M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, bien qu’ils soient inscrits dans nos lois et dans nombre de conventions internationales, les droits des femmes à disposer de leur corps et à s’émanciper du patriarcat ne sont pas acquis. Ce triste constat ressort régulièrement des travaux de notre délégation.

La convention de l’ONU pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée par la France en 1979, statue dans son article 16 que les fiançailles et les mariages d’enfants n’ont pas d’effets juridiques. La convention du Conseil de l’Europe, dite convention d’Istanbul, sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a été ratifiée en 2011 par trente-trois États dont la France. Son article 38 porte sur les mutilations génitales féminines et l’article 37 oblige les États à voter des lois pour ériger en infraction pénale le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage ou de le conduire dans un autre État que celui où il réside dans l’intention de le faire.

Enfin, en juin 2018, à Charlevoix au Québec, les États du G7, dont la France, se sont engagés à mettre fin à la violence fondée sur le sexe et le genre, ainsi qu’aux abus et au harcèlement dans l’univers numérique, dans l’objectif de promouvoir l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et de garantir le respect des droits de la personne. Pour atteindre ce but, ils recommandent notamment l’accès de toutes à une scolarité d’une durée minimale de douze années ou encore la levée des obstacles à une éducation de qualité pour les filles. Ils affirment qu’éradiquer la violence faite aux filles est une responsabilité commune, pour laquelle tous ont un rôle à jouer, y compris les hommes et les garçons. Pour le sommet du G7 prévu à Biarritz en août prochain, la France a défini cinq objectifs pour lutter contre les inégalités, dont l’accès à l’éducation et à la santé.

Les auteurs de la proposition de résolution dont nous débattons ont voulu s’inscrire dans cette dynamique. Notre pays a la responsabilité de lutter contre les mariages forcés, les grossesses précoces, les mutilations sexuelles féminines, et c’est à l’unanimité, je tiens à le souligner, que les membres du groupe du RDSE ont décidé de cosigner ce texte. Sans volonté d’ingérence dans les affaires publiques hors de nos frontières, nous rappelons ainsi l’ensemble des mesures à mettre en œuvre en France pour agir efficacement contre ce fléau, libérer la parole des victimes et les protéger.

Le premier pas à franchir était de nommer ces actes pour être mieux en mesure de les combattre. Depuis vingt ans déjà, les victimes parlent, tout comme les acteurs sociaux et les médecins. La prise de conscience est mondiale grâce à des pionniers comme Waris Dirie, devenue l’icône mondiale de la lutte contre l’excision et les mariages forcés, ou encore Denis Mukwege, prix Nobel 2018, Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne ayant installé la Maison des femmes et la chanteuse malienne Inna Modja, elle-même excisée à l’insu de ses parents. Autant de lanceurs d’alertes qui consacrent leur vie à la prévention et au soutien des victimes.

Le 11 mars dernier, par exemple, pour la première fois au Royaume-Uni, une femme a été condamnée pour avoir excisé sa fille alors qu’une loi l’interdit depuis 1985. Aujourd’hui, la honte et la peur doivent changer de camp.

Lever le voile sur le tabou des mariages forcés, des grossesses précoces et des mutilations sexuelles féminines, c’est aussi reconnaître les souffrances physiques et psychologiques qui laissent dans les chairs des séquelles à vie, parfois innommables pour les victimes elles-mêmes.

Malheureusement, ce n’est pas seulement en temps de guerre ou en zone de conflits que les violences sexuelles envers les femmes et les filles sont perpétrées. C’est aussi le quotidien des 200 millions de femmes excisées à travers le monde, dont 60 000 en France. Et ces statistiques sont certainement sous-évaluées…

Combien dénombrerons-nous encore de victimes de cette tradition, dont le geste technique est perpétré par autant de femmes se conformant au diktat du patriarcat ?

Dans notre pays, l’arsenal législatif est solide. L’auteur d’une mutilation s’expose à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Mais la loi ne suffit pas à changer les mentalités et les injonctions sociales. Après des procès médiatisés dans les années 1980 à 2005, aucune condamnation n’a plus été prononcée depuis 2012. Est-ce à dire qu’il n’y a plus de cas en France ? Ce n’est pas le constat des réseaux associatifs et des professions médicales.

