Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui exige que nous jouions cartes sur table.

Côté face, nous devons prendre en compte certaines réalités, qu’on le veuille ou non : les distributeurs automatiques sont de moins en moins utilisés par nos concitoyens. Confrontés à l’utilisation massive des cartes bancaires, les distributeurs automatiques ne font plus autant recette. Selon le groupement d’intérêt économique des cartes bancaires, il y aurait 68 millions de cartes bancaires en circulation en France en 2017, à l’origine de 564 milliards d’euros de transactions, ce qui souligne l’attractivité de ce mode de paiement pour les Français.

Côté pile, le paiement en espèce ne perd pas pour autant la face !

Selon l’étude de la Banque centrale européenne publiée en novembre 2017, les espèces restent le type de paiement le plus populaire chez les commerçants, qui n’ont, d’ailleurs, pas d’autres choix que de les accepter. Elles représentent 79 % du nombre total des achats réalisés en magasin et 54 % de la valeur de ces paiements.

Bien qu’exprimant une préférence pour les paiements par carte, les Français réalisent deux tiers de leurs transactions en magasin en espèces. Il s’agit principalement d’achats d’un faible montant, ce qui confirme le rôle des espèces, en France, dans le règlement des petits achats du quotidien.

Or, face à la digitalisation du secteur bancaire, avec l’essor des comptes et des services en ligne, l’utilisation des téléphones portables pour effectuer des paiements, les banques sont de plus en plus nombreuses à procéder à la fermeture d’agences et, par conséquent, de distributeurs automatiques, rendant ainsi difficile l’accès aux espèces, moyen de paiement préféré des consommateurs français.

C’est, d’ailleurs, sous l’angle de l’accès aux espèces que cette proposition de loi rédigée par notre collègue Éric Gold aborde la question de la désertification bancaire.

Si l’ensemble du territoire est impacté par ces fermetures successives de distributeurs automatiques, il existe d’importantes inégalités entre le monde rural et les grandes villes. Il y a une surdensification dans les métropoles régionales ou, encore, à Paris. On constate ainsi un déséquilibre de l’offre bancaire, qui touche en priorité les personnes les moins riches, les aînés et le monde rural.

À titre d’exemple, dans la Nièvre, les migrations contribuent à accentuer le vieillissement structurel du département : les seniors sont plus nombreux à s’installer qu’à partir, et inversement pour les jeunes. Ce département, tout comme les autres territoires ruraux, doit faire face à des populations de plus en plus vieillissantes.

Même si ces dernières ne sont pas nécessairement réticentes à l’évolution des modalités de paiement, des habitudes se sont créées, et une part importante de la population a besoin d’espèces.

Les habitants des campagnes, des bourgs et des petites villes ont aujourd’hui accès à un nombre toujours plus faible de distributeurs automatiques de billets. Cela les oblige à parcourir plusieurs kilomètres pour retirer de l’argent. Ils peuvent également se trouver confrontés à l’hostilité des commerçants, qui refusent parfois la carte bancaire pour des raisons économiques liées au coût du matériel et aux commissions prélevées.

Face à cette désertification bancaire, des initiatives existent et ont été renforcées – elles ont été rappelées par de précédents orateurs. Nous avons par exemple ratifié, en juillet dernier, la directive européenne sur les services de paiement, qui concerne le cashback.

Dans les zones rurales, particulièrement, lorsque l’accès aux espèces est de plus en plus compliqué, le commerçant a la possibilité de distribuer manuellement des espèces. Ces opérations permettent, d’une part, de remettre les espèces au cœur de la stratégie des petits commerçants, en tissant du lien social entre les consommateurs et les commerçants, et, d’autre part, de redynamiser le commerce de proximité, ainsi que les centres-villes.

Cependant, le cashback n’est qu’une solution pour lutter contre l’absence de distributeur ; il ne peut combler le manque à lui tout seul.

Les distributeurs automatiques de billets sont indispensables aux petites communes rurales. C’est un service à la population qui participe à la sauvegarde du commerce local, pour lequel tous les élus se mobilisent chaque jour.

Il s’agit là d’un enjeu lié à l’aménagement du territoire, comme on l’évoque régulièrement au sein de cette assemblée. Récemment encore, nous avons adopté à l’unanimité la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs de nos collègues Martial Bourquin et Rémy Pointereau.

