Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à encadrer les rémunérations au sein d’une même entreprise afin que le salaire le plus élevé, celui du dirigeant, ne soit pas plus de vingt fois supérieur au salaire le plus bas. Cette proposition n’est pas nouvelle, Henry Ford ayant déjà proposé d’instaurer un tel mécanisme en 1920.

Dans chaque entreprise, le salaire annuel le moins élevé ne pourrait être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée, que celle-ci soit celle versée à un salarié ou à un dirigeant mandataire social non salarié. Cet encadrement aurait ainsi vocation à remplacer le plafond de rémunération de 450 000 euros mis en place dans les entreprises publiques.

Nous répétons ce que nous dénonçons régulièrement : il n’est pas acceptable, d’un point de vue éthique et moral, mais aussi pour la cohésion de la société, que certains PDG du CAC 40 touchent en moyenne, en une journée, le salaire annuel d’un salarié payé au SMIC. Leur rémunération moyenne représente 308 années de SMIC ! Là se trouve le « pognon de dingue », pour reprendre les mots du Président de la République !

Par ailleurs, cet amendement vise également à lutter contre les inégalités professionnelles. Les femmes occupent souvent des postes moins qualifiés et exercent des métiers moins bien payés. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes atteint même 23,7 %, selon l’INSEE. Il est donc indispensable d’encadrer les écarts de rémunération au sein des entreprises afin de favoriser l’égalité entre les sexes.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

La difficulté que vous évoquez, et dont il a déjà dû être question dans cet hémicycle, nous semble davantage relever du projet de loi PACTE, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, qui nous sera prochainement soumis. Cet amendement ne nous paraît avoir qu’un rapport lointain avec la question des inégalités salariales dont souffrent les femmes et nécessiterait un peu plus de travail sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 484 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 61 - Amendement n° 484 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Article 62

M. le président. L’amendement n° 485 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 61

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2242-3 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle sanction afin d’inciter les entreprises à respecter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cette sanction consisterait en la suppression d’une exonération de cotisations sociales patronales pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations.

Depuis les années 2000, une vingtaine de lois traitant de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptées, dont une dizaine portaient spécifiquement sur l’égalité au travail. Le nombre d’obligations relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes augmente chaque année. Pourtant, ces inégalités persistent. Ainsi, une étude de l’APEC, l’Association pour l’emploi des cadres, a montré que, entre 2005 et 2015, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes n’a diminué que de 2,5 points, passant de 21,5 % à 19 %.

Si les inégalités persistent, c’est parce qu’il n’existe pas de sanction systématique et suffisamment sévère incitant les entreprises à respecter leurs obligations.

C’est pourquoi nous proposons d’assortir d’une sanction les obligations des entreprises en matière de négociation sur l’égalité professionnelle.

Actuellement, le code du travail impose une négociation sur l’égalité tous les quatre ans. Lorsque cette négociation n’aboutit pas à la conclusion d’un accord collectif, l’employeur a l’obligation d’établir unilatéralement un plan d’action annuel, destiné à assurer l’égalité professionnelle. Pourtant, 60 % des entreprises assujetties à cette obligation n’ont ni conclu un accord ni établi un plan d’action. Et seules 0,2 % d’entre elles ont été sanctionnées !

Afin de faire respecter cette obligation, nous proposons que les entreprises ne disposant ni d’un accord ni d’un plan d’action soient privées des exonérations de cotisations sociales prévues à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Je vous rejoins, cher collègue, sur le fait qu’il est compliqué de parvenir à nos fins en la matière. Nous avons tenté dans plusieurs lois – en 1972, en 1983, en 2001, en 2010 – de mettre en place un certain nombre de dispositifs.

Le Gouvernement fait aujourd’hui le choix d’adopter une mesure ayant visiblement fait ses preuves en Suisse, même si ce pays n’a pas encore obtenu les résultats que nous connaissons, mais nous ne sommes pas là pour en discuter.

