M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. On ne peut évidemment que souscrire à l’ambition générale affichée à l’article 1er : préserver le pluralisme et la diversité de l’offre de presse en veillant à garantir l’égalité de traitement entre éditeurs et en leur donnant la capacité d’accéder librement un large réseau de distribution. Cela fait un certain nombre d’années que de tels objectifs sont réaffirmés, et, bien entendu, personne ne les contestera.

Néanmoins, permettez-moi de profiter de l’occasion pour aborder le principe d’égalité de traitement de la presse française.

À mon sens, cette égalité de traitement doit avant tout s’opérer en amont de la chaîne de distribution. Vous l’aurez compris, je pense à la question des subventions. Je m’interroge – j’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de vous interpeller sur le sujet voilà quelques semaines, pour le moment sans succès, monsieur le ministre – sur l’étrange et surprenante subvention de plus de 3,4 millions d’euros obtenue par le groupe de presse Midi Libre pour sa nouvelle imprimerie, dont le coût total oscillerait autour de 6 millions d’euros. Or cette subvention aurait été accordée malgré l’avis négatif de la direction générale des médias et des industries culturelles, la DGMIC.

Je souhaite exprimer mon étonnement devant une telle subvention, lorsque l’on sait que les règles du Fonds stratégique pour le développement de la presse, le FSDP, prévoient explicitement que le montant de l’aide susceptible d’être accordée à un projet éligible est plafonné à 1,5 million d’euros par projet.

Au demeurant, une seconde règle a été enfreinte ; elle concerne les aides à la presse. En 2018, le montant du FSDP s’est élevé officiellement à 27 millions d’euros. Mais, au détour d’une belle acrobatie comptable, la loi de finances a « mis en réserve » 9 millions d’euros… Autrement dit, seuls 18 millions d’euros ont effectivement pu être distribués en 2018.

Ultime détournement de la finalité du fonds, en avril 2018, le Gouvernement avait passé un accord avec plusieurs syndicats d’éditeurs de presse pour que 9 millions d’euros du FSDP soient consacrés au dernier sauvetage en cours de Presstalis. Résultat, il ne restait plus que 9 millions d’euros de subventions disponibles pour toute l’année. L’aide accordée à Midi Libre atteint… 38 % de cette somme, dépassant largement le plafond !

Monsieur le ministre, j’espère que vous pourrez nous éclairer sur les conditions dans lesquelles ces aides ont été obtenues.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que nous examinons un article d’un projet de loi de loi ; il ne s’agit pas de la séance des questions d’actualité au Gouvernement. (Sourires.)

La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.

M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous le lien étroit entre la vie parlementaire et la presse. D’une part, dans notre histoire, cette dernière s’est fait l’écho des joutes parlementaires. D’autre part, la liberté de la presse a souvent été évoquée ici comme à l’Assemblée nationale. Le sujet est donc extrêmement important, et les citoyens y sont très attachés.

Cela inclut la question de la distribution et du lieu de vente de presse, qu’il s’agisse des kiosques, des maisons de la presse ou des endroits où l’on vend la presse. Ce sont souvent des lieux de vie, de rencontre. En tant qu’élus, nous y sommes souvent « alpagués » par nos concitoyens. Nous y discutons avec eux. Ce sont des endroits propices à l’échange et au débat démocratique.

D’ailleurs, nous avons vu l’émotion qu’ont suscitée les attaques et les violences contre des kiosques lors de débordements en marge de manifestations dites « des gilets jaunes ». Une cagnotte a même été lancée pour venir en aide aux kiosquiers, dont l’outil de travail avait été détruit. Vu le lien intime avec l’histoire de la République, il y a une très forte sensibilité de nos concitoyens à l’existence de ces lieux de vente de presse.

Je trouve qu’il y a deux éléments très intéressants sur les kiosques dans le présent projet de loi.

D’une part, les kiosques numériques qui seront intégrés seront soumis aux mêmes règles. Cela permettra d’avoir une concurrence plus loyale entre kiosques ou lieux de distribution physiques et kiosques ou lieux de distribution virtuels. C’est très important.

D’autre part, les kiosquiers auront une plus grande liberté, notamment sur les titres de presse des magazines spécialisés, qui les encombraient parfois un peu. La distinction opérée dans le texte répond aux attentes des professionnels : ce qu’ils vendaient ne correspondait pas toujours à la zone de chalandise ou aux souhaits de leurs clients. Plusieurs d’entre nous ont pu le constater. Je me réjouis donc de telles évolutions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.

