Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si la discussion générale commune est close, je me permets de la prolonger pour faire brièvement état du décalage entre la réalité du terrain et les textes du Gouvernement, notamment ce projet de loi sur la justice.

On ne peut pas, d’un côté, organiser un grand débat sur tout le territoire pour tenter de recréer du lien avec les citoyens et, dans le même temps, entamer une réforme de la justice, décriée par de très nombreux professionnels qui manifestent et alertent sur le risque réel de perte de proximité entre la justice et le justiciable. Leur avis compte. Écoutez-les !

Que dit la crise sociale d’aujourd’hui, entre autres ? « Nous voulons plus de proximité, plus de liens, plus de services publics. »

Que fait cette réforme de la justice ? Elle éloigne la justice d’un citoyen qui souffre de cette déshumanisation progressive de la société.

Elle porte atteinte à l’oralité des débats dans la mesure où le tribunal criminel départemental prendra en charge une partie des affaires actuellement traitées par les cours d’assises et ne sera pas composé d’un jury populaire tiré au sort. C’est dommage, à l’heure même où le peuple demande à participer davantage à la vie de la cité.

De plus, la spécialisation des tribunaux est un piège pour la justice de proximité et renforcera le phénomène de métropolisation. On va vider chaque tribunal de son contentieux et on annoncera dans quelques années, peut-être, que les tribunaux n’ont plus d’utilité.

Le Sénat avait veillé à ce que la nouvelle organisation de la première instance préserve le maillage territorial et la proximité de l’institution judiciaire, en s’assurant, par la mise en place de chambres détachées, qu’aucun site judiciaire ne serait fermé, en prévoyant un mécanisme d’encadrement de toute évolution de la carte judiciaire, et en créant une fonction de juge chargé du contentieux de proximité.

C’est en effet une justice proche des citoyens, à la disposition des citoyens qu’il faut préserver. Jugeons des hommes et non des dossiers, n’allons pas vers une justice de médiation, une justice sans oralité des débats dans laquelle certains de nos concitoyens ne se reconnaîtront plus.

La justice, c’est l’égalité, l’égalité de toutes et tous devant la loi. Elle doit avant tout être humaine et préserver, bien sûr, la paix dans la société. C’est une impérieuse nécessité, a fortiori aujourd’hui.

Mme la présidente. L’amendement n° 100, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 149 à 156

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, le procureur de la République auprès du tribunal de Paris, compétent au niveau national en matière de lutte antiterroriste, disposera d’un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d’actes d’enquête. Cette procédure l’aidera à répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attaque terroriste.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

La commission a rejeté la création d’un parquet national antiterroriste. Il convient de modifier en conséquence les dispositions du rapport annexé qui y font référence, ce que, je le reconnais bien humblement, la commission avait oublié de faire la semaine dernière.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous le savez, le Gouvernement souhaite vraiment la création du parquet national antiterroriste.

Par coordination avec moi-même (Sourires.), j’émets donc un avis défavorable sur votre demande de coordination.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de l’article 1er et du rapport annexé, modifié.

(Larticle 1er et le rapport annexé sont adoptés.)

Article 1er et rapport annexé
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 1er ter

Article 1er bis

La progression du nombre de conciliateurs de justice, entre 2019 et 2022, s’effectuera selon le calendrier suivant :

 

2019

2020

2021

2022

Nombre de conciliateurs de justice

2 520

2 820

3 120

3 420

 – (Adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 2

Article 1er ter

I. – Jusqu’en 2022, le Gouvernement présente chaque année au Parlement, préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, un rapport sur l’exécution de la présente loi.

II et III. – (Supprimés)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à étudier les modalités d’harmonisation de la rémunération des avocats pratiquant l’aide juridictionnelle tant du côté de la ou des victimes que du côté du ou des défendeurs.

La parole est à M. Bernard Lalande.

M. Bernard Lalande. J’ai l’honneur de présenter cet amendement à la place de Laurence Rossignol, qui ne peut être présente parmi nous.

Il vise à lutter contre une injustice trop souvent dénoncée dans le cadre des procédures de justice, en particulier par les victimes disposant de peu de ressources, et donc éligibles à l’aide juridictionnelle, l’AJ – cela concerne singulièrement les femmes – mais également par les avocates et avocats des parties civiles.