Cela dit, il nous a paru excessif de prévoir directement une sanction brutale, alors que le projet de loi offre plutôt une progressivité : une mesure annuelle, suivie d’un plan de rattrapage salarial, puis une pénalité plafonnée à 1 %. Une telle progressivité nous semble être plus appropriée.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 485 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 61 - Amendement n° 485 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Article additionnel après l'article 62 - Amendement n° 589

Article 62

I. – Le second alinéa de l’article L. 1153-5 du code du travail est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services est définie par décret. »

bis et I ter. – (Supprimés)

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2019.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. La porosité entre les discriminations salariales, les discriminations sexistes et le harcèlement sexiste dans l’entreprise est très grande. Bien souvent, le harcèlement sexiste est aussi accompagné de pressions et de chantage à l’égard des salariées. Il est également un facteur de discrimination salariale ou dans les carrières professionnelles. L’article 62 a donc toute sa place dans le projet de loi, mais je présenterai tout à l’heure une série d’amendements visant à l’améliorer.

En cet instant, j’invite le Gouvernement à préserver les compétences déjà existantes en matière d’accompagnement des femmes victimes de harcèlement ou de discriminations professionnelles. Je pense particulièrement à l’AVFT, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, dont les subventions sont réduites et dont le fonctionnement est de ce fait fragilisé. Elle a ainsi dû fermer son accueil.

J’ai entendu à plusieurs reprises Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes dire que l’AVFT ne lui paraissait pas être une association devant être confortée dans sa capacité à répondre aux besoins des femmes victimes de harcèlement ou de discriminations salariales. Par ailleurs, j’ai vu l’appel d’offres qui a été lancé, je vois le choix qu’est en train de faire le Gouvernement.

Je rappelle donc que, sur ces sujets, on ne s’improvise pas du jour au lendemain référent, accompagnant ou expert juridique auprès des femmes et que les compétences qui existent, qui ont été construites après des années de travail, comme celles de l’AVFT, doivent être préservées et encouragées.

M. le président. L’amendement n° 678 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - Le deuxième alinéa de l’article L. 1471-1 du code du travail est complété par les mots : « à l’exception de la contestation de tout licenciement à caractère discriminatoire, qui se prescrit par cinq ans ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement me paraissant juridiquement important, j’attire l’attention de Mme la ministre sur son contenu.

En 2017, la loi Fenech-Tourret a fait passer les délais de prescription de l’action publique de trois à six ans pour les délits, mais les ordonnances de septembre 2017 ont réduit le délai de prescription pour contester un licenciement à douze mois à compter de la notification de la rupture du contrat de travail.

Il semble, madame la ministre, qu’il y ait un problème d’articulation entre les délais de prescription. Le code du travail prévoit en effet que le délai est de cinq ans en cas de contestation d’un acte discriminatoire et d’un an en cas de rupture du contrat de travail.

On va bien entendu me répondre que cet amendement est satisfait. Or l’analyse de la jurisprudence prouve que cette question peut susciter d’âpres débats et des divergences, des conseils de prud’hommes à la Cour de cassation, et donc de longues procédures, en particulier pour les victimes.

Notre amendement vise donc à préciser – pourquoi s’en priver ? – que les licenciements à caractère discriminatoire sont prescrits au bout de cinq ans. Une telle harmonisation nous paraît juste et de nature à protéger les victimes. Elle permettrait également de figer la doctrine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cet amendement nous semble en effet satisfait par le droit en vigueur. La commission pense qu’il n’y a pas de zone floue, mais je laisse à Mme la ministre le soin de nous répondre sur ce point.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Cet amendement est effectivement satisfait, car le délai de prescription en matière de rupture du contrat de travail a été porté à un an par les ordonnances de septembre 2017, sauf en cas de discrimination. Le délai de prescription spécifique aux actions en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination n’a pas été modifié par les ordonnances. Il est de cinq ans, conformément à l’article L. 1134-5 du code du travail.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer devant vous, les ordonnances font la différence entre une simple rupture du contrat de travail et une rupture du contrat de travail en cas de discrimination. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une atteinte non pas simplement au contrat de travail, mais aussi à l’intégrité de la personne. C’est la raison pour laquelle les délais de prescription n’ont pas été modifiés dans ce cas.

