M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale. Monsieur Yung, le respect du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est une question extrêmement importante pour le système scolaire. Comme vous l’avez expliqué, on peut considérer qu’elle fait pleinement partie, en particulier, de l’éducation morale et civique ; elle en est en tout cas une conséquence naturelle.

La propriété intellectuelle relève de plusieurs champs disciplinaires. C’est pourquoi on la trouve à plusieurs moments et dans plusieurs domaines de la vie de l’école. La défense du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est essentielle pour notre pays, puisqu’elle garantit l’innovation et la qualité de la création.

À l’école, une action pédagogique régulière, que nous avons renforcée, est menée auprès des jeunes pour les sensibiliser et les former aux conditions d’accès aux œuvres et, plus généralement, à la notion de propriété intellectuelle.

Tout au long de la scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture offre une approche de la propriété intellectuelle, à travers l’objectif de maîtrise des outils numériques pour échanger et communiquer. De fait, la question de la propriété intellectuelle se pose beaucoup dans le champ numérique. L’élève doit savoir réutiliser des productions collaboratives pour enrichir ses propres réalisations, dans le respect des règles du droit d’auteur ; cela inclut l’éducation face au plagiat, qui concerne aussi les droits de création.

Les programmes scolaires comportent également une approche de ce sujet au collège, où la question de la propriété intellectuelle apparaît dans le programme de technologie au cycle 4, c’est-à-dire en classes de cinquième, quatrième et troisième. Il s’agit d’étudier les règles d’un usage raisonné des objets communicants respectant la propriété intellectuelle et l’intégrité d’autrui.

Cette thématique apparaît aussi dans le cadre de l’éducation aux médias et à l’information. Cette éducation constitue un vecteur privilégié pour problématiser la question, au travers de l’enjeu de l’accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion.

Au lycée, la notion de propriété intellectuelle est abordée dans de nombreux enseignements et sous différents angles.

Tout d’abord, dans le cadre de différents enseignements d’exploration, comme l’informatique, la création et l’innovation technologiques, ou encore les principes fondamentaux de l’économie et de la gestion, à travers le droit à la protection des données, le droit de propriété sur les informations présentes sur internet, les brevets et les droits d’auteur et le champ des droits et des licences.

Ensuite, en cycle terminal des lycées généraux, en sciences économiques et sociales, dans le cadre de l’enseignement d’informatique et de création numérique, mais aussi de l’enseignement particulièrement important intitulé « Droit et grands enjeux du monde contemporain » : le droit de propriété y est étudié en tant que tel, y compris les droits d’auteur, les brevets et les marques, de même que les droits et licences et l’existence de lois régissant la détention et la circulation des données numériques.

Dans la voie technologique, cette question est présente dans plusieurs séries. Par exemple, le droit de la propriété industrielle et la marque commerciale sont traités dans le cadre de l’enseignement d’économie.

Enfin, l’enseignement moral et civique permet d’aborder la notion de propriété intellectuelle en classe de première, dans la thématique « Les enjeux moraux et civiques de la société de l’information ».

Le Conseil supérieur des programmes est en train de réviser les programmes du lycée. J’ai précisé dans la lettre de saisine sur ces programmes qu’ils « contribueront à la formation intellectuelle et civique des jeunes générations ». Les notions liées à la propriété intellectuelle y seront donc nécessairement présentes, que ce soit dans le programme d’enseignement moral et civique ou dans plusieurs autres programmes, en particulier dans le cadre de l’accent qui sera mis, à ma demande, sur les enjeux juridiques.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour répondre à M. le ministre.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse et vous en remercie.

Les chiffres dont j’ai fait état montrent qu’il y a encore des efforts à faire. Des pays comme le Japon ou l’Allemagne assurent un enseignement très complet de propriété industrielle ; des concours permettent de sensibiliser les enfants, même tout petits, dès quatre ou cinq ans, à ces enjeux. Il faut bien expliquer à nos jeunes que le plagiat, la copie et la contrefaçon non seulement nuisent à l’économie et à l’emploi, mais sont dangereux pour eux et leur famille !

