M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il s’agit en l’occurrence d’un sujet d’intérêt partagé, et je remercie sincèrement Marie-Pierre Monier d’avoir accepté de lier sa proposition de loi à celle de notre collègue Gilbert Bouchet, tout comme je remercie Patrick Kanner d’avoir accepté ce regroupement en conférence des présidents. (Mme Françoise Férat et M. Gilbert Bouchet applaudissent.)

Je précise également, notamment pour répondre aux interrogations de certains collègues, que nous avons intentionnellement resserré le texte sur quelques sujets très pointus que nous partageons tous. Ce faisant, il nous semble que nous avons d’autant plus de chance d’obtenir un vote conforme à l’Assemblée nationale et d’avancer vite sur ces points importants pour certains de nos agriculteurs. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas repris l’ensemble des articles annulés par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Je voudrais répondre aux orateurs sur quatre points.

Premièrement, le texte de l’Assemblée nationale, parce qu’il est beaucoup plus large, ne fait nullement concurrence à la présente proposition de loi, laquelle laisse de côté un certain nombre de sujets, qu’il faudra reprendre. Il n’y a donc pas de « course » entre les deux assemblées ; nous voulons simplement avancer.

Deuxièmement, en ce qui concerne le revenu des agriculteurs, je regrette, mais ce sont les filières qui ne sont pas allées assez loin ! L’article 1er de la loi Égalim confie en effet à celles-ci le soin de mettre en place un indicateur de coût. Or la filière laitière l’a fait, mais pas les autres. Il faut changer les habitudes.

Pour ma part, je n’ai jamais cru au ruissellement, madame la présidente. Je n’ai jamais pensé un instant, même en rêve, que l’augmentation des prix du Coca-Cola allait faire retomber de l’argent dans les cours de ferme ! En revanche, si l’on passe la marche avant et que l’on s’accorde sur un prix de base en deçà duquel on ne peut pas vendre ces produits, on y arrivera. Mais il faudra sans doute un ou deux ans pour cela.

Troisièmement, aucun accord international, quel qu’il soit, madame Cukierman, ne remet en cause les standards européens, notamment dans l’agriculture. Il n’y aura pas de poulet aux hormones, d’antibiotiques ou quoi que ce soit d’autre. C’est absolument faux !

Mme Cécile Cukierman. N’exagérez pas ! Personne n’a parlé de cela !

M. Didier Guillaume, ministre. Vous avez évoqué certains risques et certaines craintes, madame Cukierman. Vous n’en êtes certes pas responsable, mais, comme l’on dit en patois drômois, des fake news circulent sur ces sujets. Je le répète : aucun standard européen ne sera remis en cause par des produits venant de l’extérieur !

Quatrièmement, et enfin, quelque 6 000 contrôles ont été lancés par la DGCCRF, ce qui n’est pas rien, avec des vérifications pour chaque point de vente. Des amendes, parfois importantes, ont déjà été infligées, et le processus de contrôle suit son cours. Je tiens donc à vous rassurer sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l’origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires

TITRE Ier

ADAPTER LES MENTIONS VALORISANTES

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires
Article 2

Article 1er

L’article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les fromages fermiers bénéficiant d’un signe d’identification de la qualité et de l’origine au sens de l’article L. 640-2 du présent code, lorsque le processus d’affinage est effectué en dehors de l’exploitation, l’information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa du présent article selon des modalités prévues par décret. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 1er vise à sécuriser le cadre juridique de l’affinage des fromages fermiers en dehors de la ferme, en comblant un vide juridique datant du 1er septembre 2015.

Nous savons qu’il va susciter des débats, comme il l’avait fait lors de la loi Égalim, et que des positions différentes vont s’affronter.

La rédaction actuelle de l’article permet un affinage extérieur à la ferme pour les seuls fromages répondant à un SIQO – un signe d’identification de la qualité et de l’origine –, dès lors qu’une information complémentaire est délivrée aux consommateurs.