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 678 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président. Les précisions apportées par Mme la ministre permettront de connaître l’intention du législateur et celle du Gouvernement. Les avocats pourront s’en prévaloir.

M. le président. L’amendement n° 678 rectifié est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 504, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir les I bis et I ter dans la rédaction suivante :

I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1 – Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »

I ter. – Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l’article L. 2314-1 ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à rétablir l’article 62 du projet de loi.

Le harcèlement et les agressions sexuelles au travail touchent plus d’un tiers des femmes au travail. Certes, la création des référents chargés, dans les entreprises, d’orienter et d’accompagner les victimes ne permettra pas de résoudre tous les problèmes. Toutefois, cette mesure constituait une avancée notable dans la libération de la parole.

Soyons cohérents. Une salariée harcelée par un collègue de même niveau ou par son n+1 aura certainement plus de facilités à s’adresser à une personne spécialement chargée de l’aider plutôt qu’à son employeur. C’est assez logique. Les mécanismes de l’oppression sont connus et intériorisés : peur de ne pas être crue, peur des répercussions sur la carrière, peur que l’affaire soit considérée comme mineure, manque de confiance dans la direction.

De fait, ces référents, à l’instar des assistants sociaux, qui sont de plus en plus intégrés dans les entreprises, doivent servir de relais indépendants à même d’écouter et d’aider les victimes. Il ne s’agit aucunement de revenir sur les obligations des employeurs en matière de sécurité physique et psychique des salariés ou sur les pouvoirs disciplinaires des employeurs.

Il faut par ailleurs savoir raison garder, les référents ne fonctionneront pas en autarcie complète. Ils travailleront de concert avec les employeurs. L’enjeu est ici de définir un relais connu de tous.

Je le dis avec gravité, il ne faut ni surestimer ni sous-estimer cette mesure. Non, le harcèlement au travail ne s’arrêtera pas parce que les entreprises de 250 salariés et plus recruteront des référents. On ne peut se cacher ni derrière les responsabilités du chef d’entreprise et du service des ressources humaines ni derrière un accord de branche, sachant que plus d’un tiers des salariées ont déjà subi un harcèlement sexuel sur leur lieu de travail, espace de vie central au quotidien. J’ajoute que la destruction à petit feu de l’inspection et de la médecine du travail, réforme après réforme, réduit encore les possibilités d’action de ces structures pour lutter efficacement contre les risques psychosociaux.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons le rétablissement de l’article 62, même si la mesure qu’il prévoit n’est qu’une mesure parmi d’autres pour lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles sur le lieu de travail.

M. le président. L’amendement n° 592, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

« Le référent dispose a minima, sauf dispositions supplétives prévues par accord, des prérogatives suivantes :

« 1° Droit d’alerte ;

« 2° Droit d’assister une éventuelle victime de violences sexuelles ou sexistes au travail dès lors qu’elle est tenue de rencontrer un membre de la direction ou des ressources humaines ;

« 3° Droit d’être informé des étapes et du contenu de la procédure d’enquête diligentée par l’employeur ;

« 4° Droit d’accompagner l’inspecteur du travail en cas d’enquête ou de visite dans l’entreprise ;

« 5° Droit de saisine de l’inspection du travail ou de la médecine du travail ;

« 6° Droit de saisine ou d’inscription d’une question à l’ordre du jour du comité social et économique de l’entreprise. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que vient de défendre Mme Assassi.

La lutte contre le harcèlement sexuel ou sexiste dans l’entreprise, comme celle pour l’égalité salariale, est beaucoup moins consensuelle dans la réalité que l’on pourrait l’imaginer ou le croire. Les stratégies de résistance sont encore développées dans un certain nombre d’entreprises. Il suffit d’ailleurs de consulter le bilan des entreprises du SBF 120 pour voir qu’il existe de grandes disparités dans la manière dont elles assument leurs responsabilités et luttent contre le harcèlement sexuel et sexiste et pour l’égalité salariale. On connaît tous le cas de référents désigné par l’entreprise pour l’affichage, ou privés de moyens…

Cet amendement vise donc à préciser les fonctions et les prérogatives du référent en charge de la lutte contre le harcèlement : droit d’assister une éventuelle victime, droit d’alerte, droit d’être informé des étapes et du contenu de la procédure d’enquête, droit d’accompagner l’inspection du travail, droit de saisine de l’inspection du travail, droit de saisine et inscription d’une question à l’ordre du jour du comité social et économique de l’entreprise.