Les Français eux-mêmes sont inquiets de ce déclin des centres-villes. Une enquête réalisée par l’institut CSA, en juin dernier, auprès d’un millier de Français, montre que sept Français sur dix sont préoccupés par cette désertification. Nos cœurs de ville et de bourg meurent ; plus de 700 villes se trouvent en grande difficulté, tout comme plusieurs centaines de bourgs, pôles de centralité.

Le plan gouvernemental « Action cœur de ville », lancé en mars 2018, est une première étape, qui permettra à quelque 200 villes de bénéficier d’une convention de revitalisation de leur centre. Mais le chemin est encore long pour redonner de l’attractivité à nos départements ruraux.

Les maires et, plus largement, les élus locaux peinent à maintenir la présence des services publics, ainsi que des commerces de proximité. Beaucoup vous diront même que conserver un distributeur automatique de billets en milieu rural s’apparente, parfois, à un combat de haute lutte en termes de négociation avec les établissements bancaires.

Cette question soulève – vous l’aurez compris, mes chers collègues – d’autres problématiques, très prégnantes dans nos territoires ruraux.

La ruralité n’est en rien hostile aux évolutions numériques. Bien au contraire, elle réclame des infrastructures, des réseaux pour se connecter au reste de la France et au monde ! Les habitants qui la composent ne sont pas plus exigeants que les autres. Ils ne demandent qu’à avoir un égal accès aux services minimums présents dans les métropoles et les grandes villes !

Pour ces raisons, le groupe socialiste et républicain a accueilli avec beaucoup d’intérêt la proposition de loi de notre collègue Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a souhaité que nous débattions, ce jour, de la proposition de loi de notre collègue Éric Gold, car elle tend à répondre à l’un des nombreux aspects de la relégation affectant nos territoires ruraux.

En soutien aux élus locaux, le législateur doit veiller à préserver nos campagnes d’une désertification croissante, qui contribue à alimenter le cercle infernal de l’isolement.

Cette désertification, nous ne saurions l’accepter, telle une fatalité ! Nous ne nous y résignons pas, soucieux de l’égalité entre tous les Français, attentifs à l’équilibre du territoire national et respectueux de la diversité qui fait la richesse et l’attractivité de notre pays !

Cette approche du monde rural, si elle est familière à notre Haute Assemblée, ne l’est pas nécessairement à toutes les sphères de pouvoir ou à celles et ceux qui les inspirent.

Encore récemment, un rapport intitulé Redessiner la France. Pour un nouveau pacte territorial, issu d’un cercle de réflexion portant le nom d’un illustre député du Tarn, appelait ni plus ni moins à cesser d’investir massivement dans une impossible égalité des territoires et à assumer que les territoires éloignés des grandes métropoles vont en partie être oubliés.

Quel aveuglement sur le rôle que continuent de jouer ces territoires, en dépit de leurs difficultés, dans la dynamique nationale !

L’une de ces difficultés revêt aujourd’hui la forme d’une raréfaction des distributeurs automatiques de billets, elle-même s’inscrivant dans une tendance générale de raréfaction du recours aux espèces.

Toutefois, les mutations des usages bancaires que nous observons, tout comme les évolutions juridiques tendant à réduire la capacité de paiement en espèces, ne sauraient masquer une autre réalité : celle d’une partie de la population encore très peu en phase avec ces nouveaux usages, mais également celle de territoires ne disposant pas d’une couverture numérique permettant le recours à ces pratiques ou encore celle de commerces dont l’activité modeste en milieu rural tend à limiter le recours aux paiements dématérialisés pour des questions de coût.

Aussi, la présente proposition de loi tend à faciliter l’accès aux espèces, en favorisant la présence de distributeurs automatiques de billets au sein des territoires, très majoritairement ruraux, qui s’en trouvent progressivement dépourvus.

J’emploie l’expression « très majoritairement ruraux », car, précédemment maire d’une commune périurbaine de 4 000 habitants située près d’Aix-en-Provence, j’ai été, moi-même, également confrontée à cette difficulté.