Pour un avocat ou une avocate, consacrer du temps à l’aide juridictionnelle peut représenter un risque ou un sacrifice financier. Ce risque est d’autant plus grand lorsque l’AJ est réalisée pour la victime. En effet, l’AJ est plus rémunératrice du côté du défendeur en raison de l’investissement horaire moindre que cette défense nécessite.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement sur les modalités d’harmonisation de la rémunération des avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle.

En premier lieu, la commission des lois n’est, traditionnellement, pas favorable à la multiplication des rapports au Parlement. L’article 1er ter fait exception à ce principe en prévoyant un rapport au Parlement sur l’exécution de la présente loi préalablement au débat sur les orientations des finances publiques, pratique usuelle en matière de loi de programmation comprenant un volet budgétaire.

En second lieu, le projet de loi tel qu’il a été adopté par le Sénat prévoit plusieurs mesures en matière d’aide juridictionnelle, auxquelles le Gouvernement s’est d’ailleurs opposé en raison de la réflexion qu’il mène actuellement sur le sujet.

Un rapport conjoint de l’Inspection générale de la justice et de l’Inspection générale des finances a d’ailleurs été remis à la ministre à la fin de 2018, semble-t-il, ce qui permettrait de répondre par anticipation à la demande des auteurs de l’amendement.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis que M. le rapporteur.

Mme la présidente. Monsieur Lalande, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bernard Lalande. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er ter.

(Larticle 1er ter est adopté.)

TITRE II

SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE

Chapitre Ier

Redéfinir le rôle des acteurs du procès

Section 1

Développer la culture du règlement alternatif des différends

Article 1er ter
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 3

Article 2

I. – La section 2 du chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi modifiée :

1° (Supprimé)

2° Le début de la première phrase du second alinéa du même article 22-1 est ainsi rédigé : « En tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible, le juge peut… (le reste sans changement). » ;

3° Le début de la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 22-2 est ainsi rédigé : « Lorsque la médiation est ordonnée en cours d’instance, celle-ci est… (le reste sans changement). » ;

4° L’article 22-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable lorsque le juge ordonne la médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »

II. – (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 79 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Arnell, Artano, Collin, Corbisez, Menonville, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. L’article 2 vise à contraindre les parties à recourir davantage à la médiation et à la conciliation pour régler leurs différends, y compris après la saisine d’un juge.

Or nous ne disposons pas d’une démonstration claire de l’efficacité de ces procédures dans l’étude d’impact. Au contraire, celle-ci précise que le nombre de tentatives de conciliation judiciaire était faible jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 19 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21siècle, dite « J21 », qui instaure la tentative de conciliation préalable obligatoire devant le tribunal d’instance.

Aujourd’hui, ce nombre augmente du fait de cette obligation, mais non du fait de l’efficacité du dispositif. Par ailleurs, la médiation à un coût, qui risque de pénaliser les justiciables les plus pauvres. L’étude d’impact précise, là encore, que la médiation est payante – sauf la médiation familiale qui est prise en compte par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF –, puisqu’il s’agit d’une activité libérale, et les tarifs sont libres.

Le coût horaire de médiation est alors variable, de 100 euros à plus de 500 euros, même si des forfaits assortis d’un tarif pour chaque heure supplémentaire effectuée sont souvent proposés, de 500 euros à 1 500 euros.

Cet amendement a donc pour objectif de supprimer ces dispositions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Si la commission a supprimé le II de l’article 2, c’est-à-dire l’extension du champ de l’obligation de tentative de règlement amiable des litiges préalable à la saisine du juge, elle a en revanche souhaité conserver le I de cet article relatif à l’extension du pouvoir du juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, et à la possibilité pour le juge d’ordonner une médiation dans une décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je rappelle que l’objectif poursuivi par le Gouvernement est le développement des modes alternatifs de règlement des différends pour favoriser l’émergence d’une solution qui ne soit pas nécessairement contentieuse, et ce à tous les stades de la procédure, un accord entre les parties étant susceptible d’intervenir.

C’est pourquoi je soutiens l’extension de la tentative obligatoire de résolution amiable des différends préalablement à l’instance, afin que seules les affaires contentieuses qui ont été « décantées » puissent être portées devant le juge. C’était l’objet du II de l’article 2 que votre commission a supprimé.

Il est également prévu qu’au cours de l’instance, en tout état de la procédure, le juge pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informera sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation.

