Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je comprends tout à fait et partage la préoccupation de M. Chaize. Il convient d’inciter notre secteur du transport routier à s’orienter vers l’utilisation de véhicules plus propres. Pour autant, les dispositifs qui permettent d’accompagner cette transition ne relèvent pas de la programmation des infrastructures de l’Afitf. C’est plutôt le rôle des dispositifs de suramortissement, tels qu’ils ont pu être encore améliorés dans le cadre de la loi de finances pour 2019, ou des dispositifs de soutien aux infrastructures de recharge, sachant que le texte prévoit une prise en charge par le gestionnaire de réseau d’une part plus importante des coûts de raccordement, ce qui conduira à une division par deux du coût des infrastructures de recharge.

La mesure proposée est complémentaire, mais, à mon sens, elle ne rentre pas dans le champ d’intervention de l’Afitf. Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’entends l’argumentation de Mme la ministre, mais le fait qu’il n’y ait, dans la stratégie de l’Afitf pour le transport de marchandises, aucune référence à la réduction des émissions de gaz à effet de serre me gêne. Je ne sais pas si la formulation proposée est la bonne, mais la prise en compte de cette dimension doit tenir une place centrale dans les décisions de l’Afitf, notamment en ce qui concerne les grandes infrastructures ferroviaires et les dispositifs embarqués. Je trouve dommage qu’il n’y ait aucune mention du fait que l’Afitf doit tenir compte des émissions de gaz à effet de serre dans sa programmation de grandes infrastructures liées au transport de marchandises.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je m’abstiendrai sur cet amendement, pour deux raisons.

D’abord, la remarque faite par Mme le ministre me paraît tout à fait fondée : nous sommes tout de même ici assez loin des attributions de l’Afitf.

Ensuite, s’il y a des progrès à faire en matière d’environnement en ce qui concerne la desserte des ports, il serait infiniment plus efficace, dans cette perspective, d’interdire la navigation dans nos eaux territoriales des cargos et des paquebots qui utilisent un fioul lourd hyperpolluant. Je n’ai pas du tout vocation à défendre le transport par camions, mais le plus gros pollueur de la Terre, c’est le transport maritime. C’est lui qu’il faut viser.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 849 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 110, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette priorité passe notamment par la remise à niveau des lignes capillaires fret ainsi que des voies navigables.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Nous présentons cet amendement, comme le précédent, depuis de nombreuses années, avec constance et cohérence.

Alors qu’il représentait 75 % du transport de marchandises dans les années soixante-dix, le fret ferroviaire ne pèse plus aujourd’hui que 10 % du marché, la libéralisation de 2006 ayant accéléré le mouvement. Le fait que des opérateurs privés détiennent 40 % du marché n’y change rien.

La question des petites lignes ferroviaires fait l’objet d’une mission confiée au préfet François Philizot, qui doit bientôt rendre ses préconisations en matière de gouvernance et de financement en vue de les pérenniser, mais, de rapport en rapport, de mission en mission, les constats demeurent les mêmes : urgence écologique, nécessité d’un changement de paradigme, maîtrise des externalités négatives du transport de marchandises, pertinence du fret ferroviaire… La liste n’est pas exhaustive. Cela n’est pas sérieux !

Ainsi, du Grenelle de l’environnement à la COP 21, tout le monde a pieusement approuvé certaines recommandations, par exemple assurer le maillage du territoire et développer le fret ferroviaire pour contenir le trafic de poids lourds, mais voilà vingt ans que le réseau ferroviaire se transforme à rebours de ces directives. Les fermetures de services, de lignes, de gares de triage continuent, de même que les cessions de matériel roulant. Les 3 200 kilomètres de réseau secondaire sont encore en danger d’abandon pur et simple, faute d’investissements.

Que veut dire l’expression « maintien du fret ferroviaire là où il est pertinent » ? De quelle pertinence parlons-nous, quand les émissions de CO2 en France sont en hausse constante, quand nos routes accueillent près de 1,6 million de camions supplémentaires chaque année, ce chiffre étant voué à augmenter au vu des prévisions sur la progression des échanges de marchandises à l’horizon 2050 ?

