Mme Dominique Estrosi Sassone. L’objectif de cet amendement est de renforcer l’information sur les orientations dès le début du collège pour mieux préparer les élèves – et leurs parents – au panel des formations existantes afin qu’ils puissent choisir en toute connaissance de cause leur avenir professionnel.

L’orientation dispensée durant le second degré, on le sait, est capitale pour la réussite des élèves et permet de réduire le taux d’échec dans l’enseignement supérieur.

Alors que la question de l’orientation émerge à partir de la seconde moitié du collège et en fonction des notes générales, plutôt que des aspirations, il convient d’informer les élèves des choix qu’ils devront formuler le plus tôt possible, en expliquant clairement et concrètement les formations.

Le bloc de quatre années de collège permet de dégager des moments pour que l’ensemble des formations soit présenté aux élèves dès la rentrée en première année, soit en sixième.

La perception de certaines orientations repose aussi sur des a priori, qui se forment, dès le plus jeune âge, dans l’univers tant scolaire que familial. Malheureusement, de nombreuses orientations, dont l’apprentissage, sont encore perçues comme des voies de garage ou des échecs, des orientations « faute de mieux », lorsque les notes ne sont pas estimées à la hauteur.

Ainsi, selon un sondage de l’Institut Montaigne, 81 % des parents d’élèves interrogés estiment que l’apprentissage est un moyen de trouver rapidement un emploi, mais moins d’un parent sur deux l’envisage pour son enfant ! Pourtant, 70 % des apprentis trouvent un poste dans les quatre mois suivant la fin de leur formation. Toutes filières confondues, le taux d’insertion affiche, en fonction du métier, dix à quinze points de plus par rapport aux autres formations.

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont tenté d’appuyer l’apprentissage avec des allégements de cotisations, des crédits d’impôt et des primes, mais, en définitive, les effectifs n’ont pas été multipliés. Pensons par exemple à l’échec du précédent gouvernement qui, en 2014, se fixait l’objectif de 500 000 apprentis en 2017, pour finalement ne pas le tenir !

L’orientation professionnelle doit être, avant tout, un choix motivé et motivant. C’est ce que propose cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Après en avoir débattu, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle a en effet estimé que la présentation des caractéristiques de chaque formation dès la classe de sixième est une exigence supplémentaire assez lourde à réaliser dans le temps scolaire.

L’article 10 renforce déjà ces actions pour les élèves de quatrième et de troisième. En sixième, la sensibilité à l’orientation n’est pas aussi évidente.

Par ailleurs, l’article L. 331–7 du code de l’éducation prévoit déjà qu’un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel est proposé à chaque élève aux différentes étapes de sa scolarité du second degré.

L’article 10 prévoit également que les régions disposeront d’au moins vingt heures dans le temps scolaire pour informer les élèves de quatrième et de troisième sur les métiers et les formations.

Je le répète, la présentation des caractéristiques de chaque formation dès la classe de sixième risque de constituer une exigence supplémentaire assez lourde à réaliser dans le temps scolaire.

Monsieur le ministre, comment cette question s’intègre-t-elle dans la réforme que vous menez actuellement ?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos propos, qui dénotent un certain consensus, dans cette assemblée, sur l’intérêt d’une orientation précoce. Comme cela a déjà été dit, il est très important d’envisager l’orientation dès le début du collège. Je suis certain que nous sommes nombreux à penser de la sorte, tout simplement parce que l’expérience montre à quel point c’est nécessaire.

Il est important d’envisager l’orientation comme un processus faisant appel à une multiplicité d’intervenants, qui commence dès le collège, continue jusqu’à la terminale et s’accompagne d’un droit à l’erreur et de passerelles.

En ce qui concerne l’amendement lui-même, je ne peux que souscrire à l’avis du rapporteur. Une telle disposition, même si l’on peut en partager l’esprit, ne relève pas de la loi et risque d’ajouter une lourdeur supplémentaire.

Je le redis, l’orientation fera bien l’objet, dans le cadre des évolutions en cours, d’un temps au sein de la scolarité à partir de la sixième.

Toutefois, soyons bien conscients que cette question dépasse le seul champ de l’article 10 du présent projet de loi, sur lequel ne repose pas tout le poids des changements et auquel il ne faut faire ni trop d’honneur ni trop d’indignité… (Sourires sur différentes travées.)

