compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

M. Victorin Lurel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conventions internationales

Adoption définitive en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre aux voix successivement.

projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le conseil des ministres de bosnie-herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la communauté européenne et la bosnie-herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l'application de l'accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (ensemble deux annexes), signé à Sarajevo le 3 juillet 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l’application de l’accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (projet n° 615 [2017-2018], texte de la commission n° 5, rapport n° 4).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine portant sur l'application de l'accord du 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et la Bosnie-Herzégovine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
 

projet de loi autorisant l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à new york le 31 mai 2001

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001 (projet n° 645 [2017-2018], texte de la commission n° 7, rapport n° 6).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'adhésion au protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adopté à New York le 31 mai 2001
 

3

Article additionnel après l'article 34 - Amendement n° 71 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 35

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 463 [2017-2018], texte de la commission n° 13, rapport n° 11, tomes I et II).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de la section 3 du chapitre II du titre IV, à la sous-section 2.

TITRE IV (suite)

DISPOSITIONS PORTANT SIMPLIFICATION ET RENFORCEMENT DE L’EFFICACITÉ DE LA PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre II (suite)

Dispositions relatives aux phases d’enquête et d’instruction

Section 3 (suite)

Dispositions propres à l’instruction

Sous-section 2

Dispositions relatives au déroulement de l’instruction

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article additionnel après l'article 35 - Amendement n° 270 rectifié

Article 35

I. – Le début de la quatrième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 81 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « La déclaration au greffier peut également être faite au moyen d’une lettre … (le reste sans changement). »

II. – La seconde phrase du sixième alinéa de l’article 97 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « Toutefois, lorsque l’ouverture et la reconstitution du scellé fermé n’exigent pas que la personne mise en examen soit interrogée sur son contenu, elles peuvent être réalisées par le juge d’instruction assisté de son greffier hors la présence de celle-ci, en présence de l’avocat de la personne ou celui-ci dûment convoqué. »

III. – L’article 142-6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou au vu des réquisitions écrites du procureur de la République, dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu ses observations et celles de son avocat » ;

2° Les deux derniers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne et de son avocat, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté, ou décidant d’une mise en liberté d’office.

« Le juge statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui peut être saisi à cette fin à tout moment de l’instruction.

« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire si elle est demandée par la personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction. »

IV. – L’article 142-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début de la seconde phrase, sont ajoutés les mots : « Au cours de l’instruction, » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne renvoyée devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises est maintenue ou demeure sous assignation à résidence conformément aux articles 179 et 181, la durée totale de la mesure, compte tenu de celle exécutée au cours de l’instruction, ne peut excéder deux ans, sans qu’il soit nécessaire d’en ordonner la prolongation tous les six mois, et sous réserve de la possibilité pour l’intéressé d’en demander la mainlevée. »

V. – L’article 706-71 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de communication audiovisuelle. » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « prolongation de la détention provisoire », sont insérés les mots : « , y compris l’audience prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 179, » ;

3° (Supprimé)

4° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « trois » est supprimé et les mots : « , celui-ci peut » sont remplacés par les mots : « ou par un interprète, ceux-ci peuvent » ;

b) À la deuxième phrase, le mot : « il » est remplacé par les mots : « l’avocat » ;

c) À la fin de la dernière phrase, les mots : « a déjà été remise à l’avocat » sont remplacés par les mots : « lui a déjà été remise » ;

d) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Si ces dispositions s’appliquent au cours d’une audience, celle-ci doit se tenir dans des conditions qui garantissent le droit de la personne à présenter elle-même ses observations. »

VI. – Après l’article 51 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 51-1 ainsi rédigé :

« Art. 51-1. – Par dérogation aux articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale, le juge d’instruction qui envisage de mettre en examen une personne pour le délit de diffamation procède conformément aux dispositions du présent article.

« Il informe la personne de son intention de la mettre en examen par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l’avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai sa réponse à différentes questions écrites. En ce cas, la personne est informée qu’elle peut choisir de répondre auxdites questions directement en demandant à être entendue par le juge d’instruction.

« Lors de l’envoi de l’avis prévu au deuxième alinéa du présent article, la personne est informée de son droit de désigner un avocat. En ce cas, la procédure est mise à la disposition de l’avocat désigné durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Les avocats peuvent également se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dans les conditions mentionnées à l’article 114 du code de procédure pénale.

