Mme Fabienne Keller. C’est normal !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Nous ne pensons pas que le législateur, a fortiori le Sénat, ait à introduire de telles distinctions dans la loi. Que penseront les élus de tous les territoires dont la desserte n’était pas prévue via une LGV ? Ils pourront avoir l’impression légitime d’être oubliés par le législateur.

Si nous visons des situations particulières sans être exhaustifs, nous allons susciter de nouvelles demandes, car certains élus ou concitoyens auront légitimement l’impression d’avoir été oubliés ou lésés. Pourquoi ne pas viser les dessertes situées en zone de montagne ou encore en zone de revitalisation rurale ? Privilégions la concision dans la loi, pour ne pas susciter de malentendus ni créer de discriminations entre territoires.

La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis un peu gêné d’émettre un tel avis sur des amendements que je comprends fort bien. Toutefois, je ne voudrais pas, en tant que rapporteur, que soient introduites des discriminations entre les territoires.

Concernant l’amendement n° 40, la commission en demande également le retrait ; à défaut elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends parfaitement le sens de votre amendement, madame Keller. Il faudra bien évidemment que les engagements de dessertes pris notamment dans le cadre des conventions de financement d’un certain nombre de lignes à grande vitesse soient respectés. Tel est d’ailleurs le sens de la péréquation qui est proposée.

Selon moi, la précision, a fortiori celle qui figure dans le sous-amendement, va trop loin. La péréquation doit permettre l’équilibre de la plupart des dessertes. Le cas échéant, tel est bien le sens des compléments qui ont été apportés par la commission, il faudra prévoir un conventionnement.

Aller à ce niveau de détail sur les obligations concernant la tarification risque d’être inopérant. En tout cas, je peux prendre l’engagement que le travail que nous mènerons avec l’ARAFER visera bien à combiner une péréquation, dans la limite de ce que nous imposent les règles européennes, c’est-à-dire la tarification au coût marginal, et un éventuel conventionnement. Cela devrait conduire à maintenir les dessertes lorsque des engagements ont été pris dans le cadre des financements des lignes à grande vitesse.

Je demande donc le retrait des amendements nos 2 rectifié et 166 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 40, j’en demande également le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je soutiens ces deux amendements, et je suis un peu surpris de la position de M. le rapporteur.

Dans un certain nombre de régions, et je veux notamment évoquer la région Grand Est, le TGV n’est apparu que grâce à un financement très important des collectivités. Vous connaissez très bien, madame la ministre, le montant de leur investissement.

J’ai bien compris vos propos, monsieur le rapporteur. Toutefois, je souligne que ces amendements visent non pas à ouvrir de nouvelles possibilités, mais à faire respecter un engagement. Il n’est pas imaginable qu’à court ou moyen terme on demande à ces collectivités de cofinancer le maintien de dessertes, qu’il s’agisse d’arrêts sur la LGV ou de gares situées dans son prolongement, pour lesquelles elles ont déjà contribué.

Je représentais à l’époque la région Lorraine dans les négociations – je me tourne vers Fabienne Keller, avec qui je siégeais –, et je vous assure qu’il serait très lourd de conséquences de renier un engagement ayant permis d’aboutir à une véritable coconstruction de ces lignes à grande vitesse et de ces dessertes.

Vous avez fait un premier pas, madame la ministre, mais il vous faut être plus claire. Nous avons besoin de certitudes s’agissant du respect des engagements compte tenu des financements très importants des collectivités en faveur des lignes à grande vitesse et des dessertes.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. La question soulevée par ces amendements est tout à fait intéressante.

Madame la ministre, lorsque vous dites que l’équilibre financier de la plupart des dessertes devrait être satisfait par la modulation des péages, cela sous-entend que certaines d’entre elles ne seront pas en équilibre financier. Selon le chiffre qui avait été donné lors de votre audition par M. Maurey, une ligne sur six ne trouverait pas son équilibre financier dans le cadre du dispositif de modulation des péages, sachant que vous aviez également annoncé ce jour-là que la moitié des LGV actuelles ne seraient pas en équilibre, d’où l’idée d’un conventionnement.

Qui déterminera les segments bénéficiant d’une modulation des péages ? A priori, ce sera le gestionnaire d’infrastructure. Selon moi, il faut un contrôle démocratique de cette question, ce que nous proposerons par une programmation de la notion de desserte d’intérêt national, et un vrai débat sur cette question.

J’ai bien compris la position de M. le rapporteur et de Mme la ministre, selon lesquels ces questions seraient partiellement satisfaites par certaines dispositions du texte. Néanmoins, il me paraît utile d’approfondir la problématique d’un aménagement du territoire équilibré et du respect des engagements et de la parole donnée. Notre groupe votera donc ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Je voterai également ces amendements, pour les raisons que Daniel Gremillet vient d’exposer.

Madame la ministre, vous nous dites que la question se réglera dans le cadre de la modulation. Si celle-ci constitue peut-être une réponse financière, elle n’apporte aucune garantie concernant le maintien des dessertes. Si les collectivités territoriales ont mis la main à la poche, c’était pour obtenir une garantie.

