Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui a mis au cœur de notre politique agricole la notion d’agroécologie,

Vu le Plan biodiversité présenté le 4 juillet 2018 à l’occasion du premier comité interministériel pour la biodiversité,

Vu les propositions législatives de la Commission européenne du 1er juin 2018 sur la politique agricole commune après 2020 qui envisage la création d’un système de programmes écologiques obligatoires visant à rémunérer la mise en œuvre de pratiques agricoles allant au-delà de ce qui est actuellement exigé au titre de la conditionnalité,

Considérant que notre modèle agricole est à un tournant de son histoire et que des mutations profondes vont devoir être engagées ;

Considérant que les pouvoirs publics ont la responsabilité d’être partie prenante de cette révolution annoncée afin d’accompagner et d’orienter notre agriculture vers davantage de prise en compte de la préservation de son environnement ;

Considérant que les agriculteurs ont parfaitement conscience de la nécessité d’opérer certains changements dans leurs modes de production et que la majorité d’entre eux les met déjà en œuvre au quotidien ;

Regrettant à ce titre que le monde agricole soit actuellement stigmatisé sur la question environnementale alors même que des transformations profondes sont d’ores et déjà en cours ;

Considérant que notre politique agro-environnementale ne saurait se résumer à la seule compensation des surcoûts ou des manques à gagner induits par des modifications de mode de production ;

Rappelant que le revenu des agriculteurs est en baisse constante et que les crises successives ont profondément fragilisé une grande partie des exploitations françaises ;

Estimant que le contexte économique et concurrentiel peut être un frein au changement de certaines pratiques et qu’il faudra nécessairement un appui public et donc financier pour opérer certaines mutations ;

Estimant que la France doit être un modèle au niveau européen dans le domaine de l’agroécologie et un moteur dans la reconnaissance des externalités positives de notre agriculture ;

Estimant que notre politique agro-environnementale se doit d’être incitative, ambitieuse et rémunératrice ;

Estimant que le nécessaire maintien du budget de la politique agricole commune (PAC) à un niveau proche de celui de la période 2014-2020 devra passer par la création de nouveaux outils légitimant sa nécessité auprès des pouvoirs publics et de la société civile ;

Considérant que les paiements pour services environnementaux (PSE) sont des outils pertinents pouvant allier une nécessité économique à une attente sociétale ;

Considérant que les PSE ont pour objectif d’encourager les agriculteurs à s’engager dans des démarches productives vertueuses produisant des externalités environnementales positives ;

Considérant que les agriculteurs ont un rôle majeur en matière d’aménagement du territoire, d’entretien de nos paysages et de création d’activités économiques particulièrement en zones rurales ;

Estimant que les services ainsi rendus par les agriculteurs bénéficient à l’ensemble de la société et doivent, à ce titre, donner lieu à une rémunération ;

Considérant que le développement des PSE aura sans aucun doute un impact positif sur l’emploi en encourageant des modes de production moins intensifs et davantage pourvoyeurs d’emplois ;

Soulignant que les PSE seront sans aucun doute des outils de réconciliation du monde agricole avec la société civile ;

Invite le Gouvernement à avoir une politique volontariste en matière de création de ces PSE ;

Invite le Gouvernement à renforcer ses engagements dans le cadre du nouveau Plan biodiversité, en augmentant notamment l’enveloppe allouée à la mise en place de PSE ;

Appelle les collectivités, les territoires et les syndicats agricoles à avoir un rôle moteur dans la reconnaissance, l’accompagnement et la création de PSE ;

Invite le Gouvernement à plaider au niveau européen en faveur de la création de PSE dans le cadre de la future PAC d’après 2020 ;

Souhaite que la création des PSE n’implique pas une diminution des crédits consacrés aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), les deux outils étant complémentaires ;

Souhaite que ces PSE à l’échelle européenne comportent une part importante de subsidiarité afin de laisser aux États membres la possibilité de les adapter à leurs territoires ;