« À l’issue d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis mentionné au deuxième alinéa du présent article, le juge d’instruction peut procéder à la mise en examen en adressant à la personne et à son avocat une lettre recommandée avec accusé de réception selon les modalités prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 113-8 du code de procédure pénale. Il informe à cette occasion la personne que, si elle demande à être entendue par le juge d’instruction, celui-ci est tenu de procéder à son interrogatoire.

« Les III à VIII de l’article 175 du même code ne sont pas applicables. S’il n’a pas reçu les réquisitions du procureur de la République dans un délai de deux mois après la communication du dossier prévu au I du même article 175, le juge d’instruction rend l’ordonnance de règlement. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Cet article 35 simplifie le déroulement de l’instruction, notamment en permettant l’ouverture des scellés même en l’absence du mis en examen. Cependant, la principale disposition de cet article dans la version initiale déposée par le Gouvernement consistait à permettre le recours à la visioconférence en matière de détention provisoire, même sans l’accord de la personne intéressée.

La commission est revenue sur cette disposition ; c’est heureux. Nous nous inquiétons toutefois du sort que réservera la majorité En Marche de l’Assemblée nationale à cette mesure.

Il s’agit, dans la droite ligne de la loi Asile et immigration, dont nous avons débattu en juin dernier, d’étendre l’usage de la visioconférence sans l’accord de l’intéressé qui était jusque-là nécessaire pour procéder à une audience à distance et derrière un écran. Nous l’avons déjà exprimé maintes fois : nous sommes contre cette justice dématérialisée, qui finira, pour des motifs économiques évidents, par s’étendre à toutes sortes d’audiences.

En l’espèce, son usage est d’autant plus contestable qu’il s’applique aux détenus provisoires. En effet, la détention provisoire est déjà largement dérogatoire au droit commun et plus que discutable, dans la mesure où, pour faire simple, des personnes non jugées sont mises derrière les barreaux.

Ces personnes voient donc leur droit à la défense encore réduit en étant jugées par écran interposé. Nous connaissons déjà tous les désagréments liés à cette mesure : l’impossibilité pour l’avocat d’être à la fois présent auprès du juge et auprès de son client, notamment, ou encore la mise à mal de la solennité du lieu du tribunal. En quelque sorte, l’idée d’une justice au rabais est consubstantielle au procédé de la visioconférence.

M. le président. L’amendement n° 152, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 9 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet la durée de l’assignation à résidence sous surveillance électronique.

Aujourd’hui, le code de procédure pénale prévoit que cette assignation à résidence ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée, mais sous réserve, notamment, d’un débat contradictoire et d’une ordonnance motivée ; elle ne peut en tout cas excéder deux ans.

Madame la garde des sceaux, vous souhaitez, par le biais de ce projet de loi, sans changer cette durée, supprimer la nécessité d’ordonner la prolongation : dès lors, pas de réexamen de la situation, pas d’ordonnance motivée, pas de débat contradictoire !

Certes, on a évoqué le fait qu’il suffirait, dans ce cas, à la personne concernée de demander la mainlevée de la mesure, mais c’est autre chose. Nous savons très bien que ce mode de contrôle est complexe et n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. En effet, la durée de la mesure est un élément qui pose problème aux personnes concernées, au-delà d’un certain nombre de mois.

Dès lors, même si vous plaidez, depuis le début de l’examen de ce texte, la simplification du droit et l’inutilité d’un certain nombre de procédures, là encore, une vigilance sur les conditions de restriction de la liberté d’aller et venir des personnes doit s’imposer.

C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Dans la mesure où la personne qui est assignée à résidence sous surveillance électronique conserve la possibilité de demander, à tout moment, la mainlevée de la mesure, on peut considérer que la simplification contenue dans cet article est respectueuse des droits de la personne poursuivie, s’agissant d’une mesure de contrainte qui est moins attentatoire à ces droits que le placement en détention provisoire.

La possibilité d’agir et de contester la mesure à n’importe quel moment constitue de ce point de vue une forme de protection.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Cette clarification a été très sollicitée par les praticiens lors de la concertation que nous avons menée dans le cadre des chantiers de la justice. Le manque de lisibilité des règles applicables à l’assignation à résidence sous surveillance électronique lors de la clôture de l’instruction avait notamment été avancé pour expliquer le faible recours à cette mesure en pratique : 292 personnes en bénéficiaient au 1er juillet 2017.

