M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour répondre à M. le secrétaire d’État.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, il est vrai que, depuis longtemps, on applique en la matière une politique d’économies. Toutefois, alors que vous avez opéré 33 millions d’euros de coupes budgétaires, j’avais, de mon côté, étoffé l’enveloppe des bourses de 30 millions d’euros sur trois ans. Je souhaitais simplement apporter cette précision.

Je vous ai donné l’occasion de clarifier vos intentions réelles, de nous dire ce que vous souhaitiez véritablement faire de l’AEFE, mais vous ne l’avez pas saisie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. Travaillons ensemble !

Mme Hélène Conway-Mouret. Vous nous dites qu’un travail est en cours. Mais, généralement, quand on annonce une réforme,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire dÉtat. On ne commence pas par en donner le résultat !

Mme Hélène Conway-Mouret. … c’est pour transformer un système qui ne donne pas satisfaction. Or j’ignore encore quels sont exactement vos objectifs : je m’attendais à ce que vous les définissiez aujourd’hui.

Sans vous contredire, je tiens à vous fournir quelques indications au sujet de ces coupes budgétaires, qui sévissent sur les cinq continents.

Au lycée Chateaubriand de Rome, un poste a été supprimé l’année dernière et un second risque de l’être à la rentrée prochaine. Au lycée de Toronto, trois postes de résident viennent d’être supprimés. Au lycée de Tokyo, les professeurs ont été contraints d’accepter de fortes baisses de salaire au risque d’être licenciés. Au lycée André-Malraux de Rabat, un projet d’agrandissement des locaux pourrait être suspendu faute de moyens. Au lycée de Caracas, la hausse des frais de scolarité, combinée aux effets de l’hyperinflation, contraint les familles à verser près de 3 000 euros par an, outre les frais habituels, pour que leurs enfants puissent poursuivre leur scolarité. Et je ne parle pas du lycée international de Los Angeles !

Je suis sollicitée, non seulement par les parents d’élèves, mais par les professeurs, qui sont inquiets. Soyez-en conscient : les coupes budgétaires décidées par le Gouvernement ont des conséquences très négatives, qui, bien au-delà des lycées, affectent toute la communauté française à l’étranger.

Dans les années quatre-vingt-dix, François Mitterrand a créé cette communauté française, qu’il voulait forte et influente. Bien sûr, il faut faire des économies. Mais, aujourd’hui, on a l’impression qu’elle ne bénéficie plus d’aucun effort ; que l’État n’a plus réellement la volonté de soutenir la francophonie. Nous sommes victimes de décisions comptables, et il est temps que vous clarifiiez vos intentions.

nouvelles modalités d’indemnisation des dommages causés par le loup

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, auteur de la question n° 308, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, le plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, publié le 19 février dernier, apporte des modifications importantes aux modalités d’indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques. L’action 3.1 de ce plan conditionne en effet l’indemnisation des éleveurs dont le troupeau a subi une attaque de loup à la mise en place préalable de mesures de protection.

Cette disposition est très mal acceptée par une profession confrontée à une pression de prédation de moins en moins soutenable, notamment dans mon département, la Drôme. Elle est interprétée comme un manque total de considération pour les éleveurs, dont le Gouvernement semble suspecter qu’ils ne protégeraient pas suffisamment leur troupeau face à la menace du loup.

Or, madame la ministre, vous savez que la réalité est tout autre. Tout d’abord, plus de 90 % des attaques de loup visent des troupeaux protégés. Ensuite, certains territoires pastoraux ne sont pas protégeables, ce que le préfet coordonnateur du plan Loup semble avoir acté. Enfin, de nombreuses attaques se déroulent hors des cercles 1 et 2, c’est-à-dire dans des communes où le loup est présent pour la première fois.

En outre, les éleveurs s’interrogent sur l’application et la mise en œuvre de cette indemnisation conditionnelle. Peu claire, la rédaction du plan Loup fait craindre un traitement différent selon les territoires pour des éleveurs pourtant confrontés à une même calamité.