Cet article constitue une porte ouverte vers les évolutions futures et nous aurons d’autres occasions de discuter de ces sujets, par exemple en ce qui concerne les CIO. Dans les prochains mois, nous pourrons façonner les meilleures formules possible pour la politique de l’orientation dans notre pays.

Voilà pourquoi je rejoins l’avis du rapporteur sur cet amendement.

Mme la présidente. Madame Estrosi Sassone, l’amendement n° 77 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Dominique Estrosi Sassone. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 77 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 128 rectifié, présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 332-3 est ainsi modifié :

a) À la troisième phrase, les mots : « de la dernière année », sont remplacés par les mots : « des deux dernières années » ;

b) À l’avant-dernière phrase, après le mot : « professionnels », sont insérés les mots : « , les centres de formation d’apprentis » ;

c) La dernière phrase est supprimée.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Cet amendement que je présente au nom de la commission de la culture a été présenté en commission des affaires sociales. Celle-ci a préféré qu’il soit présenté en séance publique, notamment pour recueillir l’avis du Gouvernement. Finalement, cela tombe bien, puisqu’il arrive en discussion après les interventions de M. le ministre et de M. le rapporteur, présentant comme une évidence le fait que la question de l’orientation ne doit pas se poser qu’à partir de la troisième, mais qu’elle doit être abordée dès l’entrée au collège. Les choses sont plus claires ainsi !

L’objectif de cet amendement est d’étendre à la classe de quatrième les stages qui, depuis plusieurs années, sont organisés en troisième avec un certain succès. Pour des enfants de cet âge, ce type d’activité est beaucoup moins théorique qu’une information générale sur des métiers ou des formations. Dans les formations agricoles, ces stages existent déjà dès la classe de quatrième.

Cet amendement vise aussi à associer les CFA à la mise en œuvre de ces stages.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Il est vrai que cet amendement a été présenté et débattu en commission des affaires sociales. Nous sommes naturellement favorables aux dispositifs qui permettent de préparer les jeunes à la voie professionnelle.

La commission des affaires sociales approuve le dispositif visant à préparer les élèves de collège à la voie professionnelle et à l’apprentissage par des enseignements dédiés et des stages. Ce dispositif fonctionne bien dans le cadre des classes de troisième dites « prépa-pro ».

Nous avons simplement un doute sur l’articulation de ce dispositif, qui serait étendu à la classe de quatrième, avec celui des classes « prépa-métiers », dont nous avons parlé tout à l’heure. Il conviendrait de préciser la complémentarité et la portée de ces deux dispositifs, mais sur le fond, la commission approuve le renforcement des mesures visant à sensibiliser les élèves au monde professionnel.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En réalité, dans le cadre du parcours défini à l’article L. 331–7 du code de l’éducation, des actions de découverte du monde économique et professionnel sont déjà proposées à tous les élèves de la classe de sixième à celle de terminale.

En outre, l’article L. 332–3–1 prévoit que des périodes d’observation en milieu professionnel peuvent être proposées aux élèves des deux derniers niveaux de l’enseignement dans les collèges. Je pense que c’est sur la base de ce dispositif que sont organisées les actions que vous avez citées concernant l’enseignement agricole.

À mes yeux, cet amendement est donc satisfait par les dispositions existantes, mais il est vrai qu’il serait intéressant de stimuler davantage les collèges en ce qui concerne ces découvertes du monde professionnel. J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 95 est présenté par M. L. Hervé.

L’amendement n° 119 rectifié quinquies est présenté par MM. Babary et Brisson, Mmes Lassarade et Garriaud-Maylam, MM. Poniatowski, Paccaud, Pierre, Grand, Bazin et Gilles, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Duplomb, J.M. Boyer et Kennel, Mmes Deromedi, Bonfanti-Dossat et Raimond-Pavero, MM. Sido et Cambon, Mme Lherbier, M. Bansard, Mme Renaud-Garabedian et M. Gremillet.

L’amendement n° 229 rectifié bis est présenté par Mme Saint-Pé, MM. Delcros, Kern et Bockel, Mmes Billon et Doineau, MM. Mizzon, Canevet et Moga et Mme Létard.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) À la première phrase, après le mot : « lycées », sont insérés les mots : « ou aux étudiants de l’enseignement supérieur » ;

L’amendement n° 95 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié quinquies.

M. Serge Babary. Depuis 2011, la loi permet aux scolaires de réaliser des périodes d’observation en milieu professionnel d’une semaine durant leurs vacances, afin de les aider dans l’élaboration de leur projet d’orientation professionnelle.