Pourtant, les rapports sur les décès dus à la pollution de l’air se multiplient. Pourtant, l’urgence climatique n’a jamais été aussi forte. Il est dès lors irresponsable de penser les transports de demain sans prendre en compte et soutenir le réseau capillaire fret. Si le système des autoroutes ferroviaires n’est pas condamnable en soi, sa mise en place n’est qu’un substitut à un véritable développement du fret ferroviaire, qui demande bien plus de capillarité. Ce réseau est indispensable au développement du fret de proximité, puisqu’il permet d’accomplir le dernier kilomètre et de limiter les transferts d’un moyen de locomotion à un autre.

Ce dont la France a besoin, c’est d’une grande politique publique de transport de marchandises, qui doit reposer sur un réseau ferré au maillage fin permettant d’irriguer les territoires tout en répondant aux besoins des entreprises et des citoyens.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Le rapport annexé apportant ces précisions, il n’est pas nécessaire de les intégrer à l’article 1er A. L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis moi aussi convaincue de l’importance des lignes capillaires, que ce soit pour le fluvial ou le ferroviaire. S’agissant du fret ferroviaire, il faut savoir que 25 % des marchandises transportées passent par des lignes capillaires.

De fait, il y a déjà un soutien de l’État à la remise en état de ces lignes capillaires, à hauteur de 10 millions d’euros par an, via l’Afitf. Par ailleurs, nous soutenons le développement de ces dessertes, notamment par la création d’opérateurs ferroviaires de proximité. On travaille aussi à des montages innovants pour la gestion de ces lignes. Votre préoccupation est donc satisfaite, madame la sénatrice.

Je ne peux m’empêcher d’ajouter que, pour fidéliser les clients du fret ferroviaire, il importe de garantir la continuité de service.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Or, à la suite du mouvement social intervenu l’an dernier, on constate une baisse de 5 % des tonnages transportés. Assurer la continuité de service est absolument crucial si l’on croit au transport ferroviaire. L’avis est défavorable.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 110.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 515 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Apourceau-Poly, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Accélérer la transition énergétique des véhicules et la lutte contre la pollution locale par une stratégie ambitieuse de déploiement des infrastructures d’avitaillement pour les véhicules fonctionnant à l’électricité, l’hydrogène, le GNV, le GPL et le superéthanol E85.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. L’alinéa 64 du rapport annexé prévoit déjà un soutien au développement de l’utilisation des carburants et énergies alternatifs, au titre de l’objectif n° 3 d’amélioration de la transition énergétique. Il n’y a pas lieu d’en faire un objectif à part entière. L’amendement étant de fait satisfait, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 515 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

 
 
 

rapport annexé

Le présent rapport annexé au volet de programmation de la loi d’orientation sur les mobilités précise, pour la période 2018 à 2037, la stratégie de mise en œuvre des orientations de la politique d’investissement de l’État en matière de transports et de mobilité définies à l’article 1er A de la présente loi.

Cette programmation traduit de manière opérationnelle les orientations stratégiques décrites par la loi et qui résultent des concertations initiées lors des Assises de la mobilité qui se sont tenues à l’automne 2017, des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures présentés en février 2018 et des consultations qui ont eu lieu au printemps 2018.

I. – La programmation des investissements

Cette programmation traduit des choix et des priorités.

Le premier choix est d’augmenter de manière très importante l’investissement de l’État dans ses systèmes de transport. La présente programmation prévoit une augmentation de 40 % des investissements de l’État dans ses transports entre les périodes 2014-2018 et 2019-2023. C’est une nécessité pour maintenir la qualité des infrastructures de notre pays reconnue dans les classements internationaux, pour garantir la sécurité et la performance des déplacements des Français, pour assurer la transition écologique des mobilités, pour renforcer la performance de l’économie française, la cohésion du territoire national et son intégration dans les flux européens et mondiaux.