Ainsi, on lit à la page 54 de ce plan que l’indemnisation sera conditionnée à la mise en place des mesures de protection « de manière progressive et adaptée à la situation des élevages, en fonction des territoires – ancienneté de la colonisation, intensité et fréquence des attaques ». À la page suivante, il est précisé que « la nécessité de mise en place de mesures de protection ne pourrait s’appliquer qu’au-delà d’un certain nombre d’attaques par an sur le même troupeau et qu’à partir d’un certain nombre d’années de présence régulière ».

Vous conviendrez, madame la ministre, que nous sommes dans le flou le plus absolu, d’autant que les services de l’État dans les départements ne savent ni quand ni comment pourront être effectués des contrôles, ni surtout par qui – directions départementales des territoires, Office national de la chasse et de la faune sauvage, Agence de services et de paiement ? –, alors que les effectifs des différentes administrations déconcentrées se réduisent de plus en plus.

Dans ces conditions, madame la ministre, pouvez-vous me préciser la manière dont ces nouvelles modalités d’indemnisation des dommages causés par le loup sur les troupeaux domestiques vont réellement s’appliquer pour les éleveurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser mon collègue Stéphane Travert, actuellement à Matignon.

Votre question porte sur la mise en place des nouvelles modalités d’indemnisation des éleveurs confrontés à la prédation par le loup sur les troupeaux domestiques.

Pour commencer, je tiens à rappeler que l’indemnisation des dommages aux troupeaux causés par le loup est une démarche volontaire de l’État, pilotée par le ministère de la transition écologique et solidaire, qui en assure le financement.

Le nouveau plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage prévoit en effet de conditionner l’indemnisation à la mise en place préalable de mesures de protection. Cette disposition résulte de l’application des lignes directrices agricoles européennes. Le nouveau régime d’indemnisation est en cours de notification à la Commission européenne, qui a déjà reçu les propositions d’autres États membres, notamment la Finlande et l’Allemagne.

La conditionnalité de l’indemnisation ne doit pas être comprise comme révélatrice d’un manque de considération envers la profession agricole. Il s’agit d’une mesure obligatoire visant à assurer la sécurisation juridique et financière du dispositif d’appui à l’élevage.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est bien conscient des contraintes que cette mesure peut entraîner pour les éleveurs. C’est pourquoi nous sommes mobilisés pour assurer une mise en œuvre de ce régime proportionnée, juste et adaptée aux spécificités de certains territoires.

Ainsi, sous réserve d’un avis favorable de la Commission européenne, le régime ne s’appliquera pas sur certains fronts de colonisation, dans les zones pour lesquelles, sur décision du préfet, il aura été reconnu que la mise en place de mesures de protection représente des difficultés importantes, du fait notamment des modes de conduite des troupeaux.

La mise en œuvre des nouvelles modalités d’indemnisation dépendra aussi de l’historique de la présence du loup dans les territoires. Nous sommes pragmatiques : nous n’allons pas demander à des éleveurs de se protéger si les risques ne sont pas réels.

Les services de l’État pilotent actuellement un groupe de travail visant à définir les critères à retenir pour qualifier ces zones. Les représentants de la profession y sont intégrés, ce qui était important.

Par ailleurs, je signale que ce nouveau régime d’aide intègre une revalorisation des barèmes d’indemnisation destinée à mieux prendre en compte le coût des pertes subies par les éleveurs.

Madame la sénatrice, le Gouvernement est donc pleinement mobilisé pour agir en faveur de la sauvegarde du pastoralisme, dont le maintien est déterminant pour le développement économique, social et écologique de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, je vous remercie de m’avoir répondu au nom de votre collègue chargé de l’agriculture, alors que le loup n’est pas le prédateur majeur dans les territoires d’outre-mer… (Sourires.) Je n’en regrette pas moins vivement l’absence de M. Travert, qui n’a déjà pas respecté l’engagement qu’il avait pris auprès de moi de venir rencontrer les éleveurs drômois au cours du premier semestre de 2018.

