Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le rapporteur général, j’ai entendu votre intervention et je souhaite obtenir une précision.

Lorsqu’en 2017 le Sénat a débattu du projet de budget pour 2018 – c’était bien avant les événements actuels ; on ne peut donc pas dire qu’il discutait sous le coup de l’agitation ! –, il avait fait preuve de clairvoyance dans le cadre de son action budgétaire en tenant compte de ce que peuvent supporter les femmes et les hommes qui ont besoin de leur voiture pour se déplacer, quels que soient les territoires concernés – je ne parle pas seulement de la situation en milieu rural, je parle aussi de la situation en milieu urbain.

Il avait donc reconduit en 2018 notamment les mesures relatives au gazole non routier, le GNR, pour les entreprises. Nous partagions tous alors cette position, qui permettait d’affirmer, pour ce qui concerne les carburants, une stratégie énergétique vis-à-vis du citoyen et une politique clairvoyante à l’égard des entreprises.

S’il s’agit de reconduire en 2019 la démarche de 2018, je n’ai rien à y redire puisque cela signifie que l’on ne modifie pas les mesures touchant au GNR et que l’on ne change pas de posture : on ne crée donc pas une situation d’exclusion des entreprises intermédiaires.

Mon souci, monsieur le rapporteur général – nous en maintes fois parlé ensemble –, qui est partagé par les membres de la commission des affaires économiques du Sénat, ne concerne pas les grandes entreprises et les groupes. Nous le savons, il existe en France beaucoup d’entreprises intermédiaires, même si l’on se plaint d’en avoir trop peu par rapport à l’Allemagne. Si l’on ne modifie pas le texte sur ce point, ces entreprises seront pénalisées et certaines ne s’en relèveront pas, car elles ne seront pas dans une situation de compétitivité.

Je souhaite souligner deux autres aspects : tout d’abord, l’amendement que j’évoque permettait de régler le problème des biocarburants, et c’était un signe fort que l’on envoyait en termes de lisibilité de l’action pour la recherche et le développement dans ce domaine ; ensuite, il réglait définitivement le problème de la cogénération sur le biogaz.

Mais, encore une fois, j’aimerais que le rapporteur général me rassure pour ce qui concerne le GNR. Si on reconduit la position du Sénat de 2018 dans le projet de budget pour 2019, alors je m’y retrouve complètement. Cela permet de donner une lisibilité, ce qui est très important pour notre économie qui en manque.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. J’y renonce, madame la présidente. M. Gremillet a parlé pour moi avec talent.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Autant vous le dire, madame la présidente, nous aurions préféré que notre amendement soit soumis au vote du Sénat, puisqu’il prévoyait d’abaisser la trajectoire de la taxe carbone, laquelle a été considérablement rehaussée par l’actuel gouvernement.

Notre amendement nous semble préférable parce qu’une trajectoire abaissée donnerait le temps et la possibilité de mettre en place de véritables mesures d’accompagnement en faveur des ménages pour lesquels la voiture est incontournable pour se rendre au travail, ou qui sont captifs des énergies fossiles pour se chauffer. Durant la période 2019–2030, les gouvernements auraient alors le temps et la possibilité d’orienter et d’adapter la fiscalité écologique en fonction de la hausse du prix du pétrole, ce que n’a pas été capable de faire l’actuel gouvernement il y a un mois, et tout en rendant socialement inclusive dans la durée la transition énergétique, ce que ne permet pas l’amendement de la commission des finances. Car, à l’issue du délai de trois ans, que se passera-t-il ?

Je rappelle, et mon collègue Claude Raynal s’exprimera sur ce point, que nous restons favorables à un moratoire qui ne doit pas être un arrêt définitif.

C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cet amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Nous voterons l’amendement proposé par le rapporteur général et la commission des finances, mais un peu la mort dans l’âme. Comme l’a dit Jérôme Bascher, nous choisissons la voie de la sagesse : le Sénat propose un compromis pour sortir de la crise actuelle.

Je rejoins Pierre Cuypers. Le groupe RDSE a également porté des amendements en faveur des biocarburants. Je pense en effet qu’il était important, dans cet hémicycle, de parler de ce ton, de favoriser la recherche mais aussi l’introduction massive de biocarburants. À Bassens, en Gironde, une entreprise du groupe Avril vient ainsi de lancer le carburant B100.

