M. Alain Fouché. Très bien !

Mme Angèle Préville. Je partage les objectifs de cette proposition de loi et je sais que dans le territoire hyper-rural et enclavé qui m’a élue, le Lot, chaque habitant vit les problèmes d’enclavement.

Mes chers collègues, je voudrais vous livrer une expérience symptomatique de ce territoire. Ce week-end, un élu est retourné dans le village de son enfance, dans le Ségala, à quelques kilomètres de ma commune.

M. Bruno Sido. Magnifique région !

Mme Angèle Préville. Il a eu un choc : sur la route, la nature a repris ses droits ; les maisons sont fermées ; l’école a été envahie par la végétation. « Cela fait mal aux tripes », m’a-t-il confié. Et de conclure : « La ruralité est en train de mourir ». Il s’agit là non pas de nostalgie, mais d’un constat amer, d’une inquiétude, d’un profond désarroi.

Cette proposition de loi, madame la ministre, doit vous inviter à l’attention et à la vigilance, car nous ne pouvons laisser mourir nos campagnes. Le dépeuplement et la friche guettent un certain nombre de territoires hyper-ruraux et vieillissants.

Les métropoles peuvent-elles continuer à croître et à se densifier sans fin ?

Mme Angèle Préville. N’avons-nous plus besoin des paysans ? Le développement durable n’est-il pas lié à la proximité? Le changement climatique, les problèmes de pollution, les enjeux de santé alimentaire, tout concourt à agir pour un développement durable qui ait du sens, c’est-à-dire qui s’envisage dans la proximité et replace nos territoires enclavés au cœur des préoccupations qui doivent être les vôtres, afin que ceux-ci ne deviennent pas les territoires oubliés, voire perdus de la République.

La France est vivante de ses campagnes, de son riche patrimoine, de ses terroirs gourmands, de ses paysages façonnés par les paysans, du foisonnement des petites routes qui irriguent un territoire national apprécié du monde entier. Ne sommes-nous pas le pays le plus visité au monde ?

Gouverner, c’est être visionnaire, c’est se laisser traverser par tout ce que le pays murmure, c’est s’imprégner et transcender, c’est anticiper et préparer l’avenir pour être utile au pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Bruno Sido applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le TGV Est fut la première ligne pour laquelle les collectivités territoriales ont été amenées à payer une quote-part financière.

M. Bruno Sido. C’est exact !

M. Jean Louis Masson. La SNCF s’était engagée, en échange, à offrir une desserte cadencée et régulière des villes de Metz et de Nancy notamment, mais celle-ci s’est effritée au fil des années. Ainsi, deux TGV d’une rame ont fini par être remplacés par un seul de deux rames, ce qui n’offre pas du tout le même service, à tel point que la desserte actuelle est moindre que du temps des trains Corail.

Le comble, c’est que la SNCF a trouvé le moyen, paraît-il pour réaliser des économies, de faire passer les TGV desservant Metz par Nancy ! Les trains Corail mettaient deux heures cinquante pour relier Metz à Paris. Avec le TGV, on met finalement le même temps, puisqu’il faut changer à Nancy au bout d’une heure vingt-cinq et prendre un transport express régional, le Métrolor, pour rejoindre Metz ! La seule différence avec le passé, c’est qu’il y avait alors plus de trains Corail. C’est une honte, madame la ministre ! C’est scandaleux !

Je veux saluer ici notre collègue Jean-Marc Todeschini, qui s’est très bien mobilisé sur le dossier en lançant l’une des pétitions. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Que ceux qui tolèrent cette situation ne viennent pas ensuite nous parler de desserte des territoires ruraux ! Nous avions, à un moment, des plages horaires de trois heures sans liaison, et la SNCF voulait encore supprimer un train, ce qui aurait conduit à une absence de desserte pendant cinq heures ! (M. Bruno Sido sexclame.)

Où va-t-on, madame le ministre ? On se moque du monde ! Ce n’était pas la peine de construire une ligne TGV qui a coûté les yeux de la tête pour avoir, au final, des trains qui ne circulent pas plus vite que les anciens Corail et qui sont moins nombreux que ces derniers.

Je vous ai posé un certain nombre de questions écrites, madame la ministre. Ce serait sympathique d’y répondre, je vous le dis en passant.