Ces stages, dont l’initiative revient aux familles, sont mis en œuvre avec l’appui des chambres consulaires et rencontrent un vif succès auprès des jeunes et des entreprises, qui plébiscitent cet outil pour aider les jeunes dans la construction de leur orientation.

Toutefois, les étudiants ne peuvent bénéficier de cette possibilité, alors même qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir se réorienter en cours d’année universitaire et que leur projet d’orientation professionnelle reste bien souvent à définir ou à confirmer.

Cet amendement a donc pour objet d’ouvrir la possibilité de recourir aux stages prévus à l’article L. 332-3-1 du code de l’éducation aux étudiants inscrits dans un cursus d’enseignement supérieur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié bis.

Mme Denise Saint-Pé. Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. Je considère donc qu’il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 22 rectifié est présenté par Mme Micouleau, M. Revet, Mmes Estrosi Sassone et Morhet-Richaud, MM. Médevielle, Bonne et Brisson, Mmes L. Darcos et Deseyne, MM. Cambon, Savary, Bascher, Moga et Charon, Mmes Dindar et Garriaud-Maylam, MM. Kern, B. Fournier, Lefèvre, Luche, de Legge, H. Leroy et Poniatowski, Mme Deromedi, M. Savin, Mme Bonfanti-Dossat, M. Cigolotti, Mme Lherbier, M. Leleux, Mme Keller, MM. Duplomb, J.M. Boyer, Kennel, Courtial, Grand, Vogel et Rapin, Mmes Lamure, Eustache-Brinio et Vullien, MM. Canevet et Pellevat, Mmes Chauvin et Billon, M. Paccaud, Mme Bruguière, M. Louault, Mmes Goy-Chavent et Canayer, M. Danesi, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Meurant, Raison, Perrin, Laménie, Cadic, Magras, Daubresse et Cuypers, Mme Duranton, M. Bizet, Mme Lopez, MM. Carle, Paul et Bansard, Mme Renaud-Garabedian et MM. Gremillet, L. Hervé et Mandelli.

L’amendement n° 24 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après le mot : « lycées », sont insérés les mots : « ou aux étudiants de l’enseignement supérieur » ;

La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

M. Charles Revet. Il a le même objet que ceux qui viennent d’être présentés, madame la présidente. Je le considère donc comme défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié bis.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Les stages en milieu professionnel sont déjà possibles dans l’enseignement supérieur aux termes de l’article L. 124-1 du code de l’éducation. Rien n’empêche qu’une période de stage se déroule pendant les vacances universitaires. Les étudiants, qui sont majeurs pour la plupart d’entre eux ou ont plus de 16 ans, peuvent aussi être employés en CDD pendant leurs vacances, afin d’acquérir une expérience professionnelle. Les choses sont différentes pour les mineurs.

Il apparaît donc peu opportun d’appliquer un dispositif réservé aux élèves à des étudiants, qui ont d’autres possibilités de découvrir le monde professionnel.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Deseyne, l’amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?

Mme Chantal Deseyne. À la suite des explications fournies par M. le rapporteur et M. le ministre, je vais retirer cet amendement, dont la première signataire est Mme Micouleau.

Pour autant, même si des dispositifs existent, je trouve tout de même dommage de ne pas donner un signe montrant que nous souhaitons valoriser davantage la découverte du milieu professionnel par les étudiants. Je rappelle que nombre d’entre eux sont très vite en échec après l’entrée à l’université et envisagent une réorientation professionnelle.

C’est pourquoi il faut vraiment promouvoir les dispositifs qui permettent cette connaissance du monde professionnel.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié est retiré.

Madame Laborde, l’amendement n° 24 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié bis est retiré.

Madame Saint-Pé, l’amendement n° 229 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Denise Saint-Pé. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 229 rectifié bis est retiré.

Monsieur Babary, l’amendement n° 119 rectifié quinquies est-il maintenu ?

M. Serge Babary. Non, je vais le retirer, madame la présidente, mais je regrette que l’on ne prenne pas en considération cette demande spécifique, qui est différente de ce qui existe déjà, à savoir les stages que font les étudiants durant leur cursus universitaire.

Il s’agit ici d’utiliser la possibilité, ouverte par la loi de 2011, de faire un stage d’une semaine organisé par les familles et les chambres consulaires. Destiné à découvrir le monde de l’entreprise, un tel stage peut permettre aux étudiants de conforter leurs choix ou de les faire évoluer. C’est très différent du stage d’application qui existe aujourd’hui dans l’enseignement supérieur.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 119 rectifié quinquies est retiré.