En réalité, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, cette disposition ne revient absolument pas sur la nécessité de prolonger l’assignation à résidence tous les six mois au cours de l’instruction ; elle prévoit uniquement que cette prolongation n’est pas nécessaire après la clôture de l’instruction et le renvoi du prévenu ou de l’accusé devant la juridiction de jugement.

En outre, cette disposition ainsi circonscrite, qui est de nature à favoriser le recours à l’assignation à résidence plutôt qu’à la détention provisoire, n’empêche en aucun cas l’intéressé – M. le rapporteur l’a rappelé – de demander à tout moment la mainlevée de la mesure et de provoquer ainsi un débat.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Madame la garde des sceaux, vous avez employé un argument qui n’est pas absolument complet, pour le dire poliment. Il est vrai qu’il est très peu fait recours à cette procédure ; néanmoins, si je peux me permettre, cela ne découle pas des raisons que vous avez évoquées. Le faible recours à cette procédure résulte plutôt de l’obligation, inscrite dans le code de procédure pénale, de vérifier la faisabilité technique de la mise en place du dispositif ; or le ministère de la justice ne dispose pas d’un nombre suffisant de services pénitentiaires d’insertion et de probation pour ce faire, ce qui rend très compliqué le recours à cette procédure.

Nous maintenons donc notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre observation tombe à merveille, puisqu’elle me permet de préciser que le budget que nous proposons pour le ministère de la justice nous permettra de recruter 1 500 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 152.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° La dernière phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée : « Lorsqu’il s’agit d’un débat au cours duquel il doit être statué sur le placement en détention provisoire, il ne peut être recouru à un moyen de télécommunication audiovisuelle si la personne le refuse, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion. » ;

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de rétablir l’extension du recours à la visioconférence en matière de prolongation de la détention provisoire.

Le présent projet de loi, tel que je l’ai déposé, prévoyait de supprimer la nécessité de l’accord de la personne détenue pour l’utilisation de la visioconférence lors des débats en matière de placement en détention provisoire ou de prolongation de la détention. Votre commission des lois a supprimé ces dispositions.

Le Gouvernement estime cependant qu’il est indispensable de favoriser, dans certains cas, le recours à la visioconférence. Nous avions évoqué ce sujet lors de la discussion générale ; vous vous en souvenez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs. Il apparaît en effet nécessaire de remédier aux importantes difficultés que rencontrent les juridictions et qui sont liées à l’impossibilité d’assurer l’extraction de la personne détenue et donc sa présentation devant le juge dans les délais impératifs de comparution prévus par la loi, ce qui entraîne parfois des remises en liberté qui semblent injustifiées. En 2017, plus de 12 000 extractions judiciaires n’ont ainsi pas pu être prises en charge par l’administration pénitentiaire, soit près de 15 % des réquisitions d’extraction judiciaire.

Le Gouvernement a toutefois pris en compte – je tiens à le souligner – les observations faites par les représentants nationaux de la profession d’avocat, notamment le Conseil national des barreaux, ainsi que par le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats, organisations qu’il a entendues dans le cadre de la concertation conduite après le dépôt du projet de loi.

Je reconnais ainsi que la visioconférence ne doit pas pouvoir être utilisée sans l’accord de la personne détenue pour les débats contradictoires relatifs au placement initial en détention provisoire. C’est uniquement pour les débats qui concernent la prolongation de cette détention que l’exigence d’un accord de la personne devrait être écartée.

Nous avons donc fait évoluer notre texte. Tel est l’objet du présent amendement, qui tend à maintenir l’accord de la personne pour les débats sur le placement en détention, mais l’exclut en revanche pour sa prolongation. Il me semble qu’il s’agit d’une solution raisonnable et équilibrée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission n’a pas changé d’avis : elle reste défavorable à ce dispositif, même si nous prenons acte de l’évolution du Gouvernement en cette matière.

La personne qui risque d’être placée en détention provisoire doit pouvoir bénéficier d’un débat contradictoire avec une présence physique. Nous sommes là dans l’un des éléments les plus importants du droit pénal : il s’agit de priver quelqu’un de liberté.

Imposer la visioconférence, ne serait-ce que pour la prolongation de cette détention, ce serait ne pas respecter ce principe, que le Sénat a toujours défendu, y compris en matière de droit des étrangers.

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Je reviens sur ce point : le Sénat a toujours voulu que l’étranger, dans le cas où il ne voudrait pas utiliser ce moyen pour se défendre, puisse être conduit devant son juge pour une comparution physique. Il n’y a, en matière de droit des étrangers, aucune obligation de subir, pour ainsi dire, la visioconférence.