Élu de Bretagne, je me souviens des discussions – je me tourne vers mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ – sur le maintien de la desserte du Mans. Je me souviens également du débat que nous avons eu au sujet du maintien des dessertes de Laval et de Vitré. Les engagements pris à l’époque par la SNCF doivent être, d’une façon ou d’une autre, totalement garantis. Ils ne sauraient être remis en cause.

Selon moi, ces amendements sont les bienvenus. Il sera toujours temps de faire évoluer le dispositif sur le plan juridique. À un moment donné, il faut affirmer clairement, d’une façon politique, que ce qui a été décidé ne peut pas être remis en cause.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je serai bref, car mon collègue Olivier Jacquin s’est exprimé au nom du groupe.

Personnellement, je trouve ces amendements intéressants, et je souhaite que les membres encore présents du groupe socialiste les votent.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. J’ai un peu de mal, monsieur le rapporteur – j’espère que vous me le pardonnerez –, avec le terme de « discrimination ». J’ai au contraire le sentiment qu’il s’agit d’une double peine.

Mme Fabienne Keller. Pendant longtemps, des territoires n’ont pas été desservis par les TGV. Pour être desservis, ils ont dû les financer, alors que tel n’était pas le cas pour les premières lignes. Pourquoi ne leur accorde-t-on pas une sécurité sur les engagements qu’ils ont obtenus en contrepartie des financements qu’ils ont apportés ?

Je connais bien le TGV Est, et je sais que les dessertes ont été ainsi inscrites dans la déclaration d’utilité publique, pour les sécuriser. Pour d’autres lignes, ce sont probablement des formes juridiques analogues qui ont été retenues.

Je veux également vous dire, monsieur le rapporteur, qu’il est écrit dans mon amendement : « ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire. » Je n’ai donc rien retiré aux territoires qui bénéficient de dessertes sur d’autres lignes. Je me suis simplement permis d’ajouter la notion de contrepartie à des financements accordés.

J’évoquerai le sous-amendement déposé par Max Brisson et soutenu par Marc Laménie. M. Brisson se préoccupe de la ligne Tours-Bordeaux, financée par des collectivités comme la communauté d’agglomération Pau-Béarn-Pyrénées ou le département des Pyrénées-Atlantiques, à la condition qu’il y ait des TGV qui passent la gare de Bordeaux et aillent jusqu’à son territoire en termes de dessertes, sans rupture de charge. Il évoque également le rapport Duron, qui a reporté aux calendes grecques, concrètement à 2038, le prolongement de la ligne attendue par ces territoires. Or les financements avaient été obtenus dans cet espoir !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même si je ne suis pas certaine de vous convaincre, je veux préciser que, s’agissant du TGV Est, la SNCF a signé un engagement de desserte au moment du montage du dossier. A priori, l’ouverture à la concurrence ne va pas la conduire à déchirer cet engagement. Elle ne pourrait en être déliée que si elle démontrait que l’évolution de la concurrence, par exemple l’arrivée d’un opérateur qui écrémerait le marché sur cette ligne, la met dans l’impossibilité de respecter ses engagements.

Je le redis, la SNCF ne sera pas déliée de ses engagements à partir du mois de décembre 2020, au motif qu’il y a une ouverture à la concurrence.

Vous l’avez compris, nous aurions pu faire un choix plus radical, en proposant des franchises. C’est une méthode très violente d’ouverture à la concurrence, que le Gouvernement a souhaité écarter, aucun de nos voisins n’y ayant eu recours. Cela aurait pu conduire à attribuer toutes les dessertes à un seul opérateur. Par exemple, le TGV Est et ses branches auraient pu aller à la Deutsche Bahn et la ligne Paris-Lyon et ses branches à l’opérateur italien Trenitalia.

Nous avons essayé de trouver une organisation qui ne soit pas trop brutale pour notre opérateur historique et permette de garantir les engagements pris. Nous continuerons à travailler et à rassurer. Quoi qu’il en soit, l’objectif est clair : les engagements pris doivent être tenus.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 130 rectifié septies.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 166 rectifié et 40 n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, nous avons examiné 78 amendements au cours de la journée, soit un rythme de 10 amendements par heure ; il en reste 166.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er bis (début)
Dossier législatif : projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire
Discussion générale

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 31 mai 2018, à dix heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

– Projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises (n° 97, 2016-2017) ;

Rapport de M. Robert Laufoaulu, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 498, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 499, 2017-2018).

– Projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (n° 211, 2014-2015) ;

Rapport de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 496, 2017 2018) ;

Texte de la commission (n° 497, 2017-2018).

– Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018) ;

Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 494, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 495, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 31 mai 2018, à une heure vingt-cinq.)

nomination dun membre dune mission dinformation

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la mission dinformation sur la réinsertion des mineurs enfermés.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Maryse Carrère est membre de la mission dinformation sur la réinsertion des mineurs enfermés, en remplacement de Mme Véronique Guillotin, démissionnaire.

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD