Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 113.

Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à rétablir la dénomination choisie pour la collectivité née de la fusion des deux entités départementales : la Collectivité européenne d’Alsace.

Ce nom, qui figurait dans le projet de loi initial, a été réaffirmé par trois fois : dans la déclaration commune du 29 octobre 2018, dans les délibérations des deux assemblées départementales adoptées le 4 février 2019 et dans le décret du 27 février 2019 ayant procédé à la fusion des départements.

La dénomination de la collectivité relève, à mon sens, du domaine réglementaire, et la question a été traitée par décret. Revenir par la loi sur ce point ne me paraît pas judicieux. Par ailleurs, l’attente des Alsaciens et le contenu même du projet plaident pour conserver le nom choisi.

Loin de masquer la réalité institutionnelle de la future collectivité ou de tromper sur ce point, cette dénomination souligne, au contraire, la dimension européenne qui est à l’origine de la reconnaissance de compétences particulières et spécifiques à son profit : chef de filât en matière transfrontalière, rôle renforcé dans la promotion des langues régionales.

Mes chers collègues, le nom « département d’Alsace » ne serait pas conforme à la réalité territoriale et institutionnelle nouvelle. En effet, si la future collectivité se résumait à un département d’Alsace, il n’y aurait pas besoin de loi, et nous ne serions pas ici ce soir !

L’appellation « Collectivité européenne d’Alsace », actée dans le décret, est donc le juste reflet du caractère novateur de la démarche, qui confère à la collectivité des compétences exorbitantes du droit commun, en plus des compétences départementales classiques.

Enfin, comme je le rappelais lors de la discussion générale, l’attente alsacienne sur ce point est grande et l’identification avec cette dénomination est forte. Le désir d’Alsace ne peut être réduit à un désir de département !

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de rétablir le nom que le Gouvernement, les deux départements et la région Grand Est ont choisi, avec le soutien de la population et des élus.

Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Troendlé, M. Danesi, Mme Keller, MM. Kennel, Kern et Reichardt et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3431-3. – I. – La Collectivité européenne d’Alsace est chargée d’organiser les modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière. À ce titre, le volet opérationnel de ce schéma définit lesdites modalités de la manière suivante :

La parole est à Mme Catherine Troendlé.

Mme Catherine Troendlé. Cet amendement tend à réduire la rédaction première de l’alinéa 9 de l’article 1er, en supprimant les mots « dans le respect des compétences des autres catégories des collectivités territoriales ou de leurs groupements ».

Nous considérons en effet que, dans le contexte spécifique transfrontalier de l’Alsace, la collectivité doit disposer d’une capacité à agir dans tous les domaines ayant un enjeu transfrontalier, et cela dans la perspective d’une cohérence globale pour le schéma alsacien de coopération défini à cet article 1er.

Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mme Harribey, M. J. Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Fichet, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 20 à 28

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Je ne vois pas bien pourquoi la discussion de cet amendement est liée à celle du précédent, mais s’il doit en être ainsi…

Notre objectif, ici, est de supprimer les alinéas de l’article 1er relatifs au conseil de développement. Nous jugeons effectivement inutile de fixer dans la loi ce que les collectivités peuvent déjà librement mettre en œuvre. De plus, la création d’un organisme supplémentaire nous paraît en contradiction avec le principe selon lequel le développement économique relève de la compétence du conseil régional.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 62 rectifié et 113, considérant que, par rigueur juridique, il convenait d’appeler cette nouvelle entité « département d’Alsace ».

À titre personnel, je n’étais pas favorable à ce changement d’appellation. S’il faut effectivement être bien clair sur le plan juridique, nous avons toujours considéré que cette nouvelle Collectivité d’Alsace était un département. Je l’ai dit, c’est un « département + », c’est-à-dire un département doté de nouvelles compétences, mais c’est un département avant tout !

Le terme « Collectivité européenne d’Alsace » est un nom propre et, à ce titre, n’a aucune incidence juridique. Il s’agit bien d’une collectivité ; elle choisit de se qualifier d’« européenne » comme nombre d’autres collectivités – je pense à l’eurométropole de Strasbourg ou à la Métropole européenne de Lille. Cette appellation, souhaitée par les élus alsaciens, a constitué l’une des bases de l’accord qu’ils ont négocié.