Mme Sylvie Robert. Nous le savons, l’essor du numérique a profondément fragilisé le secteur de la presse. Entre 2007 et 2017, les ventes ont chuté de 56 %. Quasiment sur la même période, 5 300 points de vente ont été fermés, soit une baisse de près de 20 %. Au-delà de cet état des lieux, la tendance devrait se poursuivre à moyen terme, suscitant des inquiétudes, autant chez les éditeurs de presse que chez les distributeurs.

Le Gouvernement a fait le choix de réformer la loi Bichet, héritage de l’après-guerre qui symbolise le goût de la France et des Français pour le débat d’idées. Les mécanismes mis en place et les équilibres trouvés à l’époque illustrent d’ailleurs parfaitement cette « passion française ».

La loi de 1947 est tout d’abord la traduction concrète de trois principes-clefs : la liberté de diffusion, l’impartialité dans la distribution des journaux et la solidarité coopérative entre les journaux. Ces derniers concourent eux-mêmes au respect et à l’application d’un « méta-principe », ultérieurement d’ailleurs consacré par le Conseil constitutionnel en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle : le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale.

Sans oublier les autres titres de presse, il n’en demeure pas moins que c’est ce principe qui garantit aujourd’hui la vitalité de notre démocratie. La modernisation de la loi Bichet ne doit donc aucunement avoir pour conséquence un affaiblissement de ce principe cardinal. Il est heureux que l’article 1er le rappelle.

En d’autres termes, les réformes substantielles affectant l’environnement économique de la distribution de la presse qui sont contenues dans ce projet de loi doivent veiller à ne pas écorner les principes philosophiques et constitutionnels qui fondent notre identité démocratique. Un savant équilibre est donc à préserver entre recherche d’une amélioration de la situation économique des acteurs de la filière presse et conformité à nos principes démocratiques.

Or cette conformité passe également par une diffusion des journaux et publications autres que la presse d’information politique et générale la plus équilibrée possible sur l’ensemble du territoire. Car comment pourrait-on parler de démocratie si certains titres de presse n’étaient absolument plus accessibles à l’échelle raisonnable d’un territoire ?

Sur ce point, le rôle confié au nouveau régulateur, à savoir l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, sera fondamental, en particulier au travers du schéma territorial de distribution de la presse, qui ne doit pas accentuer les fractures territoriales ; au contraire, il faut plutôt les résorber. Nous devrons faire preuve d’une grande vigilance à cet égard, mes chers collègues.

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par Mme Brulin, MM. Gay, P. Laurent, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le fait de distribuer directement ses titres ne l’exonère pas, pour les entreprises de presse à vocation nationale, des obligations prévues aux 3° de l’article 17 et III de l’article 25.

II. – Alinéa 115

Compléter cet alinéa par les mots :

et des entreprises de presse à vocation nationale assurant elles-mêmes la distribution de leurs propres journaux et publications périodiques

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Si les exigences de mutualisation, n’étaient pas maintenues, cela remettrait en cause les principes de solidarité dans la distribution.

Comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, nous sommes extrêmement inquiets quant à l’avenir de ces principes de solidarité. La solidarité implique la mutualisation. C’est aussi ce qui garantira des conditions tarifaires accessibles à tous.

Monsieur le ministre, votre réponse sur les tarifs ne nous rassure pas. En effet, si le périmètre de mutualisation se réduit, avec des sociétés potentiellement concurrentes, les tarifs augmenteront et la guerre tarifaire sera accrue. Le cumul des deux posera inévitablement des problèmes à un nombre de plus en plus important de titres.

Par cet amendement, nous souhaitons donc insister sur l’exigence de mutualisation, qui doit continuer à s’imposer à tous les acteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Laugier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent d’inclure dans le système de péréquation et de prise en charge des frais les entreprises de presse à vocation nationale, qui assureraient elles-mêmes leur distribution.

