M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Max Brisson, rapporteur. Je salue la ténacité des auteurs de cet amendement, mais il revient sur la position que le Sénat a adoptée à l’occasion du vote de la loi Gatel, promulguée il y a seulement un an. Nous avons déjà eu ce débat, et il a été tranché en faveur d’un régime déclaratif. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 444 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre IV

Le renforcement de l’école inclusive

Article additionnel après l'article 5 bis - Amendement n° 444 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour une école de la confiance
Article 5 quinquies (interruption de la discussion)

Article 5 quinquies

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 111-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre d’une école inclusive, elle fonde sa cohésion sur la complémentarité des expertises. » ;

1° bis (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 112-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La scolarisation en milieu ordinaire est un droit dans la mesure où elle favorise les apprentissages et permet de conforter l’enfant, l’adolescent ou l’adulte handicapé dans ses acquis pédagogiques. » ;

2° L’article L. 112-2-1 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , et l’accompagnement des familles » ;

b) Le deuxième alinéa est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ainsi que les personnes chargées de l’aide individuelle ou mutualisée prescrite par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du même code. Le représentant de la collectivité territoriale compétente peut y être associé. » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’enseignant référent qui coordonne les équipes de suivi de la scolarisation est l’interlocuteur des familles pour la mise en place du projet personnalisé de scolarisation, dans le strict respect des décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. » ;

3° L’article L. 351-3 est ainsi modifié :

a) (nouveau) La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « et en précise les activités principales » ;

b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont créés dans chaque département. Ils ont pour objet la coordination des moyens d’accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat. Ils constituent des pôles ressources à destination de la communauté éducative ; ils associent à cet effet des professionnels de santé et les gestionnaires des établissements et services médico-sociaux mentionnés au 2° et 3° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. Ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l’élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie. » ;

c) (nouveau) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’aide mutualisée doit garantir l’intérêt de chacun des élèves concernés au regard de sa situation personnelle. Le retour à une aide individuelle est possible à chaque instant de la scolarité.

« Si la famille et le corps enseignant formulent avec l’accord du chef d’établissement ou du directeur d’école, une demande d’un retour à une aide individuelle auprès de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, celle-ci doit examiner la demande dans un délai d’urgence de quinze jours suivant son dépôt. » ;

4° Le chapitre Ier du titre V du livre III de la deuxième partie est complété par un article L. 351-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 351-4. – Les parents ou les représentants légaux de l’enfant ou de l’adolescent en situation de handicap bénéficient d’un entretien avec le ou les enseignants qui en ont la charge ainsi qu’avec la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Cet entretien a lieu préalablement à la rentrée scolaire ou, le cas échéant, au moment de la prise de fonction de la personne chargée de l’aide individuelle ou mutualisée. Il porte sur les modalités de mise en œuvre des adaptations et aménagements pédagogiques préconisés dans le projet personnalisé de scolarisation prévu à l’article L. 112-2. » ;

5° L’article L. 452-2 est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° De veiller au respect des principes de l’école inclusive envers les élèves à besoins éducatifs particuliers. » ;

6° Après l’article L. 452-3, il est inséré un article L. 452-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 452-3-1. – Le respect des principes de l’école inclusive fait partie des critères d’homologation des établissements de l’enseignement français à l’étranger. » ;

7° (Supprimé)

8° L’article L. 917-1 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au début du quatrième alinéa, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’autorité compétente de l’État en matière d’éducation et les collectivités territoriales peuvent s’associer par convention en vue du recrutement commun d’accompagnants des élèves en situation de handicap. » ;

a) La première phrase du sixième alinéa est ainsi rédigée : « Ils sont recrutés par contrat d’une durée de trois ans, renouvelable une fois. » ;

b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans chaque département, le directeur académique des services de l’éducation nationale désigne, parmi les accompagnants des élèves en situation de handicap répondant à des critères d’expérience fixés par arrêté, un ou plusieurs référents chargés de fournir à d’autres accompagnants des élèves en situation de handicap un appui dans leurs missions auprès des élèves en situation de handicap. »

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.