Nous avons aujourd’hui une filière agricole qui se met au service des citoyens. Or, malheureusement, parce que nous devons faire un compromis, nous ne parvenons pas à la mettre en valeur au travers de ce débat et de nos amendements.

C’est donc à regret que nous nous mettrons en phase avec la proposition de la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette série d’amendements – 26 amendements au total – montre combien ce sujet est sensible et complexe. Leur enjeu est à la fois financier, économique et social.

Les 37,3 milliards d’euros attendus au titre de la TICPE en 2019 représentent des recettes très importantes. Il nous faut favoriser la recherche et développement ainsi que le développement économique relatifs aux biocarburants, au bioéthanol et aux nouvelles formes d’énergie.

Mais il est indispensable, parallèlement, de réfléchir sur les mobilités et les déplacements – un texte sur ce sujet nous sera prochainement soumis. Il y a ainsi un énorme travail à faire pour soutenir les transports en commun, tous modes confondus.

Compte tenu de l’importance de cet enjeu, je me rallierai naturellement à l’amendement de la commission des finances. (Marques dapprobation sur plusieurs travées.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Nous voici finalement au rendez-vous que l’on s’était donné il y a un an… Je souhaite revenir sur les propos d’Albéric de Montgolfier.

Monsieur le secrétaire d’État, je pense que le gouvernement auquel vous appartenez pratique insuffisamment l’écoute, et qu’il est insuffisamment en position de dialoguer.

Que je sache, le Sénat est plutôt réputé pour être une assemblée qui fait un travail de fond, qui essaye d’être la plus constructive possible et, surtout, qui écoute et porte la voix des territoires et de leurs élus, voire même de leurs habitants !

L’an passé, parce que le Gouvernement était quelque peu en lévitation et marchait sur l’eau (M. Roland Courteau rit.), vous n’avez pas pensé qu’il était utile d’écouter la forme de sagesse que nous prônions et à laquelle nous vous avions invités. Il s’agissait de refuser de donner à la taxe carbone une trajectoire qui se raidirait trop fortement.

Je le redis ici tranquillement : nous sommes favorables à une économie décarbonée et à une taxation du carbone, mais appliquées à la façon d’un maître d’école, d’un instituteur qui taperait sur les doigts avec une baguette et administrerait force punitions en cas de non-respect de la trajectoire. Nous proposons une autre méthode, qui consisterait à associer l’économie collaborative et la politique collaborative.

Ce sujet de la fiscalité énergétique est manifestement lié, selon vous, à un changement de logiciel et de méthode. Vous avez souhaité avancer à marche forcée, sans écouter. Vous récoltez donc, finalement, une partie de la colère qui s’élève dans le pays. Cela ne me gênerait qu’à moitié si cette colère ne s’élevait pas contre toutes les forces en présence, notamment l’ensemble des corps intermédiaires.

Nous proposons d’en revenir à la sagesse et de faire en sorte que nous puissions suivre et accompagner, ensemble, État, collectivités et acteurs économiques. Il faut agir ensemble pour la France !

En tant que commissaire aux finances, sur ce sujet, je tiens la ligne et le cap parce que je pense que c’est la meilleure des solutions. Il faut se mettre au travail, mais pas avec un haut conseil pour le climat. Car le climat politique, il est ici !

Nous pouvons faire ce travail ensemble et, dans ce cas, la France gagnera. C’est l’objectif qui doit être le nôtre aujourd’hui. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je voudrais revenir sur trois points.

Premier point : le Gouvernement dit souvent dans les médias, à grand renfort de publicité, qu’il ne reviendra pas sur la trajectoire carbone. Or, comme l’a très bien dit Roland Courteau, cela a été le cas l’année dernière : la trajectoire carbone a été accélérée.

Deuxième point : on nous dit que cette trajectoire est prévisible pour l’ensemble des entreprises. C’est absolument en contradiction avec cette disposition qui nous est soumise dans le cadre du projet de loi de finances, et qui tend à mettre un terme à l’exonération du gazole non routier.