À l’heure actuelle, cette problématique est très significative ; la Banque de France a d’ailleurs mandaté un groupe de travail sur le sujet. Sans préjuger aucunement de la qualité des travaux conduits par ce dernier, le groupe du RDSE a estimé qu’il était dans son rôle, en étant aussi force de propositions sur le sujet.

Nous proposons donc la création d’un fonds dédié. Il nous est apparu légitime que celui-ci soit abondé par les banques. En effet, celles-ci continuent de s’appuyer, comme elles l’ont toujours fait, sur l’importante capacité d’épargne du monde rural français. Leur demander une implication dans la préservation du lien social au sein de ces territoires nous semble donc cohérent.

Si nous accueillons très favorablement la mise en œuvre de points retraits ou encore des pratiques comme le cashback, dont les derniers contours doivent être prochainement fixés, nous savons que ces dispositifs ne sont pas en mesure de pallier totalement l’absence de distributeurs automatiques de billets. Les usagers demeurent notamment contraints par les horaires d’ouverture des commerces proposant ce type de services.

Mes chers collègues, la révolution monétique est engagée. Comme toutes les mutations, elle s’accompagne d’une période transitoire. Veillons à ce que celle-ci soit conduite avec réalisme et cohérence !

Aujourd’hui, on observe aisément que ce sont d’abord les populations urbaines qui réduisent leur recours aux espèces. Dans le même temps, ce sont les populations rurales qui souffrent le plus de la raréfaction des distributeurs automatiques de billets.

La dématérialisation progressive des paiements est une composante que personne ne contestera ici.

Toutefois, les premières pièces de monnaie ont été frappées au VIIe siècle avant notre ère… Il me semble que nous pouvons nous employer à accompagner les usages propres à chaque territoire encore quelques années, en attendant que la totalité du pays dispose d’une couverture numérique et que l’ensemble de la population ait pu se familiariser avec les nouveaux outils de paiement.

La ruralité a besoin de proximité dans l’offre de services, au moment où le renchérissement du coût des déplacements dans ces territoires fait débat.

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à nous accompagner et à nous soutenir, sans attendre la conclusion des travaux du groupe de travail mandaté par la Banque de France, dans cette réflexion visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux, engagée sur l’initiative de notre collègue Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Bernard Delcros. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier Éric Gold d’avoir déposé cette proposition de loi. Notre collègue est élu du Puy-de-Dôme, un département que je connais bien, avec une partie urbaine rassemblée autour de Clermont-Ferrand, mais aussi des secteurs ruraux, voire très ruraux.

Cette proposition de loi pose, au fond, une problématique plus globale : la question de l’offre de services en milieu rural et, à travers elle, celle de l’attractivité des territoires ruraux.

Quel avenir envisager pour la ruralité ? Quel rôle voulons-nous que la ruralité joue, demain, dans la société française ? Voilà la véritable interrogation !

Il y a deux façons d’y répondre.

On peut considérer que la ruralité est constituée de territoires en difficultés, à problèmes, qu’il faut bien aider à survivre. Dans ce cas, il faut effectivement les assister. Alors – et soyez rassurée, madame la secrétaire d’État, cela ne date pas d’hier ; voilà quinze à vingt ans que nous n’avons plus, dans ce pays, de vraie politique, lisible, efficace, d’aménagement du territoire –, on se contente de rattraper les retards accumulés.

Mais on peut considérer, au contraire, que la ruralité a un rôle à jouer dans la période actuelle, pas seulement pour elle-même, mais pour la société tout entière, dans sa dimension urbaine comme dans sa dimension rurale. Nous sommes de plus en plus nombreux à le penser.

Oui, nous sommes un certain nombre à considérer que la ruralité peut aider à répondre aux enjeux du XXe siècle.

Mme Françoise Gatel. Du XXIe siècle !

M. Bernard Delcros. Peut-on répondre, sans la ruralité, aux enjeux du XXIe siècle ? Merci de m’avoir repris, madame Gatel, car, pour le XXe siècle, c’est trop tard !

