M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Votre propos comporte de nombreux aspects, monsieur le président Retailleau.

Je m’associe bien évidemment à votre dénonciation des actes antisémites et de l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut, qui a consacré à Péguy un livre, Le Mécontemporain. Nous avons assisté avec consternation et colère, peut-être même avec une forme de rage, à cette mise en cause crue, assumée, brutale d’un homme qui incarne, avec d’autres, la figure de l’intellectuel engagé dans le débat républicain.

Vous dénoncez l’antisémitisme ; moi aussi. Mais, comme je l’indiquais précédemment, s’il est indispensable de le faire, cela n’est pas suffisant. Il faut avoir, comme vous nous y avez invités, la lucidité de reconnaître que l’antisémitisme est, à bien des égards, profondément enraciné dans la société et l’histoire françaises. Ce n’est pas que la France soit antisémite –aux moments les plus sombres, il s’est toujours trouvé des femmes et des hommes, parfois des institutions, pour défendre la conception que nous nous faisons de notre pays –, mais il faut bien admettre que, depuis bien longtemps dans notre histoire, diverses formes d’antisémitisme coexistent, se développant ou s’atténuant tour à tour.

Vous évoquez le développement d’un antisémitisme qui serait issu d’une radicalisation de l’islam ou des théories salafistes pouvant parfois prévaloir dans certains lieux et certains esprits. Un tel antisémitisme existe. Monsieur le président Retailleau, nous ne devons rien cacher ni ignorer du phénomène de l’antisémitisme en France. L’antisémitisme n’est l’apanage d’aucune formation politique et il a été, malheureusement, largement partagé à différentes périodes de l’histoire.

Nous savons que le combat contre l’antisémitisme est redoutablement difficile. Il faut l’aborder avec une détermination presque sauvage, dirai-je, mais aussi avec la lucidité de ceux qui savent qu’il dure depuis longtemps. Faire preuve d’un peu d’humilité face à la difficulté – je parle pour moi comme pour tous ceux qui sont ambitieux dans ce domaine – peut permettre de ne pas nous payer simplement de mots.

Oui, nous devons livrer ce combat en disant où est l’ennemi. Oui, nous devons livrer ce combat en faisant le pari de l’intelligence, de l’éducation, de la formation. Oui, nous devons compléter nos dispositifs juridiques quand ils doivent l’être et inciter la justice, autant que cela se peut dans un régime promouvant la séparation des pouvoirs, à se montrer sévère envers les auteurs de tels actes.

De ce point de vue, monsieur Retailleau, je n’ai aucune hésitation. J’ai appelé à l’union sacrée sans hypocrisie, sans exclusive, sans incohérence. Peut-être avez-vous été frappé, comme je l’ai été, par le fait que certains ont dit, après l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut : « Je la dénonce, mais… » Pour moi, il n’y a pas de « mais » ! Quand on combat l’antisémitisme, on le combat totalement, sans réserve ! Telle est mon intention ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

préservation des lignes ferroviaires d’aménagement du territoire

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Nous examinerons cette semaine en séance publique la proposition de loi visant à faciliter le désenclavement des territoires.

Vous le savez, madame la ministre, les transports sont parmi les premiers facteurs de désenclavement d’un territoire. Si la proposition de loi porte plus spécifiquement sur les transports routier et aérien, je souhaite pour ma part vous interroger sur un maillon essentiel de l’aménagement du territoire : le transport ferroviaire.

Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes conseille à l’État d’abandonner son rôle d’autorité organisatrice pour les trains d’équilibre du territoire, les TET, en raison de la faiblesse de ses moyens et des difficultés qu’il rencontre pour établir une relation contractuelle équilibrée avec la SNCF. Parmi les options envisagées figurent le transfert total de la compétence aux régions et le déconventionnement.

Madame la ministre, vous l’avez vous-même rappelé, l’investissement de l’État dans le transport ferroviaire doit aujourd’hui répondre à une exigence de justice territoriale. Trente années de financement des lignes à grande vitesse ont mis en péril l’avenir des trains d’équilibre du territoire.