M. le président. L’amendement n° 405 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

« Le référent mentionné au premier alinéa dispose de la formation, des ressources et des heures de délégation nécessaires à l’accomplissement de ses missions. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à reprendre les dispositions prévues par l’Assemblée nationale et supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. On pourrait presque en conclure, madame la ministre, que je fais le travail du Gouvernement !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Vous avez le droit de soutenir le Gouvernement !

Mme Laurence Rossignol. Le seuil de deux cent cinquante salariés me paraît somme toute insuffisant pour protéger efficacement les salariés.

M. le président. L’amendement n° 591, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :

I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1153-5-1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement tend à adapter la désignation des référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Il est actuellement prévu de ne désigner qu’un référent unique. La réussite de la disposition proposée dans le présent projet de loi dépend donc de sa capacité d’adaptation à la taille de l’entreprise. Tel est l’objet de l’amendement, qui concerne les entreprises de plus de cinquante salariés.

M. le président. L’amendement n° 406, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le I ter dans la rédaction suivante :

ter. – Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l’article L. 2314-1 ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise également à reprendre les dispositions prévues par l’Assemblée nationale et supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. Il a été défendu en partie par Mme Assassi voilà quelques instants.

Il est ici proposé de créer, au sein de la délégation du personnel au comité social et économique, le CSE, un référent, désigné par ses membres. Il nous paraît important qu’il y ait deux référents dans l’entreprise, l’un, désigné par l’employeur, l’autre, par le CSE.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Cette notion de référent a, il est vrai, été introduite par l’Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur. Peut-être même a-t-elle été soufflée par le Gouvernement, mais je laisserai à Mme la ministre le soin de s’exprimer sur ce point.

L’une de nos collègues, soutenue, d’ailleurs, par plusieurs autres, a fait le choix de proposer en commission un amendement de suppression de ce dispositif, expliquant notamment que les référents dans les entreprises étaient déjà suffisamment nombreux, comme j’ai pu moi-même le constater en allant sur internet. On compte ainsi un référent handicap, un référent lanceur d’alerte, un référent santé et sécurité au travail, un référent énergie, un référent numérique. Je pourrais continuer de dérouler cette liste à loisir, étant bien entendu que le champ d’action de chacun d’entre eux a une portée différente.

Il faut considérer comme une chance le fait de voir, bientôt, un comité social et économique être mis en place dans toutes les entreprises. Ce CSE a un certain nombre de prérogatives : analyser les risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs ; contribuer à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et à résoudre les problèmes éventuels ; susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer des actions de prévention du harcèlement moral, sexuel et des agissements sexistes, le refus de l’employeur devant être motivé.

En la matière, soit on maintient ce comité social et économique, en lui conservant l’ensemble des prérogatives qui lui ont été attribuées, soit on décide de le « saucissonner » en autant de référents, au risque, à mon sens, de le vider de sa substance.

Madame Assassi, puisque vous avez évoqué le sujet, pensez-vous que les salariés des entreprises employant plus ou moins cent cinquante personnes savent qui est leur référent et à quel niveau il agit ? Ce n’est en tout cas pas l’expérience que j’ai moi-même de l’entreprise. En règle générale, un salarié connaît un ou deux délégués du personnel, dont les compétences seront désormais reconnues dans le cadre du CSE. Il les connaît soit parce qu’ils occupent un poste géographiquement proche du sien, soit parce qu’il a des affinités particulières avec eux. Mais il ne leur attribue pas forcément une délégation précise.