M. Bruno Sido. En effet !

M. Roger Karoutchi. Il y en a tellement ! (Sourires.)

M. Jean Louis Masson. Il est vrai que, si vous mettez autant de temps à répondre à mes questions que la SNCF pour faire Paris-Metz via Nancy, je ne risque pas d’être servi de sitôt ! (MM. Bruno Sido et Roger Karoutchi sesclaffent.)

Je vous remercie donc par avance de répondre à mes questions.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous procédons aujourd’hui à l’examen d’une proposition de loi visant à faciliter le désenclavement des territoires.

De toute évidence, nous partageons tous le même diagnostic et les mêmes objectifs, à savoir agir sur les causes de l’enclavement en améliorant la qualité et l’accessibilité des moyens de transport dans les zones les plus reculées du territoire métropolitain.

Il est en revanche étonnant, pour ne pas dire dérangeant, d’avoir à débattre de thématiques qui seront au cœur de nos échanges en commission dans moins de deux semaines, lorsque nous examinerons le projet de loi d’orientation des mobilités.

Les nouvelles formes de gouvernance territoriale, la capacité offerte à chaque territoire de créer des solutions sur-mesure, l’organisation multimodale et intermodale, la programmation des grandes infrastructures de transport sont autant de réponses que la LOM devra apporter pour que chaque zone blanche actuelle ne le soit plus demain, dans un réel souci d’aménagement du territoire. N’oublions pas non plus que la question du financement, par l’État et les collectivités locales, reste entière. Elle devra être résolue.

Nous pouvons donc nous interroger sur le choix d’étudier aujourd’hui cette proposition de loi. Un débat sur le sujet aurait à mon sens était plus pertinent. Mais puisque nous avons choisi de faire un échauffement, lançons-nous, mes chers collègues…

La lecture attentive de vos propositions m’amène à formuler quatre remarques.

En premier lieu, nous pourrions nous pencher sur l’empilement de lois, de structures et de documents de programmation : LOADT, LOADDT, SRU, DTA, SCOT, PDU, SNIT, SRADDET, PLU, et j’en oublie sûrement… (M. Bruno Sido sesclaffe.)

Alors que la situation actuelle nous amène à nous interroger sur l’état de nos finances publiques et sur l’efficience de nos administrations, nous avons un bel exemple de ce que la technostructure et le millefeuille administratif sont en capacité de produire en complexité, en schémas directeurs rarement cohérents et le plus souvent réalisés selon des temporalités différentes.

De surcroît, comme l’a récemment souligné M. Didier Migaud dans notre hémicycle, l’une des rares structures à faire réellement sens en matière d’aménagement du territoire, à savoir la regrettée Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, ou DATAR, a disparu.

Je reviendrai également sur la question du financement. Dresser un inventaire à la Prévert est aisé et pourrait faire miroiter à nos concitoyens l’arrivée d’équipements qui ne peuvent être financés ou dont la réalisation mobiliserait des sommes déraisonnables. Identifions plutôt des sources de financement justes et pérennes, programmons les investissements par priorité, comme le fait le Conseil d’orientation des infrastructures dans ses propositions, et réalisons-les.

Impliquée depuis plus de vingt ans sur la thématique des mobilités, je ne compte plus le nombre de promesses non tenues, le nombre d’études réalisées et de projets absurdes achevés en opposition à toutes les programmations, aussi brillantes soient-elles.

En tant que membre du Conseil national de la transition écologique, j’aimerais que nous nous interrogions également, mes chers collègues, sur la pertinence écologique de nos propositions. Bien sûr, chaque cas est à étudier de façon spécifique, l’avion pouvant être parfois la seule solution. Mais ne nous interdisons pas de revoir nos certitudes : un car doté des dernières technologies antipollution est une alternative crédible pour remplacer une petite ligne ferroviaire propulsée par une machine thermique d’un autre temps.

Enfin, en tant que corapporteur, avec mes excellents collègues Jean-Luc Fichet et Michel Raison, du rapport sénatorial sur les 80 kilomètres par heure, je ne puis qu’abonder dans le sens d’une écoute attentive des territoires, notamment des conseils départementaux, pour que les limitations de vitesse soient définies localement, en fonction de la dangerosité effective des voies, sans omettre la vitesse des poids lourds ni la qualité des chaussées.