Appelle finalement l’ensemble des acteurs concernés à faire de la France la référence au niveau européen en matière d’agroécologie et de PSE afin de concilier intérêts économiques, environnementaux et sociétaux.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 131
Contre 198

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, en faveur de la création de paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs
 

10

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 39, Franck Menonville et moi-même souhaitions voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

11

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire qui s’est réunie sur le projet de loi de finances pour 2019 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

M. Michel Savin. C’est dommage ! (Sourires.)

12

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne
Discussion générale (suite)

Grève des contrôleurs aériens

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la performance des services de la navigation aérienne
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi relative à l’obligation de déclaration d’un préavis de grève des contrôleurs aériens (texte n° 621 [2017-2018), texte de la commission n° 162, rapport n° 161).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi.

M. Joël Guerriau, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous vous invitons à approuver préserve le droit de grève des contrôleurs aériens, un droit constitutionnel, tout en assurant la continuité du service public dans les aéroports.

Nous poursuivons deux objectifs : tout d’abord, garantir la bonne organisation du trafic aérien, ensuite, et surtout, assurer la protection des droits et la sécurité des passagers.

Il y a un peu moins de 4 000 contrôleurs aériens en France responsables de la gestion et de la surveillance des décollages et des atterrissages des avions, du survol de l’ensemble de l’espace aérien national. Ils sont en liaison constante avec les contrôleurs des pays voisins. Leur métier est lourd de responsabilités. Ils travaillent soit dans un aéroport soit dans l’un des cinq centres de contrôle régionaux. Leur compétence est d’une importance cruciale pour la bonne marche du trafic aérien, qui impose des sujétions particulières.

Cette proposition de loi conforte le droit de grève. Nous souhaitons seulement aborder les conditions d’exercice de ce droit, qui, quand il est utilisé de manière impromptue, a des conséquences épouvantables sur les usagers et les entreprises françaises.

La France est à l’origine de 67 % des mouvements de grève de contrôleurs aériens dans toute l’Union européenne, causant 97 % des retards liés à ces grèves. Cette proportion ne fait qu’augmenter : en 2018, les grèves des contrôleurs aériens ont augmenté de 300 % en un an.

Ce record en termes de jours de grève a des implications négatives directes sur les passagers, l’économie de notre pays et la compétitivité de nos entreprises. Selon PricewaterhouseCoopers, quelque 12 milliards d’euros ont été perdus sur la période 2010-2016, dont 60 % pour le seul secteur du tourisme, soit 1 milliard d’euros de perte annuelle ! Le pourtour de la Méditerranée se trouve très affecté, et de nombreux jeunes, en recherche d’emploi, perdent des chances d’en trouver dans le tourisme.

Les deux jours de grève de 2015, les 8 et 9 avril, ont engendré une perte de recettes supérieure à 20 millions d’euros pour le transport aérien français, avec l’annulation de 1 300 vols, soit 10 millions d’euros pour chaque jour de grève ! Je vous laisse imaginer la perte pour 254 jours de grèves. L’impact pour les compagnies aériennes françaises, Air France et HOP !, se chiffre à 66 millions d’euros en trois ans, avec 3 300 vols annulés, et à 35 millions d’euros à cause des retards.

À chaque grève, les compagnies étrangères contournent le ciel français, qui est très étendu. Sur la période 2014-2016, ce sont 6 millions de kilomètres additionnels qui ont été parcourus, ce qui a eu un lourd impact environnemental.

Le coût important de ces grèves pousse ainsi l’État à céder à certaines revendications. Plusieurs préavis de grève ont été levés avant même d’avoir été mis en application. Éviter temporairement une crise est une très bonne chose, mais cela n’apporte pas de solutions durables.

Le cadre juridique français doit être plus protecteur des usagers. Il doit prévoir pour les voyageurs une meilleure information en matière d’intention de grève des agents. En cas de grève, la loi de 1984 sur le service minimum permet d’assurer 50 % des survols, ainsi qu’un certain nombre d’arrivées et de départs dans les aéroports, qui sont précisés par décret.

