M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par cohérence avec la position qu’il a exprimée, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 311.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 2

Article 1er ter (nouveau)

Jusqu’en 2022, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l’exécution de la présente loi. – (Adopté.)

TITRE II

SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE

SOUS-TITRE IER

REDÉFINIR LE RÔLE DES ACTEURS DU PROCÈS

Chapitre Ier

Développer la culture du règlement amiable des différends

Article 1er ter (nouveau)
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Article 3

Article 2

I. – La loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi modifiée :

1° (Supprimé)

2° Le début du deuxième alinéa de l’article 22-1 est ainsi rédigé : « En tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut… (le reste sans changement). » ;

3° Le début de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 22-2 est ainsi rédigé : « Lorsque la médiation est ordonnée en cours d’instance, celle-ci est… (le reste sans changement). » ;

4° L’article 22-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable lorsque le juge ordonne la médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »

II. – (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 272 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Au début,

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - La section 2 du chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi modifiée :

1° Dans l’intitulé, les mots : « médiation judiciaire » sont remplacés par le mot : « conciliation »;

2° À la première phrase de l’article 22, à la fin de la seconde phrase du second alinéa de l’article 22-1, au premier alinéa et à la première phrase du troisième alinéa de l’article 22-2, au premier alinéa et à la fin de la première phrase du second alinéa de l’article 22-3, le mot : « médiation » est remplacé par le mot : « conciliation »;

3° À la première phrase de l’article 22, au premier alinéa et à la première phrase du second alinéa de l’article 22-1, aux première et deuxième phrases du dernier alinéa de l’article 22-2 et à la seconde phrase du second alinéa de l’article 22-3, le mot : « médiateur » est remplacé par le mot : « conciliateur ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Lors des auditions que nous avons conduites pour préparer l’examen de ce projet de loi, nombre de nos interlocuteurs ont souligné la confusion existant aujourd’hui entre les termes « médiation » et « conciliation ». Malgré cela, il est régulièrement proposé d’étendre le champ d’application de ces deux modes de règlement amiable des différends ; c’est encore le cas avec le présent projet de loi.

L’appellation « médiation judiciaire », mentionnée dans la loi du 8 février 1995, nous paraît particulièrement ambiguë. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’envisager une simplification des modes alternatifs de règlement des différends, en fusionnant, par exemple, la médiation judiciaire et la conciliation, avec pour critère distinctif le lien avec la procédure judiciaire.

M. le président. L’amendement n° 273 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :

1° L’article 22 est ainsi rédigé :

« Art. 22. – Le juge peut désigner, par une décision spécialement motivée constatant son impossibilité de procéder à une conciliation, et après avoir recueilli l’accord des parties, un médiateur pour procéder à une médiation, en tout état de la procédure, y compris en référé. Cet accord est recueilli dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Depuis la loi de 1995 que j’évoquais à l’instant, le législateur tente de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

Ces incitations législatives n’ont, semble-t-il, pas permis d’y parvenir. En effet, pour la plupart de nos concitoyens, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Si ces solutions non juridictionnelles doivent exister, puisqu’elles s’avèrent utiles dans certains domaines du droit, il paraît en revanche illusoire d’espérer qu’elles soient transposables à toutes les matières.

Le présent amendement vise donc à souligner que, dès lors qu’un juge a été saisi par un justiciable et qu’il a instruit le dossier au point de considérer qu’une médiation serait possible, il pourrait permettre au justiciable de réaliser un gain de temps en procédant lui-même à une conciliation et à l’homologation de l’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. L’amendement n° 272 rectifié bis vise à remplacer le terme de « médiation » par celui de « conciliation ». Ces deux notions ne sont pourtant pas synonymes. Il ne nous semble pas opportun de faire disparaître la notion de « médiation », d’autant qu’elle est utilisée de manière générale par le droit communautaire. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 273 rectifié, il est partiellement satisfait par le 2° du I de l’article 2, qui permettra au juge, « en tout état de la procédure, y compris en référé », d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, « lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible ». La commission souhaite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi son avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est identique à celui de la commission : défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 207, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – L’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle est ainsi rédigé :

« I. – Lorsque la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou de procédure participative, sauf :

« 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

« 2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

« 3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime, notamment l’indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ;

« 4° Si le juge doit, en vertu d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation.

« II. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du I, notamment les matières entrant dans le champ des conflits de voisinage ainsi que le montant en deçà duquel les litiges sont soumis à l’obligation mentionnée au I. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le présent amendement vise au rétablissement des dispositions qui étendent la tentative de résolution amiable préalable aux petits litiges et aux conflits de voisinage.