Au-delà des chiffres, je veux souligner le rôle de prévention que doivent jouer les équipes éducatives dans les établissements scolaires français, du primaire au lycée.

L’éducation à la connaissance de son corps, à la vie sexuelle et reproductive, à la liberté de choisir et au droit universel de disposer de son corps est centrale. Un effort de formation doit être fait à destination des personnels éducatifs et médico-sociaux. Une politique publique de soutien financier aux associations de terrain doit être réaffirmée pour inciter inlassablement les populations à refuser des traditions contraires à la loi, aux droits humains universels et aux conventions internationales, tout simplement parce qu’elles sont criminelles.

C’est ainsi, grâce à l’éducation dès le plus jeune âge, que nous gagnerons cette bataille dans les mentalités. De même, il est de la responsabilité du législateur d’être vigilant à chaque instant dans ce domaine. Le Sénat a lancé récemment une mission commune d’information pour lutter contre la pédocriminalité.

À ce titre, j’estime que lutter contre les mariages forcés, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines, notamment pour ce qui concerne les violences sexuelles perpétrées envers les fillettes et les jeunes femmes mineures encore sous l’emprise du cercle familial, c’est aussi lutter, pour une part, contre la pédocriminalité.

N’ayons pas peur des mots, appelons un chat un chat : ces atteintes à leur intégrité physique les privent du plaisir sexuel, bien sûr, mais engendrent aussi des risques pour leur santé, qu’il s’agisse de maladies ou de troubles psychologiques.

C’est pourquoi le groupe du RDSE invite tous les sénateurs à voter en faveur de cette résolution et à s’inscrire ainsi dans une dynamique émancipatrice. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nassimah Dindar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la résolution que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la tradition du Sénat, qui, dès 2006, était à l’initiative d’une loi interdisant le mariage pour les moins de 18 ans.

Aujourd’hui encore, selon les chiffres rappelés par Annick Billon, 650 millions de femmes à travers le monde vivent en ayant été mariées pendant leur enfance. Et une fille sur cinq est mariée de force avant ses 18 ans.

Aujourd’hui encore, des mutilations sexuelles féminines menacent les jeunes filles en Afrique, mais aussi en Asie du Sud-Est ou, plus près de nous, sur le sol français.

Aujourd’hui encore, à La Réunion, mais ailleurs également, les grossesses précoces restent une menace à l’épanouissement plein d’une vie de femme.

Cette résolution, vous l’aurez compris, dépasse le cadre de notre assemblée et nous rappelle que la France a pour devoir d’éclairer les consciences.

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité », souligne l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Nous sommes ici les garants de ces droits.

Que nos collègues Annick Billon, Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin soient ici remerciées de nous permettre de renouer avec ce devoir et cette responsabilité morale qui sont les nôtres, nous renvoyant aux quinze constats et recommandations qui figuraient dans le rapport de la délégation aux droits des femmes sur les mutilations sexuelles féminines, lesquels devraient être largement diffusés.

Car, même si les modalités sont différentes, le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines relèvent d’une même logique et ont, in fine, les mêmes conséquences.

Ils sont la partie connue de systèmes sociaux qui consacrent l’infériorité et l’invisibilité des femmes, érigeant l’obscurantisme en norme sous prétexte de traditions ancestrales, religieuses ou culturelles.

L’objectif est toujours le même, quelle que soit la forme de violence pratiquée : nier le corps de la femme, étouffer sa parole et lui refuser l’envol de l’esprit en lui refusant l’éducation. C’est bien là une forme de servilité.

Malala, cette jeune Pakistanaise, nous a rappelé voilà quelques années que certains sont prêts à tuer pour laisser les jeunes femmes dans l’ignorance.

Et Nassimah, pour avoir été mariée à 17 ans au sein de la République française, peut vous dire que certains parents pensent bien faire quand ils agissent en perpétuant leurs propres traditions et croyances…

L’école, l’éducation, est la seule voie pour s’extraire des chemins tout tracés par les familles, les traditions ou les religions pour les adolescentes d’hier et d’aujourd’hui.