Peut-on répondre, sans la ruralité, à l’enjeu de l’écologie et de la protection de la biodiversité, qui doit être au cœur de nos politiques publiques ? (Non ! sur les travées du groupe Union Centriste.) Peut-on répondre, sans l’agriculteur et la ruralité, à la question de l’alimentation, de la qualité alimentaire, de la santé publique ? (Non ! sur les travées du groupe Union Centriste.) On ne le peut pas ! Mais il faut, bien sûr, que nous sachions faire évoluer notre modèle agricole.

Vous avez évoqué la cohésion sociale, madame la secrétaire d’État. La ruralité peut aussi aider à répondre à cette question de la cohésion sociale, de l’unité nationale.

Mme Cécile Cukierman. C’est vrai !

M. Bernard Delcros. En outre, comment va-t-on gérer l’accroissement démographique dans notre pays ? Nous savons que, dans les trente prochaines années, la population française augmentera d’environ 10 millions d’habitants. Entendons-nous continuer à concentrer cette population sur les secteurs urbains, avec tous les problèmes que cela pose, ou, au contraire, souhaitons-nous aller vers un meilleur équilibre des populations sur l’ensemble du territoire national ? Si nous nous retrouvons autour de cette dernière option, alors il faut changer le regard sur la ruralité et mener une autre politique, tendant à l’équilibrage de la répartition territoriale.

Tels sont les sujets de fond, les sujets d’avenir que pose cette proposition de loi, à travers le traitement d’un thème très particulier. La question est bien celle du rôle que l’on entend donner aux territoires ruraux dans la France de demain.

Pour en revenir plus précisément à la question de la désertification bancaire et de la raréfaction des distributeurs automatiques de billets et du paiement en espèces, il faut être lucide ! Comme plusieurs orateurs l’ont souligné, on ne peut pas envisager l’avenir en s’arc-boutant sur des schémas du passé ! Nier la réalité est toujours garantie de contre-performance !

La nature des services évolue bien chaque jour, et elle évoluera encore ! Nous le voyons, le numérique transforme notre société et, demain, cette transformation numérique emportera sur son chemin, et les paiements en espèces, et, je le crois, les paiements par chèque. Il est de notre responsabilité de regarder cette réalité en face. Nous devons nous y préparer.

Mais, plusieurs de nos collègues l’ont également dit, nous devons gérer convenablement une période de transition, qui sera longue.

Il faut la gérer dans le respect des générations qui n’ont pas l’agilité du numérique et se retrouvent démunies devant une technicité se transformant en complexité pour elles. Certaines personnes, notamment âgées, ont encore besoin de payer en espèces. Il est essentiel d’en tenir compte.

Il faut la gérer, aussi, dans le respect du maillage du petit commerce rural. Comme le soulignait Patrice Joly, le rôle de ces petits commerçants dans la vie sociale est très important, leur magasin étant souvent le seul lieu où les habitants se rencontrent. Or un certain nombre d’entre eux n’offrent pas de possibilité de paiement par carte bancaire, pour différentes raisons, dont quelques-unes ont été rappelées par Sylvie Vermeillet. Nous devons également tenir compte de cette situation.

Oui, mes chers collègues, nous devons apporter des réponses face à la réalité de nos territoires ruraux ! C’est ce que fait cette proposition de loi !

Mais, cela a été rappelé, le texte doit évoluer… parce que, tout simplement, il n’est pas applicable en l’état ! Sylvie Vermeillet en a bien explicité les raisons : le fonds créé à l’article 1er ne peut pas être alimenté par la contribution des établissements bancaires, cette affectation devant relever d’une loi de finances, et l’obligation qu’il y ait un DAB dans toutes les agences postales communales, y compris installé par des organismes bancaires concurrents, n’est pas réaliste.

En conclusion, nous pensons, au sein du groupe de l’Union Centriste, que tant que le paiement en espèces existe, il faut maintenir un réseau de distributeurs automatiques de billets de proximité dans la ruralité.

Nous sommes donc favorables à la proposition d’un financement…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Bernard Delcros. Vous savez qu’il est difficile de se limiter dans le temps quand on évoque la ruralité, madame la présidente ! (Exclamations.)

Nous soutenons, j’y reviens, un financement par le FISAC. Ne nous arrêtons pas à l’obstacle de sa disparition ! Cela a été rappelé, la commission des finances a adopté un amendement portant le niveau du FISAC à 30 millions d’euros. À nous de nous battre pour que ce fonds, qui rend de vrais services au commerce et à l’artisanat en milieu rural, puisse être maintenu.