L’amendement n° 84 rectifié, visant des modalités de mise en œuvre du schéma alsacien de coopération transfrontalière, tend à supprimer la mention du respect des compétences des autres collectivités territoriales. À notre avis, sa portée en droit n’est pas aussi importante que celle que semble lui attribuer son auteur. Supprimer cette mention ne permet pas de donner, au département alsacien, une capacité à agir dans l’ensemble des domaines à enjeux transfrontaliers.

Par conséquent, et même si je comprends les préoccupations et la volonté de précision manifestées par Mme Catherine Troendlé, la commission émet, également par rigueur juridique, un avis défavorable sur l’amendement n° 84 rectifié.

S’agissant, enfin, de l’amendement n° 81, la commission a souhaité soutenir la création du conseil de développement d’Alsace, une instance de dialogue et de réflexion permettant d’accompagner le département alsacien dans l’exercice de ses compétences particulières. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement visant à le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je soutiens, bien entendu, les amendements identiques nos 62 rectifié et 113, dans la mesure où ils tendent à rétablir le nom proposé dans la version initiale du projet de loi, nom issu d’un travail collaboratif avec les deux conseils départementaux appelés à se regrouper.

Je rappelle tout de même, parce que j’écoute et j’entends beaucoup de choses, que la décision a été prise à la majorité absolue du conseil départemental du Haut-Rhin et à une large majorité du conseil départemental du Bas-Rhin – il manquait seulement six voix. On parle beaucoup de démocratie dans cette assemblée ; le Gouvernement, justement, entend respecter les décisions démocratiques qui ont été prises au sein des deux conseils départementaux.

Le nom retenu dans le décret du 27 février 2019 est donc, logiquement, celui de « Collectivité européenne d’Alsace ». Il met en avant une dimension européenne très forte et l’Alsace a parfaitement le droit d’utiliser ce qualificatif, comme – Mme la rapporteure l’a rappelé – Strasbourg ou Lille l’ont déjà fait.

En outre, nous avons déjà l’exemple d’un département portant un nom particulier, eu égard, d’ailleurs, à son histoire également particulière : ce département s’appelle le Territoire de Belfort. (Exclamations.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement émet par ailleurs un avis défavorable sur l’amendement n° 84 rectifié, qui tend à s’éloigner des principes du chef de filât, en organisant la tutelle d’une collectivité sur une autre. Cette évolution n’est pas envisageable ; elle est même anticonstitutionnelle.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 81, je m’en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais m’exprimer simultanément sur les quatre amendements.

S’agissant des deux premiers amendements, qui visent la dénomination de la collectivité, j’ai bien noté que cette dénomination était essentielle aux yeux de certains. Mais, mes chers collègues, comme l’indique le Conseil d’État dans son avis, il s’agit d’un simple nom propre ! Je ne vois donc pas en quoi cette dénomination serait essentielle au point de nous opposer.

À titre personnel, je n’ai rien contre. Le seul problème, c’est que ce nom contribue à cacher aux Alsaciens que cette collectivité est, de fait, un simple département. Je sais de quoi je parle : je suis moi-même alsacien et j’entends dire que, avec cette collectivité européenne, on retrouverait la région… Encore une fois, si la commission des lois a estimé qu’il fallait faire droit à l’amendement de nos collègues socialistes visant à retenir l’intitulé « département d’Alsace », c’est bien pour cela, pour apporter le plus de clarté possible.

En fait, ce qui intéresse les Alsaciens, c’est non pas la dénomination de la collectivité, mais les compétences qui seront accordées à cette dernière, afin, précisément, que son champ d’action ne se résume pas à celui d’un département.

Pour ma part, vous l’avez compris au travers de mes propos liminaires, mes chers collègues, j’entends me battre beaucoup plus sur les compétences que sur la dénomination de la collectivité, dénomination qui n’est qu’un nom propre. Je pense, notamment, à la reconnaissance d’une collectivité à statut particulier au titre de l’article 72 de la Constitution.

Par ailleurs, je voterai l’amendement de Catherine Troendlé. Certes, il tend à supprimer la portion de phrase mentionnant « le respect des compétences des autres catégories de collectivités territoriales ou de leurs groupements », mais ayons le courage de le dire : « Ça suffit ! »

Après avoir prévu que le schéma transfrontalier doit être en cohérence avec le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – le SRDEII –, on nous annonce maintenant qu’il doit respecter le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le Sraddet. Où s’arrêtera-t-on ? L’amendement n° 84 rectifié doit donc être voté.

Enfin, je suis favorable à la création d’un conseil de développement, introduit sur l’initiative de notre collègue Guy-Dominique Kennel. C’est une mesure que je mets en relation avec l’un de mes amendements ultérieurs, tendant à reconnaître une collectivité à statut particulier.