Certains ne comprennent pas cette restriction et estiment qu’il faudrait l’ouvrir à tous les fromages. D’autres, à l’inverse, trouvent cette rédaction trop laxiste et considèrent qu’elle revient à dénaturer l’appellation « fromage fermier ». Cette différence de perception se retrouve également au sein de la profession, qui apparaît relativement divisée sur le sujet.

Ainsi, l’Association nationale des producteurs laitiers fermiers est opposée au fait d’ouvrir à tous les fromages fermiers la possibilité d’être affinés en dehors de la ferme. Elle nous a notamment fait part d’un phénomène actuel de rachat de petites structures d’affinage par de grands opérateurs industriels et des risques que cela représente pour la préservation de l’appellation. C’est pourquoi elle milite pour une rédaction plus restreinte de l’article 1er, qui limiterait aux seuls fromages AOP ou IGP, et non plus à tous les fromages sous SIQO, la possibilité d’être fermiers, avec de plus la précision du nom du producteur.

De son côté, le Conseil national des appellations d’origine laitières nous a transmis son souhait de ne réserver cette possibilité qu’aux fromages sous SIQO, dans une rédaction très proche de notre article actuel.

À l’opposé, des voix s’inquiètent du fait que notre rédaction enlèverait à certains producteurs n’étant pas sous SIQO la possibilité pour leurs produits d’être qualifiés de « fromages fermiers » – le nombre potentiel de producteurs concernés resterait toutefois faible, entre 500 et 700 d’après les chiffres qui nous ont été transmis.

Concernant le fait d’apposer sur chaque fromage le nom du producteur, nous y étions initialement favorables. Mais après des échanges avec des producteurs et des représentants de certaines appellations protégées, comme le Picodon, nous avons convenu que cette contrainte serait difficilement surmontable pour de petits affineurs. Nous pouvons donc constater que les positions sont très partagées sur le sujet et qu’aucune solution ne satisfera tout le monde.

C’est pourquoi le groupe socialiste a fait le choix de préserver cet article dans sa rédaction actuelle, dans une version que nous pourrions finalement qualifier de compromis.

Il s’agit de préserver l’appellation « fromages fermiers » dans toute sa spécificité, avec un gage de qualité lié aux SIQO, tout en garantissant aux consommateurs une véritable transparence sur les produits qu’ils consomment. En effet, soyons très vigilants à ne pas dévoyer le sens de l’appellation « fromage fermier ». Si un consommateur venait à se rendre compte que le fromage qu’il achète fermier est affiné, d’une part en dehors de la ferme, et, d’autre part, par de grands groupes industriels, c’est toute l’appellation qui pourrait en souffrir.

Les mots ont un sens, et nous ne pouvons pas faire comme si les consommateurs étaient hermétiques à cette question. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. Monsieur le ministre, si l’on peut se féliciter des propos que vous tenez dans la presse pour vanter tous les avantages de l’agriculture, il me semble que votre discours est parfois quelque peu paradoxal.

Premièrement, à force de dire que notre agriculture doit continuer de monter en gamme, on finit d’amplifier ce phénomène anxiogène qui fait que, dans notre pays, tout le monde doute de son alimentation. En effet, c’est finalement sous-entendre que notre agriculture n’est pas suffisamment montée en gamme auparavant.

Or, excusez-moi, mais les standards de l’agriculture française dépassent déjà tous les standards de tous les pays du monde producteurs de denrées agricoles ! Nous ne pouvons pas continuer de gravir l’échelle, alors que nous sommes déjà parvenus à sa cime et qu’il n’y a plus de barreaux.

Finissons-en avec cette fausse bonne idée. Les chiffres sont tenaces, monsieur le ministre : entre 2017 et 2018, le revenu des agriculteurs a baissé, en particulier pour les éleveurs, qui ont, de manière générale, subi une baisse de leurs revenus en raison d’une trop forte augmentation des charges et de la sécheresse.

Pour les éleveurs de bovins, c’est de 1 800 euros à 3 500 euros de moins par unité de main-d’œuvre, ou UMO, en moyenne. Mais le plus lourd tribut a été payé par la filière bio, avec une baisse de revenus pouvant aller jusqu’à 8 900 euros par UMO. Quant aux éleveurs de montagne, ils ont connu une baisse de 6 000 euros par UMO ! Ces chiffres montrent que nous ne pouvons pas éternellement monter en gamme si les marchés ne suivent pas. Le consommateur, notamment parce que votre gouvernement et le système français l’accablent de prélèvements, n’est pas prêt à mettre encore plus d’argent dans son alimentation.

