M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Je vais, avant de donner l’avis de la commission, résumer les propositions contenues dans les sept amendements restants.

L’amendement n° 168 rectifié quinquies, présenté par M. Moga, vise à instaurer une obligation pour les nouveaux diplômés de médecine souhaitant exercer à titre libéral de s’installer pendant au moins quatre ans dans une zone sous-dotée.

L’amendement n° 150 rectifié ter, présenté par M. Vaspart a, quant à lui, pour objet d’instaurer une obligation pour les nouveaux médecins de s’installer ou d’effectuer un remplacement pendant au moins trois ans dans une zone sous-dotée de la région où ils ont suivi leur troisième cycle.

L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Segouin, tend à créer une obligation pour les nouveaux médecins classés dans le dernier tiers du numerus clausus de s’installer ou d’effectuer un remplacement pendant au moins trois ans dans une zone sous-dotée de la région où ils ont suivi leur troisième cycle.

L’amendement n° 27 rectifié bis, également défendu par M. Segouin, vise à créer une obligation pour les nouveaux diplômés en médecine d’effectuer leurs trois premières années d’exercice dans le ressort géographie de l’académie dans laquelle ils ont validé leur première année de médecine, c’est-à-dire neuf ans avant.

L’amendement n° 122 rectifié bis, présenté par Mme Jourda, porte sur l’expérimentation pour cinq ans d’une obligation d’exercer pendant au moins trois ans en zone sous-dense pour les jeunes médecins dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme.

L’amendement n° 117 rectifié ter, de M. Hervé, a pour objet de créer une expérimentation pour cinq ans d’une obligation d’exercer pendant un an en zone sous-dense pour les jeunes médecins.

Enfin, l’amendement n° 346 rectifié tend à créer dans les territoires volontaires une expérimentation pendant cinq ans d’une obligation pour les nouveaux diplômés d’exercer deux ans dans une zone sous-dotée de la région où ils ont obtenu leur troisième cycle.

La commission est évidemment défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Je suis certain, mes chers collègues, que les jeunes médecins ne comprendraient pas que nous définissions à leur égard une telle obligation de service, et je partage complètement ce point de vue.

Plusieurs arguments doivent être avancés.

Premièrement, gardons bien à l’esprit que la durée des études de médecine a été significativement allongée au cours des dernières années. Actuellement, elle est au minimum de neuf ans et la tendance à l’allongement se poursuit.

À la différence, par exemple, des jeunes professeurs ou des jeunes policiers – leurs exemples ont été cités – qui sont, quant à eux, des fonctionnaires, les médecins qui obtiennent aujourd’hui leur diplôme sont des jeunes adultes. Ils ont la trentaine, si ce n’est plus, et nombre d’entre eux ont construit une famille. Il me paraît difficile de les obliger à servir dans un autre territoire que celui dans lequel ils ont peut-être déjà bâti leur foyer.

Deuxièmement, certaines zones sous-dotées ne sont pas seulement des déserts médicaux ; ce sont malheureusement, et c’est regrettable, des déserts tout court. Je ne trouve pas légitime de demander à des médecins de répondre seuls à des problèmes relevant de l’aménagement du territoire dans des zones où ni des écoles ni des services publics élémentaires n’ont été maintenus par l’État – je rejoins sur ce point le groupe CRCE.

Selon moi, c’est bien en amont, lors du parcours de formation des étudiants, que nous devons encourager ceux-ci à l’exercice en ambulatoire, notamment en leur faisant découvrir l’exercice en zone sous-dense. Tel est le sens de l’amendement n° 1 rectifié quater, que nous avons adopté avant-hier soir à l’article 2.

Je souhaite maintenant dire quelques mots particuliers au sujet de l’amendement n° 26 rectifié bis, qui réserve cette obligation de service aux seuls médecins figurant dans le dernier tiers du classement.

Il présente de très sérieux problèmes rédactionnels, qui font obstacle à l’inscription de ses dispositions dans la loi. Je pense, par exemple, à la référence au numerus clausus, dorénavant absente de la loi.

Surtout, sur le fond, je m’étonne du sens de cet amendement. Faut-il comprendre que l’exercice en zone sous-dotée constituerait une sanction pour les étudiants les plus mal classés ? Faut-il comprendre que ces zones devraient se contenter des praticiens du plus faible niveau ? Je ne suis pas certain que cela soit le bon message à envoyer ni aux habitants de ces territoires ni aux étudiants en médecine !

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements. (Mme Catherine Deroche et M. Claude Kern applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Défavorable !

M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Avant mon explication de vote, je veux revenir sur la sérénité à laquelle faisait allusion M. Jomier. Il est vrai que l’heure n’est pas tellement à la sérénité, notamment sur le sujet qui nous occupe.

J’en veux pour preuve le communiqué de presse sorti hier à propos des prises de position du Sénat, en particulier celles qui concernent le troisième cycle des études médicales. Je n’ose pas imaginer ce que les jeunes médecins et internes vont écrire si les amendements qui viennent d’être exposés étaient adoptés !

Je vous donne lecture de quelques extraits du communiqué précité : « Le Sénat marche sur la tête et préconise de brader la formation des médecins. »

« Nous rappelons à l’ensemble des parlementaires qu’il est nécessaire aux futurs médecins d’avoir une formation de qualité pour bien prendre en charge leurs patients dans l’exercice de leur futur métier. »

« Il est inacceptable de brader la formation des futurs médecins pour répondre aux problématiques d’accès aux soins engendrées par des erreurs politiques d’il y a trente ans. »

« Les sénateurs souhaitent-ils une médecine à deux vitesses ? »

Le communiqué conclut en ces termes : « L’ensemble des jeunes et futurs médecins somment – somment ! – le Parlement de revenir à la raison. »

Pour ce qui est de la sérénité, cela commence mal !

J’en arrive aux amendements qui viennent d’être exposés. Si jamais ils étaient adoptés, ce serait la fin de la médecine libérale. S’il s’agit de passer à un autre système de santé, pourquoi pas ? Qu’on le dise tout de suite ! Nous aurons des médecins salariés, des médecins fonctionnaires qui, comme le rappelait M. le rapporteur, devront s’installer dans des zones sous-denses selon des critères qui seront à déterminer.

En ce qui me concerne – et je pense que nous sommes nombreux à partager ce point de vue –, je ne souhaite pas la disparition de la médecine libérale. En revanche, si c’est ce que désirent les jeunes médecins, madame la ministre, entamons alors une concertation et faisons en sorte que désormais la médecine libérale que nous avons tous connue disparaisse ! On verra quelle médecine nous aurons sur notre territoire !

Mon groupe votera bien évidemment contre tous ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.

M. Vincent Segouin. Pour avoir écouté les arguments de M. le rapporteur, je comprends qu’il est très préoccupé par le message que nous allons envoyer aux médecins et par leur confort. (Mme Florence Lassarade proteste.)

Je ne veux pas faire de polémique, je ne suis pas ici pour cela. Cependant, on a tendance à oublier que 15 % des personnes n’ont pas de médecin. Tous les groupes le répètent depuis deux jours, et cela dure depuis plus de dix ans.

Mme Éliane Assassi. Il faudrait le dire au moment du PLFSS !

M. Vincent Segouin. Et nous ne trouvons pas de solution.

Ce matin, en nous réveillant, nous avons entendu que les urgentistes sont en grève. Je veux préciser que s’il y a maintenant autant de monde dans les services d’urgence, c’est parce que ces personnes n’ont pas de médecin. Les urgences sont bloquées, débordées alors que de nombreux cas qui leur sont soumis ne relèvent pas de leur domaine. Tout le système est en train de se gripper. Or la préoccupation majeure de cette assemblée, c’est de préserver le confort des jeunes étudiants en médecine.

Notre discussion ne va pas dans le bon sens, car elle ne pense pas aux Français !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. J’ai entendu tous les arguments développés – avec un certain nombre d’excès d’ailleurs. Laisser entendre, par exemple, que la profession ne serait plus libérale si on imposait pendant trois ans au jeune médecin d’être affecté dans un milieu sous-dense me paraît un peu exagéré et peu conforme à l’idée que je me fais de la sagesse du Sénat.

Il est indéniable que l’on a, au cours des années, tout essayé en préservant la liberté des médecins. On a tenté l’incitation, mais on s’est aperçu, à chaque fois, que cela ne donnait pas de résultats.

Aujourd’hui encore, un certain nombre de pistes ont été tracées ; on nous laisse entendre qu’il y aurait cette fois de l’espoir. Je crois pour ma part que le résultat sera reporté indéfiniment, que nous ne serons pas plus satisfaits qu’aujourd’hui et que nos campagnes vont se désertifier encore davantage.

Les discours que j’ai entendus sur ce sujet montrent en tout cas que, si nous ne résolvons pas le problème de la désertification médicale de nos territoires ruraux, nous aurons du moins accompli un exploit, et ce à plusieurs reprises : nous aurons montré combien de virtuosité et de rhétorique le Sénat est capable de déployer pour expliquer, à chaque nouvelle proposition, que ce n’est pas possible.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je m’étonne que certains parlementaires s’offusquent de communiqués de presse qui commentent nos décisions. Je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait pas commenter les choix des sénatrices et des sénateurs que nous sommes. Toutes les décisions font l’objet de commentaires, y compris celles du Gouvernement. C’est ainsi, c’est la vie démocratique !

Je veux quand même apporter de la précision à ce débat. Mon groupe a déposé un amendement, présenté par Cathy Apourceau-Poly, visant à tenter une expérimentation.

Nous sommes favorables à la présence d’une médecine de ville au côté de la médecine hospitalière. Nous pensons que les deux sont nécessaires et qu’elles sont complémentaires. Je tiens d’ailleurs à redire que le déficit actuel de professionnels de santé et, en particulier, de médecins, touche autant les praticiens libéraux que ceux qui exercent en milieu hospitalier. Voilà la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.

Je veux, mes chers collègues, attirer votre attention sur un point : je pense que les choses ont évolué, y compris dans la Haute Assemblée. Il y a quelques années, notre groupe était presque le seul à proposer certaines mesures coercitives. Une évolution a eu lieu quant à ces mesures : je m’aperçois que, devant l’urgence de la situation, sur toutes les travées de notre assemblée, on se retrouve à essayer de trouver des solutions pour pallier le déficit de médecins.

Il faut pourtant être logique. Notre système de santé doit pouvoir bien marcher sur ses deux jambes, médecine de ville et médecine hospitalière. J’espère que la même unanimité régnera quand il nous faudra prendre des décisions sur les fermetures d’hôpitaux de proximité.

Quand, à l’automne prochain, on soumettra à notre vote le budget de la sécurité sociale, j’espère, mes chers collègues, que vous aurez à l’esprit les conséquences sur vos territoires des budgets de restriction que vous adoptez. On ne peut en effet pas déconnecter la politique menée aujourd’hui en matière de santé sur nos territoires des choix relatifs au budget de la Nation et, singulièrement, de celui de la sécurité sociale.

Il faut donc bien avoir en tête cette architecture si l’on veut défendre effectivement un système de santé qui réponde aux besoins sur tous les territoires. Pardonnez-moi, mais c’est un peu trop facile de défendre des amendements dont on sait pertinemment qu’ils auront une portée limitée si les moyens ne sont pas débloqués ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je suis absolument défavorable aux mesures de coercition ; ce n’est pas une surprise, et je ne répéterai pas les arguments que nous a exposés M. le rapporteur, auxquels je souscris.

Plusieurs choses m’interpellent pourtant.

D’abord, j’ai entendu comparer les médecins aux instituteurs et aux policiers, qui sont des fonctionnaires, et non les membres d’une profession libérale. Se joue ici l’enjeu d’une médecine libérale ou d’une médecine salariée. J’estime que le système de santé français, qui est très bon, repose sur une médecine libérale qui est enviée partout. Reste à la réorganiser !

Par ailleurs, je suis surprise par le pêle-mêle de notre discussion. Depuis hier, on redouble dans cet hémicycle d’idées de mesures : un coup, ce sont des stages, un coup, des formations ; un coup, c’est obligatoire, un coup, ça ne l’est pas ; un coup, c’est pour trois ans, un coup, c’est pour quatre ans…

Dans quelque temps, nous devrons examiner un projet de loi procédant à une réorganisation complète du système de santé ambulatoire. Il est important de l’étudier. Pour ma part, je place de bons espoirs dans les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, qui donnent des outils aux professionnels de santé. Il n’y a rien de plus démocratique que de s’emparer ainsi des outils d’organisation sur les territoires. Cela se fera avec l’aide des collectivités, qui devront absolument se mettre au travail pour rendre leurs territoires attractifs.