Quels que soient les pays, les conséquences de ces pratiques sont toujours les mêmes. Elles sont psychologiques, sanitaires, avec une surmortalité des femmes, notamment lors des accouchements. Elles sont sociales, avec des sociétés rigidifiées, sans évolution possible. Elles sont économiques, enfin, puisque ces pays, en se privant des femmes, se privent d’une partie de leur richesse et de leur potentialité de développement.

Notre responsabilité, mes chers collègues, n’est pas seulement de dénoncer, mais aussi d’agir : agir par des campagnes de communication, agir en aidant les associations – elles manquent de moyens financiers, monsieur le secrétaire d’État –, agir en informant, en formant, en éduquant, en soutenant des initiatives comme cette plateforme nationale des religieux mise en place en Guinée sous la houlette de la ministre de l’action sociale et de la promotion féminine, agir en soutenant des projets de coopération avec les pays les moins avancés, car le mariage des enfants reste étroitement associé à la pauvreté.

Dans beaucoup de pays, une fille est souvent considérée seulement comme une bouche à nourrir.

La grande dame que fut Simone Veil aurait été honorée de voir, le 8 mars dernier, que le premier prix qui porte son nom a été remis par le Président de la République à Aïssa Doumara, une activiste camerounaise qui lutte contre les mariages forcés et les violences faites aux femmes.

Souvent se chuchote, se fait, se tait, dans le secret des communautés et parfois des institutions, l’emprise de pratiques discriminatoires et criminelles. Et nous occultons la dénonciation nécessaire. Sous prétexte de ne pas pouvoir tout dire du monde, nous ne dénonçons pas ces agissements condamnables, alors même que ces combats font partie des objectifs du millénaire pour le développement.

Je me rappelle par exemple des confidences de ces adolescentes aux Comores, me demandant que cessent les abus de certains fundis, des maîtres d’école coranique agissant en toute impunité. Je porte leur parole sur mes épaules. Je pense aussi à l’Éthiopie, où 75 % des petites filles sont encore excisées.

Chers collègues, cette résolution nous rappelle à ce devoir moral de dénonciation et d’action. Je ne doute pas qu’ici, au Sénat, nous saurons l’adopter à l’unanimité. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « tant que les femmes et les filles, qui forment la moitié de la population de la planète, ne vivront pas à l’abri de la peur, de la violence et de l’insécurité quotidiennes, il nous sera impossible de prétendre vivre dans un monde juste et égal ». Tout est dit dans cette phrase prononcée par Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Mais il y a les paroles, et les actes. Les paroles, ce sont les dénonciations, c’est ce que nous faisons aujourd’hui avec cette résolution, que le groupe Les Indépendants soutient, bien évidemment : dénoncer que plus d’une femme ou une fille sur trois est victime de violence au cours de sa vie, que 750 millions de femmes ont été mariées avant l’âge de 18 ans et que plus de 250 millions d’entre elles ont subi des mutilations génitales.

Aujourd’hui, la violence à l’égard des femmes et des filles constitue l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues, les plus persistantes et les plus dévastatrices dans le monde. Et malheureusement, la lutte contre les mutilations n’est pas sur le point de s’achever : les chiffres sont en hausse et les prévisions sont mauvaises.

Pourtant, rien ne saurait justifier cette pratique barbare, même si certains s’y risquent et avancent des motifs d’hygiène, évidemment absurdes quand on sait les conditions sanitaires dans lesquelles cette mutilation est effectuée. Et je ne parle pas des conséquences médicales, qui vont de l’hémorragie au risque accru de décès lors de l’accouchement, en passant par de fréquentes et insupportables douleurs.

Dénoncer, nous le faisons, encore et encore, et nous devons continuer. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut agir !

Agir, c’est ce qu’a fait Waris Dirie, jeune somalienne qui a pu échapper à l’âge de 13 ans au mariage arrangé par son père. Devenue mannequin international, elle a été nommée ambassadrice de bonne volonté pour l’ONU après avoir raconté dans les médias le drame de son excision à 5 ans. C’est le destin hors du commun d’une femme qui a profité de sa célébrité pour défendre les droits des femmes. Fleur du désert, un film poignant réalisé d’après son œuvre originale, a été programmé par Arte la semaine dernière à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

Agir, c’est le combat mené par Aïssa Doumara Ngatansou depuis plus de vingt ans au sein de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes, l’ALVF, après avoir dit non à 15 ans au mariage forcé au Cameroun. Elle vient de recevoir le premier prix Simone-Veil de la République française, favorisant des actions en faveur du droit des femmes.