Nous sommes aujourd’hui pris dans un système où toutes les lois vont dans le même sens. En dépit de la loi Égalim, nous continuons à donner à la grande distribution la possibilité de martyriser les producteurs et les transformateurs.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous continuer d’expliquer dans cette assemblée que le revenu des agriculteurs va augmenter, alors que je vous apporte les preuves du contraire ? Comment pouvez-vous expliquer que la loi Égalim va apporter des éléments positifs, alors que 77 % des entreprises agroalimentaires ont été obligées de concéder des marges et de baisser le prix de leurs produits ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous remercie de respecter le temps de parole qui vous est imparti ! J’y veillerai désormais très strictement.

La parole est à M. Michel Raison, sur l’article.

M. Michel Raison. Monsieur le ministre, je vous remercie de la loyauté avec laquelle vous défendez les agriculteurs français dans les médias.

Vous essayez de défendre avec la même loyauté votre gouvernement et votre prédécesseur. Pourtant, la loi Égalim est un texte d’illusionniste. En effet, que le prix soit construit dans un sens ou dans l’autre, les cours et les méthodes de la grande distribution restent les mêmes. Croire que l’on va sauver le revenu des agriculteurs uniquement par le biais du prix des achats de la grande distribution, c’est méconnaître l’ensemble du marché. En effet, le seul levier sur lequel le politique ne peut agir, c’est le prix du produit.

Veillons également à ne pas faire de la non-sur-transposition une religion ! Nous devons absolument lutter contre les sur-transpositions, qui mettent à mal les entreprises de notre pays, en raison des distorsions de concurrence qu’elles engendrent avec les autres pays européens. En revanche, lorsqu’on sur-transpose pour aider les consommateurs de produits alimentaires ou non alimentaires – je pense en particulier aux produits bancaires –, on peut se permettre de sur-transposer.

Par exemple, lorsque l’on impose une information supplémentaire sur les pots de miel, c’est une sur-transposition, mais je ne vois pas en quoi celle-ci pourrait créer une distorsion de concurrence pouvant nuire à nos apiculteurs. Au contraire, elle va les aider ! De même, si l’on décide d’indiquer sur les cartes des restaurants la région de provenance de tel ou tel pinot, par souci de transparence, c’est une noble sur-transposition, qui va aider nos producteurs et nos consommateurs.

Ne faisons donc pas une religion de la lutte contre les sur-transpositions, comme certains font une religion de la suppression des niches fiscales. Certaines sont utiles ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Joël Labbé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Émorine, sur l’article.

M. Jean-Paul Émorine. Monsieur le ministre, vous parliez des coûts de production et vous disiez que les indicateurs ne vous avaient pas été fournis par les filières. Or il y a un indicateur qui n’a pas été retenu par la loi Égalim, c’est celui de FranceAgriMer. Aujourd’hui, grâce à cette structure, nous connaissons les résultats comptables des exploitations agricoles pour l’an passé.

Laurent Duplomb a parlé de la baisse du revenu des agriculteurs, mais c’est sans compter les effets de la décapitalisation des cheptels.

Si les filières sont dans l’incapacité de fournir des indicateurs, je vous suggère, monsieur le ministre, de consulter les données de FranceAgriMer. Vous disposerez ainsi du véritable coût de production de l’ensemble des exploitations françaises, filière par filière. Si le Président de la République veut un revenu décent pour les agriculteurs, c’est à partir de ces chiffres que vous pourrez préparer l’agriculture de demain.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Je souhaite répondre à M. le ministre de l’agriculture sur les questions de libre-échange.

Loin de moi l’idée de vouloir répandre des fake news !

M. Didier Guillaume, ministre. Je n’ai pas dit cela !

M. Fabien Gay. Le mot est à la mode chez les ministres… Il est désormais prononcé dès que nous voulons leur opposer des contre-arguments.