Travaillons donc plutôt sur ce projet de loi et perfectionnons ces outils, qui ont un intérêt particulier.

Je veux aussi rappeler que le présent texte comporte une ouverture du numerus clausus, ce qui n’a jamais été fait. J’ai entendu hier, tant sur une partie de la droite que sur une partie de la gauche de cet hémicycle, dire que rien n’était fait dans ce projet de loi. Je m’inscris en faux contre de tels propos.

Il est en revanche certain, madame la ministre, que ce texte aura besoin de moyens. Il va falloir déployer ce plan, qui peut s’avérer efficace, mais il faudra, pour ce faire, mouiller le maillot sur les territoires. C’est ainsi qu’on les fera agir et qu’on parviendra, probablement, à un bon maillage sur chaque territoire et pour chaque patient. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.

Mme Gisèle Jourda. On pourrait sourire de cette situation si elle n’était pas si triste. D’abord, il ne faut pas nous caricaturer les uns les autres. Pourquoi intervenons-nous dans ce débat ? Certains collègues l’ont bien dit : nous sommes la voix de la ruralité.

Que constatons-nous ? Alors que les lois s’enchaînent au fil du temps, nous voyons dans nos départements – je le remarque dans le mien, mais j’ai entendu mes collègues raconter des histoires similaires –, en tout cas, dans la région Occitanie, les territoires hyper-ruraux se vider de tous les services publics et de tous les services de santé. On a vu les hôpitaux s’éloigner : il n’y a plus que deux centres hospitaliers dans mon département, et les centres hospitaliers secondaires ne traitent pas les urgences. Certains territoires se trouvent à trente-cinq minutes d’un médecin : il n’y a plus de médecins généralistes, les cabinets ferment leurs portes et les pays se meurent.

Si nous avons déposé ces amendements, ce n’est pas du tout pour punir les médecins ; c’est parce que nous avons envie de médecins. Nous avons des territoires attractifs. Certains maires se sont battus et ont endetté leur commune pour créer des maisons de santé, mais les médecins n’y sont que de passage, ils ne restent que six mois !

Nous souhaitons que les médecins demeurent plus longtemps sur nos territoires : nous avons fixé une période de trois ans, afin qu’ils puissent appréhender la culture de ces territoires ruraux et leur tissu social et environnemental. C’est ainsi qu’ils pourront s’implanter, tout simplement ! Il n’est question de punir personne !

Ma chère collègue, vous avez rejeté la comparaison entre les médecins et les policiers, qui sont des fonctionnaires, mais les infirmiers libéraux ont eux aussi des obligations, de même que les kinésithérapeutes. Or ils sont restés sur nos territoires. Je ne vois donc pas en quoi ce serait une punition de demander à des médecins, que nous aimons et que nous respectons, de venir repeupler nos territoires. Cela permettrait au tourisme de se développer et aux populations autochtones de demeurer sur des territoires de vie ruraux qui reprennent corps, avec l’installation de nouvelles populations.

Je vous demande donc de soutenir ces amendements, mes chers collègues, d’autant qu’ils ont un caractère seulement expérimental. Tentons-le ! Nous n’essayons rien ; apparemment, nous avons des positions figées. Je demande par ailleurs à certains d’entre vous de sortir de leur corporatisme et de prêter attention à l’universel et à l’intérêt général. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. J’ai reçu plusieurs autres demandes de parole pour explication de vote. Chacun aura droit à la parole, mais je tiens à rappeler que le débat a déjà eu lieu hier, pendant trois heures, et que beaucoup d’arguments ont été développés.

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je prends d’autant plus volontiers la parole, monsieur le président, que je ne me suis pas exprimée hier.

J’entends les propos de mes collègues, nous entendons les mêmes propos sur nos territoires. Nous sommes tous, en effet, à l’écoute des maires. Dans la région Pays de la Loire, nous leur avons adressé un questionnaire sur les problématiques de la ruralité : il s’est avéré que l’accès aux soins et l’accès au numérique étaient les deux inquiétudes principales des élus.