Ce service minimum est essentiel et son maintien est indiscutable. Cependant, son mode de gestion actuel est pénalisant et induit des effets disproportionnés. Le mode de gestion du service minimum ne prévoit aucune information sur le nombre de grévistes, compliquant ainsi les régulations de précaution effectuées par les entreprises de transport aérien. Cela cause des retards et annulations à la dernière minute, du fait du manque de prédictibilité.

En résumé, même avec un très faible nombre de grévistes, l’effet des désorganisations liées au mode de gestion est tel que les retards, voire les annulations, sont très importants. De 2015 à 2017, par exemple, le contrôle du trafic aérien français a fait face à 32 journées de grèves, sur les 40 recensées en Europe, dont 16 portaient sur des revendications qui ne concernaient pas les contrôleurs aériens.

Un système de notification préalable est donc indispensable. Il permettra aux entreprises du transport aérien d’éviter les annulations à chaud et une partie des retards causés par une minorité de grévistes. Ainsi, nous amoindrirons les pertes financières, qui resteront bien sûr de toute façon importantes.

La Commission européenne, dans un récent rapport, recommande un préavis syndical de vingt et un jours et un préavis individuel de soixante-douze heures pour les contrôleurs aériens européens. Vous le voyez, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous sommes très loin du compte.

Quel est au fond l’objet de l’article unique de la proposition de loi ? Il vise à étendre la loi Diard aux services de la navigation aérienne sous une forme appropriée. Il impose pour les contrôleurs aériens une obligation de déclaration individuelle préalable de grève d’au moins quarante-huit heures, et non de soixante-douze heures, comme l’Europe le demande.

Mes chers collègues, trouvez-vous normal que des passagers français et étrangers apprennent seulement au moment du décollage que leur vol est annulé ? Des familles se sentent prises en otage, souvent démunies de toute alternative dans les halls de gare…

Mme Éliane Assassi. Quel lapsus !

M. Joël Guerriau. … dans les halls d’aéroport, voulais-je dire, qui sont surchargés. Ces passagers doivent supporter des frais d’hébergement supplémentaires, parfois des frais d’annulation ou de transport, qui ne leur seront jamais remboursés. Ce coût caché des grèves dans le secteur aérien n’est jamais chiffré, mais il pèse sur les familles et les entreprises. Il est aussi psychologique : il se compte en heures de stress et de mal-être.

Cette situation n’est pas tolérable, mes chers collègues, et donne une image déplorable de notre pays. Elle contraste avec l’essence du droit de grève tel qu’il est régi par la loi sur les transports, qui repose sur l’assurance contre les atteintes disproportionnées aux libertés des usagers, la protection des besoins de la population et la continuité du service public.

Mes chers collègues, les témoignages d’usagers victimes d’annulation et de perturbation de vols montrent à quel point ces situations ont atteint un degré intolérable. Sur les réseaux sociaux, on lit beaucoup de témoignages d’usagers victimes. Très souvent, ils attribuent à Air France, à tort, la responsabilité de l’annulation, certains affirmant qu’ils ne partiront plus jamais avec cette compagnie.

Depuis le dépôt de cette proposition de loi, j’ai eu des rendez-vous avec des passagers, qui m’ont fait part de leur désarroi. Pour vous montrer concrètement l’ampleur du problème, je voudrais vous lire quelques témoignages.