La question se pose à propos du CETA, par exemple. Ce n’est pas LHumanité qui le dit, ni le CRCE, mais le groupe d’experts qui a remis un rapport au Premier ministre le 21 septembre dernier. J’en profite pour poser une nouvelle fois la question : quand allons-nous ratifier cet accord ?

M. Roger Karoutchi. Jamais ! (Sourires.)

M. Fabien Gay. Je rappelle qu’il est mis en œuvre de façon provisoire depuis septembre 2017, et que le Parlement devait se prononcer un an après, c’est-à-dire en septembre 2018. Si cet accord ne pose vraiment aucun problème, comme vous le dites, monsieur le ministre, il serait bon de fixer une date…

Le rapport évoque plusieurs problèmes, notamment un manque de transparence sur les questions des farines animales, des produits OGM et du niveau de pesticides utilisés dans le domaine agricole. Je vous propose donc d’alerter sur-le-champ le Premier ministre : le rapport qu’il a lui-même commandé est rempli de fake news ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Nous débattons de la manière de protéger notre agriculture et de mieux informer les consommatrices et les consommateurs. Nous sommes tous d’accord sur ces questions, mais nous disons aussi que le débat devrait porter sur les questions de libre-échange au niveau européen et mondial.

Je vous remercie par avance de vos réponses, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article.

M. Bernard Delcros. Je voudrais tout d’abord remercier nos collègues d’avoir porté cette proposition de loi devant notre assemblée.

Respect des consommateurs, au travers de leur pleine information, santé publique, à travers la création de filières de qualité, emploi dans le milieu rural : les enjeux sont importants et rien ne justifie que l’on transige avec eux.

S’agissant de l’article 1er, il me semble en effet extrêmement important de sécuriser aujourd’hui l’appellation « fromage fermier », qui ne l’est plus depuis l’arrêt du Conseil d’État précité.

En revanche, nous ne devons pas non plus l’ouvrir trop largement. Il est notamment nécessaire d’autoriser l’appellation « fromage fermier » quand une affiche est apposée à l’extérieur de la ferme, car les cahiers des charges, en particulier des AOP, ont été le plus souvent élaborés avec les affineurs afin de garantir à la fois le respect du lien direct avec le producteur et l’usage de pratiques traditionnelles d’affinage.

Je viens d’une région où la quasi-totalité des producteurs de Saint-Nectaire affinent à l’extérieur, mais dans le cadre d’un cahier des charges contraignant. Une ouverture plus large pourrait donc aboutir à une mauvaise information donnée au consommateur. Notre ligne de conduite, dans toutes nos décisions, doit être la pleine information du consommateur !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, sans surprise, je vais vous demander de vous concentrer exclusivement sur le sujet de cette proposition de loi.

Notre collègue Jean-Pierre Sueur vient de m’annoncer qu’il avait besoin d’environ une heure et quart pour faire examiner la proposition de loi sur les biens mal acquis, qui est très attendue par les ONG. (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.)

Si nous pouvions achever l’examen du présent texte à dix-sept heures dix, ce serait parfait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Pellevat, Mmes L. Darcos, Deromedi et Dumas, MM. Bonhomme, Morisset, Meurant, Paccaud et Cardoux, Mmes Chain-Larché et Thomas, M. Savary, Mme Micouleau, M. Chatillon, Mme Troendlé, MM. Mouiller et Vaspart, Mme Noël, MM. Vogel et Longuet, Mme Morhet-Richaud, M. Milon, Mmes Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Bazin et Cambon, Mmes Bruguière, M. Mercier, A.M. Bertrand, Berthet et Bories, MM. Raison, Cuypers, Pointereau, Bonne et Mayet, Mme Deseyne, MM. Pierre, Husson, Sido et Revet, Mme Lassarade et M. B. Fournier, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les fromages fermiers, lorsque le processus d’affinage est effectué en dehors de l’exploitation, l’information du consommateur doit être assurée en complément des mentions prévues au premier alinéa, par la mention “fabriqué à la ferme” suivie du nom du producteur, puis “affiné par l’établissement” suivie du nom de l’affineur. Cette mention suit immédiatement la dénomination “fromage fermier”. La taille des caractères de ces mentions est identique. »

La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. L’amendement n° 17 rectifié vise à sécuriser notre système en matière de production fermière et à considérer, une fois pour toutes, la réalité de ce qui se passe dans nos territoires depuis des décennies.