Je veux toutefois rappeler que ce n’est pas un problème uniquement rural, car il se pose aussi parfois dans les villes. Dans le département de la Mayenne, que connaît bien Élisabeth Doineau, on rencontre de grosses difficultés à la préfecture, Laval ; en revanche, les choses vont très bien dans un coin de ce département où s’est opérée, il y a très longtemps déjà, une prise en compte par les médecins eux-mêmes et, plus largement, par tous les professionnels de santé, de ces problématiques et où est née une volonté de travailler en exercice coordonné. Véronique Guillotin et moi-même avons aussi pu constater un tel phénomène lorsque nous sommes allées dans la Meuse : plus de 50 % des médecins sont maîtres de stage et pratiquent en exercice coordonné : de ce fait, de nouveaux médecins s’installent dans ces zones.

J’estime donc qu’il faut laisser s’exprimer les initiatives locales des élus et des professionnels de santé. C’est ainsi qu’on parviendra à trouver, au sein de chaque territoire, un système qui fonctionne.

Il est vrai qu’on est aujourd’hui dans le creux de la vague ; c’est pourquoi la solution consistant à s’en remettre à ceux qui finiront leurs études dans quelques années, quand on en sera sorti, ne saurait fonctionner.

On ne peut pas gérer la pénurie par la coercition. Le cas des médecins est différent de celui des autres professionnels de santé, tels que les infirmiers, dont le nombre était important et qu’il fallait donc réguler. Mais citez-moi seulement, mes chers collègues, des zones sur-denses dans vos territoires : moi, je n’en connais pas !

Il faut donc, à mon sens, en rester sur ce point à la solution actuelle : une foultitude de moyens permettant d’améliorer les choses pendant ces années difficiles. Les CPTS peuvent y contribuer, quand elles sont laissées à l’initiative des acteurs locaux.

Quant aux étudiants en médecine, dont nous subissons quelque peu la pression depuis quelques jours, je ne leur jette pas la pierre. On nous dit que leurs études coûtent cher, mais cette remarque concerne tous les étudiants, quels qu’ils soient. Rappelons simplement que les étudiants en médecine travaillent dur au cours de leur première année, mais aussi par la suite ; ils font vivre les hôpitaux de leur travail. Dès lors, je trouve difficile à avaler qu’on les considère, somme toute, comme des nantis par rapport aux autres étudiants ; je pense qu’ils ne méritent pas cela.

En revanche, il serait bon qu’ils soient réceptifs aux dispositions que nous avons proposées pour que, en dernière année de leurs études, ceux qui se destinent à la médecine générale,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Catherine Deroche. … et non pas ceux qui s’orientent vers des spécialités, puissent se tourner vers les territoires en difficulté qui seront leur lieu d’exercice futur. Cela, j’y suis favorable ! (Mme Florence Lassarade applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous ne prenez pas tout à fait la mesure de ce qui est en train de se passer dans nos territoires.

Nous examinons depuis hier des amendements similaires, mais rien n’est fait pour essayer de régler le problème. On n’a plus de médecins traitants, on n’a plus de médecins de ville ! Il ne se passe pas une journée sans que, en tant qu’élus, nous ne recevions des coups de téléphone de familles, de personnes qui nous demandent comment faire. Ils ont des enfants, mais ils n’ont plus de médecin traitant.

Alors, je veux bien admettre tout ce qu’on veut, mais il faut quand même, au bout d’un moment, prendre la mesure de ce qu’on est en train de vivre sur nos territoires.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à l’imposition de mesures coercitives, mais nous avons défendu un amendement, quelque peu différent des autres, par lequel nous proposons à la fois une mesure d’incitation et l’évaluation future de cette mesure. C’est toujours pareil : on prend bien souvent des mesures sans ensuite les évaluer. Or nous pouvons quand même le reconnaître : de toutes les mesures adoptées jusqu’à présent, aucune n’a fonctionné !

Je suis assez d’accord avec ma collègue Laurence Cohen : aujourd’hui, quand il n’y a plus de médecine de ville, plus de médecins traitants, que font les gens ? Ils se rendent aux urgences, qui sont complètement encombrées. J’habite Avion, dans le Pas-de-Calais, tout près de Lens : ce phénomène y est si développé que certains médecins urgentistes sont aujourd’hui en burn-out ; ils n’en peuvent plus. Il y a des démissions en cascade, et les urgences ne pourront peut-être pas ouvrir pendant la période estivale faute d’un nombre suffisant de médecins pour les faire fonctionner.