Par conséquent, les dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) au titre de la programmation pluriannuelle des investissements de l’État dans les transports sur la période 2019 – 2023 sont fixées suivant la chronique ci-dessous, exprimée en crédits de paiement et en millions d’euros courants :

 

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

Les dépenses prévues au titre de 2023 s’inscrivent dans une perspective d’une enveloppe quinquennale de 14,3 milliards d’euros environ sur la période 2023-2027.

Le deuxième choix est celui de la sincérité. Cette programmation est financée, elle repose sur un équilibre entre les ressources disponibles et les investissements retenus sur les dix prochaines années.

Elle suppose la sanctuarisation des ressources affectées à l’AFITF, dont le budget ne doit pas dépendre de ressources fluctuantes et imprévisibles comme le produit des amendes radars.

Elle suppose l’affectation intégrale à l’AFITF du produit de l’augmentation de 2 centimes d’euro par litre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes pour les poids lourds, prévue par la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 pour financer les infrastructures de transports.

Elle suppose l’affectation à l’AFITF d’une ressource complémentaire pour atteindre les objectifs de la présente programmation.

Le troisième choix est de construire cette programmation à partir d’une vision à long terme de la mobilité en France, traduite en 4 ambitions prenant en compte l’évolution des pratiques et des besoins de mobilité :

– améliorer les offres de déplacements du quotidien, notamment pour faciliter l’accès aux zones d’emplois et aux services publics et non publics, désaturer les villes et leurs accès, améliorer les liaisons entre les territoires ruraux ou périurbains et les pôles urbains ;

– accélérer la transition énergétique et la lutte contre la pollution, et pour cela poursuivre la politique de rééquilibrage modal en augmentant la part des déplacements opérés par les modes propres ou collectifs (ferroviaire, fluvial, transports en commun, vélo), en intensifiant l’utilisation partagée des modes de transport individuel (covoiturage, autopartage…) et en facilitant les déplacements intermodaux ;

– contribuer à l’objectif de cohésion des territoires métropolitains et ultra-marins, en renforçant l’accessibilité des villes moyennes et des territoires mal connectés aux métropoles, aux grandes agglomérations ou aux pays limitrophes, ainsi qu’au sein des agglomérations aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, tout en veillant à limiter la consommation d’espaces naturels et l’étalement urbain ;

– renforcer l’efficacité des transports de marchandises, pour renforcer la compétitivité de nos territoires et de nos ports, et accélérer le report modal.

Le quatrième choix est de traduire ces ambitions en 5 programmes prioritaires évalués, chiffrés et durables :

– entretenir et moderniser les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants ;

– désaturer les grands nœuds ferroviaires pour doubler la part du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains ;

– accélérer le désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux ;

– développer l’usage des mobilités propres et partagées au quotidien ;

– renforcer l’efficacité et le report modal dans le transport de marchandises.

II. – Les programmes dinvestissement prioritaires

Priorité n° 1 – Entretenir et moderniser les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants.

L’entretien des réseaux existants est la première des priorités pour la décennie à venir. C’est d’abord une question de sécurité, mais aussi de performance des infrastructures dans la durée. Les audits réalisés pour le ministère chargé des transports sur l’état des réseaux routiers, fluviaux et ferroviaires ont confirmé les retards accumulés en matière d’entretien des infrastructures et la nécessité d’en accroître les volumes. Au-delà, il est indispensable d’engager une modernisation de ces réseaux, afin de mieux répondre aux besoins émergents, de rendre plus efficace leur exploitation ou d’en accroître la sécurité et la qualité. Il s’agit donc tout à la fois de rattraper un retard accumulé que de préparer l’avenir.

Sur le réseau routier national non concédé, les crédits étaient ces dernières années essentiellement utilisés sur des opérations curatives pour assurer la sécurité des circulations, sans enrayer une dégradation progressive de l’état du patrimoine.

Pour mettre fin à cette tendance, l’audit externe commandé par le Gouvernement a permis d’aider l’État à définir et à optimiser sa stratégie d’entretien pour garantir le meilleur état du réseau routier national non concédé dans les 5, 10 et 20 ans à venir.