Cette disposition arrive sans qu’aucune concertation ait été menée avec qui que ce soit, qu’il s’agisse des transporteurs ou des autres représentants du monde économique. (M. Jean-François Husson opine.) C’est la deuxième aberration !

Troisième point : on nous dit que nous serons coupables de nos errements, car cette disposition a pour belle vocation de porter une mesure de transition écologique. Que nenni !

On sait très bien que les augmentations de taxe ne vont pas à la transition écologique puisque les crédits qui lui sont consacrés sont en baisse dans le présent projet de budget.

Mme Sophie Primas. C’est la troisième histoire que l’on nous raconte !

J’ajouterai un dernier élément. Mme Delattre et d’autres collègues l’ont dit, s’il s’agissait de favoriser la transition, allégeons la fiscalité sur les biocarburants ou toute autre forme d’énergie qui nous permettraient d’être plus vertueux et d’émettre moins de CO2 et de particules fines. Ayons une politique cohérente ! De cela, je ne trouve pas trace non plus…

La logique voudrait que l’on vote l’amendement n° I–302 rectifié ter de Daniel Gremillet, que j’ai d’ailleurs cosigné en tant que présidente de la commission des affaires économiques. Mais il nous est proposé d’adopter par priorité l’amendement n° I–166 de la commission des finances, qui est d’équilibre budgétaire.

Je suis assez inquiète des effets, y compris sur nos entreprises, de la non-exonération du GNR. Néanmoins, le Sénat étant une chambre de la sagesse, je vais voter l’amendement de la commission, mais avec beaucoup de regrets et d’anxiété. Nous verrons ensemble quelles en seront les conséquences économiques.

La véritable bonne solution aurait été de supprimer la disposition qui met fin à cette exonération. Toutefois, afin de préserver les équilibres budgétaires pour lesquels vous vous battez, monsieur le rapporteur général, je voterai votre amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que nous puissions dire, c’est que nous reprenons nos travaux avec l’un des sujets les plus sensibles pour le débat politique d’aujourd’hui et pour la vie concrète de nos concitoyens.

Ce sujet est au carrefour de deux problématiques. L’une, la question du pouvoir d’achat, est présente depuis quelques mois dans le débat public et dans le débat économique. L’autre a trait au sujet de fond qui vient d’être évoqué à l’instant, celui de la transition écologique.

Nous, les membres du groupe Union Centriste, et plus globalement ceux qui sont dans la mouvance de Jean-Louis Borloo, sommes favorables à une transition écologique dont nous savons qu’elle est nécessaire et qu’elle relève de notre devoir.

Nous sommes pour une transition écologique apaisée, maîtrisée, dans laquelle nous accompagnons nos concitoyens, lesquels sont eux-mêmes acteurs de cette volonté d’aller vers une économie décarbonée. Nous mesurons aussi toute la difficulté de cette démarche.

Je voudrais souligner un double hiatus. Lorsque l’on se rend chez un concessionnaire automobile aujourd’hui et qu’on lui indique vouloir acquérir un véhicule propre, par exemple une voiture électrique, on s’entend souvent rétorquer que, la technologie des batteries évoluant, il convient de réfléchir avant de s’engager dans le temps, et que toutes ces technologies ne sont pas forcément matures.

En réalité, ceux de nos concitoyens qui veulent choisir ce mode de transport ont du mal à trouver une solution concrète qui les engage dans le temps.

Par ailleurs, il y a un problème de coût. Pour un retraité qui a une pension de 900 euros, financer un changement de voiture, même s’il s’agit d’un véhicule à essence moins polluant, cela pose une véritable difficulté.

La mesure proposée par le rapporteur général est donc un point d’équilibre. À titre personnel, il y a quelques semaines, j’étais plutôt favorable à un lissage dans le temps et à des mesures d’accompagnement. On se rend compte aujourd’hui, que la proposition émise par le Gouvernement ne passe pas dans l’opinion. Le point de blocage est tel que l’ensemble de la politique de transition écologique est mis en péril et qu’il faut trouver la mesure qui doit permettre un apaisement.