Il me semble que les récentes déclarations du chef de l’État et du Premier ministre prouvent que nous avons été entendus, bien aidés, je vous le concède, par une pression populaire sans précédent, qui parfois est justifiée – en l’occurrence, elle l’était.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, sans vouloir mettre à mal le travail réalisé par le groupe du RDSE, il me semble opportun de prendre rendez-vous le 19 mars prochain dans ce même hémicycle, pour l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités ou LOM. Je ne doute pas que des idées pertinentes issues de nos échanges d’aujourd’hui pourront d’ailleurs être intégrées dans ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (M. Bruno Sido applaudit.)

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le désenclavement des territoires est un sujet intemporel : tous les niveaux de gouvernance de ce pays en ont débattu longuement, à plusieurs reprises, ont mis en place de nombreuses politiques d’aménagement du territoire et ont proposé diverses solutions, à l’efficacité parfois relative.

Pourtant, l’enclavement de certains de nos territoires reste une réalité, qui vient fracturer la cohésion sociale, accroître les disparités économiques et renforcer le sentiment d’exclusion.

Nous le savons, le réseau routier joue un rôle fondamental dans les zones rurales, que soit pour leur développement économique et touristique, pour l’implantation d’entreprises, pour faciliter l’installation de retraités ou de jeunes actifs, mais aussi le développement de transports collectifs performants. Et c’est sans compter sur les décisions prises sans aucune considération des territoires, comme le montre encore l’exemple récent de la mobilisation des élus des Hauts-de-France pour le maintien des dessertes régionales des TGV.

Le désenclavement des territoires doit être l’un des objectifs prioritaires, avec la mise en place d’une stratégie globale regroupant la programmation des investissements relatifs aux infrastructures de transport, l’entretien des routes existantes, la mise en place de réseaux ferroviaires et aériens performants et accessibles, le développement des transports collectifs, ou encore de solutions de rechange, comme le télétravail.

En outre, pour bien en traiter les causes, il faut d’abord en livrer une définition précise et objective, ce qui, comme le montrent de nombreux rapports passés, est loin d’être évident. C’est pourtant indispensable pour définir les objectifs d’une politique pertinente et guider de façon éclairée les choix de la puissance publique.

On peut ainsi s’interroger sur la pertinence de la norme des 45 minutes et 50 kilomètres pour décrire les situations d’enclavement vécues au quotidien par les habitants de certains territoires. La question du temps passé chaque jour dans les transports peut aussi être une façon de traduire au mieux ce sentiment au quotidien.

M. Roger Karoutchi. Surtout en Île-de-France !

M. Alain Fouché. Il n’est donc pas évident de définir un critère objectif pertinent, c’est-à-dire le type d’isolement qui pose réellement des problèmes au territoire concerné. Cette notion est aussi étroitement liée à notre vision très centralisée des territoires. Et il est important, également, de prendre en compte la perception des habitants pour définir une zone enclavée.

Ainsi, un citoyen peut se sentir isolé, non pas parce qu’il se trouve loin d’une ville ou d’un gros centre-bourg, mais parce qu’il est dans une zone blanche non couverte par le numérique. Ce dernier est donc naturellement à prendre en compte dans les politiques mises en place.

Les infrastructures de transport doivent nécessairement prendre en compte la stratégie locale pour permettre une bonne articulation de l’infrastructure nouvelle avec l’ensemble du système de transport existant et ainsi assurer, autour d’un véritable projet, le développement optimal des territoires.

Je soutiens également la position de la commission sur la réglementation de la vitesse sur les routes. La réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 kilomètres par heure sur les routes secondaires a été mal vécue dans les territoires ruraux, chacun le sait ; il est important de l’adapter. Bravo à M. le Premier ministre, puisqu’il semblerait que cette mesure ait enclenché le mouvement des gilets jaunes !

Madame la ministre, vous avez été une excellente préfète de la région Poitou-Charentes. (Exclamations amusées.)

M. Bruno Sido. Cela explique tout !

M. Alain Fouché. La mission était pourtant difficile, en raison de la présence sur ce territoire de personnalités politiques de premier plan, comme Mme Royal et M. Raffarin. Je sais donc comment vous auriez procédé : vous, vous auriez réuni autour d’une table le président du département, les maires, la gendarmerie et la police…

M. Roger Karoutchi. Ainsi qu’Alain Fouché ! (Sourires.)

M. Alain Fouché. … et des solutions intelligentes auraient été trouvées. En l’occurrence, les réponses sont un peu tardives.