Or les enjeux de privation de liberté sont bien plus importants en matière de détention provisoire que pour le placement d’un étranger en centre de rétention ; nous savons tous dans cette enceinte en effet que la durée moyenne de rétention dans ces centres est de douze à treize jours environ. Sans entrer de nouveau dans un débat sur ce sujet, je tiens à rappeler qu’en matière de droit des étrangers nous avons maintenu la visioconférence comme une possibilité, et non pas comme une obligation. C’est pourquoi, dans la matière qui nous occupe aujourd’hui, nous ne pouvons pas accepter que ce soit une obligation, y compris pour la prolongation de la détention.

Dans ces conditions, il faut que la personne puisse comparaître physiquement, si elle le souhaite, en présence du magistrat et de ses conseils, dès lors qu’il s’agit de l’envoyer en détention provisoire.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Il est impératif que ce ne soit qu’avec l’accord de la personne, sur les conseils de son avocat ou après un échange avec celui-ci, que la visioconférence soit possible. J’imagine, madame la garde des sceaux, que les avocats vous ont confié qu’une vraie difficulté se pose pour eux quant à la visioconférence : devraient-ils être avec leur client dans la maison d’arrêt, auquel cas ils ne sont pas en face du juge, ou être en présence du juge, mais sans leur client ?

La vie est ainsi faite ; aujourd’hui, on peut communiquer en visioconférence les uns avec les autres. Ce n’est pourtant pas la même chose dans le cas visé : être en face ou à côté de la personne en cause est fondamental. On ne peut pas envisager que la visioconférence s’impose, même si elle facilite la vie.

Que sera l’étape suivante ? Un ministre de la justice – non pas vous, peut-être, madame la garde des sceaux, mais l’un de vos successeurs, comme on ne sait jamais ce qui peut arriver – viendra nous dire que, finalement, tout cela pourrait se faire par écrit, sans aucun contact ! C’est la déshumanisation de la justice que vous nous proposez !

Certes, vous le faites pour des raisons d’économie que l’on peut comprendre, parce que le problème est compliqué. Il l’est d’autant plus qu’un de vos prédécesseurs, il y a déjà un certain temps, a accepté ce que le ministre de l’intérieur lui a imposé : les extractions et les transferts vers les tribunaux sont désormais du ressort de l’administration pénitentiaire. Or celle-ci, au moment où cette décision a été prise, n’en avait pas les moyens.

Depuis lors, on lutte sur cette question, mais nous ne pouvons pas pour autant accepter que la visioconférence s’impose. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de l’avoir exprimé. Tel est le sens des observations que je voulais faire pour expliquer les raisons pour lesquelles, madame la garde des sceaux, nous ne soutiendrons pas votre amendement, même s’il représente un progrès par rapport à votre projet initial.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Nous savons que la commission des lois – j’en remercie mes collègues – se montre très attentive, dans l’examen du texte, à l’exercice des libertés publiques. Néanmoins, au regard de la règle pratique et de la règle juridique, je veux formuler deux observations rapides.

Quant à l’aspect pratique de la question, Mme la garde des sceaux a raison de dire que le nombre d’extractions liées à ces procédures est considérable et demande un temps considérable à l’administration pénitentiaire ou aux services de sécurité. Il ne me paraît donc pas scandaleux que le ministère de la justice se demande comment optimiser ses moyens. De la même manière que l’esprit du texte, visible à travers de multiples mesures pratiques, consiste à préserver du temps pour le juge, il me semble assez raisonnable d’essayer de préserver du temps pour les forces de sécurité.

Quant à la question purement juridique, ou de préservation des libertés, et dans le prolongement de l’intervention de M. le rapporteur, j’ai vérifié les éléments pertinents de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le 6 septembre dernier, sur la loi Asile et immigration. Ses considérants 23 et suivants concernent les articles 8, 20 et 24 de cette loi, qui suppriment l’exigence de consentement du requérant pour le recours à des moyens de communication audiovisuels pour l’organisation de certaines audiences en matière de droit d’asile ou de droit au séjour. Pour faire bref, le Conseil constitutionnel, dans son considérant 29, juge que « les griefs tirés de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et du droit à un procès équitable doivent être écartés ».

Il me semble donc que la réponse apportée par le Conseil constitutionnel à la préoccupation de notre commission peut venir soutenir l’amendement gouvernemental.