M. Claude Kern. Très bien !

M. Jean-Pierre Decool. C’est le meilleur moyen d’affirmer une volonté humaniste, celle de porter un regard bienveillant sur les personnes les plus fragiles et de leur tendre la main ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’aide aux personnes vulnérables a de tout temps existé : remémorons-nous l’image fondatrice, héritée de la civilisation gréco-latine, d’Énée, ayant pris la fuite après la chute de Troie, qui porte sur son dos son père aveugle et paralysé.

L’aide apportée à nos aînés est en effet l’un des piliers de notre société. Ce rôle, assumé par les membres de la famille ou par des proches, est à la fois indispensable et éreintant. Comment concilier la vie professionnelle et le quotidien d’aidant ? Comment ne pas céder à l’oubli de soi ? Comment assurer une présence affective lorsque la fatigue arrive, lorsque le sentiment d’« insolitude » se fait sentir, lorsqu’aucun répit n’est finalement autorisé et que la culpabilité s’immisce peu à peu, lorsqu’aucun soutien ou aucun relais n’est envisageable ?

Cette situation appelle une réaction, demandée de longue date par les associations d’aidants. Je tiens donc à saluer le formidable travail réalisé par nos collègues Jocelyne Guidez et Olivier Henno.

Au regard de la pyramide des âges, nous constatons que les baby-boomers aidants de ces deux dernières décennies sont les personnes dépendantes de demain. Leur fort poids démographique doit nous faire prendre conscience que la gestion de la dépendance se fera en renforçant tous les maillons de cette grande chaîne.

La reconnaissance des aidants est une question complexe à plusieurs égards. En particulier, il s’agit de légiférer pour formaliser des comportements ou des droits, dans un domaine qui relève d’une évidente solidarité témoignée à un parent en situation de handicap, et cela sans attente d’un retour. Charge au législateur de trouver la juste distance pour ne pas créer un carcan, tout en accompagnant et protégeant.

Les « proches donnants », si vous me permettez cette expression, souffrent de ne pas pouvoir accéder à des moments de répit, et 56 % d’entre eux admettent subir, en plus de cette détresse psychologique, une dégradation de leur situation financière. C’est pourquoi créer un dispositif d’indemnisation du proche aidant et donner à celui-ci un statut clairement identifié et identifiable est à mes yeux primordial.

En instaurant un statut d’aidant et en permettant des aménagements avec la vie professionnelle et les affiliations au régime général de retraite, cette proposition de loi bâtit peu à peu une reconnaissance essentielle, unanimement demandée par les aidants. À l’heure des comportements trop souvent individualistes, ne pas reconnaître leur action serait un mauvais signal.

Malgré les difficultés de la tâche, épauler quelqu’un est un acte gratifiant, un acte positif, d’une humanité exemplaire : le rappeler, c’est aussi encourager les aidants dans leur engagement.

Mes chers collègues, la proposition de loi fait sens avec notre époque, avec notre société si complexe au regard des âges différents qui la composent. Je vous invite, à mon tour, à adopter ce texte, qui en appelle bien d’autres pour améliorer la situation des proches aidants. Il est temps de regarder les choses en face, avec courage, avec conviction, avec humanité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, modifiée par la commission des affaires sociales, vise l’objectif, largement partagé, d’accroître la reconnaissance et le soutien que notre société doit apporter aux proches aidants, s’agissant notamment de leurs droits sociaux.

Selon les estimations et les statistiques, encore trop lacunaires ou anciennes, 8,3 millions de personnes soutiennent et accompagnent au quotidien un proche en perte d’autonomie en raison d’une maladie, d’un handicap, d’un accident ou de son âge.

Les aidants sont le plus souvent des membres de la famille, des conjoints ou des amis. Les femmes sont les premières pourvoyeuses d’aide au sein de la famille : environ 57 % des aidants sont des femmes, et leur contribution est plus forte, notamment en volume horaire.