Parmi ces lignes structurantes, la ligne Paris-Clermont-Ferrand fait l’objet de toutes les attentions, en raison de son caractère stratégique et de l’engagement des élus, des acteurs économiques et des usagers. Le projet de loi d’orientation des mobilités, qui sera examiné au Sénat le mois prochain, prévoit de provisionner 760 millions d’euros pour la régénération de son infrastructure, deuxième volet d’un vaste programme de modernisation. Si nous nous réjouissons bien sûr de l’investissement de l’État sur cette ligne, nous nous interrogeons sur ses intentions à plus long terme, d’une part en raison du récent rapport de la Cour des comptes, d’autre part du fait de l’absence, dans le projet de loi d’orientation des mobilités, d’un engagement sur le financement du troisième volet de ce programme de modernisation, qui n’y est qu’évoqué.

Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour préserver, à plus long terme, ces lignes structurantes des trains d’équilibre du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Je serai claire, monsieur le sénateur : les lignes Intercités répondent à un objectif essentiel d’aménagement du territoire et je sais que les Français y sont très attachés. Ces lignes coûtent, effectivement, mais nous l’assumons totalement. La politique d’aménagement du territoire ne peut pas être traitée au travers d’une approche uniquement comptable.

Déconventionner ces liaisons, comme le propose la Cour des comptes, conduirait à une réduction significative, voire à la fin, de certaines dessertes, pourtant essentielles aux territoires concernés. Cela n’est tout simplement pas envisageable !

Au contraire, le Gouvernement s’est engagé dans une modernisation sans précédent des trains d’équilibre des territoires. Ainsi, pour la ligne Paris-Clermont-Ferrand, le renouvellement des vingt-huit rames et la modernisation de l’infrastructure sont inscrits dans le projet de loi d’orientation des mobilités, qui sera débattu prochainement au Sénat.

Une somme de 700 millions d’euros est dédiée au renouvellement des trains et, par ailleurs, la réforme ferroviaire a permis de sécuriser les investissements de SNCF Réseau à hauteur de 3,6 milliards d’euros par an pendant dix ans. Ainsi, d’ici à 2025, la ligne Paris-Clermont-Ferrand sera équipée de trains neufs et aura été remise à niveau et modernisée.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement se mobilise et s’engage en faveur de nos territoires, notamment en modernisant des lignes qui ont été trop longtemps abandonnées au nom de la politique du « tout TGV ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

handicap

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Le Gouvernement a engagé de nombreuses réformes dans le domaine du handicap, mais beaucoup d’inquiétudes subsistent chez les acteurs et les familles.

Six mois se sont écoulés depuis la promulgation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont l’ambition était, notamment, de garantir un parcours professionnel plus fluide aux personnes handicapées. Six mois plus tard, l’impact de la profonde refonte de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’OETH, n’est pas connu. Les directeurs d’établissement et service d’aide par le travail n’ont pas caché la crainte que leur inspirait cette réforme, qui présente pour eux le risque d’une diminution de leurs carnets de commandes. Qu’en est-il des constatations et des décrets d’application relatifs à ce texte ?

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, pour qu’une personne handicapée puisse un jour espérer intégrer le milieu du travail ordinaire, ne pensez-vous pas que la priorité doit être d’investir dans sa formation dès les premières années ? Or, malgré les efforts entrepris et les annonces contenues dans le projet de loi pour une école de la confiance, le statut des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH, n’est toujours pas clarifié. Qu’en est-il de la durée du contrat de travail, du niveau de rémunération, des formations – qui demeurent lacunaires – et des différences de traitement entre le public et le privé ? Ne pensez-vous pas qu’il est grand temps de prendre des mesures en faveur de l’école inclusive et de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap ? J’attends votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Jean-Marc Gabouty et Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Mouiller, je vous remercie de votre question, qui me permet de revenir sur deux chantiers prioritaires du Gouvernement : l’école et l’entreprise inclusives.

En ce qui concerne tout d’abord l’emploi des travailleurs handicapés, le Gouvernement redonne sa pleine efficience à l’OETH, vieille de trente ans, au travers de la loi que vous avez citée, que nous mettons en œuvre avec Muriel Pénicaud. La réforme agit sur deux leviers : une simplification pour les employeurs et un renforcement de l’intérêt à s’engager, avec une incitation recentrée sur l’emploi direct.

Comme pour toute réforme, il faut assurer un accompagnement. Nous avons le temps, puisqu’elle entrera en vigueur le 1er janvier 2020 : c’est le délai nécessaire à la préparation des textes d’application, bien sûr, mais aussi des outils nécessaires pour l’intégration dans la déclaration sociale nominative, la DSN, et des nouveaux services pour les employeurs et les personnes. Les concertations sont également engagées pour définir les nouvelles modalités de valorisation de la sous-traitance auprès du secteur du travail protégé et adapté.