Je commencerai par celui d’Aude, dont cinq des vols ont été annulés en deux mois : « Les contrôleurs aériens prennent en otage l’ensemble des personnes qui souhaitent ou doivent voyager. Mon entreprise a perdu trois contrats au profit de compétiteurs étrangers. Nous envisageons le dépôt de bilan. »

Émery, un usager de l’aéroport de Marseille, indique : « Il faut que les contrôleurs aériens pensent aux petits qui gagnent moins de 1 500 euros et qui se privent toute l’année pour s’offrir un petit voyage et qui, à cause d’eux, devront se priver de cela. »

Myriam évoque le rêve de ses grands-parents agriculteurs : « Toute la famille avait cotisé pour leur offrir la croisière de leurs rêves pour les cinquante ans de leur mariage, mon grand-père souffrant d’un cancer. Au moment du départ, le vol a été annulé, le paquebot a quitté le quai sans mes grands-parents. » Elle écrit : « Si nous avions su vingt-quatre heures plus tôt, nous serions partis en voiture. » Aucun remboursement ; un rêve devenu cauchemar.

Jérémy, au chômage depuis deux ans, qui avait finalement obtenu un troisième entretien pour un emploi, alors qu’il ne restait plus que deux candidats, écrit : « Mon vol EasyJet vient d’être annulé, tous mes espoirs s’envolent, je suis désespéré. »

Justine a travaillé d’arrache-pied pendant un an pour passer un concours qui a eu lieu tous les deux ans. Elle a misé sur les tarifs attrayants d’une compagnie low cost. Mais ce qu’elle ne pouvait pas anticiper, alors qu’elle se trouvait à l’aéroport, c’est qu’aucun vol ne partirait le jour J.

Ahmed n’a pas pu assister à la naissance de son fils : bloqué à Casablanca, son vol Ryanair a été annulé à la dernière minute. Il en fut de même pour Lilia ; l’annulation de ce même vol ne lui a pas permis d’être témoin au mariage de sa sœur jumelle. Et la liste est longue… Ce sont autant de cas individuels qui se multiplient ; on ne saurait accepter le désarroi de ces personnes.

Mes chers collègues, avec l’augmentation des vols low cost, la croissance du trafic aérien est de plus en plus importante, et des personnes aux revenus de plus en plus modestes deviennent des usagers. Or ils sont les plus menacés par l’imprévisibilité des annulations, car ils n’ont pas les moyens ni les capacités de s’assurer. Ce sont des personnes modestes, avec de petits revenus, qui se trouvent affectées par le fait de ne pas avoir été prévenues assez tôt de l’annulation d’un vol.

Pour eux, mes chers collègues, pour Aude, pour Émery, pour Myriam, pour Jérémy, pour Justine et pour les milliers de victimes d’une situation qui aurait pu être évitée, j’en appelle à vos sentiments humanistes et vous demande de soutenir cette proposition de loi, qui est de bon sens.

Cette proposition de loi préserve bien entendu toute la portée du droit de grève, droit sacré en démocratie, mais elle protège mieux les usagers et les entreprises. Elle met fin à la capacité d’une minorité à mettre en souffrance des personnes innocentes. Elle rend notre système de transport aérien plus efficace, plus sûr, mais, surtout, elle le rendra plus humain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Alain Fouché, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir a un objectif simple : mieux organiser le service de la navigation aérienne en cas de grève, au profit des usagers.

Joël Guerriau vient de le dire, nous avons tous été témoins de scènes insupportables dans les aéroports, et vu des passagers dont le vol venait d’être annulé attendre désemparés pendant des heures sans qu’aucune solution leur soit proposée.

Les grèves des contrôleurs aériens ne sont pas, bien sûr, la seule cause des annulations et des retards de vols, puisque ceux-ci sont aussi imputables aux conditions météorologiques, aux difficultés de gestion des compagnies aériennes ou à la saturation des capacités de contrôle aérien, dans un contexte de très forte croissance du trafic aérien.

Toutefois, les mouvements sociaux qui touchent les services de la navigation aérienne sont une cause non négligeable des perturbations en France, qui, au demeurant, est le pays qui détient le record européen du nombre de grèves de contrôleurs aériens.

Le rapport d’information sur le contrôle aérien que notre collègue Vincent Capo-Canellas a publié l’été dernier est assez éloquent sur ce point : entre 2004 et 2016, la France a enregistré 254 jours de grève et a été responsable de 67 % des jours de grève qui se sont produits en Europe !