Parmi ces 8,3 millions de personnes, on compterait 4 millions de personnes salariées, dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Or, nous le savons, les risques de ruptures professionnelles et d’isolement sont particulièrement importants pour les proches aidants. C’est pourquoi la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement avait innové en substituant le congé du proche aidant au congé de soutien familial.

Sur cette base, la présente proposition de loi prévoit d’importantes avancées, notamment l’indemnisation du proche aidant, la majoration de la durée d’assurance pour les aidants ayant interrompu totalement ou partiellement leur activité professionnelle et l’expérimentation du « relayage » pour offrir un répit aux aidants.

Ces propositions sont le fruit de l’engagement de notre collègue Jocelyne Guidez, dont je tiens à saluer le travail sur cet enjeu social et sociétal majeur.

Si nous partageons l’objectif d’améliorer au plus vite l’aide financière, matérielle et sociale des aidants, notre groupe émet des réserves sur l’adoption de cette proposition de loi, qui, à notre avis, comporte un risque de fragmentation supplémentaire de la question des proches aidants. (Mme Éliane Assassi sexclame.)

En effet, la reconnaissance progressive du rôle des aidants a conduit à l’adoption de mesures législatives dispersées et cloisonnées, qu’il s’agisse de projets de loi ou de propositions de loi, comme celle que nous avons récemment adoptée sur le don de jours de congé.

Mme Éliane Assassi. Donc, on ne peut plus rien faire ?

Mme Patricia Schillinger. Nous sommes d’avis que cette technique des petits pas a atteint à la fois son objectif et sa limite : le sujet des aidants est désormais incontournable et transversal. Aussi les mesures proposées par nos collègues devraient-elles alimenter un plan global de soutien aux aidants, plutôt que de constituer un nouveau texte sectoriel traitant en majorité des aidants salariés.

Ce plan global, annoncé par le Gouvernement, devra également actualiser et harmoniser le cadre juridique applicable et améliorer la gouvernance et la cohérence des politiques publiques d’aide aux aidants. Sur le terrain, en effet, les aidants ont cruellement besoin d’un interlocuteur unique pour s’y retrouver dans le maquis des acteurs publics et privés du handicap et de la dépendance.

J’ajoute que le sujet des aidants est indissociable de celui des politiques publiques en matière de perte d’autonomie et de handicap. Là encore, un chantier majeur est en cours, et la question des aidants ne peut être traitée indépendamment de lui. Comme l’a souligné le Haut Conseil de la famille, « le premier droit des aidants est que le plan d’aide de leur proche soit d’un bon niveau et qu’un service public de bonne qualité le mette en œuvre ».

Je partage l’avis émis par notre collègue député Pierre Dharréville dans son rapport de « mission flash » sur les aidants : « Les personnes aidantes fournissent un travail gratuit, un travail informel qui vient au mieux en complément, au pire en palliatif d’une réponse publique qui n’est pas à la hauteur ».

Mme Patricia Schillinger. On ne peut durablement faire reposer une part significative de la prise en charge de la perte d’autonomie sur les épaules des personnes aidantes. Je le répète : si l’action publique doit, bien entendu, venir en aide aux aidants, ce ne peut être sa fin ultime ; c’est aux pouvoirs publics qu’il incombe au premier chef de répondre aux enjeux de la perte d’autonomie et du handicap.

Mme Éliane Assassi. Vous dites tout et son contraire !

Mme Patricia Schillinger. Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur la proposition de loi.

Cette abstention, constructive (Marques dironie sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.),…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Bien entendu !

Mme Patricia Schillinger. … est avant tout un rendez-vous pris avec nos collègues et avec le Gouvernement.

Mme Éliane Assassi. Il y a urgence !

Mme Patricia Schillinger. Nous voulons apporter, ensemble, des solutions cohérentes, volontaristes et globales aux millions d’aidants, ainsi que, bien sûr, aux aidés.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe est investi depuis longtemps sur la question des proches aidants.