M. Philippe Mouiller. L’école inclusive est un volet important de ce projet de loi.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de ma satisfaction devant les réelles avancées de ce texte, qui permettent notamment de prendre en compte certaines attentes des parents en ce qui concerne le développement de l’accueil des enfants handicapés à l’école. Je suis plutôt satisfait de ces mesures comme du discours qui les accompagnent, même si, en parallèle, un certain nombre d’inquiétudes et d’interrogations se font jour.

Tout d’abord, je voudrais revenir sur la méthode. Les avancées dont nous allons débattre ont été introduites dans le texte par des amendements adoptés à l’Assemblée nationale. Cette méthode interroge tout de même sur la réalité de la prise en compte de la question, importante je l’ai dit, de l’école inclusive. Il me semble que le sujet aurait pu être traité différemment, notamment en termes de concertation – celle-ci aurait pu être plus importante et mieux se déployer sur l’ensemble du territoire national.

Ensuite, je voudrais revenir sur quelques points essentiels.

En ce qui concerne le statut des AESH, qui a donné lieu à beaucoup de discussions, de communication et qui a suscité des inquiétudes de la part des salariés et des familles, je voudrais là aussi saluer quelques avancées, notamment en ce qui concerne les contrats, qui pourront être pérennisés au bout de deux fois trois ans. Cependant, il me semble que nous ne sommes pas allés suffisamment loin. Il faut encore améliorer le statut de ces personnes, notamment en se rapprochant d’une durée de travail à temps plein – aujourd’hui, nombre d’AESH sont des travailleurs pauvres et ont des niveaux de revenus extrêmement faibles –, en reconnaissant plus avant ce métier et en développant la formation. Si nous voulons que l’école inclusive soit une réussite, il faut aller beaucoup plus loin sur ce sujet, car c’est un métier essentiel pour les enfants handicapés.

Je voudrais également aborder la question de la mutualisation, qui a suscité beaucoup d’inquiétudes dans les familles. Si l’on peut comprendre l’intérêt de ce dispositif pour développer, sur le territoire national, une plus grande capacité d’accueil des enfants en situation de handicap, il ne doit pas masquer un manque de moyens qui ferait peser un risque d’inclusion au rabais. Il me semble que, lorsque la mutualisation ne correspond pas aux besoins de l’enfant, nous devons mettre en place d’autres outils et revenir à des aides individuelles. Une telle souplesse dans les dispositifs proposés me semble essentielle.

Enfin, je note que l’article 40 de la Constitution restreint notre capacité à aller plus loin.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Philippe Mouiller. Je crois qu’il sera important d’évaluer très rapidement l’ensemble des outils et dispositifs afin d’améliorer encore les choses pour ces enfants et leurs familles.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.

Mme Laure Darcos. Il est toujours un peu compliqué de s’exprimer après un collègue avec lequel on partage exactement les mêmes réflexions, mais je vais enfoncer le clou…

C’est un sujet qui me tient à cœur, et je veux vous remercier, monsieur le ministre, pour les avancées contenues dans ce texte.

Chacun sait très bien que, dans une classe, un enfant atteint de handicap fait miracle. Très souvent, les problèmes de discipline sont beaucoup moins importants. Sa présence crée de la cohésion et de la solidarité.

Je suis très heureuse que la question des auxiliaires de vie scolaire, maintenant appelés AESH, avance. Ils prennent progressivement leur place au sein de l’éducation nationale, même s’il faut sûrement aller plus loin.

Lors d’une audition, vous nous avez indiqué que les AESH pourraient être CDIsés. J’espère que ce sera le cas. Je note d’ailleurs que, dans la fonction publique, un contractuel à durée déterminée passe par principe à durée indéterminée au bout de six ans. Il ne faudrait pas que les contrats des AESH s’arrêtent au bout de cinq ans et onze mois… Surtout, je crois qu’il faut leur donner envie à de faire ce métier. C’est pourquoi je proposerai, dans un amendement, de leur permettre de suivre des formations, par exemple celle des conseillers principaux d’éducation. Ils pourraient ainsi devenir des encadrants et avoir une perspective de carrière au sein de l’éducation nationale.