Le véritable enjeu, aujourd’hui, est finalement de concevoir un désenclavement durable qui puisse être un facteur de développement économique. Je connais votre détermination, madame la ministre, mais je sais aussi qu’il faut vous adapter aux moyens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi, telle qu’elle a été amendée par la commission. Elle contribuera très certainement au débat à venir sur le projet de loi d’orientation des mobilités. Nous serons d’ailleurs attentifs à ce que ce dernier texte prenne bien en compte cette nécessité impérieuse de désenclavement de tous nos territoires – on parle de la ruralité, pas de Paris – et qu’il permette un aménagement équilibré, garant de la cohésion, de la performance et de la solidarité territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, le groupe du RDSE réaffirme l’attachement qu’il porte et qu’il a toujours porté à la ruralité et aux territoires fragiles. Aussi, je tenais à remercier Jacques Mézard de cette belle initiative.

On parle depuis longtemps de « diagonale du vide », de « France périphérique » et de territoires enclavés. Derrière ces expressions, se cache une seule et même réalité : l’éloignement.

L’éloignement de l’emploi, même avec tous les soutiens possibles, comme le tout récent programme du Gouvernement « territoires d’industries », car, sans désenclavement, il n’y a pas d’attractivité économique.

L’éloignement des formations supérieures, qui font que claque année de trop nombreux jeunes quittent nos territoires ruraux pour aller travailler ou étudier dans les métropoles.

L’éloignement des spécialistes de santé, qui nous plonge dans une précarité médicale, avec des fermetures de services toujours plus grandes et des alternatives toujours plus rares.

Parler d’enclavement, enfin, c’est parler de manière plus générale de l’éloignement de l’ensemble de nos services publics, bureaux de poste, trésoreries et écoles. C’est aujourd’hui une réalité insupportable.

Le préalable à cet éloignement est l’accès aux infrastructures routières, ferroviaires et aériennes, comme l’a rappelé mon collègue Jean-Yves Roux.

Cette proposition de loi, nous en sommes bien conscients, ne viendra pas révolutionner les problèmes énoncés, mais elle pose une première pierre et devrait permettre d’amorcer un travail bien plus global, qui, nous l’espérons, trouvera aussi des débouchés dans la prochaine loi d’orientation des mobilités.

La première réponse à apporter est l’investissement dans nos infrastructures de transport pour sortir ces territoires de l’isolement. Pour rendre effectif cet objectif en termes d’investissement, il faut l’inscrire dans le marbre. Tel est l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi, qui vient intégrer différents critères dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires.

Si la proposition initiale reprenait les critères de la loi Pasqua de 1995, ceux-ci ont été enrichis et mis à jour par les travaux de la commission, qui ont substitué la notion d’unité urbaine entre 1 500 et 5 000 habitants à celle de centre urbain économique, et qui ont pris en compte également l’éloignement d’une ligne à grande vitesse. Je tiens d’ailleurs à féliciter mon collègue Jean-Pierre Corbisez de la qualité de son rapport.

Cet enrichissement était nécessaire, car le texte initial ne permettait de prendre en compte qu’une petite partie du territoire. À ce titre, nous soutiendrons un amendement visant également à prendre en compte la distance aux préfectures et sous-préfectures, clin d’œil symbolique, mais ô combien d’actualité, à l’idée qui prévalait lors de leur création, celles-ci devant être situées à moins d’une journée de cheval des communes.

Cette insertion des objectifs de désenclavement dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, ne sera utile que lorsque les infrastructures pourront être adaptées à la réalité des territoires. L’article 2 de la proposition de loi va dans le bon sens, en permettant la réalisation d’infrastructures plus légères et moins coûteuses, dans un contexte budgétaire toujours plus restreint et avec des collectivités qui doivent jongler avec la contractualisation.

Lorsque l’on habite un département qui se situe à huit heures de voiture de Paris et à presque six heures de train, l’aérien est plus qu’une option : il est l’unique solution pour se rendre rapidement dans la capitale. Ainsi, mon territoire, comme de nombreux autres, a investi dans les liaisons internes afin de garder son attractivité, pour les entreprises comme pour les ménages.

Si, actuellement, l’État et la région sont compétents pour organiser les liaisons d’aménagement du territoire, les autres collectivités, à l’image des départements et des EPCI à fiscalité propre, peuvent intervenir dans le financement de ces lignes soumises à une obligation de service public. En fait, elles n’ont pas d’autres choix, si elles souhaitent conserver un accès rapide aux grands centres de décision.