Celle-ci a fait l’objet, en janvier dernier, d’une « mission flash » pilotée par Pierre Dharréville, suivie d’une proposition de loi. Ces deux initiatives de l’Assemblée nationale ont permis d’identifier les difficultés rencontrées par les proches aidants et de proposer des solutions. Le constat fait à l’époque est que les proches aidants pallient bien souvent les carences des professionnels de santé et des institutions, en gérant les problématiques liées à la dépendance, dont la responsabilité incombe pourtant à l’État.

Parce que les proches aidants assument un si grand rôle, il est nécessaire de leur assurer des conditions d’existence dignes, pour le présent, mais aussi pour le futur. Afin d’arriver à cet objectif, trois axes de travail ont été dégagés dans le cadre de la « mission flash » : le temps du proche aidant et son droit au répit ; les ressources dont il dispose pendant son congé et ses droits à retraite ; enfin, son encadrement, sa reconnaissance auprès des professionnels de santé et sa réinsertion dans le monde du travail, une fois sa tâche accomplie.

La proposition de loi dont nous débattons semble tenir compte de ces axes de réflexion et prévoit des solutions visant à améliorer le quotidien et le futur des proches aidants. Elle reprend certaines propositions emblématiques de la « mission flash » animée par Pierre Dharréville, comme la création d’une indemnité de proche aidant, la majoration des droits à retraite et la mise en œuvre du concept de « relayage ».

Centrales, ces trois mesures permettent de protéger le proche aidant dans le présent – en lui garantissant les ressources nécessaires pour assurer sa subsistance et en lui accordant un droit au repos via le relayage – et d’assurer son avenir, puisque la majoration des droits à la retraite évite qu’il soit pénalisé.

Nous nous félicitons de ces avancées, mais regrettons que cette proposition de loi ne tienne pas compte de l’ensemble des solutions avancées par la « mission flash ».

Ainsi, il conviendrait d’assouplir les conditions de mise en œuvre du congé, afin de faciliter son articulation avec le temps de travail. En effet, alors que certains aidants ont besoin d’utiliser leur congé de manière très fractionnée, à hauteur d’un ou de deux jours par semaine, le recours fractionné au congé est conditionné à l’accord de l’employeur. Par ailleurs, au-delà d’un « relayage » permettant aux aidants de se reposer, les frais relatifs à leur santé physique et mentale devraient être pris en charge à 100 %, afin d’éviter que leur investissement auprès de leurs proches ne les fragilise.

Enfin, la reconnaissance de la lourde tâche assumée par les proches aidants passe non pas seulement par la majoration de leurs droits à retraite, mais aussi par la mise en place de dispositifs permettant leur réinsertion dans l’emploi après un arrêt prolongé et la reconnaissance des compétences acquises au cours de cette expérience.

Même si nous regrettons que certains aspects de la situation des proches aidants aient ainsi été laissés de côté, cette proposition de loi constitue pour eux une avancée considérable. Certes, elle ne va pas assez loin selon nous, mais elle est créatrice de droits réels et nouveaux. C’est un premier pas.

La création de droits nouveaux pour les citoyens étant une préoccupation majeure de notre groupe, il nous paraît nécessaire de soutenir toute proposition en ce sens, indépendamment de toute considération dogmatique ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, d’après le baromètre 2017 des aidants réalisé par la Fondation APRIL, le phénomène de l’« aidance » toucherait près de 11 millions de Françaises et de Français. Le portrait type de l’aidant est majoritairement celui de femmes, qui travaillent et qui, bien souvent, n’ont pas conscience d’être des aidants, du fait du manque d’information et, il faut bien l’admettre, de reconnaissance de l’assistance quotidienne apportée aux personnes en perte d’autonomie, en incapacité ou malades.

Les aidants représentent une véritable alternative solidaire spontanée face aux carences de notre système d’accompagnement des personnes dépendantes. Le service gratuit rendu par ces personnes est gigantesque pour la société : si l’État devait prendre à sa charge l’accompagnement assuré par les aidants, il y consacrerait plusieurs dizaines de milliards d’euros !