état des négociations dans le cadre du traité avec le mercosur

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 350, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et qui a beaucoup mobilisé en ce début d’année, notamment au moment du Salon de l’agriculture : le traité en cours de négociation entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine rassemblés au sein du marché commun du Sud, le MERCOSUR, permettant de renforcer leurs relations commerciales.

Ce projet de traité consiste à faciliter l’exportation de produits agricoles, notamment le bœuf, du MERCOSUR vers l’Union européenne. En retour, le MERCOSUR doit ouvrir le marché sud-américain aux voitures, aux produits pharmaceutiques, aux produits laitiers et aux vins européens et autoriser des sociétés de l’Union à répondre aux appels d’offres publics.

Si ces derniers éléments sont plutôt positifs, nous sommes toutefois préoccupés par la compétitivité de la production de viande bovine française. En effet, 70 000 tonnes de bœuf supplémentaires a minima pourraient entrer sur le marché en plus des 240 000 tonnes que l’Union européenne importe déjà du MERCOSUR et des 60 000 tonnes prévues dans le cadre de l’accord économique et commercial global, dit « CETA », conclu entre l’Union européenne et le Canada.

Cela représenterait la moitié de la production de viande de bœuf en Europe et aurait comme conséquence de faire perdre à la France entre 20 000 et 25 000 élevages selon les organisations professionnelles.

Nous craignons en outre l’entrée sur le marché européen de denrées produites dans des conditions moins contraignantes, des viandes d’animaux nourris aux farines animales, aux OGM ou encore traités aux hormones, entraînant des prix plus bas et un potentiel risque sanitaire.

L’Union européenne a récemment interdit l’importation des produits de vingt entreprises brésiliennes impliquées dans une vaste fraude sanitaire. Elles sont soupçonnées d’avoir falsifié la qualité des viandes vendues au Brésil et à l’export. Cela traduit également l’efficacité de nos contrôles.

Alors que nous venons de terminer l’examen en première lecture du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit « ÉGALIM », vous comprendrez que ces négociations inquiètent particulièrement les éleveurs et la représentation nationale. Elles vont à l’encontre des objectifs que nous avons pu défendre dans la loi : une agriculture locale, respectueuse de l’environnement et des circuits courts de consommation et le renforcement de notre indépendance alimentaire.

La défense de notre modèle agricole et la protection des Français doivent être une priorité. C’est pourquoi je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et avoir des précisions sur l’état exact des négociations et les garanties sanitaires concernant les produits visés par ce projet de traité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Mandelli, Stéphane Travert étant retenu, il m’a demandé de répondre à la question que vous posez.

Les négociations de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le MERCOSUR emportent des enjeux importants pour certaines filières agricoles françaises, notamment la filière bovine, pour les questions de compétitivité que vous avez évoquées.

Pleinement conscient de ces enjeux et en cohérence avec les objectifs des États généraux de l’alimentation, le Gouvernement s’engage pour assurer la défense des intérêts français et garantir la préservation du dynamisme économique de nos territoires.

La France, avec le soutien d’autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et le MERCOSUR est tributaire de l’équilibre entre l’ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier la filière bœuf, l’éthanol, le sucre ou encore les volailles.

Concernant plus particulièrement la viande bovine, l’Union européenne a proposé à l’automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse. Face à la pression du MERCOSUR pour élever ce quota au-delà de 100 000 tonnes, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s’écarte pas significativement du chiffre de 70 000 tonnes.

En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d’action sur la mise en œuvre de l’accord économique et commercial global, le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s’inscrire dans les limites d’une enveloppe globale permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l’échelle de l’ensemble des négociations en cours ou à venir, notamment avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Mexique.

Le Gouvernement se mobilise également pour l’ajout de mesures qui permettent de garantir des conditions de concurrence équitable entre les producteurs français et ceux des pays du MERCOSUR, notamment la mise en place d’un mécanisme de sauvegarde et de conditions non-tarifaires liées au mode de production.

Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, des audits ont été réalisés au Brésil par les services de la Commission européenne, tant en 2017 qu’en 2018, pour évaluer la fiabilité de la certification des exportations vers l’Union européenne.

Je puis vous assurer que le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que la fiabilité du système sanitaire du MERCOSUR soit garantie, avant même la conclusion de l’accord, et ce, en cohérence avec les conclusions de cet audit.

En tout état de cause, les importations de viande en provenance du MERCOSUR devront se conformer aux normes sanitaires de l’Union européenne et les viandes bovines issues d’animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance non autorisée dans l’Union européenne comme facteur de croissance resteront strictement interdites.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour répondre à M. le secrétaire d’État.

M. Didier Mandelli. Monsieur le secrétaire d’État, je ne puis que partager les objectifs que vous venez d’exposer.

Le marché étant très concurrentiel et nos frontières très ouvertes, je souhaite que nous soyons vigilants, afin de garantir, dans l’esprit de la loi ÉGALIM, des conditions de parfaite concurrence pour nos producteurs et leurs collègues européens et internationaux, sur le plan économique, mais aussi sur le plan sanitaire ; j’ai bien noté que vous avez évoqué ce dernier.

obligations de general electric vis-à-vis de l’état

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 289, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, j’avais adressé cette question au mois de mars dernier, lorsque la presse avait révélé que, dans la nuit du 16 au 17 février 2018, une roue de turbine de 37 tonnes et de 4,6 mètres de diamètre était sortie discrètement de l’usine General Electric Hydro de Grenoble, et cela en toute illégalité et sans que le comité d’entreprise en soit informé.

Ma question datant – aucune réponse ne lui a véritablement été apportée depuis lors –, je vais essayer de l’actualiser.

Monsieur le secrétaire d’État, General Electric devait créer 1 000 emplois sur le territoire français ; je ne suis pas sûr qu’il en ait créé 400. Une amende de 50 000 euros était prévue par emploi non créé, ce qui représente environ 34 millions d’euros. Allez-vous l’appliquer ? Cette sanction ne serait d’ailleurs pas qu’une sanction, car la filière énergie est en difficulté. Elle doit se redéployer dans d’autres systèmes que les turbines à vapeur et a besoin pour cela d’investissements.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous appliquer cette sanction ? Celle-ci est prévue par l’accord, mais si vous ne prenez pas une décision avant octobre 2018, il sera trop tard.

J’en viens à ma seconde question. Plusieurs cabinets de conseil internationaux ont pris position concernant la fusion de Siemens et d’Alstom. Tous font le même constat que le Sénat, dont j’avais été le rapporteur de la mission d’information sur Alstom, à savoir que l’accord est totalement déséquilibré entre Siemens et Alstom, qui s’est fait racheter pour zéro euro par Siemens.

Allez-vous rééquilibrer cet accord ? C’est une nécessité pour les 8 000 salariés des douze sites Alstom et pour les 27 000 salariés qui travaillent pour les sous-traitants d’Alstom en France.

Monsieur le secrétaire d’État, j’attends avec empressement votre réponse à ces deux questions. Sachez que nombre de salariés d’Alstom et de la sous-traitance attendent les réponses du Gouvernement sur des questions aussi décisives que la politique industrielle.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Bourquin, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, étant retenu par le G20 en Argentine, il m’a demandé de vous répondre.

Le Gouvernement est particulièrement vigilant sur le suivi des engagements pris par General Electric au moment de l’acquisition des activités énergie d’Alstom. Ces activités sont confrontées à une conjoncture très défavorable des marchés, alors même que la concurrence internationale, notamment chinoise, s’est fortement développée.

Cela a conduit à une nécessaire consolidation qui affecte aussi bien les activités reprises d’Alstom que leur repreneur lui-même. Le groupe General Electric a lancé au niveau mondial, et indépendamment des activités reprises d’Alstom, une restructuration profonde de l’ensemble de ses activités énergie.