Nous avons été à l’écoute des AESH, mais nous ne proposerons pas de créer un corps spécifique. Nous savons très bien que ce serait absolument inimaginable. En revanche, il devrait être possible de revaloriser leurs salaires.

Par ailleurs, les AESH craignent que les PIAL ne leur permettent pas d’obtenir des postes à temps plein. Il faudra bien évidemment les rassurer ; vous l’aviez fait en audition, mais l’exemple de l’académie de Nice ne semble pas aller dans ce sens, puisqu’il paraîtrait que les temps pleins n’y sont pas possibles.

Il faudra aussi rassurer les familles sur le fait que les MDPH continueront à avoir toute leur place dans le parcours personnalisé des enfants. D’ailleurs, si l’enfant doit avoir un auxiliaire de vie personnel, et non pas mutualisé, c’est à l’ensemble des personnes qui l’accompagnent, tant dans la communauté éducative que dans le secteur médico-social, de le décider.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, sur l’article.

Mme Jocelyne Guidez. J’ai souhaité prendre la parole sur cette partie du texte, car j’avais déposé un amendement qui traitait de l’école inclusive, et plus particulièrement des jeunes aidants, c’est-à-dire des enfants ou adolescents qui accompagnent un proche en situation de maladie, de handicap ou de dépendance. Cet amendement a été déclaré irrecevable pour un motif que nous connaissons tous par cœur : l’article 40 !

Je veux profiter de cette séance pour dire que le débat législatif est régulièrement restreint par l’utilisation, à mon sens trop fréquente, de cette disposition constitutionnelle, qui va parfois trop loin. Nous le rappelons souvent dans cet hémicycle. Je regrette donc cette irrecevabilité, et je la conteste. En effet, je trouve dommage de ne pas avoir pu défendre et soumettre cette proposition à l’avis de notre chambre.

Toutefois, je veux en profiter pour évoquer le sujet afin d’alerter sur la situation de ces jeunes aidants, qui sont environ 500 000. La France est en retard quant à leur prise en charge. La majorité d’entre eux est au collège ou au lycée. Leur situation génère beaucoup de stress et crée énormément de difficultés chaque jour. Pis, certains se déscolarisent petit à petit.

Ce n’est donc pas un élément à prendre à la légère. Les pouvoirs publics doivent leur venir en aide, il y a urgence ! C’est pourquoi j’avais proposé des pistes pour faciliter leur quotidien. Certaines de ces mesures sont d’ailleurs déjà en place pour des jeunes qui sont dans d’autres situations, par exemple les enfants et adolescents handicapés.

Ainsi, mon amendement entendait répondre à plusieurs objectifs. J’en citerai quelques-uns : permettre l’inscription dans une école ou un établissement au plus proche de leur domicile, ce qui ne coûte rien ; assurer un parcours de formation adapté, en créant un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires et en évaluant leurs compétences et leurs besoins ; permettre des aménagements aux conditions de passation des examens ou des concours de l’enseignement scolaire et supérieur avec un temps supplémentaire accordé ; former les enseignants et les personnels à l’accueil et l’éducation des jeunes aidants, formation qui comporte notamment une information sur la lutte contre la stigmatisation et le harcèlement et sur les différentes modalités d’accompagnement scolaire.

Sur ce dernier point, je tiens à préciser qu’une telle formation, initiale et continue, existe déjà. Traiter le sujet des jeunes aidants ne créait donc aucun coût supplémentaire.

Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement sera attentif à mon appel. Je l’ai dit, il y a urgence. Agissons, réagissons vite ! Allons-nous continuer à faire comme si ces jeunes n’existaient pas ? Je me tiens à votre disposition pour avancer sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.

M. Antoine Karam. Permettez-moi à mon tour d’apprécier que de telles dispositions soient prises en faveur de l’inclusion de tous nos enfants. L’esprit de ce projet de loi est de donner une meilleure justice sociale à tous et de permettre l’égalité des chances pour tous les enfants, y compris ceux qui sont en situation de handicap.