Sous réserve des évolutions de ce texte, nous voterons en sa faveur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

M. Vincent Segouin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la désertification bancaire est un problème majeur, qui touche de plus en plus nos territoires ruraux – je confirme les propos qui viennent d’être tenus.

Le nombre de distributeurs automatiques de billets diminue d’année en année. Hier, on supprimait les agences bancaires ; aujourd’hui, les distributeurs. Au-delà de la seule suppression de ces distributeurs, c’est le processus dans lequel nous sommes entrés qu’il convient d’arrêter !

Plusieurs de nos collègues du groupe du RDSE, au premier rang desquels Éric Gold, nous soumettent cette proposition de loi visant à favoriser le maintien ou la création de distributeurs automatiques de billets dans les communes victimes de désertification bancaire.

Ce texte a le mérite de soulever de vrais problèmes et d’amorcer un débat qui entre parfaitement dans le cadre du combat actuellement mené par le Sénat en faveur des territoires.

Il faudrait, en effet, être aveugle pour ne pas constater cette diminution et les effets engendrés : disparition de commerces locaux, désertification des centres-villes, etc. Je ne m’étendrai pas sur ces sujets, nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin ayant tout dit et ayant fait de nombreuses propositions en la matière.

Actuellement, nous constatons que les banques incitent de plus en plus à diminuer les échanges bancaires avec de l’argent numéraire, pour accroître l’utilisation des cartes bancaires, avec ou sans contact. Ainsi, elles réduisent les frais de fonctionnement liés aux transports de fonds, à la maintenance des distributeurs automatiques de billets, et peuvent constater une augmentation des échanges, puisqu’il est plus facile de dépenser avec une carte qu’avec de l’argent numéraire.

Mais cette évolution ne profite pas qu’aux banques ! Pour l’État, c’est plus de transparence sur tous les échanges financiers, donc moins de travail dissimulé.

On ne peut que s’en réjouir, mais, avec un taux de prélèvements fiscal et social allant jusqu’à 55 % sur les bénéfices, cela entraînera une nouvelle vague de fermetures de petits commerces et très petites entreprises, les TPE, dans les territoires ruraux.

Dans une première phase, l’État gagnera en fiscalité. Mais il perdra vite ce bénéfice, puisque l’activité de nos TPE diminuera, au profit des commerces en ligne, comme Amazon. Or, je vous rappelle que nous n’avons toujours pas trouvé la solution pour régler la perte de fiscalité liée aux géants du numérique, connus sous l’acronyme GAFA.

Il est donc primordial de garder les points bancaires dans toutes les zones, pour maintenir les commerces de proximité et les TPE.

Pour autant, faut-il une loi spécifique pour les banques ? À titre personnel, j’avais accueilli cette proposition de loi avec un a priori positif, mais, au fil de la lecture du texte, je suis resté sur ma faim. J’ai été étonné de trouver si peu de chiffres, sur le nombre de distributeurs ou les échanges interbancaires, alors même que ces éléments servent de fondement à l’exposé des motifs.

L’article 1er, traitant de l’instauration d’un fonds dédié au maintien et à la création de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales, est pertinent, à mon sens. En effet, qui d’autre que la Caisse des dépôts et consignations doit répondre aux difficultés rencontrées sur les territoires ? Reste néanmoins à éclaircir le fonctionnement du fonds…

L’article 2, visant à l’instauration d’un critère de distance minimale des bureaux de La Poste comportant un distributeur automatique de billets, semble assez compliqué à mettre en œuvre. Il reste sûrement d’autres pistes à explorer, et Mme la secrétaire d’État y a fait allusion.

Seul l’article 1er me paraît donc pertinent dans ce texte, mais j’espère, surtout, que nous aurons prochainement l’occasion de travailler plus en profondeur ce sujet, et ce afin que des espèces soient disponibles dans tous les territoires, couverts et non couverts par les réseaux internet ou de téléphonie.

Je suis donc favorable au vote de la proposition de loi, dans la rédaction présentée par Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je voudrais, très brièvement, apporter quelques éléments de réponse.

