement de répondre aux besoins d’entretien du patrimoine existant. Le deuxième satisfait les priorités fixées par le Président de la République, mais au prix de moyens supplémentaires significatifs, à hauteur de 600 millions d’euros par an. Le troisième, enfin, prévoit une accélération des projets. Cependant, il mobilise environ 80 milliards d’euros sur une période de vingt ans, soit un doublement des dépenses par rapport à la période 2012-2016 pendant au moins dix ans.

Quel que soit le scénario retenu, le rapport recommande un certain nombre de priorités dans la façon de conduire nos politiques d’investissement.

S’agissant des routes, le COI insiste à juste titre sur la priorité absolue que constituent l’entretien, la régénération du réseau routier national non concédé et la modernisation de son fonctionnement. Cette recommandation rejoint les conclusions de l’audit externe qui m’a été remis en avril 2018, lequel souligne l’état critique de ce réseau : 50 % des surfaces des chaussées sont à renouveler et près d’un pont sur dix est en mauvais état.

Dans son rapport de mars 2017, le président Hervé Maurey tirait déjà la sonnette d’alarme en dénonçant « un réseau en danger ». Là encore, notre sous-investissement a été manifeste et, au rythme de l’effort actuel, deux décennies seraient nécessaires pour remettre en état l’ensemble du patrimoine. Qui pourrait s’en satisfaire ?

Au-delà, l’enjeu de la modernisation de nos routes est également posé. Celle-ci doit favoriser le développement des véhicules connectés et autonomes et améliorer la gestion des flux de trafic.

La première des priorités à laquelle je suis fondamentalement attachée est la desserte routière de nos territoires. Lors de chacun de mes déplacements, je suis confrontée à des habitants et à des élus qui se désespèrent en voyant la modernisation de certains de nos axes routiers, pourtant indispensables aux déplacements du quotidien, repoussée de contrat de plan en contrat de plan, de décennie en décennie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous dressez le même constat dans chacun des départements que vous représentez. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de grands travaux, mais d’aménagements simples. J’ai l’absolue conviction que ce désenclavement routier mérite que l’on dégage les moyens suffisants et pérennes pour y parvenir.

Il faut également avoir en tête que, si le réseau routier national supporte près d’un tiers des trafics, il ne représente que 2 % des infrastructures linéaires routières de notre pays.

Sans chercher à se substituer aux collectivités locales, l’État doit leur apporter son soutien et poursuivre l’animation de la communauté routière pour développer et diffuser des techniques adaptées à des routes sobres, écologiques et peu coûteuses.

Enfin, le COI nous invite à sortir de la logique du « tout ou rien », qui a longtemps prévalu dans la réalisation des grands projets. À nous désormais d’être innovants et raisonnables à la fois. Concevons et phasons intelligemment les projets pour les mener à bien et répondre efficacement aux problèmes de congestion en mobilisant les moyens compatibles avec nos finances publiques. L’équation n’est pas simple, mais elle n’a rien d’insoluble.

Dans cette perspective, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures permet d’ouvrir une nouvelle page dans nos choix d’investissement, et ce afin de sortir des impasses financières et politiques sans renoncer à notre ambition collective en faveur de l’amélioration de la mobilité du quotidien.

S’inspirant de ces recommandations, le Gouvernement fera très bientôt connaître ses choix. C’est notamment l’objet du futur projet de loi d’orientation sur les mobilités que je présenterai avant l’été. Ce texte proposera une stratégie d’ensemble, ainsi qu’une programmation sincère de nos infrastructures pour les deux prochaines décennies. Nous aurons l’occasion d’en reparler précisément lorsque votre Haute Assemblée sera invitée à examiner et à enrichir ce projet de loi.

Dans le domaine routier, nous nous montrerons à la hauteur des défis qui sont les nôtres, si cette programmation sait conjuguer quelques objectifs aussi simples que fondamentaux.

Le premier objectif doit traduire une volonté sans faille de préserver et de moderniser le réseau routier national.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Notre deuxième objectif vise le désenclavement routier des territoires mal desservis.

M. Loïc Hervé. C’est très important !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense aussi à l’accélération des opérations visant l’amélioration des itinéraires pour les axes du réseau routier desservant les lignes moyennes.

Enfin, la programmation devra s’appuyer sur des ressources financières solides et pérennes en privilégiant, chaque fois que c’est possible, le paiement par l’usager ou par le bénéficiaire final des projets.