Le présent projet de loi, tel que déposé par le Gouvernement, contient des dispositions visant à encourager résolument le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

Son article 2 contenait, outre la mesure destinée à multiplier les possibilités de recourir à la médiation, une disposition étendant les tentatives obligatoires de médiation et de résolution amiable préalables aux litiges dorénavant portés devant le tribunal de grande instance, lorsque la demande n’excède pas un montant qui sera défini par décret en Conseil d’État ou lorsqu’elle a trait à un conflit de voisinage. Au choix des parties, la tentative de résolution amiable consistera en une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

Votre commission des lois a supprimé cette disposition. Il me semble pourtant que les citoyens ont tout intérêt à recourir aux modes amiables de résolution des conflits. En effet, les solutions obtenues par le biais de la justice amiable sont généralement plus pérennes, comme on peut le constater en se rendant dans un tribunal d’instance où des conciliateurs officient, ou encore dans toute autre juridiction.

La variété des modes amiables qui sont admis permet de considérer que l’offre de conciliateurs de justice, de médiateurs et d’auxiliaires de justice pouvant assister les parties dans le cadre d’une convention de procédure participative sera suffisante pour que cette obligation soit respectée.

Pour répondre à une interrogation justifiée de votre commission, le présent amendement tend à rappeler explicitement que l’indisponibilité des conciliateurs de justice, qu’on ne saurait évidemment opposer au justiciable, constituera un motif légitime de dispense de l’obligation.

Loin de constituer une atteinte à l’accès au juge, cette disposition permettra un règlement en amont des litiges les moins contentieux, de façon à ce que les juges se concentrent sur les affaires les plus contentieuses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Cet amendement important est contraire à la position de la commission, qui a souhaité supprimer l’extension du champ de l’obligation de tentative de règlement amiable des différends préalable à la saisine du juge.

Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif du Gouvernement – « développer les modes alternatifs de résolution des différends afin que ne soient portées devant le juge que les affaires les plus contentieuses, pour lesquelles les parties n’ont pas pu trouver ensemble de solution amiable, et afin d’apaiser autant que possible les échanges entre les parties » –, le dispositif prévu ne nous semble pas abouti.

En premier lieu, la rédaction retenue entraînerait une restriction des modes de règlement des litiges admis, en énumérant seulement la conciliation par un conciliateur de justice, la médiation et la procédure participative, alors que les parties peuvent actuellement justifier avoir rempli leur obligation de tentative de règlement amiable de leur litige en justifiant d’autres diligences entreprises, par exemple dans le cadre d’une assurance de protection juridique, ou encore en faisant appel à un huissier de justice.

En deuxième lieu, le champ d’application du dispositif nous semble imprécis. Seraient concernées par cette obligation les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ainsi que les litiges concernant les conflits de voisinage. Qu’entendre par « demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant » ? Que recouvre exactement la notion de « conflits de voisinage » ? Aucune définition n’en est donnée par les textes législatifs en vigueur ; la jurisprudence, quant à elle, reconnaît seulement la notion de « trouble anormal de voisinage ».

En troisième lieu, le dispositif mis en place par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle est trop récent pour avoir produit tous ses effets et n’a pas encore été évalué. À quoi bon proposer une extension de ce dispositif, si l’on ne peut affirmer avec certitude qu’il a eu un effet positif sur le nombre de saisines des tribunaux d’instance ?

En dernier lieu, le nombre de 2 400 conciliateurs nécessaire pour absorber la réforme de 2016, selon les évaluations du gouvernement de l’époque, n’a toujours pas été atteint, puisque seuls 2 021 conciliateurs sont actuellement en fonction. Or, selon le Gouvernement, s’il est difficile de quantifier les effets exacts de l’extension du dispositif, une augmentation significative de l’activité des conciliateurs est à prévoir.

Il est donc prématuré, selon nous, d’envisager d’étendre le dispositif créé en 2016, sous peine de porter atteinte au droit à un recours effectif devant un juge, droit constitutionnellement garanti, faut-il le rappeler ?

La solution envisagée par le Gouvernement dans cet amendement, qui consiste à prévoir que les parties pourront s’exonérer de leur obligation en cas d’absence de conciliateur disponible dans un délai raisonnable, ne peut être jugée satisfaisante et conforte le constat que le dispositif n’est pas prêt à être étendu, faute d’un nombre suffisant de conciliateurs pour absorber le surcroît d’activité qui résulterait de cette extension.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Nous voterons contre cet amendement, madame la garde des sceaux. En effet, par votre projet de loi, comme je l’ai fait remarquer dans la discussion générale commune, vous faites montre d’une volonté d’extraire de la justice des dossiers lourds, compliqués et coûteux.