À l’heure des restrictions budgétaires, aider les aidants se révèle donc autant une mesure d’épargne publique que de salut public.

C’est d’autant plus vrai que, par ailleurs, les projections démographiques confirment que ce phénomène sociétal va s’amplifier, du fait de l’augmentation exponentielle des maladies chroniques et du vieillissement de la population. D’ici à 2060, le nombre de personnes en perte d’autonomie devrait doubler, pour dépasser les 2,5 millions. Il faut donc saisir à bras-le-corps ce sujet d’avenir, au plus vite ! Cette proposition de loi vous y invite, madame la secrétaire d’État.

Je tiens à saluer notre collègue Jocelyne Guidez, qui a remis l’ouvrage sur le métier après l’initiative prise par notre collègue député Pierre Dharréville, en mars dernier – initiative d’ailleurs repoussée par le Gouvernement dans l’attente d’un projet de loi sur le cinquième risque « perte d’autonomie », dont on attend toujours la première mouture…

Alors qu’une concertation est lancée sur le thème du grand âge et de l’autonomie, le Sénat se donne l’occasion d’apporter sa contribution. Il s’agit également d’inciter le Gouvernement à accélérer ses réflexions, en vue de proposer des solutions concrètes aux aidants, et à se prononcer sur les mesures dont nous aurons à débattre dans quelques instants.

Le législateur n’est pas resté inactif ces dernières années sur la question. Dès 2015, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a consacré la définition juridique des aidants et transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant. Puis, le don de jours de repos à un collègue a été étendu aux proches aidants par la loi du 13 février 2018. Mais est-ce bien suffisant ? Nous pensons que non, et que l’on peut toujours mieux faire.

Il faut désormais aller plus loin, et, une fois n’est pas coutume, la Commission européenne nous y invite, avec la publication, en avril 2017, du socle européen des droits sociaux, qui comprend un volet spécifique sur les aidants. La prise de conscience est donc bel et bien générale et transpartisane.

Cette proposition de loi participe de cette volonté de répondre à l’urgence sociale. Il ne s’agit pas d’entretenir une vision doloriste de l’aidance, mais de reconnaître pleinement les aidants dans leur solidarité, de faciliter leur quotidien et de les soutenir en développant un écosystème favorable.

Tel est bien l’objet de cette proposition de loi, que nous soutenons dans sa philosophie. En effet, l’indemnisation du proche aidant, pratiquée chez nos voisins européens, notamment en Suède, est une des avancées majeures du texte. Nous y souscrivons.

Par ailleurs, l’extension de la durée du congé, l’assouplissement des modalités de recours, l’intégration de la conciliation des vies personnelle et professionnelle des aidants dans la négociation collective, la meilleure information et la validation de périodes d’assurance pour le calcul des droits à pension sont autant de droits nouveaux essentiels qui faciliteront grandement la vie de l’aidant.

La situation des aidants, qui est souvent vectrice d’inégalités, suscite des conséquences dans leurs vies personnelle, professionnelle et sociale. Toujours sollicité, parfois même accaparé, le proche aidant s’oublie lui-même et relègue au second plan sa santé, mais surtout sa vie. Mésestimé, il souffre, d’une part, de l’absence d’accompagnement et de droits effectifs, et, d’autre part, du manque de personnel au sein des établissements de santé et des structures destinées à l’encadrement des personnes en perte d’autonomie.

La reconnaissance de l’aidant doit permettre à la société dans son ensemble, et au monde de l’entreprise en particulier, de changer de regard sur l’aidance. Les compétences déployées par les aidants en matière d’organisation, d’arbitrage et de décision doivent être valorisées.

Or les études de Michel Naiditch, de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, montrent bien la frilosité des DRH vis-à-vis des aidants et la perception négative qu’ils en ont ; par ricochet, ceux-ci refusent de déclarer leur situation auprès de leur hiérarchie ou de demander des aides existantes – nous en connaissons tous des témoignages.