Les engagements pris par General Electric, notamment en matière d’emploi, n’ont pas pour objet d’interdire à l’entreprise de restructurer ses opérations lorsqu’elle l’estime nécessaire. En revanche, ces restructurations doivent être compensées par la création d’emplois nouveaux dans des secteurs jugés prometteurs par l’entreprise. General Electric a ainsi développé en France des activités nouvelles liées au numérique et aux énergies marines renouvelables.

Les engagements pris par General Electric s’étendent jusqu’à la fin de l’année 2018, et, comme vous l’avez rappelé, leur respect devra s’apprécier formellement à cette échéance.

Le ministre de l’économie et des finances a d’ailleurs reçu le président-directeur général du groupe, John Flannery, le 14 juin dernier. Celui-ci a indiqué que le groupe n’atteindrait pas son objectif de création de 1 000 emplois dans un contexte difficile, du fait de l’évolution défavorable de ses marchés historiques dans le secteur de l’énergie. Le ministre de l’économie regrette vivement cette situation et a demandé au P-DG que le groupe prenne toutes les dispositions nécessaires pour s’y conformer au mieux.

Le ministre a également demandé que des perspectives claires soient données pour les années à venir à chacun des sites industriels de General Electric en France, afin d’assurer la pérennité de l’activité et des emplois associés. Une nouvelle rencontre aura lieu à l’automne, pour examiner les propositions de General Electric dans ce cadre.

S’agissant de la restructuration du site de Grenoble, le Gouvernement s’est particulièrement mobilisé pour s’assurer que General Electric propose aux salariés concernés des conditions d’accompagnement à la hauteur des moyens du groupe. Les modalités de mise en œuvre de ce plan ont fait l’objet d’un accord signé entre la direction de General Electric et les organisations syndicales, le 22 mai dernier.

Le Gouvernement considère que le rapprochement est une chance, qui donnera naissance à un leader mondial, apte à se développer sur les marchés internationaux en croissance et à tirer profit de la révolution de la mobilité. Les deux groupes paraissent complémentaires au niveau de leur implantation, aussi bien en France qu’à l’étranger.

Le ministre de l’économie et des finances a d’ailleurs organisé un comité de suivi le 22 mars dernier, avant même le closing de l’opération, dans un souci de dialogue avec les parties prenantes en présence des deux P-DG.

Les accords conclus entre Siemens et l’État français sont à la fois protecteurs pour le site de Belfort et pour le tissu des sous-traitants et fournisseurs locaux. Par ailleurs, des engagements complémentaires ont été pris par Siemens dans le cadre de la procédure d’autorisation des investissements étrangers en France qui vient de se terminer.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour répondre à M. le secrétaire d’État.

M. Martial Bourquin. Ce que vous dites est intéressant, mais pas suffisamment clair, monsieur le secrétaire d’État.

Appliquerez-vous l’amende de 34 millions d’euros au groupe General Electric, pour réinvestir cette somme dans la filière énergie ? Votre réponse n’a pas été limpide… Vous avez évoqué une rencontre à venir, mais cette sanction est nécessaire !

Par ailleurs, allez-vous rééquilibrer l’accord entre Siemens et Alstom ? La Commission européenne a décidé de poursuivre pendant plusieurs mois son enquête sur le projet de fusion d’Alstom et de Siemens, afin de disposer d’éléments approfondis.

Ce sont les intérêts de notre industrie qui sont en jeu. Sur le site de Grenoble que vous avez cité, quelque 345 emplois, sur 800, sont menacés. Vous rendez-vous compte de la purge que cela représente ? Les sites d’Alstom Transport d’Ornans et de Belfort sont eux aussi dans l’attente de ce qui va se passer.

Si la fusion de Siemens et d’Alstom est une bonne chose – nous sommes favorables à la création d’un tel champion européen –, elle devait se faire de façon équitable. Aujourd’hui, le géant allemand Siemens a pris le contrôle d’Alstom pour zéro euro, alors que ce joyau de l’industrie française vient de gagner plusieurs marchés très importants, dont celui du métro de Montréal.