Ces dix dernières années, l’État a consacré en moyenne 670 M€/an aux dépenses d’entretien d’exploitation et de modernisation de ce réseau. Ces montants étaient fluctuants d’une année sur l’autre et surtout insuffisants pour enrayer une dégradation de l’ensemble du réseau.

En matière d’ouvrages d’art et de ponts, un effort particulier sera déployé pour renforcer la connaissance de ce patrimoine, mutualiser les informations entre personnes publiques et améliorer l’anticipation, aux plans financier et comptable, des enjeux de maintenance de ces infrastructures. En partenariat avec les collectivités territoriales, premiers gestionnaires de ce patrimoine, et dans le cadre d’une programmation pluriannuelle, l’État accompagnera l’inventaire, la surveillance, l’entretien et, le cas échéant, la réparation de ces ouvrages, qui sont des actifs clés pour l’attractivité française et présentent aujourd’hui des risques de sécurité mal connus. À cet égard, une méthodologie adaptée au réseau d’ouvrages d’art et de ponts des collectivités territoriales et de leurs groupements devra être définie et une réflexion globale devra être engagée sur les modalités du soutien financier et technique de l’État aux territoires pour la gestion de ces infrastructures.

Les crédits d’entretien, d’exploitation et de modernisation seront progressivement augmentés sur la décennie pour atteindre 850 M€/an d’ici 2022 puis 930 M€/an sur la période suivante (AFITF et programme budgétaire de l’État). Dès 2018, première année du quinquennat, ces crédits avaient déjà été augmentés de +100 M€, à hauteur de 800 M€. Cela représente +31 % de moyens sur la décennie 2018-2027 par rapport à la décennie précédente, et +25 % sur le seul quinquennat 2018-2022. Hors entretien courant, les opérations de régénération sont en particulier en progression de +70 % sur la décennie.

La sécurité et viabilité du réseau constitue l’enjeu principal avec l’amélioration des aménagements de sécurité, notamment dans les tunnels routiers. La finalisation du programme de mise aux normes est un objectif prioritaire.

Enfin, au-delà du maintien du patrimoine, il existe aussi un enjeu majeur de modernisation et d’optimisation de l’usage du réseau par la mise en œuvre de mesures de régulation du trafic, de partage de la voirie dans les grandes zones urbaines et d’information des usagers. Des projets se développeront visant à introduire les systèmes de transport intelligents liés à l’infrastructure et utilisés pour la gestion du trafic et accueillir les véhicules autonomes avec le déploiement de technologies d’échange d’informations entre véhicules et infrastructure ou de véhicule à véhicule via l’infrastructure.

Concernant le réseau fluvial, l’audit externe sur l’état du réseau géré par Voies navigables de France (VNF), réalisé à la demande de l’État, a mis en évidence l’insuffisance des investissements consentis ces dernières années en matière de voies navigables, qui se traduit par une fragilisation du réseau, avec, à terme, un risque sur les missions mêmes de VNF, tant en matière de navigation que de gestion hydraulique.

L’État augmentera progressivement les crédits de l’AFITF consacrés à la régénération et la modernisation (automatisation, téléconduite d’ouvrages) des voies navigables pour atteindre 110 M€/an entre 2019 et 2022 et 130 M€/an entre 2023 et 2027 permettant, en complément des capacités d’investissement propres de VNF et des cofinancements des collectivités, de viser un niveau de régénération et de modernisation global d’environ 190 M€/an à cet horizon.

En matière ferroviaire, comme cela a été annoncé par le Gouvernement lors de la présentation de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, et comme le permet la reprise progressive par l’État de 35 Md€ de la dette du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau investira massivement en faveur du renouvellement du réseau structurant afin d’assurer sa remise à niveau après des décennies de sous-investissement. Ce sont 3,6 Md€ annuels qui seront investis sur le réseau existant.

En complément, l’État apportera toute sa part aux opérations de modernisation du réseau, aux opérations de sécurité, de lutte contre le bruit et de mise en conformité de l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ainsi que sa participation, via les opérations inscrites dans les contrats de Plan État-région (CPER), à la régénération des lignes structurantes ou de maillage régional ferroviaire. La sécurité des passages à niveau sera renforcée. Les crédits de l’AFITF seront augmentés pour atteindre 40 millions d’euros par an pour les passages à niveau prioritaires.