Quand d’aussi larges populations – 250 000 habitants, en l’occurrence – n’ont plus de service d’urgence ni de médecine de ville, je ne vous dis pas ce que cela va donner si l’on ne prend pas la mesure de la situation ! (Mme Michelle Gréaume applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je peux comprendre ces amendements, du fait de la pénurie de médecins que l’on observe dans nos territoires. Elle n’a d’ailleurs rien à voir avec le dynamisme de ces territoires : il y a des territoires ruraux ou périurbains qui se développent, mais qui manquent quand même de médecins. Pourquoi une telle situation ? On paie aujourd’hui les choix faits il y a une vingtaine d’années autour du numerus clausus. En outre, la vie que souhaitent mener les médecins à l’heure actuelle est différente, d’autant que la féminisation de la profession est beaucoup plus importante.

Une solution était possible, à savoir la proposition qu’a faite tout à l’heure M. le rapporteur. Il a reparlé de l’article 2 et de la possibilité d’envoyer en pratique ambulatoire les étudiants en dernière année de troisième cycle, après neuf ans d’études de médecine. Ils seraient encadrés par un maître de stage ou par un médecin référent.

Il ne faut pas dire, comme cela a été écrit dans la presse, que nous bradons l’instruction des futurs médecins : c’est complètement faux ! Certes, il faut peut-être encadrer ces stages, les mettre en place prudemment, mais cette proposition tout à fait intéressante pouvait régler une grande partie des problèmes dans les zones sous-denses.

Alors, je comprends tout à fait les auteurs des présents amendements, puisqu’on va assister à une véritable catastrophe dans nos territoires ruraux. Je pense néanmoins que, si les dispositions que j’ai évoquées étaient mises en place, de manière coordonnée avec les CPTS, les projets territoriaux de santé et l’hôpital, on pourrait alors résoudre, tranquillement, une grande partie de ces problèmes.

C’est pourquoi, même si je comprends ces amendements, dont l’esprit est beaucoup plus coercitif, je ne les voterai pas.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je comprends l’émotion, je comprends l’insatisfaction et je comprends même la colère, parce que chacune et chacun d’entre nous subit la pression des élus, de nos concitoyens et, surtout, de ces patients qui n’ont pas de médecin traitant.

Je sais que vous comprenez aussi cette colère, madame la ministre, mais vous savez bien que les mesures que vous proposez, et qui sont proposées depuis des années, ne donneront pas le résultat que vous escomptez. En effet, on sait très bien que les jeunes médecins sont aujourd’hui très peu nombreux – 3 % seulement – à vouloir exercer seuls ; ils ne remplaceront donc pas le médecin du village qui partira.

Je veux rappeler que les étudiants en médecine reçoivent énormément de propositions à la fin de leurs études : ils peuvent devenir médecins pour la PMI, la protection maternelle et infantile, médecins dans les industries, médecins scolaires, ou encore médecins du travail. Ils ne choisiront donc pas forcément de s’installer dans les territoires les plus dépeuplés.

Je le regrette autant que vous, mes chers collègues, mais si l’on instituait des mesures coercitives, comme vous le proposez, ils feraient encore plus ce choix : après neuf ans d’études, quand ils auront une vie familiale et un conjoint qui travaille dans la ville où ils ont fait leurs études, ils ne parcourront pas forcément des kilomètres pour aller dans vos territoires.

En revanche, je veux souligner que les territoires qui ont réfléchi très en amont à ces sujets s’en sortent progressivement. Je donnais hier l’exemple de l’Aveyron : regardez ce qu’a fait ce département, c’est extraordinaire !

Dans nos départements, on subit une pénurie de médecins dans les campagnes, mais aussi dans les villes. L’exemple de Laval, qu’évoquait Catherine Deroche, est instructif. Effectivement, nous y avons mis en place une sorte de cabinet éphémère ; il est tenu par des médecins maîtres de stage universitaires, qui sont en cumul emploi-retraite ; ils forment les jeunes médecins qui s’installeront, dans quelques années, dans les maisons de santé pluridisciplinaires.

Alors, je crois qu’il faut faire des efforts, mais il faut les faire tous ensemble. Il faut travailler, il faut mouiller le maillot, comme disait Véronique Guillotin, mais je ne voudrais pas entendre dire qu’il n’est rien fait : si vous allez sur le site du Gouvernement, vous constaterez une hausse de 17 % du nombre de maîtres de stage universitaires. (Mme Sophie Joissains applaudit.)