C’est donc plutôt aux délégués qu’ils connaissent que les salariés s’adressent d’abord, quitte, effectivement, à ce que les délégués les renvoient après aux personnes ayant des compétences plus spécifiques au sein du CSE. Le fait de saucissonner les compétences et d’attribuer telle ou telle tâche à chacune des composantes du CSE revient à vider ce dernier de sa substance, telle que le législateur l’a voulue.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 504. Nous avons mené, depuis plusieurs mois, une concertation avec les partenaires sociaux en matière d’égalité professionnelle des femmes et des hommes, s’agissant, d’une part, de l’égalité salariale et de carrière et, d’autre part, de la prévention du harcèlement sexiste et sexuel au travail.

Nous avons tous été surpris, mais nous en avons pris acte, de l’ampleur du phénomène du harcèlement sexuel et sexiste au travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé, dans les petites entreprises comme dans les grandes. C’est un phénomène de société, dont nous ne pensions pas qu’il était aussi développé non seulement dans le monde, mais aussi en France.

Les partenaires sociaux ont prôné deux concertations séparées. Les femmes subissent déjà une discrimination de salaire à l’embauche, puis, au long de la carrière, sans compter le poids de la maternité qu’on leur fait porter. Si, en plus, elles ont la peur au ventre quand elles vont au travail, comment voulez-vous qu’elles se projettent dans l’avenir professionnel ?

On ne peut pas, d’un côté, vouloir l’égalité professionnelle des salaires et des carrières, et, de l’autre, ne pas prendre en compte un tel phénomène.

Force est de constater également que les victimes de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes sont souvent insuffisamment accompagnées. Souvent, elles n’osent pas témoigner, victimes du syndrome habituel de la victime qui se croit coupable ou, en tout cas, humiliée et qui a honte.

Il convient donc de prévoir une personne de confiance, car ce n’est pas à une institution qu’elles vont se confier. Voilà pourquoi les partenaires sociaux ont souligné la nécessité, que l’Assemblée nationale a reprise, avec l’accord du Gouvernement, de pouvoir multiplier les points de contact. Il faut un référent du côté des ressources humaines ; c’est l’objet de cet amendement. Il en faut un autre du côté du CSE. Il en faut un troisième du côté de la médecine du travail.

Ces trois référents, ces trois points de contact, seront formés, notamment à l’accueil des personnes. Actuellement, dans nombre de situations, face à une personne qui ose parler, c’est un peu le vide sidéral, parce qu’on ne sait ni quoi faire ni comment. D’où l’importance de ces référents, qui ne seront pas des emplois à temps plein. Pour le dire autrement, avoir un point de contact dans les RH, au sein du CSE et à la médecine du travail, ce n’est pas du luxe ! Si au moins l’une de ces pistes fonctionne, permet d’instaurer une relation de confiance, grâce à une formation efficace, et d’adopter les bonnes attitudes, nous aurons fait grandement œuvre de progrès.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter en faveur de l’amendement n° 504.

En ce qui concerne l’amendement n° 592, j’y suis également favorable sur le principe, pour les raisons que je viens d’expliquer. En revanche, il n’est pas nécessaire de préciser les prérogatives dont le référent dispose en matière d’alerte, de saisine de l’inspection ou encore d’assistance aux victimes, puisque celles-ci sont déjà celles d’un délégué du CSE. Je suis donc favorable à cet amendement, sous réserve de ne retenir que le texte voté par l’Assemblée nationale, c’est-à-dire sa première partie.

Du coup, je suggère le retrait de l’amendement n° 405 rectifié, au profit de l’amendement n° 504. Il n’est pas non plus nécessaire de préciser que l’entreprise a des responsabilités, car c’est déjà inscrit dans la loi. L’entreprise a évidemment l’obligation de préserver l’ensemble de ses salariés et est responsable des actes de harcèlement contre lesquels elle n’aurait pas mis suffisamment de moyens en œuvre. De plus, préciser qu’il faut prévoir des ressources et des heures de délégation est induit par l’idée même de référent et me paraît donc superfétatoire.

J’émets aussi un avis favorable sur l’amendement n° 591. Néanmoins, les entreprises de cinquante salariés sont rarement dotées d’un service de ressources humaines. Après en avoir débattu, nous avons convenu, avec les partenaires sociaux, de fixer le seuil à deux cent cinquante salariés. Je souhaiterais que l’amendement puisse être rectifié en ce sens.