Il faut en terminer avec les promesses non tenues, parce qu’intenables. Réhabiliter la parole publique passe par davantage de sincérité, en particulier en matière budgétaire. C’est raisonnable et possible. Je compte sur votre exigence pour nous accompagner dans cette louable entreprise, que j’aborde avec détermination et confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Débat interactif

M. le président. Mes chers collègues, madame la ministre, je rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition toutefois qu’il ait scrupuleusement respecté le temps de parole de deux minutes imparti pour présenter sa question.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant été moi-même rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits consacrés aux transports routiers dans le projet de loi de finances pour 2018, j’axerai mon intervention sur le réseau des routes nationales non concédées.

Le Conseil d’orientation des infrastructures propose d’affecter 300 millions d’euros de crédits supplémentaires par an pour l’entretien et la réfection-modernisation de ce réseau.

Si je me félicite de la nomination d’un nouveau président à la tête de l’AFITF, que nous avions toutes et tous souhaitée, je déplore, dans le même temps, madame la ministre, que l’audit consacré à ce réseau tarde à sortir. L’échéance initiale était fixée au mois de décembre 2017. Or, bien qu’il m’ait été confirmé que le rapport vous a été remis au début du mois de mars dernier, et si je peux comprendre qu’il faut du temps pour l’analyser, je constate qu’il n’est toujours pas accessible aujourd’hui.

D’autres rapports récents, comme celui du Conseil d’orientation des infrastructures, mais également celui de l’Observatoire national de la route, laissent présager des conclusions qui confirment l’état plus que moyen du réseau non concédé, avec une possible détérioration de celui-ci dans les années à venir, notamment en ce qui concerne les ouvrages d’art.

Dans ce contexte, madame la ministre, pourrait-on connaître les grands axes du rapport d’audit ? Quel regard l’État porte-t-il sur ce réseau des routes nationales non concédées ? Si l’État est prêt à s’engager dans ce domaine, quels moyens compte-t-il y consacrer au regard des 300 millions d’euros annuels que le rapport préconise, qui seront sans doute insuffisants ? Enfin, quelles ressources nouvelles serait-il possible de mobiliser pour répondre aux demandes des territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Corbisez, le Conseil d’orientation des infrastructures propose en effet d’amplifier l’effort en faveur de l’entretien et de la modernisation de nos réseaux, en général, et du réseau routier en particulier. Cette recommandation a été confirmée par les conclusions de l’audit externe qui m’ont été remises en avril et qui seront prochainement rendues publiques.

Le rapport souligne l’état critique des chaussées, avec 40 % des surfaces à renouveler, et des ouvrages d’art, avec 30 % des ponts à réparer.

En 2018, nous avons d’ores et déjà augmenté les crédits consacrés à l’entretien et la modernisation du réseau routier en les faisant passer à 800 millions d’euros, à comparer avec les 670 millions d’euros dépensés en moyenne au cours des dix dernières années.

Toutefois, une action plus forte de remise à niveau est indispensable. Il nous faudra progressivement relever le budget annuel consacré à l’entretien et l’exploitation du réseau à 1 milliard d’euros.

Cet effort devrait se traduire au plus vite par un plan de sauvegarde des chaussées, des ouvrages d’art et des équipements du réseau routier national non concédé. Ce plan devra être intégré à la future loi de programmation des infrastructures et devrait fixer des objectifs quantitatifs d’amélioration du réseau routier sur la base d’échéances quinquennales – 2022, 2027, 2032 et 2037 –, ce qui permettra d’agir en faveur de la sécurité des usagers sur l’ensemble du réseau, mais aussi de travailler sur une massification et une industrialisation des chantiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.

Il vous reste cinquante-quatre secondes, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je serai très bref, monsieur le président.

Je veux d’abord remercier la ministre de sa réponse. Les sénateurs membres de la commission de l’aménagement du territoire souhaiteraient pouvoir travailler sur cet audit.

Par ailleurs, je rappelle à mes collègues que les départements vont avoir tendance à rétrocéder des routes départementales aux communes, ce qui entraînera parfois des conséquences graves. En effet, les communes vont se retrouver propriétaires d’ouvrages d’art situés au-dessus de fleuves, de voies ferrées, de lignes à grande vitesse, dont elles seront obligées d’assurer l’entretien. Certains territoires subiront ainsi une double peine, des portions de routes nationales leur étant aussi parfois transférées.

Madame la ministre, nous espérons disposer rapidement du rapport d’audit, afin que la commission de l’aménagement du territoire puisse se remettre rapidement au travail.