Mais nous savons que des centaines de milliers de Waris et d’Aïssa bravent chaque jour les préjugés sexistes et certaines traditions bien ancrées pour prendre le chemin de la liberté, de la connaissance et d’un avenir meilleur, au péril de leur vie.

Agir, c’est le combat mené par Denis Mukwege, le gynécologue congolais surnommé « l’homme qui répare les femmes », et qui a remporté le prix Nobel de la paix.

Agir, c’est l’initiative Spotlight, partenariat entre l’Europe et l’ONU, qui déploiera des investissements ciblés à grande échelle en Asie, en Afrique, en Amérique latine, dans le Pacifique et dans les Caraïbes, avec pour objectif d’obtenir des améliorations importantes dans la vie des femmes et des filles.

Agir, c’est une décision prise la semaine dernière par le Royaume-Uni, qui vient de condamner à onze ans de prison une femme ougandaise pour l’excision de sa fille de 3 ans. Au moment des faits, elle avait invoqué une simple chute dans la cuisine pour expliquer la blessure de son enfant.

Mes chers collègues, ces pratiques que nous dénonçons aujourd’hui nous concernent aussi, nous Français. D’abord parce que 60 000 femmes et filles mutilées à l’étranger vivent en France. Notre premier devoir est de convaincre nos concitoyens que ces mutilations sont inacceptables. Il nous faut ensuite les combattre afin que plus aucune de nos filles ne risque de les subir.

Je veux saluer l’engagement de Marlène Schiappa pour la lutte qu’elle mène contre le mariage forcé et l’excision. En effet, ne l’oublions pas, la loi française interdit l’excision et protège toutes les filles qui vivent en France, quelle que soit leur nationalité et quel que soit le territoire où elle est pratiquée. La loi condamne également le fait de contraindre une personne à se rendre à l’étranger pour l’y marier de force, notamment en lui cachant le vrai motif de son voyage.

Au-delà du combat pour la justice et contre les discriminations, la scolarisation des filles est également, à mon sens, une réponse. La privation d’instruction enferme les filles, puis les adolescentes et les femmes qu’elles seront, dans une extrême vulnérabilité face à la maladie, au sida, aux violences sexuelles, aux mariages forcés, aux grossesses précoces et à la pauvreté.

Aujourd’hui encore, 64 millions de filles âgées de 6 à 14 ans n’ont pas accès à l’éducation. Et comme l’a dit Kofi Annan, « il n’existe aucun instrument de développement plus efficace que l’éducation des filles ». Une fille éduquée peut plus facilement faire entendre sa voix, a plus de facilités à accéder et à suivre les recommandations et conseils de prévention et de soins pour elle-même et ses enfants, comprend l’intérêt de donner à ses enfants une éducation de qualité, ose résister à un projet de mariage précoce et connaît l’existence de moyens de contraception.

Alors, parce que ces actes, dirigés contre les femmes, portent atteinte à la dignité humaine, la France doit se montrer à la hauteur de son histoire et se doit de faire entendre sa voix.

Un discours antiféministe jusque-là en sommeil refait surface en Europe. L’égalité entre les femmes et les hommes est remise en cause en Hongrie, le droit à l’avortement est menacé en Pologne. Il nous faut garder une vigilance de tous les instants face à ces menaces, comme il nous faut faire de ce combat contre les violences faites aux femmes le combat du XXIe siècle.

C’est l’honneur de la France et des Français que de mener ce combat aussi longtemps qu’il le faudra.

Pour conclure, je félicite et remercie la délégation aux droits des femmes, sa présidente Annick Billon et les coauteures de la présente résolution, Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin. Soyez assurées, mes chères collègues, de ma totale adhésion, ainsi que de celle du groupe Les Indépendants. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes et de la remise du prix Simone-Veil à la Camerounaise Aïssa Doumara, qui, à travers son association, vient en aide aux victimes de viols et de mariages forcés dans son pays, la délégation aux droits des femmes nous invite à débattre de la proposition de résolution pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines. Cette proposition de résolution s’inscrit dans la continuité des travaux de la délégation aux droits des femmes.