Je puis comprendre qu’une partie d’entre eux aient l’impression qu’eux-mêmes et le pastoralisme sont quelque peu laissés pour compte. J’ai bien noté que les nouvelles modalités d’indemnisation sont en cours d’élaboration et qu’elles seront adaptées au cas par cas, mais il reste que le plan Loup 2018-2023 les conforte dans cette impression, notamment en ce qui concerne les indemnisations.

Ce plan multiplie en effet les cas particuliers, selon le type d’élevage, le territoire, la présence régulière ou non du loup, la fréquence des attaques, les protections… Loin de rassurer les éleveurs, cette diversité de cas sera source d’incertitudes. Puisqu’une négociation est en cours, je vous prie, madame la ministre, de transmettre ces messages à qui de droit.

Par ailleurs, je répète qu’il y a un manque de lisibilité sur les éventuels contrôles. Les services de l’État ont-ils les capacités techniques de les réaliser ?

Les éleveurs craignent que, derrière une volonté d’adapter plus finement la réglementation aux différents cas d’espèce, la réforme n’aboutisse en définitive à une réduction des indemnisations et à un allongement supplémentaire des délais de versement, déjà extrêmement longs.

Madame la ministre, n’oublions jamais que les territoires concernés par le pastoralisme, donc les plus sensibles aux attaques des loups, ne vivent généralement que de deux activités : l’agriculture à dominante d’élevage et le tourisme. Si les éleveurs finissent par renoncer – certains ont déjà abandonné –, ces territoires se videront, y compris du tourisme, qui ne pourra plus exister sans la présence des locaux pour entretenir les infrastructures et les paysages !

sargasses

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, auteur de la question n° 323, adressée à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, j’ai souhaité vous alerter, voilà déjà quelques mois, sur les difficultés rencontrées par les élus locaux des Antilles et de la Guyane pour faire face au phénomène récurrent que constitue l’invasion répétée et massive des algues sargasses sur une partie de notre littoral depuis le mois de février dernier.

Pour autant, force est de constater que, en dépit de la venue, certes tardive, de M. le ministre d’État Nicolas Hulot, en votre compagnie, en Guadeloupe et Martinique les 10 et 11 juin dernier, la situation reste préoccupante.

Les inquiétudes légitimes de la population, des élus et des acteurs socioéconomiques face aux problèmes sanitaires sont grandissantes. Ces inquiétudes demeurent malgré les annonces faites et les mesures prises pour faire face à ce phénomène naturel, notamment en termes d’assurances. L’incidence sur la santé des riverains et sur l’environnement, ainsi que sur l’activité économique et touristique, reste problématique, au vu de l’ampleur du désastre dans certaines zones. Des collectifs se sont également organisés.

Madame la ministre, quelles mesures pérennes et opérationnelles le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accompagner la recherche et l’innovation en vue de récupérer et de valoriser ces algues brunes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Comme vous le savez, madame Jasmin, l’État est fortement mobilisé sur la question des sargasses. Dès le mois d’avril dernier, j’ai organisé une réunion avec l’ensemble des parlementaires des territoires touchés, pour annoncer un fonds d’urgence de 3 millions d’euros.

Un plan national « sargasses » a été mis en place, ainsi que des plans locaux, pour améliorer la coordination et la réactivité. Notre objectif est de ramasser les algues en quarante-huit heures, pour éviter d’ajouter à une crise écologique et économique une crise sanitaire.

Malheureusement, les échouages continuent depuis plusieurs mois et même s’intensifient. La situation dans les Caraïbes est aujourd’hui inédite.

Mon collègue Nicolas Hulot, ministre de la transition énergétique et solidaire, et moi-même nous sommes rendus sur place en juin dernier pour annoncer des mesures complémentaires, d’ampleur plus importante que les premières mesures annoncées. Une nouvelle enveloppe de 3 millions d’euros a ainsi été débloquée pour faire face à l’urgence du ramassage, ainsi qu’une enveloppe de 5 millions d’euros d’investissements pour équiper les collectivités territoriales en matériel de ramassage.