Le statut des accompagnants est valorisé et le plan de transformation en AESH des contrats aidés, qui étaient trop précaires, s’accélère. Ainsi, dès la rentrée de 2019, les AESH se verront proposer des CDD de trois ans renouvelables une fois avec, à la clé, un CDI au bout de six ans. Les accompagnants ne sont plus recrutés sous contrat unique d’insertion, ce qui met fin au recrutement via des contrats aidés.

Les établissements font aussi l’objet de réformes dans le cadre du présent article. Ils sont le lieu central pour l’instruction de nos enfants. Il convient de mieux les penser afin que nous soyons véritablement fiers d’avoir une école inclusive.

Mes chers collègues, l’école inclusive ne consiste pas uniquement à traiter de la situation des accompagnants. Il s’agit aussi de mieux penser les infrastructures d’accueil, éléments également essentiels pour l’accompagnement de nos enfants tout au long de leur scolarité. C’est pourquoi le dispositif des pôles inclusifs d’accompagnement localisé, expérimenté depuis la rentrée de 2018, aura une accroche législative dans ce projet de loi. Ces pôles coordonneront les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap au sein des écoles. Ils permettront ainsi de mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers ; nous sommes convaincus que l’aide mutualisée peut contribuer, au même titre que l’aide individualisée, à la réussite des élèves.

Avant de terminer mon propos, je souhaite apporter un témoignage, qui renforcera notre argumentation. Voilà quelques mois, en Guyane, dans le lycée Damas, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, une jeune élève très brillante de première, lourdement handicapée, a mobilisé la population, parce que ses accompagnants, qui étaient dans une situation précaire, n’étaient pas souvent au rendez-vous lorsqu’il fallait l’accompagner dans une salle de classe située au cinquième étage de son établissement. Il aura fallu cette situation pour que, dans notre territoire, on comprenne que le moment était venu de donner un statut aux AESH, afin qu’ils soient mieux rémunérés, mieux encadrés et qu’ils travaillent dans de meilleures conditions à l’accompagnement de nos enfants souffrant de très lourds handicaps.

Nous reprendrons certainement à notre compte toutes les propositions qui seront faites ; le texte va dans le bon sens, il faut simplement continuer nos efforts.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Je rejoins ce qu’ont dit un certain nombre de collègues sur la méthode suivant laquelle ce débat survient : des propositions de loi, notamment à l’Assemblée nationale, n’ont malheureusement pas pu être débattues, alors qu’elles auraient permis de creuser véritablement ce sujet.

Il y a évidemment beaucoup à faire, et, on le voit, rentrée après rentrée, les choses sont de plus en plus chaotiques du point de vue de l’accueil, notamment depuis la suppression d’un grand nombre d’emplois aidés. Il y a donc besoin de créer un statut véritablement attractif pour répondre à la crise du recrutement des AESH.

Les quelques éléments positifs contenus dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui nous semblent insuffisants. Je pense, par exemple, aux deux contrats de trois ans avant une éventuelle CDIsation. Cela met particulièrement en colère des AVS ou des AESH déjà employés depuis bien longtemps, qui vivent mal le fait de devoir encore faire leurs preuves. Je pense aussi aux salaires, qui restent très insuffisants, et à la formation ; c’est une demande évidemment absolument essentielle.

On assiste par ailleurs, au travers de ce projet de loi, à une inversion de la logique : désormais, la mutualisation des accompagnements serait la règle, et on pourrait éventuellement y déroger pour mettre en place un accompagnement individualisé.

Selon nous, c’est l’individualisation de l’accompagnement qui doit être la règle, parce que l’accompagnement doit d’abord répondre aux besoins de l’enfant, avant de répondre à ceux de l’institution ; cela nous semble essentiel du point de vue des droits humains. D’ailleurs, nous avons eu vent de consignes extrêmement inquiétantes qui seraient d’ores et déjà données dans certaines académies pour faire cesser des notifications ou ne pas reconduire des accompagnements, en attendant les modifications législatives ; c’est évidemment scandaleux. Il est même parfois précisé qu’il faut éviter de mettre les familles au courant, parce qu’elles pourraient alors être très inquiètes ; je vous le confirme, monsieur le ministre, elles seraient en droit de l’être.