Pour moi, ces deux dispositions sont liées. En effet, dans l’hypothèse où la collectivité territoriale n’est rien d’autre qu’un département, à quoi servira un conseil de développement ? Il aura son utilité seulement si nous parlons d’une collectivité à statut particulier.

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendlé. Je ne figure pas parmi les cosignataires des amendements identiques nos 62 rectifié et 113, car j’aurais souhaité que la réintroduction de l’appellation initialement retenue soit le fait de Mme la ministre, que cette dernière puisse nous expliquer clairement les raisons de son attachement à la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace », qu’elle nous donne, si je puis m’exprimer de la sorte, des preuves d’amour (Sourires.), marquant ainsi sa volonté d’accepter un certain nombre d’amendements dans le cours du débat.

Dès à présent, je lui propose de revoir l’argumentaire qu’elle vient de développer sur mon amendement, qui est un amendement de précision et de cohérence. Il s’agit, non pas d’imposer une tutelle d’une collectivité sur une autre, mais d’accorder une compétence permettant de garantir la cohérence globale du schéma alsacien de coopération transfrontalière.

Je ne comprends pas votre argumentaire, madame la ministre, qui se révèle beaucoup plus dur que celui de notre rapporteur, et j’appelle mes collègues à soutenir cet amendement n° 84 rectifié, qui est parfaitement cohérent avec les attentes exprimées. Une telle perspective pourrait me conduire à voter les amendements identiques visant à rétablir la dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Mes chers collègues, n’oublions pas que l’appellation de cette future collectivité, cela a été rappelé, appartient en réalité aux concepteurs de ce projet et aux élus des deux départements qui ont délibéré, à une quasi-unanimité, en faveur de la création d’une Alsace unie et rassemblée au sein de la Collectivité européenne d’Alsace.

Or le Sénat est garant des libertés et des responsabilités locales. La dénomination de cette collectivité et sa strate de rattachement sont deux sujets qu’il faut bien dissocier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir rappelé quelle a été la position de la commission des lois, même si ce n’était pas forcément la vôtre. La commission a simplement repris ce qu’a dit le Conseil d’État, puis, à sa suite, le groupe socialiste, ainsi que moi-même dans la discussion générale. Et nous ne sommes pas majoritaires en son sein !

Il faut être clair vis-à-vis des habitants de ce territoire qu’est l’Alsace. Que des amendements soient présentés par nos collègues René Danesi et Patricia Schillinger, tous deux haut-rhinois, n’est pas un hasard : en réalité, ceux-ci craignent que les Haut-Rhinois aient le sentiment que l’on en revienne à ce qu’ils ont refusé en 2013, à savoir la suppression du département du Haut-Rhin comme circonscription d’État. Or Mme la ministre a pris l’engagement, qui, je le pense, sera tenu par le Gouvernement, que ces deux circonscriptions administratives que sont le département du Haut-Rhin et le département du Bas-Rhin subsisteront.

Toutefois, comme l’a souligné le Conseil d’État et comme en dispose le code général des collectivités territoriales, à la collectivité dénommée « département » s’attachent des compétences propres. Et incontestablement, cette fusion donnera naissance à un département d’Alsace.

Mme Catherine Troendlé. Ce n’est pas le choix d’une telle dénomination qui a été fait !

M. Jacques Bigot. Ensuite, la question est celle du nom de cette collectivité. Madame la ministre, vous avez fait allusion au Territoire de Belfort, tout petit département créé au moment où l’Alsace se retrouvait abandonnée par la France entre les mains des Allemands et recouvrant la zone restée française… Ce rappel n’est pas très agréable pour les Alsaciens ! En tout cas, dites-nous clairement que cette future entité sera un département ; il est important que nos concitoyens le sachent.

Je rejoins ce qu’a dit André Reichardt : la question de fond, c’est celle des compétences. Comme l’a dit Guy-Dominique Kennel, les deux départements ont souhaité que leur soient attribuées des compétences supplémentaires particulières, au motif que le simple regroupement de celles qu’ils exercent actuellement ne les intéresse pas en tant que telles. Ils en veulent davantage !

Or on a du mal à percevoir ce que pourraient être ces compétences supplémentaires. Le transfrontalier ? On ne le perçoit guère. Éventuellement les routes, avec la possibilité de créer par voie d’ordonnance une taxe spécifique sur les poids lourds étrangers dans le département d’Alsace ? Je suis curieux de voir ce que nous diront les technos de Bercy sur ce sujet !