À cela s’ajoute un réseau de suivi par satellite, le renforcement du suivi sanitaire, avec l’installation de nouveaux capteurs, la mobilisation d’un certain nombre de ressources humaines et une nouvelle ambition dans la coopération régionale. À cet égard, une mission vient d’être confiée par le Premier ministre à votre collègue Dominique Théophile pour analyser les stratégies de prévention et de lutte contre les sargasses suivies dans les États voisins.

Vous le voyez, madame la sénatrice, l’engagement de l’État est réel, dans tous les domaines, au côté des collectivités territoriales. En effet, personne ne pourra répondre seul à ce qui touche aujourd’hui les Caraïbes ! Vous m’avez interrogée plus particulièrement sur deux points.

S’agissant tout d’abord des conséquences économiques des échouages et des assurances, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer que, si les échouages massifs sont une catastrophe et que la cause en semble bien naturelle, l’outil CAT-NAT n’est pas adapté. C’est pourquoi nous avons préféré travailler sur l’urgence du ramassage.

L’outil CAT-NAT n’est pas adapté, parce qu’il ne couvre pas les pertes d’exploitation pour les professionnels. Pour y faire face, nous avons mobilisé l’ensemble des outils d’accompagnement des entreprises, notamment en cas de catastrophe naturelle : moratoire sur les charges fiscales et sociales, suspension des procédures de recouvrement, délais de paiement pour le régime social des indépendants, dispositif de chômage partiel. Toutes ces mesures sont mises en œuvre par les préfets.

Pour ce qui est ensuite de la recherche, l’État, qui organise la recherche publique, est pleinement investi sur ces questions. Il est important de connaître le phénomène et ses origines, mais, soyons clairs, cela ne le ralentira pas.

C’est pourquoi nous mettons l’accent sur la recherche en matière de techniques innovantes de ramassage et de valorisation. Un appel à projets de l’ADEME va être lancé en ce sens dans les prochains jours, pour un million d’euros. Des filières bioplastiques ou de compostage semblent pouvoir offrir des solutions de valorisation.

Ainsi, madame la sénatrice, nous essayons de faire face sur tous les plans au problème des sargasses qui touche aujourd’hui la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et, quelquefois, la Guyane.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je reconnais que des moyens importants sont mobilisés et de nombreux efforts entrepris.

Il s’agit maintenant de mieux connaître ces algues et leur composition : on pourra ainsi déterminer si elles contiennent des substances susceptibles d’être toxiques et trouver les moyens de mieux les valoriser, pour la fabrication de plastiques, mais aussi peut-être d’engrais.

Malgré les moyens mis en œuvre, la situation reste catastrophique au niveau sanitaire. Les recherches doivent donc absolument être poursuivies.

dédoublement de certaines classes de l’école primaire

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, auteur de la question n° 217, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, ma question porte sur les conséquences de la mise en place du dédoublement des classes de cours préparatoire et de cours élémentaire de premier niveau, au détriment, malheureusement, d’autres classes de l’école primaire. De fait, ces dédoublements se font bien souvent aux dépens d’autres classes, notamment de l’école maternelle.

Le débat budgétaire pour 2018 a mis en évidence l’écart entre, d’une part, l’annonce ambitieuse du dédoublement des classes de CP en réseaux d’éducation prioritaire REP et REP+ et CE1 en REP+, et, d’autre part, la faible progression des moyens alloués à l’école dans le budget 2018. En effet, les dépenses de personnel des écoles élémentaires et maternelles n’augmenteront que de 2 % entre le budget 2017 et le budget 2018, passant de 15,7 milliards d’euros à 16 milliards d’euros.

Selon les fédérations de parents d’élève et les syndicats d’enseignants de mon département, le Val-de-Marne, la carte scolaire présentée tend à confirmer que la mise en place du dédoublement des classes CP en REP et REP+ et CE1 en REP+ se fait au détriment de l’école maternelle. Ainsi, dans ce département, quarante classes de maternelle au moins seront fermées, avec une forte baisse des places consacrées aux entrées en maternelle des enfants de deux ans.

Par ailleurs, la fusion des deux zones de remplacements, avec la suppression des zones de proximité pour les courtes durées, va rendre plus difficiles les déplacements des remplaçants. Il est donc à craindre que les remplacements de courte durée soient moins fréquents et que soient plus nombreuses les situations de répartition des élèves dans d’autres classes, pourtant déjà chargées.