Les mutilations sexuelles, les mariages forcés et les grossesses précoces touchent aux droits fondamentaux des femmes et des enfants. Aucune tradition ne saurait justifier des pratiques barbares qui bafouent les droits des enfants et des femmes.

Les statistiques terribles ont été rappelées, mais elles méritent d’être martelées : toutes les sept secondes dans le monde, une jeune fille de moins de 15 ans est mariée contre son gré ; une fille sur cinq met au monde son premier enfant avant l’âge de 18 ans ; plus de 70 000 décès sont causés chaque année par les grossesses et les accouchements précoces.

Le mariage forcé n’est pas une violence isolée. Il faut rappeler que le mariage forcé des jeunes filles revient à un viol conjugal permanent, dont il faut aussi souligner les dimensions pédophiles aggravantes.

Dans le cadre du mariage forcé, les filles sont considérées comme monnaie d’échange, soumises au bon vouloir des hommes. En privant les filles de scolarisation, elles sont empêchées de s’émanciper un jour de la tutelle des hommes.

La scolarisation et l’éducation des filles comme des garçons restent le meilleur moyen de retarder et de prévenir le mariage des enfants. Il est donc indispensable d’investir massivement dans une éducation de qualité pour les filles, notamment pour les plus défavorisées.

Le mariage précoce et forcé persiste, voire se développe dans les régions en crise où la détresse économique et sociale a des conséquences dramatiques sur la situation des enfants.

Il existe un continuum entre mariage des enfants et mutilations sexuelles féminines : selon de nombreux témoignages, il est fréquent qu’une très jeune fille subisse une excision pour être ensuite mariée de force. Les statistiques mondiales des mutilations sexuelles féminines sont tout aussi dramatiques que celles des mariages précoces. Toutes les quinze secondes dans le monde, une fillette ou une femme est excisée. Le nombre de victimes s’élève actuellement à 200 millions, dont 44 millions ont moins de 15 ans. Il s’agit donc véritablement d’une violence faite aux femmes et aux enfants.

Face à ces terribles constats, la proposition de résolution souligne que l’inscription à l’état civil d’un enfant est un droit fondamental qui conditionne la réalisation d’autres droits. À défaut, une personne qui n’est pas déclarée à l’état civil peut être exposée à toutes sortes de trafic.

La proposition de résolution rappelle que, en 2006, sur l’initiative du Sénat, le mariage au-dessous de l’âge de 18 ans a été interdit, pour les filles comme pour les garçons – cette règle peut avoir valeur d’exemple pour tous les pays engagés dans la lutte contre les mariages précoces. Elle manifeste son soutien aux acteurs de la lutte contre le mariage des enfants et les mutilations sexuelles féminines et souhaite que les moyens qui leur sont attribués soient à la hauteur des besoins.

Monsieur le secrétaire d’État, les subventions attribuées par la France aux associations investies dans la lutte contre le mariage forcé et les mutilations sexuelles féminines devraient faire l’objet d’un effort spécifique et être sanctuarisées dans un cadre pluriannuel.

Les personnels scolaires se trouvent en première ligne pour contribuer au repérage et à l’orientation des victimes potentielles. La proposition de résolution appelle à sensibiliser les personnels de l’éducation nationale, y compris les infirmières, les psychologues et les médecins scolaires aux risques encourus par les jeunes filles qui, à l’occasion d’un séjour dans le pays d’origine de leur famille, pourraient être excisées et mariées de force.

Les moyens de la médecine scolaire doivent donc être renforcés pour mettre en œuvre un meilleur repérage des victimes et la protection des petites filles et des adolescentes contre l’excision et le mariage précoce.

La proposition de résolution appelle de ses vœux que la diplomatie française continue à mettre l’accent sur le caractère crucial de l’accès à l’éducation pour toutes les filles, et qu’elle soit particulièrement attentive au sort des fillettes, des adolescentes et des femmes dans les régions en crise. Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur un engagement fort de notre pays pour protéger les enfants et les jeunes filles dans ces régions.

Enfin, je tiens à remercier la présidente de la délégation aux droits des femmes de nous donner l’occasion de débattre de la lutte contre les mariages forcés, les mariages des enfants et les grossesses précoces. Je profite de cette occasion pour saluer également le travail remarquable de mes collègues Marta de Cidrac et Maryvonne Blondin.