Actuellement, la seule presse à assurer sa propre diffusion sans recourir au groupage est la presse régionale. Toutes les autres familles de presse recourent aux messageries pour mutualiser les coûts, et cela ne devrait pas changer dans le futur. L’adoption d’un tel amendement n’aurait donc pas d’effet. Au demeurant, il n’existe pas de définition de la presse à vocation nationale.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Avis défavorable !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Certes, je ne pense pas que la seule adoption d’un tel amendement permette de régler le problème, car c’est tout l’équilibre de la loi qu’il faudrait modifier. Mais il y a bien un problème.

Aujourd’hui, comme l’ensemble de la presse doit être distribué, on met tout dans un camion, ce qui permet de mutualiser et de réduire les coûts. Mais si une certaine presse est désormais exclue, il est difficile de lui demander de contribuer !

Il y aura donc un manque à gagner. Dès lors que l’un des acteurs ne participera plus, les coûts seront mécaniquement plus élevés. Qui va compenser ? Les tarifs ne pourront rester les mêmes : soit ils augmenteront, soit on créera du déficit, ce qui aggravera la crise.

Je souhaite donc connaître les dispositifs envisagés par le Gouvernement pour faire face à cela lorsque le texte s’appliquera concrètement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mme Brulin, MM. Gay, P. Laurent, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10

1° Première phrase

Remplacer les mots :

sociétés agréées

par les mots :

sociétés coopératives de groupage de presse

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéas 24 et 72

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Nous voici au cœur du sujet, avec le basculement prévu vers les sociétés agréées.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que le système coopératif était maintenu. Mais maintenir le système coopératif de groupage de presse et maintenir le système coopératif de distribution, ce n’est pas pareil ! En effet, nous aurons des sociétés coopératives de groupage de presse qui délègueront la distribution à des sociétés agréées. C’est un changement fondamental par rapport au système actuel. Vous ne pouvez donc pas assumer un tel changement tout en prétendant que tous les principes sont maintenus.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Laugier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer les sociétés agréées prévues dans le texte pour maintenir un système de distribution fondé sur les coopératives, ce qui irait à l’encontre de l’un des piliers du projet de loi, à savoir la fin de la distribution directement par les coopératives ou par des sociétés possédées à plus de 50 % par les coopératives. L’adoption de l’amendement reviendrait à rejeter une disposition essentielle du texte.

La philosophie d’ensemble du projet de loi me paraît devoir être préservée. L’immobilisme en la matière n’est pas une bonne chose. Au demeurant, toutes les mesures ont été prises pour garantir le respect du pluralisme.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement va lui aussi émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur.

Monsieur Laurent, nous maintenons le principe des coopératives obligatoires, mais nous laissons à de nouvelles sociétés la possibilité de distribuer la presse écrite, sous réserve d’être agréées selon un cahier des charges très strict établi par l’Arcep. Ainsi, les coopératives, qui garantissent une place donnée aux petits titres de presse, pourraient travailler avec de telles sociétés à partir du 1er janvier 2023, en vue de rendre le meilleur service possible.

Notre conviction est que, eu égard à leur expérience et au savoir-faire de leurs équipes, ce sont les deux acteurs présents aujourd’hui qui pourront répondre au cahier des charges fixé par l’État et aux coopératives.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

tendant à éclairer le jugement des citoyens

par les mots :

en se conformant au respect d’une charte déontologique

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à ouvrir un débat très important sur la qualification de l’IPG. En effet, le sujet va devenir de plus en plus sensible. Selon que les publications seront qualifiées ou non comme telles, elles garderont ou non la main sur les conditions de diffusion, notamment la quantité.

En outre, l’élévation de cette définition au niveau légal rend les possibilités de recours plus difficiles en cas de difficulté.

L’objet de l’amendement est de souligner les risques liés à l’inscription dans la loi du critère jurisprudentiel d’une publication devant contenir des commentaires ou analyses de nature à « éclairer le jugement du citoyen ». Ce critère, s’il est aujourd’hui peu remis en cause, pose question du fait de sa subjectivité. N’y a-t-il pas un risque pour la commission à qui reviendra la charge de la qualification, et pour le juge en cas de recours, d’émettre un jugement de valeur sur le travail journalistique accompli ?

C’est pourquoi nous proposons de le remplacer par un autre critère, objectif celui-ci : l’existence d’une charte déontologique. Cette obligation s’impose aux rédactions depuis la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, ou loi Bloche. Cette existence permettrait de s’assurer du sérieux des contenus proposés, en respect de la charte, sans avoir à émettre de jugement de valeur de ces contenus pour le citoyen.