Monsieur le ministre, envisagez-vous d’augmenter les dépenses de personnel des écoles élémentaires et maternelles, sinon en 2018 – il est peut-être trop tard ! –, du moins en 2019, afin que le dispositif de dédoublement ne soit pas mis en œuvre au détriment des moyens alloués aux autres classes et écoles de la République ?

Quelle est l’estimation du coût supplémentaire lié au dédoublement pour 2018 ? Et pour 2019 ? Pour 2019, quelle est l’estimation des dépenses de personnel supplémentaires permettant de généraliser le dédoublement des classes de CE1 sans baisse correspondante des moyens destinés aux autres classes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Madame Taillé-Polian, ce n’est certes pas la première fois que je réponds à cette question… Récemment encore, devant la commission de la Haute Assemblée chargée de l’éducation, j’ai expliqué, pour la énième fois, combien l’argumentaire que vous venez de réemployer est faux.

Vous dénoncez la faible progression des moyens consacrés à l’école dans le budget 2018. Pourtant, alors qu’il y aura l’année prochaine 32 657 élèves de moins dans le premier degré, nous créons 3 881 emplois de professeur des écoles. Ce n’est pas là une opinion : ce sont des faits, que je répète depuis au moins six mois, chaque fois que l’on essaie de faire croire que le dédoublement des classes de CP et CE1 se fera au détriment de quoi que ce soit d’autre.

Il faut cesser de répéter en boucle des idées fausses, pour dénigrer une mesure dont, par ailleurs, tout le monde voit qu’elle a des effets importants ! Examinons simplement les chiffres. Pour prendre le cas du Val-de-Marne, département qui vous intéresse tout particulièrement, quelque 176 emplois de professeurs des écoles ont été créés, alors que l’effectif d’enfants dans ce département reste stable – il augmentera de cinquante-sept élèves. Avoir 176 emplois créés pour 57 élèves en plus, c’est inédit ! Le ratio départemental du nombre de professeurs pour 100 élèves, qui était de 5,18 à la rentrée 2017, sera de 5,30 à la rentrée prochaine, ce qui est un record historique pour le Val-de-Marne.

Dans ce département comme dans tous les autres, il y aura l’année prochaine plus de professeurs par élève dans le premier degré. Les dédoublements ne se font pas au détriment de quoi que ce soit.

Pour combattre la difficulté scolaire, nous avons pris une mesure qui est en train de porter ses fruits. Je trouve dommage que l’on essaie de la relativiser en créant une polémique qui n’a pas lieu d’être.

En ce qui concerne la préscolarisation, nous sommes bien d’accord : il s’agit d’un moyen efficace de lutte contre les déterminismes sociaux. C’est pourquoi j’ai appelé l’attention des recteurs d’académie sur la mobilisation interministérielle en faveur de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Je leur ai demandé, en particulier en REP+, de se rapprocher des services départementaux en charge de la politique sociale et familiale, soit les services de protection maternelle et infantile et les caisses d’allocations familiales, ainsi que des maires des communes concernées, avec l’appui des comités départementaux des services aux familles, afin de convenir des actions à mener à destination des familles, pour les inciter à inscrire leurs enfants à l’école dès l’âge de deux ans chaque fois que cela semble pertinent d’un point de vue éducatif.

Votre département est concerné par cette mobilisation. Ainsi, les quarante-six pôles accueillant près de 900 élèves en 2017-2018 dans des écoles situées en réseau d’éducation prioritaire et en quartiers prioritaires de la politique de la ville sont maintenus pour la prochaine rentrée. Comme les années précédentes, des élèves de deux ans seront également scolarisés dans les écoles maternelles REP et REP+ dans des classes mixtes, dans la limite des places disponibles.