La France se distingue notamment par le fait que de nombreuses grèves de contrôleurs aériens ne sont pas seulement liées à des revendications propres aux métiers de la navigation aérienne, mais sont des grèves de solidarité avec la fonction publique, qui portent sur des préoccupations communes à l’ensemble des fonctionnaires et n’ont rien à voir avec l’aéronautique : je veux parler de l’enseignement, du secteur hospitalier, etc.

Comme je l’indiquais, ces grèves provoquent des annulations et des retards de vols importants. Si, la plupart du temps, les compagnies aériennes sont en mesure d’informer leurs passagers des annulations de vols en amont, il arrive, du fait des difficultés à anticiper le nombre de grévistes et à organiser le service en conséquence, que certains vols soient annulés « à chaud », alors que les passagers sont déjà présents dans l’aéroport, voire dans les avions, ce qui est particulièrement difficile à vivre pour eux.

Cette situation s’explique par le fait que le cadre actuel du droit de grève des contrôleurs aériens ne permet pas à la direction générale de l’aviation civile, la DGAC, d’organiser au mieux le service, afin de limiter au maximum les perturbations pour les passagers.

Quel est ce cadre et pourquoi est-il insuffisant ? En tant que fonctionnaires d’État, les contrôleurs aériens et les autres personnels des services de la navigation aérienne ne peuvent participer à une grève que dans le cas où ils sont couverts par un préavis déposé cinq jours avant le déclenchement de la grève, sous peine de sanctions.

Par ailleurs, ces agents sont soumis à une obligation de service minimum en cas de grève. Cela signifie qu’un certain nombre d’entre eux sont réquisitionnés par l’administration, afin que certaines missions soient assurées, notamment les missions de défense et de secours, que 50 % de la capacité de survol de l’espace aérien français soit maintenue, et que des aéroports soient ouverts sur l’ensemble du territoire pour assurer un certain nombre d’arrivées et de départs de vols.

Si le service minimum permet d’assurer le maintien d’un certain volume d’activité en cas de grève, il ne fonctionne pas de manière optimale aujourd’hui. En effet, les agents de la DGAC ne sont actuellement pas tenus de déclarer individuellement s’ils participent ou non à une grève. Par conséquent, l’administration ne connaît pas à l’avance le nombre de grévistes qu’il y aura.

Or, compte tenu de l’importance des enjeux de sécurité que posent les activités de surveillance de la navigation aérienne, l’administration doit, par précaution, demander aux compagnies aériennes de supprimer un certain nombre de vols, alors même que cela peut ne pas se révéler nécessaire finalement.

Il arrive en effet que la grève soit peu suivie et que le nombre de vols annulés soit trop important par rapport aux capacités de contrôle. À l’inverse, lorsqu’une grève est davantage suivie que ce qui était envisagé, cela se traduit par des retards, voire des annulations de vols, car les capacités de contrôle sont saturées. Problèmes humains, problèmes financiers…

C’est ce manque de prévisibilité que la proposition de loi cherche à corriger, en obligeant les personnels de la navigation aérienne à déclarer individuellement leur intention de participer à une grève, au plus tard quarante-huit heures avant son début, et à en informer leur employeur s’ils renoncent à participer à cette grève ou s’ils souhaitent reprendre leur service vingt-quatre heures avant. Ce n’est tout de même pas compliqué ! (M. Joël Guerriau sourit.)

Une telle obligation de déclaration individuelle de participation à une grève existe déjà dans le secteur des transports, s’agissant des salariés des entreprises de transport terrestre – on peut citer la SNCF, par exemple, ou la RATP, madame la ministre (Mme la ministre sourit.) –, ainsi que des salariés des entreprises de transport aérien, notamment Air France.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’objet de cette proposition de loi n’est en aucune manière, j’y insiste, de remettre en cause le droit de grève des personnels de la navigation aérienne. C’est clair : les agents pourront continuer à faire grève, mais ils devront simplement le déclarer au préalable, et ce pour des raisons évidentes de sécurité.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a approuvé ce texte, tout en en améliorant la rédaction sur plusieurs points.