Cette disposition est donc plus protectrice des journalistes, tout en s’inscrivant en cohérence avec les évolutions législatives récentes. Elle vise à faire en sorte que l’argument de faible éclairage du citoyen ne puisse jamais être utilisé contre un titre de presse IPG qui serait devenu dérangeant pour le pouvoir, a fortiori quand la composition de la commission chargée de la qualification n’est pas définie dans la loi.

Il s’agit donc d’amorcer une réflexion qui devrait, selon nous, se poursuivre à l’Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Laugier, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer un critère de définition de la presse IPG tendant à éclairer le jugement des citoyens par le respect d’une charte déontologique.

Le projet de loi a élevé au rang législatif la définition de la presse et de l’information de politique générale, jusque-là contenue dans l’article D. 19-2 du code des postes et des communications électroniques. Les auteurs du présent amendement proposent de modifier la définition.

D’une part, cela risque de fragiliser les titres actuellement en IPG et toute la jurisprudence. D’autre part, l’obligation de disposer d’une charte déontologique est déjà inscrite dans la loi Bloche. Il faudrait d’ailleurs en assurer une meilleure effectivité. Alors que la presse IPG est enfin mentionnée dans la loi, il me paraît préférable de ne pas faire évoluer sa définition.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. On peut éventuellement rectifier l’amendement, en combinant les préoccupations assez claires de Mme Laborde avec les évolutions liées à la loi Bloche et à la jurisprudence.

Au lieu de supprimer les mots : « tendant à éclairer le jugement des citoyens », on pourrait les compléter, en ajoutant à la suite la référence au respect de la charte déontologique…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre. Cela n’apporterait rien, monsieur Assouline. Je comprends bien la préoccupation de Mme Laborde, mais il y a vraiment un risque qu’une telle définition remette en cause vingt-deux années de doctrine et de jurisprudence. En termes de rédaction, je ne vois pas la justification d’une telle modification.

Contrairement à ce que suggère la présentation de l’amendement, « éclairer le jugement des citoyens » n’est pas un critère discrétionnaire. Cela repose au contraire sur une pratique éprouvée de la CPPAP, sous le contrôle du juge.

Par ailleurs, la loi Bloche s’applique à tous les types de presse, et pas simplement à la presse IPG. Je vous invite donc à beaucoup de prudence concernant la rédaction relative à cette dernière.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je partage les préoccupations des auteurs de l’amendement, à savoir ne pas fragiliser la presse IPG et renforcer les garanties, mais je ne suis pas sûr que le dispositif proposé soit bien adapté. Il faut effectivement maintenir une certaine vigilance sur la définition de la presse IPG.

Je comprends les intentions de Mme Laborde, mais, en l’état, l’amendement ne nous convient pas.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. J’ai entendu les arguments qui ont été avancés. Mes chers collègues, vous aurez peut-être l’occasion de revenir sur le dispositif que je propose d’ici à l’adoption définitive du texte.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président, en formulant le souhait que la loi Bloche s’applique.

M. le président. L’amendement n° 39 rectifié est retiré.

L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 13, seconde phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

Le caractère d’information politique et générale est reconnu par la commission paritaire des publications et agences de presse, dont la composition garantit l’indépendance et l’impartialité. Les décisions de la commission peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de suspension présentée conformément à l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Un décret en Conseil d’État en définit la composition et le fonctionnement.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement tend à s’inscrire dans la continuité du précédent : il s’agit d’alerter nos collègues sur l’importance de la composition de la commission chargée d’établir la qualification IPG.

Dans son avis, le Conseil d’État a considéré qu’il s’agissait d’une disposition de nature réglementaire et proposé le renvoi à un décret. Il est vrai que c’est souvent le cas dans bien des domaines.

Pour autant, s’agissant de la presse d’information politique et générale, et de l’importance de cette commission en faveur de la préservation du pluralisme, il nous paraît absolument nécessaire de prendre des précautions législatives, afin que la composition de cette commission ne puisse être modifiée dans un sens ou dans un autre, pour permettre à tel ou tel gouvernement de sanctionner un organe de presse qui serait trop critique. Il nous revient d’anticiper tous les scénarii possibles, dès lors que la loi dispose pour l’avenir.