Franchement, mes chers collègues, soyons clairs pour nos amis alsaciens : appelons ce qui est un département un département ! Restons-en à la position de la commission des lois.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, pour explication de vote.

M. Guy-Dominique Kennel. Madame la présidente, je vous promets que je vais essayer cette fois d’être plus bref que d’habitude ! (Sourires.)

La dénomination « Collectivité européenne d’Alsace », c’est un emballage ! Peu importe la boîte, à mon avis ; l’essentiel, c’est ce qu’il y a dedans. Si c’est celle qui doit être retenue, je n’y suis pas opposé, mais à condition d’y adjoindre d’autres compétences que celles qu’exercerait un département d’Alsace. Il faut donc aller plus loin, et c’est pour cette raison que j’ai cosigné l’amendement de Catherine Troendlé.

On ne peut pas demander à une collectivité d’être chef de file tout en lui imposant de respecter un schéma régional, tout en la plaçant sous l’autorité du préfet, tout en lui imposant de recueillir l’accord de l’ensemble des autres collectivités. Dès lors, elle n’est plus libre de ses initiatives, de ses réalisations et de ses décisions ! C’est bien pour cela que je souhaite que cette nouvelle collectivité, que l’on pourra ensuite appeler Collectivité européenne d’Alsace, dispose de ce pouvoir en matière de coopération transfrontalière : ce sera là un vrai transfert de compétence.

A contrario, on nommerait cette collectivité chef de file et on lui donnerait la plume simplement pour rédiger un schéma qui ne serait pas prescriptif, qui resterait sans aucun effet sur le terrain, à quoi bon ? Dans ce cas, autant tout arrêter ! Ou alors, disons clairement à la population que, être chef de file, cela consiste à porter la plume et à payer le café, et remisons cette dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.

Mme Fabienne Keller. À mon tour, je veux m’exprimer sur les amendements identiques nos 62 rectifié et 113, qui visent le nom de cette nouvelle collectivité.

J’entends les arguments juridiques en faveur de l’appellation « département », mais je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur la symbolique d’un nom.

Un nom figure sur de nombreux documents, il est répété. En l’occurrence, l’appellation « Collectivité européenne d’Alsace » a été débattue pendant de longs mois, et c’est en sa faveur, comme l’a rappelé Mme la ministre, que se sont prononcés unanimement les conseillers départementaux du Haut-Rhin, ainsi que, à une très large majorité – il n’a manqué que six voix –, ceux du Bas-Rhin. Il faudrait que nos collègues prennent en compte ce fait.

En outre, l’enjeu dépasse la simple fusion de deux départements, déjà votée par les assemblées et entérinée par un décret. Si nous sommes réunis ce soir pour examiner ce projet de loi, c’est bien parce que nous souhaitons doter cette collectivité nouvelle d’autres compétences en plus de celles qu’exercent déjà les départements, afin d’asseoir son socle. À cet égard, nous saluons le travail du Gouvernement et des deux départements. L’essence même de ce projet de loi, c’est donc de créer une collectivité qui soit plus qu’un simple département.

Je le répète, je remercie ceux de nos collègues qui voudront bien prendre en compte le souhait exprimé par les deux départements concernant la dénomination de cette collectivité, symbolique à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Dans une société où la communication joue le rôle que l’on sait, les mots ont toute leur importance. « Alsace », c’est une marque. « Collectivité européenne d’Alsace », c’est peut-être un terme plus flatteur, plus séduisant, plus vendeur, mais aux mots qui flattent, je préfère ceux qui disent la vérité de ce qu’ils recouvrent.

De manière plus générale, je ne sais plus quelle est la doctrine du Gouvernement, ni où il va… Je suis comme certains de mes collègues : dans l’expectative. Où est le fil conducteur ?

En cette soirée, je pense à cette phrase d’André Maurois, que je livre à votre réflexion, mes chers collègues : « Dans une discussion, le difficile, ce n’est pas de défendre son opinion, c’est de la connaître. »

M. Jean-Marie Mizzon. Je me demande si le Gouvernement a vraiment une opinion.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est existentiel !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Ce qui se passe ce soir dans cet hémicycle me laisse vraiment perplexe. Les élus des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qui regroupent sept cents communes, se sont mis ensemble d’accord sur cette dénomination « Collectivité européenne d’Alsace ».

