Mme Nadia Sollogoub. Pour ma part, je voterai contre cet amendement. Les feuilles d’indemnité des élus, aujourd’hui, ressemblent trop à des feuilles de paie. Il faut absolument qu’un débat soit ouvert sur ce sujet ; on ne peut pas en rester là.

Je me félicite que l’on ait parlé de tous les élus qui ne touchent strictement aucune compensation ; nous devons absolument nous poser la question de ce que coûte l’exercice du mandat, sachant que beaucoup d’autres élus ne perçoivent qu’une indemnité très faible.

Par ailleurs, en quoi le fait d’avoir un statut empêcherait-il le bénévolat ? On sait très bien que, de toute manière, les élus vont toujours au-delà de ce qu’on leur demande et se montrent disponibles jour et nuit.

Je suis très contente que le débat s’installe. Il faut que nous regardions les choses en face : on ne peut pas en rester là, en laissant les élus, en particulier ceux des petites communes, dans la situation qui est la leur actuellement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je vais reprendre ce que j’ai dit lors de mon intervention sur l’article, différemment ; ce sera peut-être plus clair.

Il y a bel et bien un débat, qui traverse tous les groupes, en fonction des expériences de chacun, sur ce que l’on entend, aujourd’hui, par « gratuité ». Mais l’article 1er, tel qu’initialement rédigé, n’a pas pour seul objet de revenir sur le principe de la gratuité : il vise d’abord à créer un statut de l’élu territorial.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Territorial ou communal ?

Mme Cécile Cukierman. À entendre les interventions lors de la discussion générale, tout le monde s’accorde à dire qu’instaurer un tel statut répond à une nécessité. Or l’adoption de cet amendement mettrait fin au débat. En revanche, s’il est rejeté, nous pourrons discuter des amendements nos 27 rectifié, 28 rectifié, 30 rectifié et 29 rectifié, qui me paraissent satisfaisants en tant qu’ils maintiennent l’inscription dans la loi d’un statut de l’élu territorial. Il restera ensuite à examiner les amendements nos 26 rectifié et 55 rectifié bis, qui portent sur la gratuité du mandat.

Je vous remercie, monsieur le président de la commission des lois, d’avoir fait référence à l’héritage de la Révolution française. Sur ces bases, je pense que nous pourrons avancer ensemble.

Quoi qu’il en soit, voter cet amendement reviendrait à refuser la création d’un statut de l’élu territorial. Il dépend de nous que le débat puisse se poursuivre, ce qui offrira l’occasion au Sénat rassemblé d’interpeller le Gouvernement, afin que la création du statut de l’élu territorial, dont tout le monde nous parle dans nos circonscriptions, soit réellement inscrite dans le projet de loi annoncé pour le mois de septembre.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Mme Gréaume fait erreur, me semble-t-il : l’alourdissement de la fiscalisation des indemnités des élus date de la loi de finances de décembre 2016, c’est-à-dire du précédent quinquennat. C’est le report du prélèvement à la source qui l’a rendu particulièrement douloureux. Je donne cette précision factuelle pour bien mettre en lumière la responsabilité du gouvernement de l’époque.

M. Pierre-Yves Collombat. Le gouvernement actuel mène la même politique !

M. François Bonhomme. Sur la question du principe de gratuité, la difficulté pour trancher tient au fait que nous sommes dans un entre-deux : la fonction d’élu local n’est ni une activité salariée ni une activité tout à fait bénévole. Des dispositifs existent pour tenter de compenser de manière juste l’engagement des élus locaux, à proportion du degré de responsabilité qui est le leur, sachant que, parmi les 580 000 élus locaux, on trouve une grande diversité de situations.

Ce qui me gêne dans l’éventuelle suppression du principe de gratuité, c’est qu’elle fait peu de cas de l’espèce de gratification symbolique qu’une partie de nos élus locaux retirent du fait de se donner bénévolement corps et âme pour la population. Il y a là une autre forme de rétribution, symbolique certes, mais qui compte.

Si l’on supprime le principe de gratuité, que dira-t-on aux 450 000 élus locaux qui, aujourd’hui, ne touchent aucune indemnité ? Une telle décision s’inscrirait difficilement dans la culture politique qui est la nôtre, et il serait dommage d’envoyer un mauvais message à nos élus locaux, quand bien même nous estimons tous nécessaire de revaloriser les indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants. J’espère que cette question sera traitée au mois de septembre.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour explication de vote.