Dans ce cas précis, il aurait peut-être même été justifié de prévoir que la composition soit fixée dans la loi : cela existe dans d’autres domaines, comme pour la Commission de déontologie de la fonction publique dont il est aujourd’hui beaucoup question.

Cet amendement tend également à clarifier les voies de recours, que l’on imagine plus fréquents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Laugier, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la Commission paritaire des publications et agences de presse, la CPPAP.

Il ne fait pas de doute que l’actuelle CPPAP conservera ses fonctions avec l’entrée en vigueur de cette loi, ce qui est d’ailleurs précisé dans l’avis du Conseil d’État. Ce dernier juge cependant également qu’une commission administrative n’est pas du niveau de la loi. En revanche, sa composition est entourée de toutes les garanties puisqu’un décret en Conseil d’État viendra justement la définir.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Je souscris à l’avis de M. le rapporteur : le fonctionnement de cette commission doit rester réglementaire. J’ajoute, madame Laborde, que ce texte important constitue une avancée, puisqu’il vise à fixer dans la loi les critères de la reconnaissance des titres IPG.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié est retiré.

L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Après le mot :

presse

insérer les mots :

française ou étrangère

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Le présent amendement vise à inscrire l’apport de la presse étrangère dans le pluralisme nécessaire à la vie démocratique française.

Faut-il rappeler que la Résistance s’est organisée depuis l’étranger et que certains médias étrangers ont eu un rôle dans la libération de notre pays ? Sans le soutien de la BBC, l’appel du 18 juin aurait probablement trouvé moins d’écho…

Actuellement, on compterait environ 1 400 références de presse étrangère, contre près de 4 000 pour la presse coopérative, pour un chiffre d’affaires total de 46 millions d’euros. Or, s’agissant de la presse étrangère, le taux d’invendus est très élevé : il serait de 74 %, contre 49 % pour la presse coopérative.

On imagine que les points de vente auraient donc intérêt à moins la diffuser. Comme cela l’a été mentionné dans la discussion générale, nous considérons que ce regard extérieur est très utile au pluralisme et qu’une plus faible diffusion sur notre sol affaiblirait la qualité du débat public.

Contrairement aux critiques de certains acteurs de la presse contre notre amendement, celui-ci ne vise pas du tout à supprimer le régime actuel de distribution de la presse étrangère en France, qui est dérogatoire. Il ne tend pas non plus à permettre à des titres voulant contourner la qualification IPG de se localiser à l’étranger pour être mieux diffusés.

Il s’agit seulement de protéger la presse IPG étrangère de la même manière que la presse IPG nationale, afin, notamment, que les points de vente ne puissent s’opposer à leur diffusion. En réalité, et nous attendons que le ministre le confirme, la CPPAP opère déjà une distinction entre les titres étrangers selon qu’il s’agisse de presse IPG ou autres. Cet amendement ne nous semble pas remettre en question cette façon de faire ; et si tel était le cas, nous serions prêts à le rectifier dans le sens du droit constant.

En tout état de cause, il nous paraît essentiel de rappeler que la presse étrangère doit être protégée sur notre sol au même titre que la presse nationale, afin de ne pas nourrir un isolement médiatique français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Laugier, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une égalité de traitement entre la presse étrangère et la presse française. Ses dispositions partent d’une idée très louable, chère Françoise Laborde, mais elles appellent quelques clarifications.

La presse étrangère distribuée par les messageries en France ne fait pas partie des coopératives d’éditeurs, mais représente une activité spécifique « import » pour les distributeurs. Les journaux sont cependant placés dans les mêmes catégories que la presse française : IPG, CPPAP.

Cette activité est soumise à une tarification qui lui est propre et qui ne dépend donc pas aujourd’hui des barèmes votés par les coopératives. Elle représente en 2017 quelque 1 400 références, pour un chiffre d’affaires total de 46 millions d’euros, avec un taux d’invendus très important de 74 %, contre 49 % pour la presse coopérative.

La réforme que nous examinons ne devrait rien changer quant au traitement de la presse étrangère, qui constituera toujours une activité spécifique pour les sociétés de distribution. Les titres bénéficieront des mêmes droits d’accès aux points de vente que les titres français en fonction de leur catégorie : IPG, CPPAP, non-CPPAP, hors presse. Le régulateur pourrait néanmoins intervenir, afin de limiter le taux d’invendus des titres import.

Il ne paraît donc pas opportun d’aligner complètement les deux régimes. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.