Je ne crois pas que nous percevions, ainsi que j’ai pu l’entendre, les territoires ruraux comme des territoires assistés. Au contraire, je crois qu’il s’y trouve une grande richesse ! J’en veux pour preuve le sujet sur lequel je travaille le plus intensément, à savoir l’industrie. Je rappelle ce chiffre : 70 % de l’industrie française est située en dehors des agglomérations, en périphérie, voire en territoire rural ou même hyper-rural.

Oui, il y a de la richesse dans nos territoires ! Il ne faut sous-estimer ni leurs talents ni leur capacité à être dans la modernité !

Par ailleurs, il me semble que votre assemblée témoigne d’un intérêt particulier pour la question du FISAC. Je le comprends, mais ce sujet m’apparaît relever du projet de loi de finances pour 2019. Nous pourrons, à cette occasion, avoir un débat construit et, je le pressens, long et riche en amendements. Je serai ravie d’avoir ce débat avec vous – à moins que ce ne soit mon ministre de tutelle.

Pour l’heure, je recommande plutôt de centrer notre débat sur l’accès aux espèces dans les territoires ruraux, en laissant de côté le sujet du FISAC, qui, je le répète et nous en sommes bien conscients, mérite une plus longue discussion.

J’en viens à une réflexion sur la méthode.

Les orateurs ont tous mentionné l’étude que la Banque de France est en train de réaliser sur la problématique. Il ne me paraît pas illogique de tirer des conclusions à partir d’un diagnostic, plutôt que d’ébaucher une solution avant même que celui-ci soit posé.

J’ai, pour ma part, cité les travaux menés par la Banque postale et La Poste dans le cadre de leurs contrats. Le sujet sera spécifiquement abordé, pas plus tard que la semaine prochaine, au sein du comité de suivi de haut niveau, dans lequel siègent des représentants du personnel, des élus et des membres des directions de ces groupes. De mon point de vue, ce n’est pas respecter ces travaux que de vouloir aller un peu plus vite que la musique !

Cela explique, mesdames, messieurs les sénateurs, notre proposition d’un rapport qui agrégerait tous les travaux en cours. Ceux qui sont réalisés par la Banque postale n’ont pas été inspirés par la proposition de loi, puisque cela fait bien longtemps qu’ils ont été engagés.

Je voudrais également vous donner quelques éléments d’information plus factuels.

La couverture en haut débit – et non en très haut débit – du territoire est prévue pour 2020. Choisissons-nous de légiférer pour une année ? Je pose la question.

Un distributeur automatique de billets représente un coût d’installation de 70 000 euros et un coût annuel de maintenance de 14 000 euros. J’appelle votre attention sur ces chiffres : vous le voyez bien, les solutions alternatives sont probablement moins coûteuses et, peut-être, tout aussi efficaces ! Je pense au cashback, déjà évoqué, aux « points verts » ou au paiement sans contact.

M. Jean-François Husson. Et l’ouverture 24 heures sur 24 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Les distributeurs ne sont pas tous ouverts 24 heures sur 24. Cela dépend de leur installation à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement bancaire. Or, si les deux tiers des distributeurs sont situés à l’extérieur, ils le sont, pour un tiers, à l’intérieur, avec, en outre, une question de surcoût foncier dans le premier cas de figure.

Je rappelle également que les commissions bancaires ont fortement diminué au cours des dernières années. Nous sommes donc dans une dynamique et il me semble préférable de fonder un texte de loi sur cette dynamique d’avenir, plutôt que de regarder dans le rétroviseur.

M. Jean-François Husson. Nous regardons vers demain !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Ainsi le paiement sans contact, qui a été évoqué, est en place depuis quatre ans, environ, et les montants en jeu ont évolué, entre 2015 et 2017, de 270 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros. Si l’on se souvient que les banques ont longtemps été opposées à ce dispositif, déjà existant ailleurs, on peut pressentir que la part du paiement sans contact dans les usages va encore progresser. Les personnes âgées en sont très contentes, pour sa simplicité absolue.

Enfin, un dernier point qui a été incidemment mentionné, le recours aux espèces offre une possibilité de fraude fiscale. Il n’est donc pas illégitime d’en contrôler l’usage.