Mme Agnès Canayer. Nous avons tous ici le même objectif : faire en sorte que les élus locaux bénéficient de la juste reconnaissance de leur engagement au quotidien, dans nos communes notamment, et surtout favoriser, dans la période de blues que traversent nombre d’entre eux, un tel engagement, afin qu’il ne soit pas essentiellement le fait de personnes disposant de davantage de temps et de moyens que les autres pour se consacrer à l’exercice d’un mandat, à l’instar des retraités.

Nous avons tous le même objectif, donc, mais nous ne prônons pas les mêmes moyens pour l’atteindre. Je suis convaincue, pour ma part, que ce n’est pas l’instauration d’un statut, enfermant l’élu dans un cadre rigide, qui permettra de réaliser notre ambition commune. La reconnaissance de l’élu passera plutôt par des principes, par une charte, ainsi que par des solutions concrètes.

Pour ce qui concerne la gratuité, j’y suis particulièrement attachée : c’est ce qui fait le sel de notre démocratie. Cet engagement citoyen des élus qui, au quotidien, donnent de leur temps et de leur cœur au service de l’intérêt général, c’est ce qui fait la force de leur mandat. Une rémunération viendrait amoindrir cette force de l’engagement municipal. La gratuité du mandat est inscrite dans notre histoire et notre patrimoine démocratiques. Elle revêt d’autant plus d’importance aujourd’hui, me semble-t-il, que nous travaillons tous, dans nos communes, à faire en sorte que de nombreux citoyens, en particulier des jeunes, s’engagent eux aussi bénévolement. L’engagement associatif et le bénévolat sont essentiels à la vie de nos communes. Nous enverrions un très mauvais signal en professionnalisant la fonction d’élu.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Nous nous heurtons, en définitive, à la diversité du monde des élus et de ceux qui aimeraient accéder à des fonctions électives mais ne se porteront pas candidats parce qu’ils ont besoin d’exercer une activité professionnelle rémunérée pour vivre.

En réalité, quand on envisage d’exercer un mandat électif, on s’interroge aussi sur la capacité que l’on aura d’en vivre. Cela me choque d’entendre dire que, une fois devenu maire, on doit se déclarer « sans profession » parce que l’on vit de cette fonction ! Ce n’est pas reconnaître la réalité du vécu des élus.

J’ai lancé une consultation de tous les maires de Loire-Atlantique sur la base des conclusions et des recommandations du Sénat sur ce que pourrait être le statut des élus. Les réponses ont été claires : la rémunération et les indemnités sont un problème de fond, à côté de la question du statut ! La grande majorité des élus le disent et l’écrivent – vous trouverez sur mon site internet les documents relatifs à cette consultation.

Je considère pour ma part qu’il faut reconnaître la réalité pour ce qu’elle est : l’exercice d’un mandat est de plus en plus complexe, il exige de plus en plus de technicité et expose de plus en plus, sur le plan juridique, à des risques de toute nature. Nous ne pouvons donc pas faire comme si ce qui était vrai hier continuait à l’être, sauf à renoncer à notre fonction de parlementaires et à laisser les choses en l’état, en niant la réalité vécue par les élus aujourd’hui. L’élu doit être de plus en plus disponible, ne serait-ce que pour participer aux multiples réunions liées à la création des intercommunalités.

Les situations sont très diverses. J’entends bien ce que dit mon collègue et ami Alain Marc, à savoir qu’il est exclu que les petites communes puissent rémunérer l’ensemble de leurs élus, mais un tel état de fait est-il juste ? Ne faut-il pas instaurer une indemnité minimale ? Dans mon département, 56 % des maires estiment que tous les élus doivent bénéficier d’une reconnaissance indemnitaire.

Beaucoup de maires déplorent une baisse rapide de l’assiduité aux réunions de commission, voire du conseil municipal.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Joël Guerriau. Le problème a été justement posé par nos collègues du groupe CRCE ; pour ce qui me concerne, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Nous vivons une période où les fonctions électives sont assez difficiles à exercer et alimentent beaucoup de suspicions. Ainsi, les parlementaires que nous sommes seraient trop payés. Quant aux maires, n’entendons-nous pas dire, y compris dans les petites communes, que leur engagement serait motivé par un intérêt personnel ?