L’intention du Gouvernement est très claire : elle est de continuer à valoriser le recours aux ÉSAT et aux entreprises adaptées, qui jouent un rôle majeur dans les parcours d’emploi de 150 000 travailleurs handicapés. La méthode repose sur le partenariat, que nous avons entendu renforcer au travers de l’engagement conclu le 12 juillet dernier avec l’Union nationale des entreprises adaptées, l’UNEA, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, l’UNAPEI, et APF France handicap. Il va permettre la création de 40 000 emplois dans les entreprises adaptées d’ici à 2022, avec un soutien public porté à 500 millions d’euros. Voilà du concret !

Du concret, c’est aussi ce que nous apportons aux accompagnants des élèves en situation de handicap. Nous les avons pleinement associés à la concertation sur l’école inclusive que nous avons menée avec Jean-Michel Blanquer.

C’est d’abord la fin de la précarité, avec l’arrêt, dès la prochaine rentrée, du recours aux contrats aidés pour ces emplois, source de trop nombreuses ruptures pour les élèves et les accompagnants. Oui, plus d’accompagnants, monsieur le sénateur, et seulement des AESH recrutés sur de vrais emplois publics, des emplois « en dur » d’une durée minimale de trois ans renouvelable une fois : c’est le droit commun.

C’est ensuite une vraie formation, des accompagnants comme des enseignants, ainsi que le prévoient les dispositions du projet de loi pour une école de la confiance, que vous serez bientôt amenés à examiner, mesdames, messieurs les sénateurs. Comme nous l’avions annoncé avec Jean-Michel Blanquer, la première lecture a permis d’enrichir un chapitre complet dédié au renforcement de l’école inclusive. Je sais pouvoir compter sur votre action pour continuer de progresser. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse technique, mais la méthode du Gouvernement en matière de concertation est bien connue : souvent, les acteurs sont mis devant le fait accompli au moment des conclusions. La vigilance est donc de mise, notamment pour toutes les associations concernées.

Concernant les AVS et, maintenant, les AESH, nous sommes dans une période où l’on parle beaucoup de pouvoir d’achat et de fins de mois difficiles. Or beaucoup de ces employés vivent aujourd’hui avec moins de 700 euros par mois. Il faut responsabiliser et accorder davantage de reconnaissance à ces professionnels à qui est confié le devenir de nos enfants en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

places dans les crèches

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Sous le quinquennat précédent, le pouvoir d’achat des familles s’est considérablement érodé, avec l’abaissement du plafond du quotient familial, la suppression de l’universalité des allocations familiales, l’abaissement des seuils de ressources pour bénéficier de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, et la réduction du montant de celle-ci. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le taux de natalité a baissé pour la quatrième année consécutive. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

La garde de l’enfant de zéro à trois ans est une source de préoccupation. Le Président de la République annonçait récemment la création de nombreuses places de crèche. Si je loue la volonté exprimée, je suis très réservée sur les conditions d’application : les municipalités toucheraient une subvention annuelle de 2 000 euros par place de crèche créée à la condition que les revenus des familles bénéficiaires ne dépassent pas 25 000 euros avec un enfant, 30 000 euros avec deux enfants.

Le taux global d’accueil des enfants de moins de trois ans est le plus faible dans les zones où le marché de l’immobilier est tendu. Dans ces territoires, avec 2 500 euros par mois pour élever deux enfants et payer un loyer, vous êtes loin d’être riches ! Dit autrement, ce gouvernement propose aux mairies de créer des crèches réservées aux familles pauvres, faisant fi de toute mixité sociale et laissant de côté les familles modestes. Quant aux objectifs fixés par la nouvelle convention d’objectifs et de gestion, ils sont flous et laissent les élus inquiets. La prestation de service unique, la PSU, n’augmentera pas – ou si peu – entre 2019 et 2021. Cette politique va empêcher la création de places en crèche ; pis, elle risque d’en supprimer, le reste à charge pour les communes ne cessant de s’accroître.

Monsieur le secrétaire d’État, quand la France aura-t-elle un gouvernement qui prendra à bras-le-corps la politique familiale, pour la défendre et l’unifier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Christine Lavarde, en tant qu’adjointe aux finances de la municipalité de Boulogne-Billancourt, vous êtes bien placée pour le savoir : l’accès aux places de crèche est de la compétence des villes.