Enfin, pour permettre une meilleure exécution des décisions en matière d’autorité parentale, le juge pourra ordonner aux parties, dans la décision qui statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, de rencontrer un médiateur. Tel était l’objet de la disposition que le Gouvernement avait proposée.

Je rappelle qu’il ne s’agit que d’une possibilité pour le juge. Ce dernier ne pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur que, ainsi que cela est précisé au 2°, lorsqu’il estime qu’une solution amiable du litige est possible. Il me semble qu’il est particulièrement opportun de prévoir cette possibilité, qui sera utilisée au cas par cas par le magistrat.

Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable à l’amendement de M. Mézard et de ses collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

L’amendement n° 96 est présenté par Mme Billon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Ledit article 22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un médiateur ne peut être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps si des violences intrafamiliales sont suspectées. » ;

La parole est à M. Bernard Lalande, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

M. Bernard Lalande. Là encore, je parle au nom de Laurence Rossignol.

Le règlement amiable des conflits existe en droit de la famille. Cependant, en cas de violences conjugales, le recours à la médiation n’est possible qu’avec l’accord de la victime.

Ce principe n’écarte pas un risque majeur pouvant amener la victime à ne pas faire valoir ses droits : il s’agit des cas dans lesquels la victime se trouve dans une situation d’emprise, ce qui pourrait l’empêcher de refuser le recours à la médiation.

Le présent amendement vise à maintenir la force de ce principe en le précisant directement dans les articles organisant la médiation dans le cadre des tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 96.

Mme Annick Billon. Dans son rapport intitulé Prévenir et combattre les violences faites aux femmes : un enjeu de société, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait proposé diverses recommandations visant à mieux protéger les femmes victimes de violences.

Les rapporteurs Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol avaient fait la proposition prévue dans le présent amendement. Je m’associe aussi, bien entendu, à la défense de l’amendement identique précédemment présenté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces deux amendements visent à interdire au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives de conciliation obligatoires prévues en matière de divorce et de séparation de corps, en cas de suspicion de violences intrafamiliales.

Ces deux amendements sont satisfaits de fait puisque la commission a supprimé le 1° du I de l’article 2, c’est-à-dire qu’elle a rétabli l’interdiction générale faite au juge de désigner un médiateur pour procéder aux tentatives de conciliation obligatoires prévues en matière de divorce et de séparation de corps, par coordination avec la suppression de l’article 12. Qu’il y ait donc suspicion de violences ou non, dans le cadre de la procédure de divorce ou de séparation de corps, le juge ne pourra pas désigner un médiateur.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je rappelle qu’en toute hypothèse la loi « J21 » interdit déjà au juge, en cas de violences intrafamiliales, d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur.

Il va de soi que lorsque le juge est informé de violences intrafamiliales, il ne va pas proposer de médiation aux parties. Il me semble qu’il est important de faire confiance aux juges, qui sont particulièrement sensibilisés sur ces questions.

Par ailleurs, je souligne que la nouvelle procédure de divorce prend en compte le dispositif de l’ordonnance de protection, qui est extrêmement utile et permet d’engager une mise en sécurité réelle pour les victimes de violences.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Je ne suis pas persuadée que les violences soient forcément visibles et effectives pour les magistrats. Pour autant, je vais suivre l’avis du rapporteur. Je retire donc mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 96 est retiré.

Monsieur Lalande, l’amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bernard Lalande. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
Article 4

Article 3

Après l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, sont insérés des articles 4-1 à 4-7 ainsi rédigés :

« Art. 4-1. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne de conciliation ou de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, administrative et pénale, sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée.

« Art. 4-2. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’arbitrage sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles l’arbitrage est rendu.

« La sentence arbitrale peut être rendue sous forme électronique, sauf opposition de l’une des parties.

« Art. 4-3. – (Non modifié)

« Art. 4-4. – Les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne d’aide à la saisine des juridictions sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et de confidentialité.

« Art. 4-5. – Les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles 4-1, 4-2 et 4-4 ne peuvent réaliser des actes d’assistance ou de représentation que dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Elles ne peuvent donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé qu’à la condition de respecter les obligations résultant de l’article 54 de la même loi.

« Art. 4-6. – Les personnes physiques ou morales qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement des services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-2 accomplissent leur mission avec impartialité, indépendance, compétence et diligence.

« L’article 226-13 du code pénal leur est applicable.