L’objectif de l’article 3 est de réaffirmer cette possibilité, mais les membres de mon groupe auraient souhaité aller plus loin, en laissant l’initiative de l’organisation de ces liaisons d’aménagement aux collectivités du territoire, sans autorisation obligatoire préalable de l’État.

Si ces liaisons sont vitales pour nos territoires et qu’elles sont aussi une vraie réussite, leur gestion laisse parfois les élus financeurs dubitatifs, tant sur le fonctionnement que sur les résultats d’exploitation de ces lignes. N’oublions pas, en effet, le contexte financier pour les collectivités, contraintes par l’État de ne pas augmenter leurs dépenses de plus de 1,2 %, selon les directives actuelles.

Si je prends l’exemple de la ligne Tarbes-Orly, nous sommes sur un taux de remplissage avoisinant les 80 %, avec une croissance du nombre de passagers de plus de 4 % l’année dernière. Malgré cela, on nous explique que cette ligne est déficitaire et que, pour la maintenir, le conseil régional, le conseil départemental et l’agglomération Tarbes-Lourdes-Pyrénées doivent payer.

Je regrette le peu de transparence dans la gestion de ces compagnies, et je ne parlerai pas de la fiabilité de ces lignes, qui accumulent retards fréquents, annulations intempestives et tarifs pouvant aller du simple au quintuple selon le moment de la réservation – ce n’est pas mon collègue sénateur du Cantal qui me contredira à propos de la ligne Aurillac-Paris ! (M. Jacques Mézard sourit.)

Ainsi, je ne puis qu’être favorable aux dispositions prévues à l’article 4 du texte, permettant un plus large contrôle de l’État sur ces lignes soumises à une obligation de service public. L’État doit s’assurer de leur bon fonctionnement et de leur maintien. Pour les collectivités qui les financent en large partie, il est fondamental de savoir où va l’argent investi sur leurs frais de fonctionnement, notamment s’il est bien investi. Nous approuvons donc le compromis trouvé, consistant en la publication, tous les six mois, d’un rapport par les compagnies aériennes.

Ces territoires qui doivent se battre pour garder des liaisons interrégionales sont également ceux, hélas, qui ont été le plus impactés par la limitation de vitesse sur les routes. Ce sont les mêmes dont les habitants, pour avoir accès aux services publics, aux médecins, à une large offre culturelle ou même, simplement, pour se rendre au travail quotidiennement, sont obligés de prendre leur voiture. Sur ce sujet, la question n’est pas d’être pour ou contre cet abaissement – le débat est d’ailleurs large dans mon groupe. Il s’agit de faire confiance aux élus locaux, qui connaissent leurs territoires.

En conclusion, pour combattre cet éloignement qui organise depuis de trop nombreuses années les inégalités dans nos territoires, il serait nécessaire d’établir une véritable équité territoriale.

Mon groupe, vous l’aurez compris, mes chers collègues, votera cette proposition de loi issue de ses rangs. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à agir directement sur les causes de l’enclavement des territoires, en améliorant la qualité et l’accessibilité des moyens de transport dans ces zones. Cette problématique a une résonnance particulière pour le territoire montagnard que j’ai l’honneur de représenter.

En effet, si la montagne est un lieu d’exception pour tous les Français, c’est surtout et avant tout un espace singulier où des habitants vivent et travaillent toute l’année ; des zones où les trajets ne se traduisent pas en kilomètres, mais en temps de parcours ; des territoires riches de leurs activités saisonnières, mais aussi artisanales, agricoles, forestières et industrielles ; des territoires qui connaissent également des difficultés liées à l’enclavement ou à des enjeux environnementaux majeurs ; des territoires, enfin, dont l’avenir est fragilisé par le réchauffement climatique.

En montagne plus qu’ailleurs, les actes de la vie courante peuvent souvent s’avérer compliqués, voire impossibles l’hiver, avec de nombreux cols fermés et parfois des accidents naturels coupant les voies d’accès.

Cet état a même été reconnu par le traité de Lisbonne, adopté en 2009, qui range la montagne parmi les « régions souffrant de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents » et devant bénéficier d’une priorité en matière de politique de cohésion économique et sociale.