L’AFITF continuera à soutenir financièrement les actions de renouvellement du matériel roulant des trains d’équilibre du territoire (TET) dans le respect des engagements pris vis-à-vis des régions et des usagers.

Priorité n° 2 – Remédier à la saturation des grands nœuds ferroviaires pour doubler la part du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains

La France est justement reconnue pour l’excellence de ses trains à grande vitesse, produits de 40 années d’investissement de la Nation dans le TGV. À l’inverse, la performance et l’usage du transport ferroviaire dans les déplacements quotidiens demeurent trop faibles en France, alors même que la congestion dans les métropoles et la demande d’alternatives aux déplacements individuels augmentent. Aujourd’hui, la priorité à l’amélioration des déplacements du quotidien passe par un renforcement et un développement des transports ferroviaires dans les grands pôles urbains, dans les liaisons avec les villes moyennes et la desserte des territoires périurbains.

Après la construction progressive du réseau et de l’offre TGV depuis 4 décennies, il est désormais nécessaire d’orienter les investissements de développement dans le transport ferroviaire en priorité vers les déplacements du quotidien et, pour cela, vers la création de capacités supplémentaires dans les principaux nœuds ferroviaires. Il faut faire dans nos grandes métropoles l’équivalent de ce que la construction du réseau express régional a permis en Île-de-France, en transformant des lignes radiales en des liaisons transversales rapides, fréquentes et interconnectées.

Il s’agit d’un changement de paradigme, en grande partie anticipé par certaines régions et métropoles qui se dotent d’une vision ferroviaire à moyen terme. L’objectif doit être ambitieux : doubler la part modale du transport ferroviaire dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains.

Il faut donc à la fois construire un projet commun à l’ensemble des acteurs concernés, et notamment aux autorités organisatrices régionales, aux autorités organisatrices de la mobilité locales et à SNCF Réseau, et enclencher rapidement des premières opérations dans les principales métropoles.

Ces opérations viseront par exemple, selon les cas, à créer de nouvelles voies en gare, élargir certains quais et en augmenter le nombre, simplifier la gestion de l’infrastructure et moderniser les systèmes de gestion des circulations et de signalisation sur les axes et les nœuds à plus fort trafic, afin de gagner des capacités en évitant les investissements lourds en infrastructures.

Les opérations prioritaires à engager dans les cinq premières années concernent, outre l’Île-de-France, la plupart des grands pôles urbains et métropolitains dont les gares et leurs accès ferroviaires restent trop exigus et encombrés.

L’Île-de-France, dont le rayonnement international est un atout majeur pour la France, connaît des niveaux de congestion et de dégradation des conditions d’usage des transports collectifs. Le Grand Paris Express sera réalisé dans son intégralité entre 2024 et 2030, avec un calendrier de mises en service, plus étalé, mais crédible et réaliste. Par ailleurs, la modernisation, le développement et le maillage du réseau ferré seront poursuivis. Cela concerne notamment les accès des gares concentrant déjà de nombreux usages (RER, ter, TET, TGV, Transilien) et qui doivent être en capacité d’accueillir les circulations supplémentaires liées aux nouveaux projets.

En complément de ces projets spécifiques, des ruptures technologiques dans l’exploitation ferroviaire doivent être engagées au plus vite, pour accroître tant le débit des lignes ferroviaires que leur fiabilité : nouvelle signalisation (ERTMS), gestion des circulations, conduite automatisée… Avant le 1er janvier 2020, SNCF Réseau présentera à l’approbation du Gouvernement un plan d’ensemble explicitant les objectifs poursuivis (en particulier les gains de capacité des zones les plus circulées, de fiabilité des circulations, de qualité des infrastructures modernisées, de productivité de l’exploitation), les zones du réseau concernées par ce plan, les délais et les principales étapes de réalisation.