Le Sénat doit être impliqué dans ce combat, et cette proposition de résolution manifeste concrètement l’engagement de notre institution en faveur de cette cause.

Le groupe Les Républicains votera bien évidemment en faveur de l’adoption de cette proposition de résolution. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, 12 millions de filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, parfois même avant 11 ans. Le partenaire leur est imposé, et il est souvent beaucoup plus âgé qu’elles.

Après le mariage vient la grossesse, souvent forcée elle aussi. La femme doit faire autant d’enfants que le souhaite son mari, et ce malgré les risques dus à son jeune âge.

En effet, les grossesses précoces causent 70 000 morts chaque année. Les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont la deuxième cause de décès dans le monde pour les filles de 15 ans à 19 ans.

Le mariage des enfants et les mutilations sexuelles sont liés. Il est fréquent que les jeunes filles subissent une excision pour être ensuite mariées. Et les chiffres sont tout aussi effroyables : toutes les quinze secondes dans le monde, une fillette ou une femme est excisée. Le nombre de victimes s’élève aujourd’hui à 200 millions, dont le quart a moins de 15 ans.

Les conséquences de l’excision sur la santé physique et psychologique des femmes sont graves. Lorsque ces mutilations sexuelles sont pratiquées sur de jeunes enfants, avant l’âge de 3 ans, c’est 10 % à 15 % de mortalité immédiate.

C’est le fait de croyances religieuses, de traditions et de conceptions des rapports entre les sexes considérant les femmes non seulement comme des objets, mais aussi comme propriétés des hommes.

En France, l’excision est fermement condamnée. Mais nous savons que des adolescentes vivant sur notre territoire en sont menacées lors de séjours dans le pays d’origine de leur famille.

Outre la défense des cultures et des traditions, un illusoire prétexte d’hygiène est parfois invoqué. Il est inacceptable de constater un tel dévoiement de la profession au profit de pratiques religieuses et traditionnelles. Aussi est-il impératif de lutter contre tout type de croyance cherchant à justifier ces mutilations.

Mariages forcés, grossesses précoces, mutilations sexuelles sont autant de violations des droits fondamentaux. Dans certains pays, ces crimes sont perpétrés dans des situations de conflit armé ou d’après-conflit et, dans la plupart des cas, les individus qui les ont commis ne seront pas jugés. Cette impunité ne saurait être tolérée. Nous devons condamner ces violences par tout moyen dont nous disposons.

Dans la lutte pour l’égale dignité des femmes et des hommes, nous sommes tous concernés, et l’implication des hommes est tout aussi décisive. Il est de notre devoir de renforcer la protection des mineurs. Il y va de la liberté pour chacun de disposer de son corps et de sa propre vie ; il y va du droit à l’enfance et du droit à l’éducation pour toutes et tous.

Cette proposition de résolution rend également hommage à toutes celles et tous ceux qui s’engagent dans le combat contre ces sévices. Je pense, entre autres, à Denis Mukwege, ce gynécologue congolais surnommé « l’homme qui répare les femmes » et à Aïssa Doumara Ngatansou, militante camerounaise à qui le Président de la République a remis le premier prix Simone-Veil le 8 mars dernier, à des ONG ou encore à des organisations internationales telles que l’Unicef.

Prenons exemple sur ces personnes pour lutter contre les exactions et promouvoir l’éducation des jeunes filles, qui permet de lutter contre la mortalité maternelle et infantile.

Par cette proposition de résolution, le Sénat rejoint la résolution du Parlement européen du 23 mars 2009 sur la lutte contre les mutilations génitales féminines. Je m’en réjouis.

La chambre haute, trop souvent considérée comme conservatrice, et sa délégation aux droits des femmes, composée de sénateurs de tous bords, démontrent ainsi un engagement commun pour défendre les droits fondamentaux des femmes.

Pour ces raisons, le groupe La République En Marche votera en faveur de cette proposition de résolution pour lutter contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines. Œuvrons à l’égale dignité des femmes et des hommes partout dans le monde, et pour que la France soit considérée comme le pays des droits des hommes et des femmes.

Enfin, je tiens à remercier les auteures de la proposition de résolution. (Applaudissements.)