Enfin, cette mutualisation n’est même pas de nature à répondre au sous-emploi des AESH et des AVS.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue !

Mme Céline Brulin. En effet, il est indiqué que, y compris dans le cadre d’une mutualisation, ces professionnels seraient amenés à travailler entre vingt-quatre et trente heures maximum par semaine, ce qui est loin d’un temps plein.

Cela ne répond donc à aucun des enjeux qui sont sur la table.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.

M. Joël Labbé. Je partage ce qui a été dit sur l’aspect positif de la prise en compte de l’école inclusive. Notre collègue Antoine Karam l’a dit, on avance vers une plus grande justice sociale à l’égard des plus fragiles d’entre nous, que sont les enfants en situation de handicap.

En revanche, la justice sociale, cela passe aussi par la reconnaissance de ces nouveaux métiers, qui sont extrêmement nobles ; ils doivent être professionnalisants et reconnus, y compris du point de vue du salaire. Or, sur ce sujet, je sais que vous êtes gêné, monsieur le ministre, de même qu’un certain nombre de vos collègues, par les aspects budgétaires. Tous les amendements que nous avons déposés en ce sens, qui visaient à instaurer un statut, sont tombés sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Pour nous, et pour vous aussi, en votre for intérieur, humainement, ce n’est pas acceptable. Il faudra qu’on trouve des solutions.

On a parlé, pour ces personnes, de contrats de deux fois trois ans, peut-être – mais pas forcément – CDIsables, et de temps partiel ; le temps partiel, souvent imposé, est presque pérennisé par le texte. La formation initiale et continue est quasiment inexistante. La rémunération moyenne est de 650 euros par mois ; on parle de justice sociale – on évoquait précédemment les travailleurs, ou plutôt, en l’occurrence, les travailleuses, pauvres –, mais 650 euros, c’est indécent pour ce niveau d’exigence. Ce sont des personnes, souvent jeunes, qui aiment leur travail, qui souhaitent le continuer, mais qui ne pourront plus le faire dans ces conditions.

Je ferai donc partie de ceux qui lutteront jusqu’au bout, au-delà de ce texte – lequel aura, on le sait, ses limites –, pour avancer dans la reconnaissance de ces métiers.

Enfin, j’ai reçu hier des représentants de l’enseignement agricole, qui ont évoqué la situation des AESH dans ce secteur. La situation y est plus difficile encore ; des milliers de professionnels précaires sont laissés pour compte. Leur condition est encore moins protégée que dans l’éducation nationale, où le statut est déjà précaire et dévalué. Ces professionnels demandent donc que le statut des AESH agricoles – et maritimes, il y en a aussi quelques-uns – soit, au minimum, harmonisé avec celui qui existe dans l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Avec la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la scolarisation des élèves handicapés dans le milieu scolaire est devenue un principe de droit.

Ainsi, beaucoup a été fait pour accueillir ces élèves différents et les intégrer au mieux au sein des classes. L’instauration, en 2000, d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, désormais devenus accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, a été une étape charnière. D’ailleurs, il serait aujourd’hui totalement inenvisageable d’imaginer scolariser des enfants handicapés sans l’aide d’AESH ; au contraire, bien des parents, mais aussi bien des enseignants, déplorent le nombre insuffisant de ces professionnels, dont le statut et la formation sont à préciser.

La dignité et la grandeur d’une société se mesurent notamment à l’attention accordée aux plus fragiles et aux moins chanceux. Certains ont tendance à toujours voir le verre à moitié vide, mais la lucidité et l’honnêteté ne peuvent que nous amener à reconnaître que, en matière d’inclusion, cet article, s’il n’est pas parfait, instaure et, pour reprendre un terme cher à notre rapporteur, Max Brisson, « crante » de réels progrès.