Le Sénat représente les collectivités territoriales, et nos concitoyens nous regardent. Or nous sommes en train de nous déchirer, comme en 2013, et nous offrons là une image malheureuse. Revenons-en au texte que nous examinons ! Je considère qu’il faut s’en tenir à cette appellation « Collectivité européenne d’Alsace » pour adresser un signal fort aux Alsaciens. Si nous, les élus, ne portons pas les sujets qui leur tiennent à cœur, nos électeurs ne croiront plus en nous.

Mes chers collègues, je souhaite donc vraiment que vous souteniez ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais tenter d’apporter mon propre éclairage sur cet échange.

La commission des lois s’est prononcée, de la manière rappelée par notre excellente rapporteur, Mme Agnès Canayer, qui, pour autant, n’a pas voulu attacher à cette question de la dénomination des conséquences que celle-ci n’a pas.

En effet, quelle que soit la dénomination que vous retiendrez par votre vote, mes chers collègues, vous ne changerez pas la chose. Et quelle est cette chose ? C’est une collectivité déjà hybride. C’est un peu comme la recette du pâté aux alouettes : il faut, pour faire un pâté aux alouettes, un cheval et une alouette. (Sourires.) Nous avons là un département, qui n’est pas simplement un département : c’est un département plus quelque chose.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si l’on s’intéresse uniquement à ce quelque chose, on en fait déjà une collectivité à statut particulier, mais, en l’écrivant dans la loi, on irait trop loin, car la dénomination ne correspondrait plus à la chose.

La chose, c’est un département créé par décret. Celui-ci n’a nul besoin d’une loi pour voir le jour. Et si le Gouvernement a estimé qu’il fallait une loi, c’est que, en réalité, nous sommes en train de créer un peu plus qu’un département.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous-mêmes, en commission des lois, nous avons considéré que la partie « alouette », c’est-à-dire la partie « collectivité à compétences particulières » de ce département, était insuffisante. C’est pour cette raison que nous avons voulu ajouter une deuxième, puis une troisième, puis une quatrième alouette, pour faire bon poids.

C’est ainsi que, au-delà des compétences que le Gouvernement avait prévues, notamment en matière routière ou transfrontalière, nous avons ajouté la promotion de l’attractivité, qui était une compétence jusque-là réservée à la région, nous avons ajouté la qualité de chef de file en matière de bilinguisme, et nous nous apprêtons à ajouter la coordination de la politique touristique, l’expérimentation des aides aux entreprises par délégation de la région, des pouvoirs de police en matière de routes – puisque l’on transfère à cette collectivité des autoroutes, ce qui n’a jamais été fait pour aucune autre collectivité départementale.

Nous proposons également la création d’un conseil de développement, ainsi que la possibilité de créer dans ce département particulier une télévision locale, pour défendre la langue alsacienne.

Je comprends que dans la perspective ouverte par le Gouvernement, qui a désiré faire plus qu’un département, le Sénat s’apprête à faire beaucoup plus qu’un département, sans pour autant créer une collectivité à statut particulier.

Eh bien, mes chers collègues, vous connaissez la position de la commission, mais, en votre âme et conscience, vous allez pouvoir maintenant dire si vous souhaitez que l’on s’en tienne à la dénomination « département », ou si, tenant compte de toutes ces avancées, vous préférez aller plus loin.

Peut-être choisirez-vous alors de reprendre la dénomination qu’ont retenue tant les conseils départementaux d’Alsace que la région Alsace, ainsi d’ailleurs que le Gouvernement. Cela, c’est votre appréciation. Je le rappelle encore une fois, la position de la commission était différente. (Mme Fabienne Keller et M. René Danesi applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 rectifié et 113.

(Les amendements sont adoptés.) – (Mmes Fabienne Keller et Patricia Schillinger, ainsi que M. René Danesi, applaudissent.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 84 rectifié et 81 n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, par cohérence avec le vote qui vient d’avoir lieu, dans la suite de la discussion, les termes « Collectivité européenne d’Alsace » se substitueront à ceux de « département d’Alsace » dans les amendements dont le texte comporte ces derniers termes et qui seront adoptés.

Mme Catherine Troendlé. Madame la présidente, pourquoi l’amendement n° 84 rectifié devient-il sans objet ?

Mme la présidente. Parce que les amendements identiques nos 62 rectifié et 113 visaient à modifier l’alinéa 9 de l’article 1er, ma chère collègue, tandis que le vôtre tendait à le réécrire entièrement.

Mme Catherine Troendlé. Non, ce n’est pas la même chose ! (Exclamations.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.