Le rapport de Dominique Gillot intitulé Préserver nos aidants, une responsabilité nationale est également très pertinent sur la problématique de la désinsertion professionnelle des aidants.

L’aidance est aussi une question de santé publique. En effet, en fin de carrière professionnelle pour un tiers d’entre eux, les proches aidants craignent de perdre l’estime de leur employeur et font face à un tel cumul de tâches – une telle charge mentale, dirait-on aujourd’hui – que la dépression et l’épuisement les guettent bien souvent ; là encore, nous en connaissons tous des exemples.

Dans cette perspective, nous présenterons quelques amendements tendant à lutter contre la désinsertion professionnelle et sociale des proches aidants, afin de compléter cette proposition de loi très attendue par les aidants eux-mêmes.

Nous proposerons également l’ouverture d’une réflexion sur le cas particulier des jeunes aidants, une population estimée à 500 000 personnes, soit environ 10 % des aidants. Plus fragiles encore que leurs aînés, ces jeunes assistent quotidiennement, à l’aube de leur vie, un parent handicapé. Il nous semble plus que nécessaire de les prendre en considération pour leur permettre de réussir leur propre insertion sociale, largement entravée par l’aidance, à commencer par leur scolarité.

Vous l’aurez compris : nous souscrivons aux objectifs de la proposition de loi et aux mesures qu’elle prévoit. Malgré quelques reculs en commission, sur lesquels nous aurons l’occasion de débattre, nous pensons qu’elle tombe à point nommé pour rappeler au Gouvernement ses engagements et souligner la nécessité d’agir vite dans ce domaine, afin de rendre non pas hommage, mais justice à ces piliers invisibles et néanmoins indispensables de la solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de saluer à mon tour l’initiative de notre collègue Jocelyne Guidez, qui s’inscrit dans le prolongement du rapport qu’elle a présenté il y a neuf mois sur la proposition de loi de Paul Christophe ouvrant le don de jours de congé payés entre salariés au bénéfice des proches aidants.

M’exprimant à cette tribune lors de la discussion générale, j’avais alors estimé que cette proposition de loi allait dans le bon sens, tout en reconnaissant qu’elle laissait en suspens un certain nombre de questions, auxquelles votre texte, ma chère collègue, tente de répondre.

Vous proposez notamment que la question des aidants soit intégrée au champ obligatoire des négociations collectives – c’est l’article 1er du texte – et que le congé de proche aidant soit indemnisé – c’est son article 2 –, permettant ainsi d’améliorer la situation de ces personnes plus que jamais indispensables au bien-être des personnes en perte d’autonomie.

Les proches aidants jouent un rôle fondamental, que l’État ne peut entièrement assumer, d’autant moins que, avec le vieillissement de la population, leur nombre est amené à s’accroître dans les années à venir. Il est donc nécessaire de donner sans plus attendre davantage de moyens aux proches aidants pour assumer leur rôle.

Toutefois, il ne s’agit pas uniquement de leur faciliter la tâche. En effet, ces aidants, encore souvent en activité, éprouvent des difficultés à concilier travail et obligations familiales. Or cette situation, source de stress, d’anxiété ou de douleurs physiques, n’est pas sans incidence sur leur santé. Ainsi, selon une récente enquête, 31 % des proches aidants affirment avoir tendance à délaisser leur propre santé à cause de leur rôle ; 22 % déclarent avoir été obligés de reporter des soins qui les concernaient ; 11 % font état de problèmes de santé survenus depuis qu’ils sont aidants.

L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé a même évoqué un risque de surmortalité des aidants par rapport à la population générale : ainsi, un tiers des aidants décéderaient avant la personne qu’ils soutiennent. C’est pourquoi il est essentiel que les aidants soient à leur tour soutenus, aidés, accompagnés et mieux informés.

M. Guillaume Arnell. À ce titre, l’article 6 de la proposition de loi prévoit la mise en place d’un guide de l’aidant et d’un site internet d’information et d’orientation. C’est très bien, compte tenu de la forte demande des aidants, qui se sentent souvent démunis.