L’amendement n° 129, présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Alinéas 17 et 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite à l’Assemblée nationale qui permet aux élèves des classes de quatrième et de troisième d’effectuer une période d’observation en entreprise, pendant le temps scolaire, pour une durée maximale d’une journée.

Au-delà du fait que cette durée nous paraît courte, voire anecdotique, cette disposition risque de perturber l’organisation du temps scolaire.

En outre, je rappelle que le Sénat vient d’adopter, sur notre initiative, l’extension aux classes de quatrième du stage d’une semaine en entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Le renforcement de la découverte du monde professionnel pourra se faire utilement par les dispositifs des classes « prépa-métiers » ou « prépa-pro ». En outre, cette période d’observation d’une journée, qui plus est sur le temps scolaire, présente un intérêt limité, ainsi que le risque d’être rarement utilisée par les élèves, notamment pour des raisons pratiques. Il est donc préférable de supprimer ce dispositif. Avis favorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié ter, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Laugier, Mmes Vérien, Bruguière et de la Provôté, MM. Paccaud et Schmitz, Mme L. Darcos, MM. Kern, Kennel et Hugonet, Mmes Dumas et Guidez, M. Brisson, Mmes Bonfanti-Dossat et Billon, MM. Savin et Carle, Mme Boulay-Espéronnier et M. Lafon, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 22

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que des enjeux liés à leur digitalisation

II. - Alinéa 25

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que des enjeux liés à leur digitalisation

III. - Alinéa 29

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que des enjeux liés à leur digitalisation

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Lorsqu’elle a examiné l’article 10 du projet de loi, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de la commission de la culture, saisie pour avis, visant à renforcer la formation des enseignants aux professions et aux métiers.

Je partage bien entendu la volonté exprimée par les rapporteurs de prévoir que les enseignants, les personnels d’inspection et les chefs d’établissement de l’éducation nationale puissent bénéficier, dans le cadre de leur formation initiale, d’une formation au monde du travail, aux professions et aux métiers.

Cette formation spécifique me paraît particulièrement bienvenue. Elle doit aussi être l’occasion de former les enseignants et les cadres de l’éducation nationale aux enjeux de la digitalisation du monde en général, et de notre économie en particulier. Tel est le sens de l’ajout que je propose dans cet amendement.

Nous savons tous que la formation assurée par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, est peu tournée, jusqu’à maintenant, vers le monde économique, en particulier celui de demain. Certains avancent que les digital natives constitueront bientôt le vivier des futurs enseignants, mais nous n’en sommes pas encore là… Quoi qu’il en soit, il faut dès à présent former nos formateurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Le projet de loi prévoit que les enseignants et les personnels d’inspection pourront être formés au monde économique et professionnel, ainsi qu’au fonctionnement des entreprises. Cette formulation assez large permettra de sensibiliser les enseignants aux différents enjeux auxquels sont confrontées les entreprises, dont ceux liés à la digitalisation. Nous sommes donc d’accord sur le fond et cet amendement constitue finalement une précision, même s’il n’est pas forcément nécessaire de l’inscrire dans la loi. C’est pourquoi la commission a émis un avis de sagesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. J’éprouve le même mélange d’enthousiasme et d’embarras que pour la précédente proposition.

Enthousiasme, parce que, sur le fond – et on voit bien que cette proposition est inspirée du rapport que vous venez de publier –, il faut en effet qu’il y ait cette sensibilisation.

Embarras, parce que je m’interroge sur l’intérêt de préciser cela au niveau législatif. On peut aussi penser à d’autres sujets non moins importants, comme la transition écologique, qui doivent également faire l’objet d’une sensibilisation.

Votre volonté sera de toute façon satisfaite dans les faits, car c’est indispensable. Néanmoins, faut-il la consacrer dans la loi ? J’en suis moins certain. Comme le rapporteur, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, je pense que ce que je vais dire va vous parler, comme on dit.

Il fut un temps où un ancien ministre avait proposé aux professeurs de partir tous les dix ans, au cours de leur carrière, soit à l’étranger, soit dans le monde de l’entreprise pour voir autre chose. Cela a été un bide total : très peu de professeurs ont été intéressés par cette proposition, même s’ils étaient assurés de retrouver leur poste.