Au global ce plan de traitement des nœuds urbains saturés représente un montant prévisionnel d’engagement global de 2,6 Md€ dans les dix années à venir (hors Île-de-France), associant État, collectivités locales ou SNCF. L’État prévoit d’y contribuer à hauteur de 1,3 Md€.

Priorité n° 3 – Accélérer le désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux

Dans de nombreux territoires, de la qualité d’une route nationale, tout comme d’ailleurs de celle d’une route départementale, dépend l’accessibilité d’une ville ou d’une région et, partant, son attractivité pour les acteurs économiques ou les conditions de l’accès aux pôles d’activité ou aux services publics. Or, parmi ces territoires, nombreux sont également ceux qui attendent, parfois depuis plusieurs décennies, une amélioration de la qualité de ces routes nationales nécessaires à leur désenclavement, avec des travaux étalés sur plusieurs générations de contrats de plan État-région et dont l’achèvement apparait lointain.

Si le trafic reste modéré, le Gouvernement considère ces routes comme essentielles pour l’aménagement du territoire. Il est devenu nécessaire et urgent d’agir : l’État prévoit donc de porter un programme concernant une vingtaine d’itinéraires routiers au sein des contrats de plan État-région, pour un montant total de 1 Md€ sur 10 ans, destinés à améliorer la qualité de la desserte par le réseau routier national de villes moyennes et de territoires ruraux notamment en termes de sécurité et de niveau de service.

Il s’agit d’opérations très concrètes sur les itinéraires existants pour la qualité de vie dans les territoires concernés : déviations courtes, aménagements de traversées d’agglomérations, de créneaux de dépassement, de rectifications de virages ou des aménagements de carrefours. Sur ces itinéraires en effet, plutôt que reporter de manière répétée une mise complète à 2x2 voies, il est souvent préférable de privilégier de tels aménagements ponctuels mais dont la mise en œuvre peut être rapide.

Cette priorité ne sera pas réalisée au détriment de l’avancement des autres projets contractualisés dans les CPER, notamment sur les axes les plus structurants et les plus chargés en matière de trafic, qui se poursuivront et qui, en complément des projets routiers spécifiques tels que décrits dans la partie II du présent rapport, contribueront à une desserte efficace des territoires.

Ce programme de désenclavement routier s’inscrit dans une politique plus large de renforcement de la cohésion des territoires, à travers le ferroviaire (grandes lignes TET, lignes de desserte fine des territoires) ou l’aérien (LAT), en métropole et dans les territoires d’outre-mer.

Les investissements pour l’outre-mer sont intégrés à la fois dans le cadre des contrats de Plan État-régions ou de contrats spécifiques établis avec les collectivités (notamment les contrats de convergence). Débattus dans le cadre des assises de l’outre-mer, ils portent en priorité sur les aménagements des réseaux routiers nationaux structurants et les ports.

Priorité n° 4 – Développer lusage des mobilités les moins polluantes et partagées au quotidien pour une meilleure qualité de vie.

La mobilité du quotidien connaît aujourd’hui de très nombreuses mutations sous l’effet de la prise de conscience collective des effets du changement climatique et de l’intérêt de recourir à une mobilité plus collective ou plus décarbonée et active, sous l’effet du développement des comportements collaboratifs que rend possible la digitalisation de la société, des innovations technologiques et l’essor de nouveaux engins de déplacement. Dans le même temps, les effets bénéfiques en termes de santé publique des modes actifs sont désormais reconnus.

En zone dense, l’État privilégiera, notamment sur son propre réseau, les investissements permettant la réduction de l’usage individuel de la voiture et la maîtrise de la congestion (gestion dynamique du trafic, voies réservées, etc.) et accompagnera les collectivités dans leurs projets (péages urbains ou positifs, actions de promotion du covoiturage).