Ce nouveau texte n’est pas sans rappeler la proposition de loi du député Pierre Dharréville en faveur d’une reconnaissance sociale des aidants, examinée à l’Assemblée nationale le 8 mars dernier, mais non adoptée, les députés de la majorité ayant préféré aborder la question dans le cadre d’une stratégie globale sur la dépendance, pour ne pas créer « des dispositifs et des réponses partielles, isolées, parfois concurrentes, au coup par coup ».

Je ne puis souscrire à cet argument : comme je l’ai dit en commission, le législateur ne peut se contenter d’attendre les initiatives du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Union Centriste.)

En outre, consacrer une loi aux seuls proches aidants serait une manière de mettre en lumière leur travail quotidien, me semble-t-il, tout en répondant à l’ensemble des problématiques auxquelles ils sont confrontés. Comme l’a justement expliqué notre rapporteur, « ce texte suggère que nous embrassions d’un seul regard une palette de droits nouveaux pour tous les aidants, leur offrant ainsi le seul vecteur possible de progrès ».

La question de l’accompagnement des personnes en situation de dépendance est encore plus prégnante sur mon territoire, Saint-Martin, au regard du coût des places et de leur nombre limité au sein de l’unique EHPAD existant. À ce problème s’ajoute la question, centrale pour nous, du vieillissement en terre d’immigration : de nombreux immigrés qui se sont installés sur mon territoire vont y finir leur vie, sans proche pour les accompagner dans le vieillissement, donc dans la dépendance.

Parallèlement à l’action en faveur des aidants, il est donc impératif de développer des structures d’accueil de jour, de faciliter l’hébergement temporaire en EHPAD et de favoriser le remplacement des aidants familiaux par des professionnels pendant quelques heures, quelques jours ou quelques semaines.

Bien entendu, cette liste n’est pas exhaustive. Bien des choses restent à accomplir pour valoriser les emplois d’aide à domicile et pour mieux informer sur les aides disponibles.

Parce que je suis sensible à la détresse, à la solitude, à l’épuisement des aidants familiaux, et pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je n’ai pas hésité une seule seconde à cosigner ce texte.

Madame la secrétaire d’État, nous pouvons évidemment comprendre les contraintes de calendrier du Gouvernement, mais le législateur se doit d’être aussi force de proposition. Par conséquent, le groupe du RDSE apportera unanimement son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chère Jocelyne Guidez, quel est donc ce « nouveau monde » qui nous avait été promis et qui a démoli, pierre par pierre, article après article, cette proposition de loi ? (Sourires.)

Aujourd’hui, tout ce qui est d’origine parlementaire est systématiquement refoulé !

M. Michel Canevet. Exactement !

Mme Élisabeth Doineau. Il est totalement impossible d’accepter cela. La démolition à laquelle nous avons assisté, une fois de plus, est intolérable.

Vous semblez ne pas trouver le chemin du nouveau monde, madame la secrétaire d’État. Peut-être avez-vous besoin d’être aidée ?… (Mme Victoire Jasmin rit.) Nous vous proposons aujourd’hui d’être vos aidants, mais vous devrez faire preuve d’un peu d’humilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Chaque Français, à un moment de sa vie, est amené à devenir un aidant. Cela sera malheureusement de plus en plus le cas, compte tenu du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques et neurodégénératives.

S’appuyer sur des proches aidants sera une nécessité croissante. Selon une étude, le travail des aidants familiaux représente entre 0,6 % et 0,8 % de notre PIB. Il s’agit d’un travail non reconnu, dont la valeur atteint chaque année entre 12 et 16 milliards d’euros.