Nous avons mis en place depuis le début du quinquennat de nombreuses mesures favorisant la mixité sociale dans les modes d’accueil du jeune enfant. Permettez-moi de revenir sur un certain nombre de ces dispositions, que nous assumons.

Tout d’abord, le bonus « mixité sociale » et le bonus « territoire » du plan Pauvreté encouragent les gestionnaires et les villes à accueillir des enfants défavorisés, en compensant leur perte de recettes.

Ensuite, la réforme du complément de mode de garde, par la mise en place effective du tiers payant et la suppression de la condition d’activité pour bénéficier de ce complément, permet de rendre l’accueil individuel aussi accessible que les crèches.

L’attribution des places de crèche doit également être plus transparente. C’est sur ce point que je souhaiterais insister aujourd’hui devant vous. Je salue à cette occasion Élisabeth Laithier, chargée du dossier « petite enfance » au sein de l’Association des maires de France et adjointe au maire de Nancy, qui a travaillé sur cette question et remis un rapport à Agnès Buzyn et à Marlène Schiappa, en présence de François Baroin.

La situation actuelle est insatisfaisante. L’insuffisance de l’offre d’accueil et la surreprésentation des enfants des ménages les plus aisés dans les modes d’accueil collectif alimentent un sentiment d’injustice sociale. En effet, vous le savez, seuls 5 % des enfants de moins de trois ans des 20 % de ménages les plus pauvres sont accueillis en crèche, contre 22 % des enfants des parents les plus aisés.

La mission Laithier propose de mettre en place une grille d’attribution en sélectionnant des critères pertinents parmi un large socle existant, en fonction des spécificités de chaque territoire. Ce vade-mecum décrit les différents systèmes utilisés, tels que la priorisation, la bonification ou la pondération. Cette grille pourra être adaptée en fonction du suivi.

M. le président. Il faut conclure !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. C’est cette transparence et cette diversité dans l’offre d’accueil qui nous permettront d’assurer une meilleure coordination des acteurs et une meilleure harmonisation des pratiques entre les territoires.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que vous n’avez pas bien compris le sens de ma question… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Cette politique ne va faire qu’accroître le fossé entre ceux qui financent les prestations sociales et n’y accèdent pas et ceux qui en bénéficient. Comme vous êtes aussi un élu des Hauts-de-Seine, je vous invite à venir avec moi à la rencontre des élus pour vous rendre compte des effets de votre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

écoles supérieures du professorat et de l’éducation

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Nelly Tocqueville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Monsieur le ministre, alors que l’examen du projet de loi pour une école de la confiance vient de s’achever à l’Assemblée nationale, je souhaite vous interpeller sur la situation des trente-deux écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ÉSPÉ, qui forment aux métiers du professorat, de l’éducation et de la formation.

Ces établissements sont également des composantes spécifiques, intégrées aux universités, que nous avions créés pour permettre la formation indispensable des enseignants après la suppression brutale et injustifiée des instituts universitaires de formation des maîtres par Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Aujourd’hui, les ÉSPÉ sont inquiètes. Le projet de loi vise, en effet, à les transformer en instituts, ce qui suscite des interrogations sur l’intention sous-tendant ce glissement de terminologie. Cette modification pourrait porter atteinte à la lisibilité de la formation des enseignants et des conseillers principaux d’éducation. Les ÉSPÉ ont, sans nul doute, fait leurs preuves et sont une composante reconnue des universités : elles craignent une perte de notoriété.

Par ailleurs, cette transformation des ÉSPÉ en instituts apparaît purement « symbolique », mais c’est un symbole dont le coût est estimé à 1 million d’euros. Alors que l’on demande à nos concitoyens d’adopter des comportements vertueux pour réaliser de substantielles économies, ne serait-il pas opportun, en l’occurrence, d’appliquer la même règle à tous les niveaux de l’État ?

Enfin, la concertation semble avoir été absente de l’élaboration de cette réforme. Les personnels expriment leur attente d’informations, d’autant que la mise en œuvre est prévue pour la rentrée de septembre. Il est évidemment indispensable d’associer les enseignants aux évolutions, car eux aussi savent ce qui fonctionne ou pas. Alors que le mot « débat » fleurit sur toutes les lèvres, n’aurait-il pas été opportun de l’organiser en amont, avec tous les acteurs du monde éducatif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la sénatrice Tocqueville, la formation des enseignants se déroule effectivement au sein des universités, mais je crois que nous pouvons nous accorder sur le constat qu’elle est encore perfectible sur de nombreux points : je pense notamment à la place du concours. Cela fait partie des dossiers que nous avons ouverts.