« Art. 4-7. – Pour pouvoir être proposés au public, les services mentionnés aux articles 4-1, 4-2 et 4-4 doivent être certifiés par le garde des sceaux, ministre de la justice. La certification est accordée après vérification du respect des exigences mentionnées aux articles 4-1 à 4-6.

« Par exception, la certification est accordée de plein droit aux conciliateurs de justice, aux médiateurs inscrits sur la liste prévue à l’article L. 615-1 du code de la consommation au titre de leur activité de médiation de consommation ainsi qu’aux personnes inscrites, dans le ressort d’une cour d’appel, sur la liste des médiateurs prévue à l’article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

« Un décret en Conseil d’État précise les procédures de délivrance et de retrait de la certification. »

Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. La commission des lois du Sénat a, comme en première lecture, rétabli la certification obligatoire des services en ligne de règlement amiable des litiges. C’est un moindre mal, mais cette mesure ne s’oppose pas frontalement à une mesure forte de déjudiciarisation.

Comme cela a été dit lors de la table ronde organisée par de nombreux représentants des corps et professions, cette dématérialisation de la justice met en danger la notion même de justice. L’article 3 transfère en effet à des sociétés de droit privé, en quelque sorte, le pouvoir de rendre justice.

On voit bien le but de la manœuvre : désengorger les tribunaux et alléger les coûts. Mais je crois que cela va bien au-delà. Nous avions d’ailleurs contesté en première lecture l’instauration d’une obligation de consultation, car nous estimions qu’elle induisait une forme de privatisation de la justice. Nous y sommes avec cet article 3.

De plus, ces dispositions sont source d’inégalités : ces services auront un coût, les start-up du « nouveau monde » sauront en tirer profit, et les plus riches seront bien sûr les mieux servis.

Outre la question du coût immédiat de ces services, se pose la question de la fracture numérique. N’oublions pas que plus de 20 % de nos compatriotes sont encore exclus d’internet.

Cette mesure est donc grave. Elle est le symbole d’un monde où tout se vend et tout s’achète, y compris la justice ; personne ne souhaite ce modèle de société.

La modification prévue par la commission des lois apporte des garde-fous, mais elle ne vise pas à s’opposer sur le fond à la démarche gouvernementale. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 3.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui a considéré en première lecture qu’il était nécessaire d’encadrer les nouveaux services en ligne d’aide au règlement amiable des litiges et d’aide à la saisine des juridictions.

Ces services existent déjà et il s’agit de les encadrer pour améliorer les garanties pour les justiciables. Supprimer cet article aboutirait à accepter l’absence de toute régulation, ce qui est sans doute contraire aux intentions des auteurs de l’amendement.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Comme vient de le préciser M. le rapporteur, on ne peut pas nier aujourd’hui que ces services en ligne existent. La volonté du Gouvernement est de les réguler et de les encadrer en vue d’assurer aux utilisateurs un accès beaucoup plus clair.

C’est la raison pour laquelle nous prévoyons : d’une part, pour toutes les plateformes, des obligations en termes de transparence, de respect de la protection des données personnelles, etc. ; d’autre part, pour les plateformes qui accepteront de s’y soumettre, une certification qui apparaîtra clairement sur les plateformes internet et qui permettra d’identifier celles qui respectent les règles induites par les obligations de certification.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le non-respect de l’obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement du service en ligne peut être sanctionné par application de l’article 226-13 du code pénal, outre des réparations civiles éventuelles.

2° Dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Les plateformes numériques, personnes morales privées, auront vocation à faire payer leur prestation aux justiciables. Cela implique plusieurs conséquences, notamment le risque accru d’une justice à deux vitesses. Il risque d’y avoir, à terme, une justice coûteuse et rapide pour les uns, et une seconde lente avec prise en charge par l’aide juridictionnelle pour les autres.

La médiation telle qu’envisagée par la réforme risque de retarder et de limiter l’accès au juge et de décourager les justiciables de saisir la justice.

Il convient aussi de rappeler que rien n’empêche aujourd’hui les parties de tenter une conciliation ou une médiation, les avocats appliquant d’ores et déjà la règle suivant laquelle « il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès ».

Il est clair que cette réforme répond à des préoccupations surtout budgétaires. Si le but est de déjudiciariser, ce délestage ne peut et ne doit pas se faire sans mise en place de garde-fous et sans contrôle de ces sociétés privées.

Il ne faudrait pas que, via la médiation, ces sociétés obtiennent une mainmise totale et sans contrôle sur les données judiciaires et personnelles des justiciables.