S’agissant du remplacement, son organisation va évoluer dans un sens positif. La moitié des personnels enseignants affectés à des fonctions de remplacement verront leurs conditions de travail s’améliorer, puisque leur périmètre d’intervention sera réduit à un cinquième du département. Une série de mesures sont prises pour améliorer le remplacement, et aucune économie n’est réalisée sur les moyens de celui-ci, ni dans le Val-de-Marne ni dans aucun département.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour répondre à M. le ministre.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, si ce n’est pas la première fois que vous avez à répondre à cette question, c’est peut-être que ce que nous constatons sur le terrain ne correspond pas aux moyennes générales que vous indiquez. En effet, quand il y a une moyenne, il y a évidemment aussi des écarts à la moyenne.

Ce que nous constatons sur le terrain, ce sont des fermetures de classe, notamment en maternelle. Ainsi, dans le Val-de-Marne, on déplore une quarantaine de fermetures.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pour combien d’ouvertures ?

Mme Sophie Taillé-Polian. On nous oppose les niveaux de manière bien plus stricte qu’auparavant.

Vous n’avez malheureusement pas répondu à ma question sur 2019. Or la question se reposera à la rentrée 2019, puisqu’il y aura à nouveau dédoublement des CE1.

Je regrette que, tout en prônant l’obligation de l’école maternelle, vous affaiblissiez cette école dans nos zones.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est faux !

Mme Sophie Taillé-Polian. Comment bien apprendre en CP et en CE1, même dans des classes dédoublées, si les conditions d’étude sont moins favorables en maternelle, où l’on apprend avant tout à être élève ? Avec plus d’élèves par enseignant, il est évidemment plus difficile de l’apprendre aux plus petits.

Monsieur le ministre, vous vous élevez contre les déterminismes. Le Président de la République lui-même a affirmé devant le Congrès qu’il fallait se battre prioritairement contre les déterminismes de la naissance. Or c’est bien la maternelle qui permet le plus de les combattre !

La communauté éducative reste inquiète pour la rentrée 2018 et, bien plus encore, pour la rentrée 2019, lors de laquelle de nouvelles classes seront dédoublées. Si cela doit se passer en 2019 comme en 2018, il y a de quoi être inquiet ! (M. le ministre sexclame.) Nous serons donc très attentifs lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019.

éducation à la propriété intellectuelle

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 223, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ma question porte sur le rapport de nos jeunes, en particulier de nos jeunes scolarisés, à la propriété intellectuelle. Celle-ci est l’un des moyens de protéger la création, l’innovation, l’inventivité, sous la forme de brevets ou de marques dans le secteur commercial. Elle protège aussi la création artistique ou littéraire sous toutes ses formes.

La France est dans ce domaine particulièrement active et avancée : pour les brevets, nous sommes, je crois, le quatrième pays au monde, et en matière de création artistique je crois que nous ne nous portons pas si mal.

Or une récente étude de l’Office de l’Union européenne pour la propriété industrielle dresse un constat inquiétant : les jeunes de quinze à vingt-quatre ans en France sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage. Ainsi, 15 % d’entre eux reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant, tandis que 27 % admettent avoir sciemment accédé à des contenus provenant de sources en ligne illégales. Ils sont même 41 % à trouver l’achat de contrefaçons admissible si le prix de l’original est trop élevé. On voit bien quel est le raisonnement suivi et quel est l’état d’esprit dans cette classe d’âge.

Plus grave encore, une partie de ces jeunes considère que la propriété intellectuelle freine l’innovation – c’est une théorie qui circule, pas seulement chez les jeunes – et serait donc plutôt favorable à sa suppression.

Ces résultats font apparaître la nécessité impérieuse de leur inculquer la compréhension et le respect des droits des innovateurs. Plusieurs initiatives ont déjà été prises par les secteurs public et privé pour renforcer l’éducation dans ce domaine. En particulier, des campagnes de communication et de sensibilisation ont été menées par l’Union des fabricants, et l’Institut national de la protection industrielle propose des programmes de formation destinés aux professeurs.

Je pense que l’on peut aller plus loin. Ainsi, il faudrait envisager de dispenser dans les classes du régime général, peut-être à partir de la sixième, un enseignement de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle, dans le cadre des cours d’économie ou des cours d’instruction civique.