À cet effet, l’État prévoit plusieurs appels à projets qui, avec les appels à projets dont la mise en œuvre est en cours, permettront d’atteindre environ 1,1 milliard d’euros engagés d’ici 2025 pour accompagner les autorités organisatrices dans les mutations des mobilités du quotidien. Trois thématiques sont identifiées, auxquelles seront affectées les enveloppes suivantes :

– 600 M€ pour développer les pôles d’échanges multimodaux et les transports en commun, avec une priorité pour la desserte des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

– 50 M€ pour accompagner les innovations, les nouveaux services de mobilité et les véhicules autonomes et connectés ;

– 350 M€ pour soutenir les modes actifs, notamment le vélo et la marche à pied.

Par ailleurs, l’adaptation des infrastructures de transport aux besoins de nouvelles technologies, au-delà des expérimentations et des opérations pilotes, est un enjeu essentiel pour la performance future des réseaux et l’attractivité de la France.

En complément les transports continueront à s’inscrire dans les programmes d’investissement dédiés à l’innovation pour accompagner les développements industriels tels que les véhicules autonomes ainsi que les carburants et énergies alternatifs.

Priorité n° 5 – Renforcer lefficacité et le report modal dans le transport de marchandises

Le Gouvernement porte une ambition forte en matière de rééquilibrage modal dans les transports de marchandises, mais aussi pour conforter nos places portuaires dans la concurrence mondiale.

Avec cette programmation, les investissements doivent ainsi permettre de soutenir le développement de nos ports et élargir leur hinterland par des connexions ferroviaires et fluviales performantes et par ailleurs de renforcer l’efficacité des offres ferroviaires et fluviales sur les axes stratégiques. L’État investira ainsi 1 Md€ dans les 5 ans, et 2,3 Md€ sur la décennie.

L’État soutient ainsi les programmes d’investissements des grands ports maritimes, particulièrement au travers de son engagement dans les contrats de plan État-région ou les contrats de convergence dans les territoires ultra-marins et renforce son soutien au développement des solutions de transport intermodal diversifiées, notamment par le ferroutage, pour répondre aux différents besoins des chargeurs et à l’objectif de transports plus durables.

Ces investissements sont complétés par la poursuite des travaux en matière de réduction du bruit ferroviaire (infrastructure et matériel), mais aussi de mise à niveau des réseaux capillaires fret et des voies de services.

En complément de ces investissements, l’État confirme par ailleurs la poursuite de son soutien aux opérateurs de transport combiné pour compenser les coûts de manutention lors des ruptures de charges.

III. – Lachèvement des grands itinéraires routiers, ferroviaires et fluviaux

La présente programmation des investissements prévoit d’augmenter de 40 % les dépenses d’investissement sur cette période, et de consacrer de manière prioritaire les ressources aux 5 programmes précédents.

Tout en tenant compte de ces cinq priorités, l’État ne renonce pas pour autant aux projets de grandes liaisons ferroviaires interurbaines (amélioration d’itinéraires existants, lignes ou sections nouvelles, matériel roulant, etc.) et aux projets de compléments ponctuels du maillage autoroutier (en particulier pour des enjeux de sécurité routière, de désenclavement et de congestion).

Pour répondre à ces projets dans le cadre d’une programmation sincère, l’État s’inscrit dans l’approche nouvelle proposée par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) dans le rapport qu’il a remis en février 2018. Dans ses recommandations, le COI préconise une réalisation phasée des projets commençant en priorité par les opérations concourant d’abord à l’amélioration des déplacements du quotidien.

Parmi les trois scénarios présentés par le COI, l’État privilégie pour les grands projets le scénario 2, dont la liste et la programmation des opérations sont fixées par le tableau 6 du rapport du COI du 1er février 2018, en cohérence avec les priorités de la présente loi. Les besoins de ce scénario au cours des dix prochaines années sont compatibles avec les ressources disponibles, dans le respect des cinq priorités énoncées précédemment.

Ces ressources permettent, à terme, de prévoir la mise en œuvre, selon un calendrier adapté, des projets prévus par le scénario 3 puis de réévaluer, dans le cadre du COI, les projets pour lesquels aucun financement n’a été prévu sur la période 2019-2037.

C’est donc sur les bases de ce scénario 2 que la réalisation des infrastructures se fera et que le budget de l’AFITF sera construit au cours des prochaines années.