Hier encore, mon collègue Jean-Michel Blanquer et moi-même étions avec la présidente du réseau des ÉSPÉ et la Conférence des présidents d’université. Nous travaillons dans la concertation, de façon à faire de ces futurs instituts des lieux où l’on saura concilier une formation disciplinaire d’excellente qualité et une meilleure compréhension de la réalité du métier d’enseignant, avec davantage de pratique professionnelle dans les programmes, dont nous allons discuter dès la rentrée 2019. En outre, les pratiques professionnelles seront davantage mises en lien avec la recherche. Par conséquent, ces instituts ont évidemment toute leur place au sein des universités.

Le dialogue se poursuit depuis maintenant plusieurs mois avec les responsables des ÉSPÉ et les enseignants-chercheurs. Nous aurons demain matin une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales pour évoquer cette réforme. Il est évidemment indispensable que, pour préparer cette nouvelle professionnalisation, et notamment une entrée accompagnée dans le métier, les processus de prérecrutement soient opérationnels à la rentrée 2019, de façon que nous disposions de deux ans pour construire le contenu des programmes, adapter la forme des concours à celui-ci et faire en sorte que les jeunes qui seront en préprofessionnalisation dès la rentrée 2019 puissent ensuite rejoindre les instituts.

M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville, pour la réplique.

Mme Nelly Tocqueville. Je vous remercie, madame la ministre, mais vous dites vous-même que vous continuez à travailler et à réfléchir : ce n’est pas rassurant pour la rentrée 2019… Je note en outre que vous n’avez pas répondu à la première question que je vous ai posée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

contreparties aux aides sociales

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Philippe Adnot. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, qui n’est plus là…

Lors d’une rencontre dans le Finistère, le Premier ministre a évoqué ses convictions personnelles concernant la mise en place de contreparties aux aides sociales. J’avoue avoir été extrêmement intéressé par sa démarche, car il s’agit d’un véritable projet de société, qui dépasse les clivages politiques habituels. Mais ce peut être un projet explosif s’il est mal compris ou mal construit…

Il s’agit non pas d’être punitif ou stigmatisant, mais d’inciter à réintégrer le monde du travail et d’assurer à la société le juste retour d’une solidarité nécessaire.

Quand M. le Premier ministre fera-t-il de ce projet un projet gouvernemental ? A-t-il un calendrier ? Quelles mesures envisage-t-il ?

M. le président. M. le Premier ministre a été contraint de nous quitter en raison d’un impératif soudain.

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Adnot, je l’ai dit voilà quelques instants, nous nous engageons dans un vaste projet de refonte des aides sociales, motivé par leur complexité, l’existence d’un fort taux de non-recours et l’incompréhension de nos concitoyens devant la multiplicité des aides. L’idée est d’aller vers l’instauration d’un revenu universel d’activité. Ce projet va faire l’objet d’une vaste consultation en ligne, qui sera ouverte au mois de mars. C’est dans ce cadre, comme dans celui du grand débat national, qu’est posée la question d’une éventuelle contrepartie aux aides sociales.

Je le rappelle, le principe de l’association de droits et de devoirs est déjà consubstantiel au revenu de solidarité active, le RSA, tel qu’il existe aujourd’hui. Ce principe n’a d’ailleurs jamais été remis en question, et tout le monde s’accorde sur le fait que droits et devoirs font partie du parcours d’insertion des personnes.

Le problème, nous le savons, est qu’aujourd’hui plus de 50 % des allocataires du RSA ne se voient proposer aucun contrat de retour vers l’emploi six mois après leur entrée dans le dispositif. Ils ne bénéficient pas d’un accompagnement approprié. Tout l’enjeu de notre politique, de cette réforme, de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, c’est bien de renforcer le parcours d’insertion vers l’emploi.

Nous allons travailler à une orientation plus rapide vers des offres de formation et d’insertion mieux adaptées, à un renforcement de l’insertion par l’activité économique. L’idée est d’éviter les trappes à pauvreté que nous connaissons aujourd’hui. Le bénéficiaire d’un contrat devra s’engager à suivre des formations, à accomplir certaines démarches ou à faire certaines activités pour favoriser sa réinsertion, dans le cadre des entreprises d’insertion vers l’emploi.

Telle est l’idée qui sera soumise à consultation du grand public. Elle fait aussi l’objet du grand débat.