Dans notre esprit, il s’agit aussi de reposer les questions des fondamentaux de la transition écologique, des modalités et de l’accompagnement. Il faut ne pas oublier la cible, et prendre acte que la pédagogie n’a pas été suffisamment faite et que les difficultés sont telles dans l’opinion que le sujet ne passe plus.

Nous nous rallions donc, comme l’a dit Nathalie Goulet, à l’amendement du rapporteur général. (M. Jérôme Bascher applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les choses sont assez claires. En l’occurrence, le point d’équilibre se trouve – et c’est la difficulté de l’exercice – entre la réponse sociale attendue eu égard aux événements que nous connaissons et, au-delà, la façon dont beaucoup de Français perçoivent la transition écologique. Cela doit être pris en compte par notre assemblée.

Il ne serait pas bon non plus d’altérer notre vision de la transition écologique, avec la nécessité de décarbonation de notre vie. Il ne s’agit donc pas de dire que la taxe carbone est derrière nous. Il faut trouver ce point d’équilibre.

Roland Courteau a fait une proposition très intéressante – ce point de vue, extrêmement pesé, est partagé par notre groupe et par vous-mêmes, mes chers collègues. Il s’agit de revenir sur la trajectoire carbone qui avait été fixée, à l’époque, par Ségolène Royal. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Sectaires !

M. Claude Raynal. Je retire son nom, si vous voulez… (Sourires sur les mêmes travées.) ; disons, la trajectoire définie par le précédent gouvernement.

Nous avions voté cette courbe,…

M. Gérard Longuet. Vous l’aviez votée, pas nous !

M. Claude Raynal. … et cette trajectoire n’était pas remise en cause. Je vous rappelle qu’elle prévoyait 100 euros la tonne en 2030.

M. Claude Raynal. Aujourd’hui, la trajectoire prévoit 160 euros la tonne en 2030, et c’est cela qui pose problème.

En revenant à l’ancienne trajectoire, on se donnait le temps, sans renier la position politique partagée sur de nombreuses travées, de trouver des équilibres pour accompagner la transition écologique ; je crois que c’était une bonne formule.

Nous pourrions voter cet amendement. Pourquoi nous contentons-nous de nous abstenir ?

Nous considérons que la formule consistant à dire qu’il faut araser envoie un message trop dur, qui ne souligne pas suffisamment la question de la transition. Nous aurions préféré, pour notre part, un amendement prévoyant une année de moratoire, et nous l’aurions voté avec vous.

Tel qu’il est présenté dans l’amendement, le message n’est pas tout à fait celui que nous voudrions. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je prends la parole, car il y a un malentendu de fond.

La loi de transition énergétique de 2017 est très équivoque parce qu’elle poursuit deux objectifs fondamentalement différents : d’une part, décarboner l’économie, l’industrie et l’énergie françaises, ce qui est une préoccupation tout à fait légitime, et, d’autre part, assez curieusement, punir certaines activités industrielles considérées comme philosophiquement néfastes. C’est particulièrement vrai de l’énergie électrique lorsqu’elle est produite par le nucléaire, qui a l’immense mérite de donner à la France cette position du pays le plus décarboné d’Europe sur ce terrain.

M. Gérard Longuet. Mais, sans qu’on en comprenne les raisons, on en limite la part dans la production d’électricité.

La même démonstration s’applique, permettez-moi de le dire, au gazole, qui émet moins de CO2 que n’en émet l’essence et qui, depuis 2011, même s’il faudra évidemment moderniser le parc roulant au gazole, émet moins de particules fines que les moteurs à essence.

La transition énergétique mériterait donc d’être revue à l’aune de la compétence dont Mme Ségolène Royal n’a pas fait particulièrement preuve, puisqu’elle a choisi la facilité en allant dans le sens d’un courant associatif et en méconnaissant les réalités industrielles que vivent nos compatriotes.

Pourquoi ces derniers achètent-ils, ou ont-ils acheté, jusqu’à présent en majorité des véhicules diesel ? Ils n’ont pas été forcés de le faire ! Ils l’ont fait parce que la performance technique du diesel procure une économie d’environ 20 % par rapport à l’essence. C’est une réalité que méconnaît la loi de transition énergétique. Il y aurait un mauvais CO2, celui qui est produit par les véhicules diesel, et un bon CO2 produit, par exemple, par la SNCF qui, elle, ne paie pas la taxe carbone.