Il fut un temps où des professeurs de sciences économiques et sociales avaient cherché à travailler avec des chefs d’entreprise pour essayer de réconcilier le marché, le monde économique, l’univers de l’entreprise avec le monde de l’enseignement. Cela a également été compliqué, et les manuels scolaires n’ont jamais été modifiés.

J’ai bien évidemment cosigné cet amendement présenté par la présidente de ma commission. J’irais même au-delà de cette proposition, qui ne déboucherait pas sur une obligation, car je pense qu’il est fondamental, et ce n’est pas les insulter, de demander aux professeurs d’aller voir le marché du travail. Très souvent, les enseignants se marient entre eux et vivent en vase clos (Exclamations amusées sur diverses travées.), et je pense qu’il est compliqué pour eux de susciter des vocations chez leurs élèves. Je sais que je vais en choquer quelques-uns, mais je peux vous dire que, dans le monde de l’entreprise, on entend souvent ce genre de propos.

Mme Céline Brulin. Chez les premiers de cordée !

Mme Laure Darcos. J’espère que cet amendement sera voté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Laborde et Michèle Vullien applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Ma chère collègue, je ne sais si, l’enthousiasme aidant, il était nécessaire de dire que les enseignants se marient entre eux. Est-ce que les chefs d’entreprise, les premiers de cordée se marient entre eux ? (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Plus sérieusement, il me semble que cet amendement repose sur une confusion.

J’ai un doute sur le rôle que vous assignez aux enseignants en matière d’orientation. Il ne s’agit pas de dire qu’ils ou elles n’ont pas leur place dans le dispositif d’accompagnement des jeunes, ce qui n’aurait aucun sens. Tout d’abord, ils participent de facto au resserrement des options professionnelles via les choix d’orientation lors de la scolarité. Orienter tel ou tel élève vers des options au lycée participe pleinement à la détermination d’un projet à long terme. Ensuite, les enseignants sont particulièrement bien placés pour donner des conseils d’orientation, étant au quotidien auprès des élèves.

Toutefois, il ne me semble pas pertinent de surestimer ce rôle, car cela risquerait de dessaisir les conseillers d’orientation. Il serait préférable de recentrer les missions des enseignants sur l’instruction, plutôt que de miser sur leurs connaissances du monde économique et professionnel, en particulier sur les problématiques liées à la numérisation.

Par ailleurs, je ne crois pas qu’il faille réconcilier les mondes de l’enseignement et de l’entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Il m’apparaît plus intéressant d’accroître la coordination entre le travail fourni par l’ONISEP, celui fait par les conseillers d’orientation et l’accompagnement des enseignants.

Enfin, mes chers collègues, il faut arrêter de demander aux enseignants de faire tout : ils doivent éduquer sur tout, être polyvalents… Il y a là un vrai problème !

Monsieur le ministre, je suis très étonnée qu’en l’occurrence vous ne reprochiez pas à la loi d’être trop bavarde et que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat, estimant que la proposition n’est pas si mauvaise. On a donc le droit de tout mettre dans la loi, de tout préciser, et peu importe que cela soit de nature réglementaire ou que cela soit redondant ? Il faut arrêter de toujours en rajouter à la mission des enseignants !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. La proposition que je défends vise juste à compléter un amendement proposé, au nom de la commission de la culture, par notre excellent rapporteur pour avis, Laurent Lafon, et adopté par la commission des affaires sociales, pour tenir compte des enjeux liés à la digitalisation du monde économique et professionnel.

Je comprends tout à fait les remarques du rapporteur et du ministre de l’éducation nationale. La loi n’a pas vocation à être trop bavarde – c’est une évidence. Je vais donc retirer l’amendement pour être agréable à M. le ministre. J’aimerais cependant qu’il s’engage à ce qu’un vrai travail soit fait dans les ESPE. À ce propos, dans quelques jours, deux de nos collègues ici présents vont rendre un rapport sur l’évolution du métier d’enseignant, la formation des formateurs, avec une réflexion sur les ESPE. Devant l’enjeu que constitue cette révolution numérique, force est de constater que l’on est très loin du compte. Un énorme effort de formation des formateurs est à faire, tout simplement pour qu’ils soient mieux armés pour former nos jeunes et plus en phase avec le monde de demain.

Mon amendement, que l’on peut voir comme un amendement d’appel, visait à appeler l’attention sur ce sujet. Cela étant, je le retire.