La politique industrielle est un sujet important, qui doit vous mobiliser, monsieur le secrétaire d’État. Des propos généraux ne suffisent pas ; il nous faut des actes.

situation d’air france

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 386, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chargé d’une mission sur l’aménagement aéroportuaire du territoire, je me suis intéressé de près à la situation de la compagnie aérienne Air France- KLM, qui connaît une crise d’une grande ampleur.

Le 4 mai dernier, dans un contexte de conflit social, le P-DG d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, a démissionné, à la suite de l’échec du référendum qu’il avait lui-même engagé. La difficulté est grande pour les actionnaires de trouver un P-DG pour une entreprise complexe, au dialogue social difficile.

Monsieur le secrétaire d’État, j’aborderai trois points.

Tout d’abord, je m’interroge sur l’utilité de la présence de l’État au capital du groupe privatisé Air France-KLM, car les syndicats disposent ainsi d’une arme importante. L’État a-t-il une stratégie de désengagement, et si oui, à quel terme ?

Je voudrais ensuite porter votre attention sur le problème de gouvernance d’Air France. Certes, les médias ne le relaient pas l’information, mais Air France subit actuellement une grève des bagagistes, ainsi qu’une grève de la maintenance. Entre le 15 juin et le 15 juillet dernier, quelque 84 vols ont été annulés pour cause technique et 55 vols pour manque d’équipage.

Le problème de gouvernance et de management ne se situe pas seulement au niveau de la direction. Toute l’entreprise est concernée et souffre d’un manque d’anticipation des formations et des départs en retraite, alors même que le personnel de l’entreprise est vieillissant.

La hausse de 6 % des salaires demandée par l’intersyndicale représente un coût trop élevé pour l’entreprise. Il y a un véritable malaise social chez Air France.

Monsieur le secrétaire d’État, quelle est la vision de l’État actionnaire concernant la gouvernance de cette société ? Le Gouvernement a-t-il un avis ? Ne faut-il pas aller plus loin dans la refonte de la gouvernance ?

J’aborderai enfin le défaut de stratégie globale. Air France va devoir faire face dans les prochaines années à un renouvellement de sa flotte. Beaucoup d’avions ont plus de vingt ans. Il faut investir vite, mais il s’agit d’un investissement de 1,5 à 2 milliards d’euros.

Comment la compagnie va-t-elle financer le renouvellement de sa flotte ? Monsieur le secrétaire d’État, quelle est la stratégie de développement d’Air France ? Si nous prenons l’exemple de Joon, produit hybride dont la visibilité et l’identification sont très difficiles, il est compliqué de comprendre la stratégie mise en place.

Permettez-moi pour terminer de vous poser une question d’actualité. Alors que sont en cours les assises du transport aérien censées donner à la France les moyens de combattre la concurrence déloyale efficacement, la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, vient de faire un cadeau à la compagnie Emirates Airlines, qui va pouvoir augmenter la fréquence de ses vols entre Dubaï et la France. Comment justifiez-vous cette décision ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat auprès du ministre de laction et des comptes publics. Monsieur Pellevat, vous avez posé de nombreuses questions. Je répondrai en vous indiquant quelles sont les priorités du Gouvernement dans la période à venir, mais je précise d’emblée que je ne dispose pas des éléments pour répondre à votre dernière question concernant les décisions récentes de la DGAC – je me les procurerai et vous les transmettrai.

Les résultats du groupe Air France pour 2018 vont malheureusement être lourdement affectés par les grèves du printemps dernier, puisque la compagnie estime que le coût de ces grèves s’élève à au moins 300 millions d’euros. Cette situation est d’autant plus préoccupante que, malgré la hausse du trafic annoncé par la compagnie pour le mois de juin dernier, en augmentation de 3,7 %, ce manque à gagner dégrade sa situation.