Sans doute, on peut faire mieux, et on doit faire mieux, mais je le dis à ceux qui doutaient de la pertinence et de l’efficacité de l’exercice parlementaire, ce texte, amélioré sur de nombreux points par la commission de la culture du Sénat, est un bon exemple des vertus du bicamérisme. J’espère donc que certains amendements que nous allons examiner maintenant seront adoptés ; je pense notamment à ceux de mes collègues Mouiller et Darcos qui traitent du statut et de la formation des AESH.

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.

Mme Samia Ghali. Sur ce sujet, les considérations politiques doivent être secondaires. En effet, derrière cette question, on trouve des enfants qui, malheureusement, ont un handicap, mineur ou important.

Je veux maintenant parler des enfants autistes ou souffrant d’un trouble de déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité, ou TDAH. Ces enfants sont souvent oubliés, car leur handicap ne se voit pas ; il se vit.

Pour les parents, cela représente un parcours du combattant, une souffrance, parce que ces handicaps, notamment le TDAH, ne se voient pas immédiatement, il faut du temps avant de les reconnaître. En effet, ce handicap se détecte au fil des années, quand l’enfant grandit ; les parents se retrouvent alors complètement démunis face à ce problème. Les enseignants n’arrivent pas toujours à détecter ce handicap et l’enfant est, dans sa classe, rejeté par ses camarades, voire par l’enseignant, qui a devant lui un enfant insupportable, même lorsqu’il travaille bien. Les parents essaient alors, de leur côté, de trouver une solution pour leur enfant.

Il y a des sujets sur lesquels on peut ne pas être d’accord, sur lesquels il n’est pas grave de s’engueuler entre nous ; mais, sur ce genre de sujet, on doit trouver un consensus, comprendre que cela représente une véritable souffrance pour les parents, pour l’enfant, pour les autres enfants et pour l’enseignant.

La question des enfants souffrant de TDAH est un véritable problème. Aujourd’hui, entre 8 % et 10 % des enfants sont concernés ; cela signifie que presque un enfant par classe, en France, est en souffrance dans l’école de la République. En outre, il peut parfois mettre une classe en péril, lorsque son handicap n’a pas été reconnu ou détecté.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Permettez-moi de relever un paradoxe, monsieur le ministre. Le gouvernement auquel vous appartenez a engagé, en octobre dernier, une concertation intitulée « Ensemble pour une école inclusive ». Vous parlez de l’école inclusive comme d’une priorité, et nous partageons vraiment cet objectif, mais vous continuez à maintenir dans une forme de paupérisme, sans aucune reconnaissance, le personnel indispensable à la scolarisation des enfants en situation de handicap. Or vous avez pu constater que les différentes prises de parole sur article, de quelque travée qu’elles viennent, expriment toutes le même souci. J’espère donc que vous allez les entendre.

La proposition de mise en place d’un recrutement par CDD de trois ans, renouvelables puis transformables en CDI, est bien sûr une mesure positive, mais elle est en même temps décevante. Elle ne répond pas du tout à l’enjeu de la reconnaissance de ce personnel, du point de vue tant du salaire que de la formation ; la formation doit être d’un niveau suffisant pour les enfants en situation de handicap. Par conséquent, il est urgent de prévoir des mesures beaucoup plus fortes que celles qui sont contenues dans le projet de loi. C’est d’autant plus décevant que, non seulement ces professionnels ne sont pas reconnus ni formés au niveau qu’ils, ou plutôt qu’elles – il s’agit majoritairement de femmes –, devraient atteindre, mais, en outre, ces personnes sont en nombre totalement insuffisant ; avec la mutualisation entre établissements, ce sera encore pire. Cela ne va donc pas, cela ne correspond pas aux besoins.

J’ajoute – cela me semble très important – que toutes les structures spécialisées en dehors de l’école ferment les unes après les autres. Je pense aux hôpitaux de jour et aux CMP ou aux CMPP, qui font souvent l’objet de regroupements et ne répondent pas à la demande de prise en charge, d’accompagnement et de rééducation de ces enfants en situation de handicap.

Il convient donc d’avoir une ambition beaucoup plus grande que celle que vous portez au travers de ce projet de loi ; il y a vraiment besoin d’entendre certains amendements qui seront défendus par différents groupes et qui convergent vers le même objectif.