Dès lors que la production fermière existe individuellement dans les exploitations, nous voulons que l’affinage puisse être réalisé dans un cadre collectif. Toutefois, pour assurer une grande transparence pour le consommateur, nous souhaitons que l’étiquetage mentionne à la fois le nom du producteur et de l’affineur.

Ce sujet ne me semble pas poser de problème, même s’il peut paraître complexe. Aujourd’hui, en termes de sécurité sanitaire – M. le ministre ne me contredira pas –, l’ensemble des produits présents dans un lieu collectif est connu. Les fromages constituent une production sensible à la listeria, et les analyses permettent de remonter en permanence au producteur. Dès lors que l’on peut le faire à l’échelon sanitaire, il n’y a aucune difficulté à le faire en termes de transparence sur l’étiquetage.

L’amendement n° 17 rectifié a donc pour objet d’intégrer directement le dispositif dans la loi, afin que nous ne soyons pas obligés d’y revenir par la suite.

Quant à l’amendement de repli n° 21 rectifié, il prévoit de renvoyer les modalités d’application de la mesure à un décret.

N’oublions pas d’où l’on vient ! Dans la montagne des Vosges, des paysans transforment depuis plus de trente ans leur fromage dans leur ferme avant de l’emmener dans une cave collective pour l’affinage. Il s’agit pourtant bel et bien d’une production fermière qui fait vivre des territoires.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Pellevat, Mmes L. Darcos, Deromedi et Dumas, M. Savary, Mme Troendlé, M. Vaspart, Mme Noël, MM. Vogel et Longuet, Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, M. Piednoir, Mmes Gruny et Bories, MM. Raison, Cuypers, Bonne, Pierre, Husson, Sido et Revet, Mmes Lassarade et Bruguière et MM. Laménie, Cambon et Bazin.

L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb, Decool et Bonhomme, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Buffet, Cardoux, Chasseing et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Danesi, de Legge, de Nicolaÿ et Dufaut, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Genest, Grand, Guerriau, Houpert et Kennel, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent et Leleux, Mmes Lopez et Malet et MM. Poniatowski, Priou et Savin.

L’amendement n° 37 est présenté par Mme Loisier, au nom de la commission.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La dénomination “fromage fermier” ou l’utilisation de tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière est réservée à un fromage fabriqué selon les techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci. Lorsque l’affinage a lieu en dehors de l’exploitation, le consommateur en est informé au moyen d’un étiquetage qui précise, dans le respect des conditions prévues au premier alinéa, le nom de l’affineur et du producteur selon des modalités prévues par décret. »

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Cet amendement de repli vise à renvoyer les modalités d’application de la mesure à un décret.

N’oublions pas d’où l’on vient ! Dans la montagne des Vosges, que je connais bien, des paysans transforment depuis plus de trente ans leur fromage dans leur ferme avant de l’emmener dans une cave collective pour l’affinage. Il s’agit pourtant bel et bien d’une production fermière qui fait vivre des territoires.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.

M. Laurent Duplomb. Il s’agit d’une disposition de bon sens qui répond à la réalité du terrain.

Pour gagner un peu de temps, je renvoie aux arguments développés par Daniel Gremillet.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 37 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 17 rectifié.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. L’article 1er de la présente proposition de loi entend combler un vide juridique, en permettant à des fromages affinés hors de l’exploitation de bénéficier néanmoins de la mention « fromage fermier » s’ils respectent certaines conditions.

Contrairement à la rédaction adoptée dans la loi Égalim, l’article 1er réserve cette possibilité aux seuls fromages sous SIQO, ce qui pose plusieurs problèmes pratiques.

Tout d’abord, cela revient à privilégier certains producteurs au détriment d’autres. Pourquoi privilégier ainsi les producteurs bio, dont le cahier des charges est bien moins précis que celui des AOP, et non les petits producteurs affiliés à de petites coopératives de nos territoires, qui produisent du fromage non AOP ?