Je suis d’accord avec vous, et avec beaucoup de magistrats : certes, ce n’est pas dans une décision de justice qu’on trouve l’apaisement nécessaire à des conflits de voisinage ; c’est sans doute par la médiation que l’on peut espérer l’obtenir. Pour autant, cette médiation ne s’impose pas : aujourd’hui, comme la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle le prévoit, un juge peut parfaitement orienter les gens dans cette voie. En revanche, vouloir imposer la conciliation et, en l’absence de conciliateur, orienter les parties vers des systèmes de médiation privatisés et coûteux me paraît extrêmement dangereux et révélateur de cet esprit que je dénonçais.

Une mésentente entre deux voisins, c’est vieux comme le monde ! Ils ont le droit d’aller voir Saint Louis sous son chêne et de lui demander de trouver une solution. Si le magistrat n’a pas le temps, il peut désigner un médiateur, qu’il choisit en fonction de ses talents de médiation et de diplomatie. En effet, il passera beaucoup de temps à sa tâche, car ce sont des contentieux difficiles, les pires qui existent, et le mieux est de réussir à concilier des voisins.

En somme, les conflits de voisinage, ou encore les troubles de voisinage, ne peuvent être simplement soustraits à l’examen de la justice, alors que ces litiges du quotidien empoisonnent nos concitoyens et qu’ils ont le droit de voir leur juge pour les aider à les résoudre.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur Bigot, bien entendu, nos concitoyens ont le droit de voir leur juge ! Cela dit, si vous allez devant un tribunal d’instance – je sais que vous en fréquentez –, que se passe-t-il ? Le juge lui-même, qui a la plupart du temps le conciliateur à son côté, lorsqu’il s’agit de petits litiges, demande aux parties d’aller d’abord voir le conciliateur. Il me semble que nous avons tout intérêt à adopter cette mesure, qui est attendue par tout le monde.

Quant au flou relevé par M. le corapporteur au sujet des litiges qui pourraient être soumis à ce type de procédure de médiation et de conciliation, actuellement, le montant en dessous duquel le dispositif s’applique est de 4 000 euros. Nous envisageons de le porter à 5 000 euros, mais cela relève du décret et non pas de la loi, ce pour quoi nous ne le préciserons que plus tard ; je souhaitais simplement vous donner une idée globale de ce que nous envisageons de faire.

Je puis en tout cas vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette mesure est à la fois attendue et utile. Ce serait dommage de nous en priver. Nous constatons, lorsque nous allons sur le terrain, que cette mesure sera vraiment très utile.

M. Jacques Bigot. Que les juges veuillent se décharger de ces litiges, j’en suis convaincu !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour explication de vote.

Mme Brigitte Lherbier. À la maison de justice et du droit de Tourcoing, des conciliateurs viennent régulièrement pour « séparer » des voisins qui ne s’entendent pas. Pour aller dans le sens de M. Bigot, je peux vous assurer que leur travail est extrêmement difficile. Je revois ces voisins quinze jours plus tard : le conciliateur n’a pas trouvé de solution, me disent-ils, parce qu’il n’a pas l’autorité du juge. Seul le juge peut dire : « C’est comme ça et pas autrement ! »

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 207.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, Cigolotti et J.M. Boyer, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme, Brisson, Cardoux, Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Cuypers et Dallier, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, H. Leroy et Magras, Mme Micouleau, MM. Mouiller, Perrin, Poniatowski, Raison, Savary et Longeot, Mme Joissains, MM. Lafon, Moga et Le Nay, Mme Férat, M. Laugier, Mmes Guidez et C. Fournier, MM. Delahaye, Kern et Delcros, Mmes Billon et Gatel et MM. Cazabonne, Canevet et Pointereau, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au premier alinéa de l’article 710–1 du code civil, le mot : « juridictionnelle » est remplacé par le mot : « judiciaire ».

La parole est à M. Jean-Marc Boyer.

M. Jean-Marc Boyer. Cet amendement a pour objet de simplifier la publicité foncière de l’acte matérialisant l’accord des parties à la suite d’une médiation judiciaire relative à des problématiques de limites de propriétés ou de servitudes.

En effet, actuellement, afin de publier leur accord au fichier immobilier, les justiciables doivent solliciter un nouvel acte, ce qui allonge le délai de formalisation de leur accord et entraîne un coût supplémentaire pour les parties.

Nous proposons donc, par cet amendement, de modifier l’article 710–1 du code civil afin que cette étape supplémentaire soit simplifiée pour les justiciables. En substituant la notion de « décision judiciaire » à celle de « décision juridictionnelle », une inscription directe au fichier immobilier à la suite de l’homologation du juge serait rendue possible.

Cela serait particulièrement pertinent dans le cas d’un conflit de voisinage pour une petite surface de terrain, litige qui survient régulièrement en milieu rural. Or le coût de la formalité empêche souvent la résolution du conflit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, corapporteur. Aux termes de cet amendement, les décisions « judiciaires » pourraient donner lieu à publicité foncière. L’objectif de ses auteurs est de permettre la publicité foncière des accords intervenus en médiation dès lors qu’ils seraient homologués par le juge.