Citer ces chiffres, alors que chaque histoire est unique et personnelle, donner une valeur monétaire à ces actes, alors qu’ils sont des preuves d’amour et de solidarité, me trouble et m’interpelle. À travers la singularité des parcours, ces chiffres jettent un regard froid et direct sur l’universalité de la condition humaine. Je salue donc tout particulièrement l’engagement de notre collègue Jocelyne Guidez, qui, depuis le début de son mandat, a travaillé sans relâche sur cette problématique.

Au moment où nous mettons en place une nouvelle stratégie de santé, plus tournée vers la prévention, cette proposition de loi est une main tendue pour répondre à un enjeu social et sociétal majeur. Il s’agit de favoriser la reconnaissance des proches aidants, de les épauler dans leur mission et de leur apporter le soutien qui leur est dû. Il s’agit, mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, d’être à la hauteur de la situation.

Les proches aidants, eux, le sont inconditionnellement, quitte à en perdre la vie, pour 30 % d’entre eux, qui décèdent avant leur proche.

Cette triste réalité, je tente de la raconter, mais chacun d’entre vous pourrait le faire. L’aidant est une personne naturellement désignée qui accompagne un proche fragilisé. Bien souvent, il ne se rend pas compte qu’il est un aidant, il est le parent, le conjoint, l’enfant, l’ami, le voisin.

Ce proche endossera la responsabilité des démarches administratives de l’aidé au moment où le récent diagnostic affectera profondément ce dernier. Il s’occupera des courses, du lever, du coucher, du repas, de la toilette et, souvent, il s’oubliera lui-même, remettant à plus tard ses propres rendez-vous médicaux, ses loisirs, sa vie, en somme. Le risque d’isolement et de traumatisme psychologique est important.

Les aidants salariés vivent un conflit entre leur obligation professionnelle et leur obligation morale. Pour y mettre un terme, beaucoup quittent leur emploi ou réduisent leur activité. À la fragilité sociale, s’ajoute alors la fragilité économique.

L’aidant se trouvera épuisé par la multiplicité et la dispersion des canaux d’information comme par le manque de temps, et ses interrogations grandiront : puis-je disposer d’un moment de répit ? Si je quitte mon emploi, quid de ma retraite ? Qui peut m’aider ? Dans ces péripéties de la vie, le proche aidant forme un duo avec l’aidé, mais seul ce dernier est visible, reconnu et pris en charge. Est-ce juste ? Non.

Aussi, en prévention, un appui médico-social modulé selon l’intensité de sa charge devra être consacré à l’aidant.

Des associations de soutien émergent ces dernières années, comme l’Association française des aidants et le collectif « Je t’Aide », qui distinguent et référencent les initiatives positives. Les collectivités s’organisent aussi en s’appuyant sur des fondations ; des conseils départementaux à la conférence des financeurs, beaucoup d’initiatives se font jour, sur tous les territoires. Des groupes de parole et des temps forts sont mis en place, mais cela n’est pas suffisant.

Les proches aidants sont au cœur de cette proposition de loi. Notre rapporteur, Olivier Henno, a détaillé le dispositif dont je rappellerai seulement les objectifs : détecter l’aidant le plus rapidement possible ; lui fournir les éléments nécessaires pour qu’il puisse se faire accompagner, ainsi qu’un soutien financier pour qu’il ne mette pas son propre avenir en péril ; lui permettre d’être reconnu sans crainte dans son entreprise et auprès des médecins de l’aidé ; lui garantir l’automaticité d’accès à ses droits, quelle que soit la situation de la personne aidée, dépendante ou handicapée ; assurer, enfin, un lien, identifiable rapidement par les services de secours, entre aidant et aidé.

En commission, plusieurs amendements du rapporteur qui tendaient à améliorer l’efficacité du dispositif sans en changer la philosophie ont été adoptés.

Nous ne pouvons plus remettre cette question à demain. Ce qui se joue aujourd’hui, c’est non pas l’adoption d’un texte par un Sénat d’opposition, mais l’adoption d’un texte par des représentants de la République, unis autour d’une cause commune. Nous devons prendre une décision pour que, à l’avenir, notre société soit juste et humaine, humainement juste et justement humaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)