Il est donc indispensable que le groupe Air France-KLM déploie une stratégie offensive de développement, l’un des leviers étant la compétitivité par rapport à ses grands concurrents, notamment européens. La priorité est donc que le groupe se dote à nouveau d’un dirigeant apte à définir la stratégie d’entreprise face aux défis de compétitivité et de développement auxquels le groupe doit faire face, notamment pour sa filiale Air France.

L’objectif immédiat de l’État, en qualité de premier actionnaire d’Air France-KLM, est que le conseil d’administration de l’entreprise choisisse rapidement un nouveau dirigeant, en accord avec les grands actionnaires présents au conseil d’administration, pour conduire le redressement de l’entreprise, qui fait face à une concurrence très forte sur différents marchés.

La nouvelle équipe dirigeante d’Air France-KLM aura bien sûr pour mission de motiver l’ensemble des collaborateurs autour de nouveaux axes de développement pour le groupe, ce qui répondra à la plupart de vos interrogations relatives au management et à la gouvernance de l’entreprise.

À ma connaissance, et à ce jour, le processus de recrutement n’est pas terminé, et le comité de nomination poursuit ses travaux. Nous souhaitons que le candidat qui sera proposé au conseil d’administration puisse disposer d’une solide expérience internationale, être un manager reconnu et porter une vision pour le groupe, qui fait face à des défis majeurs, de manière à l’aider à sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour répondre à M. le secrétaire d’État.

M. Cyril Pellevat. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vous l’avez dit, le coût des grèves est estimé à 300 millions d’euros, mais l’image de la compagnie est également ternie. Les voyageurs ont désormais pris l’habitude de voyager avec une autre compagnie ; d’après les échos que l’on peut entendre, je ne suis pas sûr qu’ils reviendront vers Air France.

Concernant ma dernière question, je comprends que vous ne disposiez pas de l’intégralité des informations et j’attends donc la réponse de la DGAC. Malgré le gel des droits de trafic accordés aux compagnies du Golfe, Emirates Airlines a obtenu le feu vert pour passer de vingt à vingt et un vols par semaine à Paris et de cinq à sept vols hebdomadaires à Lyon, soit une augmentation de sa capacité en sièges en France de 10 %.

J’ai peur que cette augmentation n’affecte fortement et à long terme Air France, mais aussi d’autres compagnies aériennes françaises.

atout forestier de la france et objectifs de neutralité carbone

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 368, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le secrétaire d’État, la filière forêt-bois permet de capter du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et de l’incorporer dans les matériaux et les sols – près de 25 % des émissions nationales de CO2 sont ainsi fixés par la filière forêt-bois.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, les arbres ont le plus grand potentiel pour réduire les émissions de CO2, à condition que les forêts soient jeunes, adaptées au changement climatique et gérées durablement.

Il serait donc pertinent, monsieur le secrétaire d’État, d’accompagner la dynamique et le renouvellement de la forêt française, comme le préconise d’ailleurs le plan national de la forêt et du bois, afin d’absorber plus de CO2 en mobilisant la contribution climat-énergie financée par les émetteurs de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Ainsi, une partie de cette contribution pourrait vertueusement venir alimenter le fonds stratégique forêt-bois et être fléchée pour financer le renouvellement des peuplements, qui n’est plus aujourd’hui assuré. Il suffirait d’un euro prélevé par tonne de carbone sur la contribution climat-énergie pour approvisionner le fonds à hauteur de 200 millions d’euros par an.

Cette mesure non seulement serait créatrice d’activités de transformation et d’emplois dans les territoires, mais elle permettrait d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 – objectif fixé par le plan climat en juillet 2017, dans le prolongement de l’accord de Paris sur le climat de décembre 2015.

Même si le CO2 n’est pas considéré comme un polluant, il en présente malheureusement toutes les caractéristiques pour la santé. Cette initiative aurait donc du sens après l’assignation en mai 2018 par la Commission européenne de la France devant la Cour de justice de l’Union européenne, pour pollution de l’air excessive. Ces derniers jours, à l’évidence, ce sujet est encore d’actualité.

Monsieur le secrétaire d’État, ce dispositif pourrait-il être envisagé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)