La Chancellerie a confié une mission de réflexion sur le droit de la publicité foncière au professeur Laurent Aynès. Ses propositions seront rendues publiques, si nous sommes bien informés, dans les jours qui viennent. Il n’est donc pas opportun, à nos yeux, de modifier ce droit au détour d’un amendement.

Par ailleurs, sur le fond, cet amendement pose quelques difficultés, dans la mesure où il tend à permettre la publication au fichier immobilier des actes homologués alors même que, lorsque le juge homologue un accord de médiation ou de conciliation, il n’opère qu’un contrôle restreint. Le risque est donc de permettre la publicité d’actes entachés de vices ou difficiles à interpréter.

Il apparaît donc pertinent de limiter la publicité foncière aux décisions juridictionnelles, pour lesquelles le juge opère un contrôle approfondi, et de refuser celle des décisions d’homologation, dans lesquelles il intervient de manière allégée.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 4 (début)

Article 3

Après l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, sont insérés des articles 4-1, 4-1-1, 4-1-2, 4-1-3, 4-1-4 et 4-2 ainsi rédigés :

« Art. 4-1. – Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne de conciliation ou de médiation ou tout autre mode de résolution amiable des litiges sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne garantit un accès direct aux informations relatives au processus de résolution amiable.

« Art. 4-1-1. – Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’arbitrage sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne garantit un accès direct aux informations relatives au processus d’arbitrage.

« La sentence arbitrale peut être rendue sous forme électronique.

« Art. 4-1-2. – Les services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-1-1 ne peuvent résulter exclusivement d’un traitement algorithmique ou automatisé. Lorsque ce service est proposé à l’aide d’un tel traitement, les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir. Les règles définissant ce traitement, dont le responsable doit s’assurer de la maîtrise et de ses évolutions, ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées à toute partie qui en fait la demande.

« Art. 4-1-3. – Les personnes proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité. Le service en ligne délivre une information sur les conséquences de toute action judiciaire.

« Les personnes mentionnées au premier alinéa ne peuvent réaliser, de quelque manière que ce soit, aucun acte d’assistance ou de représentation au sens de l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sans le concours d’un avocat.

« Art. 4-1-4. – Les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne mentionnés aux articles 4-1, 4-1-1 et 4-1-3 accomplissent leur mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure efficace et équitable.

« Elles sont soumises au secret professionnel dans les conditions de l’article 226-13 du code pénal.

« Art. 4-2. – Pour pouvoir être proposés au public, les services mentionnés aux articles 4-1, 4-1-1 et 4-1-3 doivent être certifiés par le garde des sceaux, ministre de la justice. La certification est accordée après vérification du respect des exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-1-4.

« Par exception, la certification est accordée de plein droit aux conciliateurs de justice, aux médiateurs qui justifient de leur inscription sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation ainsi qu’aux personnes inscrites, dans le ressort d’une cour d’appel, sur la liste des médiateurs prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

« Un décret en Conseil d’État précise les procédures de délivrance et de retrait de la certification pour les services mentionnés au premier alinéa du présent article. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 17 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 87 est présenté par Mme Joissains.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 17.

Mme Éliane Assassi. Ces dispositions ouvrent un nouveau marché au monde du logiciel et des startupeurs du numérique. On a tendance, me semble-t-il, à oublier au passage l’essence même de la justice, qui est là pour assurer l’équilibre de l’ordre public. Or ce genre de réforme et, particulièrement, l’article 3 de ce projet de loi donne l’impression que l’on considère la justice non plus comme un service public XXL, si j’ose dire – et vous savez, mes chers collègues, combien nous sommes attachés au service public –, mais comme un service public parmi d’autres.

Quel est l’objectif de cet article ? Il est de mesurer un rapport qualité-prix en se souciant surtout du prix, comme le dénonçait en commission mon collègue Pierre-Yves Collombat. Cet article apparaît comme l’illustration parfaite de ce modèle : après avoir instauré une obligation de conciliation, on en délègue la gestion à des acteurs de droit privé, dans l’unique et seul but de désengorger les tribunaux et d’alléger la tâche des magistrats.

Des sites en ligne proposeront donc désormais des services de règlement de litiges rapides et – on en doute – efficaces. Quand même, un maximum de profit sera garanti, car ceux qui paieront le plus seront bien entendu ceux qui seront les mieux servis.

Voici donc le nouveau monde que l’on nous propose, dans tout ce qu’il représente de plus pernicieux pour nos services publics, qui se retrouvent dévitalisés et remplacés insidieusement par le monde de l’entreprise. Du service public défaillant au service privé efficace, il n’y a qu’un pas, que ce texte franchit. Écoutez, madame la ministre : pour notre part, ce monde, nous n’en voulons pas !