Des Français, lorsqu’ils font leur plein d’essence, paient plus de 60 % de taxes, quand d’autres, lorsqu’ils ont la chance d’accéder à des transports en commun, reçoivent plus de 60 % de subventions. Vous comprendrez à cet instant que cela mérite réflexion !

C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement n° I–166, qui ne règle rien sur le fond, mais qui a le mérite d’ouvrir un moratoire. Espérons que celui-ci aboutisse à la mise en valeur des conclusions, que je partage totalement, de Daniel Gremillet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. David Assouline. Le lobby pro-diesel !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le consensus autour de l’amendement du rapporteur général est en train de se dessiner tranquillement.

Cela étant dit, je partage la frustration d’un certain nombre de nos collègues, exprimée par Pierre Cuypers et d’autres également, sur l’organisation, ou la désorganisation, de nos travaux : cette année, contrairement à ce qui est généralement le cas, on ne pourra pas consacrer autant de temps à la discussion de ces sujets importants. Cela tient aux péripéties du week-end…

N’oublions pas non plus que le Président de la République fera peut-être, demain, des annonces par lesquelles il tirera un trait de plume sur ce que l’Assemblée nationale a voté…

M. Antoine Lefèvre. C’est vrai !

M. Philippe Dallier. … et sur ce que le Sénat aura fait cet après-midi. Je ferme la parenthèse.

J’en viens aux deux amendements.

J’étais allé assez loin en tant que membre de la commission des finances, puisque j’avais signé l’amendement notre collègue Gremillet, qui me semblait correspondre au mieux au gel de la situation en permettant que l’on se donne un peu de temps.

Cependant, je comprends parfaitement les raisons du rapporteur général : il faut aussi songer à l’équilibre budgétaire, comme l’a rappelé la présidente de la commission des affaires économiques. L’amendement d’Albéric de Montgolfier est donc celui qui doit nous rassembler.

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Vous nous avez demandé, monsieur le secrétaire d’État, si nous approuvions la transition écologique et la nécessité d’avoir des énergies non carbonées. Évidemment, nous partageons entièrement ce point de vue. Vous avez un peu de mal, quant à vous, à traduire vos paroles en actes.

Nous pourrions vous suivre, mais il faudrait pour cela que les crédits consacrés à la transition écologique ne baissent pas de 577 millions d’euros, comme l’a rappelé Mme Primas. Il y a là un petit problème !

Par ailleurs, les émissions de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse l’an dernier, atteignant 3,2 %, notamment à cause du libre-échange. La semaine dernière nous avons débattu ici du CETA, le Comprehensive Economic and Trade Agreement. Nous avons importé, vous le savez, plus de 46 % d’hydrocarbures en provenance du Canada, un pays où l’on autorise l’extraction du pétrole issu des sables bitumineux, c’est-à-dire le plus polluant.

Nous pourrions vous suivre s’il n’y avait pas eu le pacte ferroviaire, lequel avait été précédé par des fermetures de petites gares. Depuis lors, les choses s’accélèrent un peu…

Nous pourrions vous suivre si vous nous annonciez, dans le projet de budget, un investissement massif en faveur des transports en commun, pour que le plus grand nombre de nos concitoyens en bénéficient, notamment dans un certain nombre de territoires oubliés de la République, en zones rurales comme en zones urbaines.

Je prends tous les jours le RER B en Seine-Saint-Denis, département que nous connaissons bien. Si vous nous disiez que vous allez investir massivement pour que ce mode de transport, emprunté quotidiennement par 1 million de passagers, fonctionne mieux, plutôt que de donner 2,5 milliards d’euros au Charles-de-Gaulle Express pour 20 000 touristes par jour, je pourrais vous suivre !

Si nous pouvions avoir un débat sur le moteur de voiture à hydrogène, dont Daniel Laurent pourrait parler mieux que moi – nous avons visité ensemble le Mondial de l’Automobile –, là encore, je pourrais vous suivre.

Mais rien de cela n’est fait !

Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons avoir un débat de haut niveau. Or, en vérité, vous faites tout l’inverse : vous faites payer aux Françaises et aux Français les cadeaux fiscaux que vous faites aux plus riches. C’est cela la réalité ! L’argent consacré à ces cadeaux fiscaux, ni l’environnement, ni les salariés de ce pays, ni le plus grand nombre de nos concitoyens, ceux des classes populaires et des classes moyennes, n’en verront la couleur. (Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Il se trouve qu’on nous a présenté cet après-midi, salle Médicis, le rapport de l’Observatoire mondial de l’action climatique non étatique, qui montre très clairement que les pays dont les émissions baissent – ils sont peu nombreux aujourd’hui dans le monde – sont ceux qui ont mis en place une taxe carbone forte. Si on ne donne pas un prix au carbone, on ne fait pas baisser les émissions.

Au travers d’un amendement que j’avais défendu, lors du débat sur la loi de transition énergétique, avec Ladislas Poniatowski – cela ne nous arrive pas souvent, je ne risque donc pas l’oublier ! –, c’est le Sénat qui, le premier, a augmenté la trajectoire de la contribution climat-énergie. Notre assemblée n’est donc pas, par essence, contre la contribution carbone, c’est important de le rappeler.

Je ne voterai pas l’amendement de la commission, car il ne permet pas de clarifier le débat. La question aujourd’hui n’est pas celle du prix du carbone, lequel doit augmenter, car c’est ce qui fera la différence pour changer les comportements.

Le problème, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous n’avez pas de narratif ! Ce n’est pourtant pas faute de vous l’avoir dit ; nous avons même fait un peu le buzz avec Jean-François Husson ces derniers jours.

Nous avions dit l’année dernière que le dispositif ne serait pas accepté, car il fallait absolument, à côté de la montée de la contribution climat-énergie, voir si les territoires avaient les moyens d’assurer la transition.

Vous avez refusé nos propositions, votées chaque année à l’unanimité par le Sénat, et de nouveau cette fois-ci. Entendez les territoires !

Le Sénat n’aurait pas la même position si cette augmentation se traduisait par des moyens pour la transition énergétique territoriale. Et les territoires qui ont l’impression d’être les oubliés de la République ne seraient pas dans les mêmes sentiments par rapport à cette contribution carbone ! Cela n’empêcherait d’ailleurs pas de mettre en place un accompagnement social pour ceux de nos concitoyens qui sont prisonniers de la mobilité thermique, c’est une évidence.

Vous n’avez pas ce narratif ! Même le plan climat-air-énergie territorial, le PCAET, qui touchait 1 250 territoires, a disparu de votre discours, en échange d’un contrat de transition écologique qui ne concerne que quelques dizaines de territoires.

Il faut absolument que vous soyez capables, dans les prochains jours, de nous remettre un narratif réel qui réponde aux enjeux sociaux et aux enjeux d’aménagement du territoire. Le point essentiel, c’est non pas de connaître le prix de la taxe carbone, mais de savoir si l’emploi est mieux réparti à l’échelle nationale.

Nous devons travailler ensemble à un narratif. De grâce, remettez les territoires au cœur de votre politique ! Nous avons compris que des annonces importantes seraient faites demain, mais si vous ne faites pas ce que nous vous avions déjà dit l’année dernière, elles ne seront pas acceptées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Monsieur le secrétaire d’État, je m’adresse à vous : prenez la main que le Sénat vous tend, prenez-la humblement et ne la mordez pas… Vous avez là une occasion d’écouter la voix de la sagesse, la voix de la raison.

Prenez cette main, car le Sénat, c’est le monde de la proximité. Et c’est une collègue de votre ancien monde qui vous le dit, cet ancien monde qui connaît la proximité, cet ancien monde qui a le sens des réalités du quotidien de nos compatriotes, cet ancien monde de la ruralité, cet ancien monde de la France d’en bas, cet ancien monde de la France de ceux qui ne sont rien.

Prenez cette main, écoutez-nous, et sachez que, oui, la République est certainement en marche. Marcher, oui, mais, comme dirait Aimé Césaire, marcher au pas du peuple ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)