Pourquoi exclure les petits producteurs, qui n’ont pas de cave d’affinage chez eux, de la seule possibilité de valoriser leurs produits dont ils disposent ?

La rédaction retenue peut même se retourner contre les producteurs sous AOP et aboutir à des cas difficilement justifiables. Imaginons par exemple un producteur sous AOP qui, une année, dépasserait légèrement les quotas. Les mêmes fromages, absolument identiques, seraient étiquetés différemment, les uns sous AOP « fermier », les autres non.

L’amendement de la commission a donc pour objet d’élargir la possibilité de valorisation à tous les fromages, sous SIQO ou non, comme cela avait été prévu dans nos débats sur le projet de loi Égalim. Nous apportons en outre deux garanties supplémentaires.

D’une part, l’article adopté lors des débats sur le projet de loi Égalim n’était pas suffisamment précis et pouvait laisser planer une ambiguïté sur la dénomination de « fromage fermier ». L’amendement de la commission vise donc à préciser que les techniques traditionnelles devront impérativement s’appliquer à tous les fromages fermiers.

D’autre part, l’amendement de la commission tend à ajouter une condition pour s’assurer que le fromage fermier reste sous la responsabilité du producteur lorsqu’il est affiné à l’extérieur de la ferme. L’étiquetage des fromages fermiers affinés en dehors de la ferme devra préciser à la fois le nom de l’affineur, comme c’était le cas avant l’arrêté de 2015, mais également le nom du producteur. Je précise que l’affineur doit déjà lier, au nom de la traçabilité, les fromages à leurs producteurs. Le coût supplémentaire sera donc limité.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 17 rectifié, je sollicite son retrait au profit des amendements identiques nos 21 rectifié, 22 rectifié bis et 37, en raison d’une ambiguïté sur la définition des techniques traditionnelles.

M. le président. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Nous parlons de ce sujet depuis si longtemps et l’insécurité est telle qu’une traduction directe dans la loi permettait de régler une fois pour toutes le dossier du fromage fermier. Or nous en avons vraiment besoin !

Je souhaiterais entendre l’avis du ministre, mais il m’apparaît essentiel d’avoir des certitudes sur ce dossier. Nous ne devons pas casser ce qui existe dans nos territoires. Un fromage fermier produit dans des fermes doit pouvoir être affiné collectivement, dès lors que l’on mentionne le nom du producteur et de l’affineur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Guillaume, ministre. Nous sommes globalement d’accord sur le fond, sauf sur la mention du nom du producteur.

Un fromage fermier est produit à la ferme, mais les petits producteurs doivent pouvoir faire l’affinage à l’extérieur. Sur ce point, nous nous accordons, et nous voulons le dire haut et fort, car certains estiment au contraire qu’un fromage affiné hors de la ferme n’est plus un fromage fermier.

En réalité, l’affineur prend les fromages en « blanc » et effectue lui-même l’affinage. Ce qui est important, c’est que le travail soit fait avec une méthode d’affinage traditionnelle, vérifiée et garantie par le cahier des charges de l’INAO.

En revanche, selon les différents contacts que les services de mon ministère ont eus à ce sujet, si nous obligeons les affineurs à inscrire le nom du producteur, ce sont les plus petits producteurs qui y perdront : en effet, les affineurs, qui devront modifier les étiquettes et rehausser les prix, ne voudront plus prendre leur production.

C’est uniquement pour cette raison que je ne suis pas favorable à ces amendements. Je comprends et je suis d’accord avec leur principe, ainsi qu’avec l’idée générale développée par M. Gremillet et Mme la rapporteure, mais il nous faudrait trouver, le cas échéant, une rédaction différente.

Je le répète, mettre le nom du producteur constituerait un véritable handicap pour les plus petits d’entre eux, qui auraient de grandes difficultés à faire réaliser l’affinage à l’extérieur.

Je ne puis donc qu’être défavorable à ces amendements, en tout cas tels qu’ils sont rédigés à ce stade.