Pour faire vivre la promesse d’égalité entre les territoires, le premier enjeu concret pour chacun, c’est l’accès et la liberté de se mouvoir.

Face aux changements climatiques et aux évolutions de la société, les habitants de la montagne doivent être rassurés sur la pérennité de leur mode de vie. Or, les réalités de nos territoires semblent depuis longtemps avoir été oubliées dans l’élaboration des politiques publiques menées successivement depuis de nombreuses années.

Comment ne pas évoquer ici l’impérieuse nécessité de désenclavement du Chablais, en gestation depuis de très nombreuses années ? Cette région, qui s’étend sur 900 kilomètres carrés et recense environ 100 000 habitants, connaît une forte activité, qui lui impose de modifier son mode d’aménagement.

Chaque jour, ce sont plus de 20 000 actifs qui quittent le Chablais pour se rendre à leur travail, en France métropolitaine, mais aussi en Suisse, avec un taux de sortie qui frôle les 34 %. L’utilisation du véhicule personnel prédomine pour huit actifs sur dix, faute, à ce jour, d’un mode de transport en commun adéquat.

Aussi, je profite de cette intervention pour soutenir avec force le projet de liaison autoroutière concédée entre Machilly et Thonon-les-Bains, dernier barreau manquant de l’axe routier structurant devant relier l’A 40 à Thonon. Ce projet, porté par l’État, constitue une priorité absolue pour ce territoire.

Je ne saurais également passer sous silence l’urgence de la modernisation du réseau ferroviaire, préalable indispensable à la mise en œuvre d’une mobilité douce, cadencée et capable d’être compétitive par rapport à la voiture. Si l’arrivée prochaine du Léman Express offrira un service de qualité à la zone frontalière, nous attendons une amélioration rapide du réseau ferroviaire et du cadencement en direction d’Annecy, Évian et Chamonix.

Enfin, puisque l’article 2 de ce texte vise à faciliter la construction d’infrastructures moins lourdes dans les zones enclavées, il conviendra de favoriser l’émergence de projets d’ascenseurs de vallée, au moyen d’un cadre juridique plus performant.

Le développement du transport par câbles constitue une alternative crédible et pertinente au transport routier, notamment en montagne. Cette solution est particulièrement adaptée au franchissement de dénivelés et d’obstacles naturels, sans émission de polluants atmosphériques, d’autant plus que la France possède une longue tradition d’ingénierie en la matière, ainsi que l’un des leaders mondiaux dans ce domaine.

Telles sont, mes chers collègues, les attentes de la montagne s’agissant de cette proposition de loi, que je soutiendrai sans réserve, en espérant que, plus qu’à des paroles, ce texte donnera lieu à des actes et à des engagements forts en faveur de la mobilité dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la première manière de désenclaver un territoire, c’est d’assurer son raccordement aux autres espaces territoriaux. Au regard du poids économique de Paris et de la région Île-de-France, l’une des conditions du désenclavement est aussi de relier nos territoires à Paris.

Les usagers le mesurent quotidiennement de Metz vers Paris, tout comme les travailleurs frontaliers qui, chaque matin, affrontent un véritable calvaire sur les lignes TER vers Luxembourg. Vous comprendrez donc, madame la ministre, mes interrogations au regard des récentes décisions de la SNCF de supprimer des TGV sans aucune annonce officielle préalable, le tout dans une attitude d’opacité qui ne peut que susciter interrogations et mécontentements.

À l’heure des réseaux sociaux, pourtant largement utilisés par la SNCF, cette dernière ne communique plus. Elle n’a, par exemple, pas jugé utile de communiquer sur la disparition de certains TGV vers ou au retour de Paris au début du mois de décembre, allant même jusqu’à mentir sur ce point à la presse.

À la suite d’une mobilisation citoyenne sans précédent et de la pétition que j’ai lancée avec le président du conseil départemental et l’ensemble de mes collègues sénateurs de Moselle – Jean Louis Masson l’a souligné –, un TGV sera rétabli le matin vers Paris. Mais les usagers ont ensuite découvert que les TGV de dix-sept heures quarante et de vingt heures treize n’étaient plus « réservables » en ligne au départ de Paris à partir du 1er avril, encore une fois sans aucune communication de la SNCF.

Le P-DG de la SNCF semble lui-même peu soucieux de répondre à ceux, notamment les parlementaires, qui le questionnent, nos courriers d’octobre 2018 étant toujours sans réponse.