Tout d’abord, la commission a restreint le champ d’application de l’obligation de déclaration préalable de participation à une grève, afin que celle-ci ne concerne que les personnels qui concourent directement à l’activité du transport aérien de passagers, et non tous les personnels de la navigation aérienne, comme il était prévu initialement. En effet, si le Conseil constitutionnel reconnaît la compétence du législateur pour limiter le droit de grève en vue de le concilier avec d’autres principes à valeur constitutionnelle, ces limitations doivent être proportionnées à l’objectif visé.

Ensuite, et c’est très important, la commission a prévu que les informations issues des déclarations préalables soient couvertes par le secret professionnel. Ainsi, leur utilisation à d’autres fins que celles d’organiser le service pendant la grève ou leur communication à des tiers serait passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements visant à harmoniser le dispositif de la proposition de loi avec les dispositions législatives existantes, et à en modifier l’intitulé, afin que celui-ci corresponde mieux aux mesures qu’elle prévoit.

Voilà, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.

Cette proposition de loi est utile, et même indispensable. Elle ne réglera certes pas toutes les difficultés auxquelles les passagers sont exposés, mais elle permettra de mieux organiser le service de la navigation aérienne en cas de grève, au profit des usagers. Je vous invite donc à voter ce texte, qui est excellent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, M. Guerriau et M. le rapporteur l’ont justement rappelé, le transport aérien est essentiel pour répondre aux besoins de déplacement de nos concitoyens. C’est également un secteur vital pour notre économie, puisque, si l’on tient compte de la construction aéronautique, il représente 4,3 % de notre PIB et emploie directement plus de 320 000 personnes.

Je tiens à vous redire la constance de mon engagement en faveur de ce secteur. C’est pourquoi j’ai voulu organiser, au travers des Assises nationales du transport aérien, une grande phase de concertation et de réflexion approfondie avec l’ensemble des parties prenantes. Ma détermination à faire de ces assises le socle d’une stratégie pour le transport aérien français n’a pas varié.

Depuis trois ans, le transport aérien connaît une forte croissance en Europe, souvent concentrée sur certains axes, qui n’avait pas été prévue dans les hypothèses qui ont servi à l’établissement des plans de performance des prestataires de services de navigation aérienne européens.

Cette croissance fait suite à plusieurs années de stagnation au cours desquelles la priorité avait été mise, à l’échelon européen, sur la maîtrise, voire la baisse des taux de redevances pour les services de la navigation aérienne. C’est ainsi que les effectifs de contrôleurs aériens ont diminué de 10 % et que des investissements ont dû être reportés.

Malgré cette situation, je sais que l’impératif de sécurité est la priorité numéro un de l’ensemble des acteurs du secteur aérien. C’est bien sûr la mienne et celle de mes services.

Cependant, avec la reprise du trafic, le système de contrôle aérien dans bon nombre de pays européens se retrouve en tension en raison du manque de capacité pour traiter tous ces vols. Cela crée, en particulier en période estivale, de nombreux retards au cœur des routes européennes. Nous avons partagé ce constat au cours du dernier conseil des ministres des transports en nous appuyant sur le rapport d’Eurocontrol, qui a mis l’accent sur les situations particulières de l’Allemagne, du Benelux ou encore de la France.

Certains de ces retards résultent d’aléas météorologiques. D’autres sont directement causés par les modèles d’exploitation de certaines compagnies aériennes. C’est d’autant plus prégnant que l’organisation opérationnelle des transporteurs, qui vise à faire voler chaque avion le plus possible, est telle qu’un aléa localisé peut perturber le programme complet d’une journée.

Cependant, c’est un fait : le contrôle aérien reste responsable d’une partie de ces retards, en raison notamment du retard dans la modernisation des systèmes, des besoins en ressources humaines…