Comme l’a fort bien dit Agnès Canayer, aller vers l’instauration d’un salaire pour les maires reviendrait aujourd’hui à envoyer un bien mauvais signal.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais bien sûr…

M. Alain Marc. Ce n’est pas le moment, dans la crise de la démocratie que nous vivons, de s’engager dans cette voie.

Le principe de gratuité doit être, à mes yeux, intangible. Ce n’est pas en le supprimant que nous restaurerons la confiance dans notre démocratie. Pour cela, il faut beaucoup expliquer, faire de la pédagogie. Contrairement à ce qu’a dit mon ami Joël Guerriau, les maires n’ont jamais demandé à être mieux indemnisés : ils disent simplement que la rémunération des élus est un vrai sujet. Dans l’Aveyron, aucun des maires et des conseillers municipaux que je connais ne souhaite être élu pour toucher une indemnité ! Ce sont bien souvent des personnes qui, après un parcours associatif, ont envie de s’engager encore plus pour leur petite cité, au bénéfice de la population.

Je reste persuadé qu’il faut en rester à la gratuité de la fonction d’élu.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Que l’on me permette de donner lecture de l’objet de cet amendement : « L’élu municipal rend un service à la collectivité. Il n’est pas un professionnel. » Tout est dit ! Qui dit professionnalisation dit fiscalisation ! On s’engage alors sur un terrain très glissant.

Mme Éliane Assassi et M. Pierre-Yves Collombat. Mais c’est déjà le cas !

Mme Sylvie Goy-Chavent. N’en rajoutons pas une couche !

Je le rappelle, le maire d’une commune de moins de 500 habitants touche 661 euros bruts par mois pour être corvéable à merci sept jours sur sept… Je ne parlerai même pas des adjoints, pour qui c’est la double peine : ils perçoivent un pourcentage de l’indemnité de maire, de surcroît revu à la baisse à proportion de la taille de la commune. Plus la commune est petite, moins ils touchent ! Il faut remettre les pendules à l’heure : si vous pensez que les maires s’engagent pour gagner de l’argent, vous n’avez rien compris !

Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman. Ce n’est pas le sujet !

Mme Michelle Gréaume. Nous n’avons jamais dit ça !

Mme Sylvie Goy-Chavent. La très grande majorité des maires sont à la tête de toutes petites communes. L’indemnité représente pour eux un défraiement : elle paie l’essence nécessaire pour se rendre en réunion, les timbres, le téléphone… Ils ne souhaitent pas qu’elle devienne un salaire, car le regard des gens deviendrait négatif. Ils veulent conserver cette gratuité qui s’attache à leur fonction.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Cette proposition des communistes me ravit, parce que j’en imagine les suites ! Une fois les élus professionnalisés, ils pourront se syndiquer ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Pierre-Yves Collombat. Vive le collectivisme !

Mme Éliane Assassi. Et adhérer au parti communiste !

M. Jean-Pierre Grand. L’avantage avec les communistes, c’est qu’ils pensent à tout !

Je suppose que vous prévoyez que, à l’avenir, quand les électeurs, autant dire les actionnaires, décideront de renvoyer les élus dans leurs foyers, ceux-ci auront droit au chômage ? (M. André Reichardt rit.)

Finalement, vous êtes dans le droit-fil de ces professionnels de la politique dont les Français ne veulent plus ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Éliane Assassi. Un peu d’humilité, quand même !

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Je voudrais, après ma collègue Cécile Cukierman, appeler l’attention sur le fait que le premier élément de cet article 1er est la création d’un statut de l’élu territorial. J’ai écouté attentivement toutes les interventions lors de la discussion générale. Chacun a dit, avec ses mots, qu’il fallait faire quelque chose pour soutenir les élus locaux. C’est ce que nous proposons au travers de cet article.

Pouvons-nous au moins nous accorder sur ce point, avant d’ouvrir le débat, tout à fait légitime et intéressant, sur la manière d’exprimer ce soutien aux élus, y compris sur le plan financier ? Il importe d’adresser un signal aux élus locaux, dont la mission est extrêmement difficile, chacun l’a souligné, et qui ont le blues dans le meilleur des cas, quand il n’éprouve pas une désaffection à l’égard de leur fonction, pour diverses raisons.

Nous devons également adresser un signe au Gouvernement, dont le représentant ce soir, le ministre Lecornu, vient de rappeler qu’il est en train de travailler sur cette question. Le Sénat veut-il signifier au Gouvernement, en adoptant cet amendement, qu’il n’est point besoin d’un statut de l’élu territorial ?

Nous proposons au contraire à nos collègues de rejeter l’amendement de suppression, pour que nous puissions débattre de l’article 1er, qui pourra être modifié au fil de la discussion des amendements. Vous avez raison, chers collègues : les élus des petites communes sont encore moins soutenus que ceux des grandes communes. Alors ouvrons le débat sur cet article 1er, qui prévoit la création d’un statut de l’élu territorial.

Je sais que le mot « statut » évoque les syndicats et d’autres choses toutes plus horribles les unes que les autres aux yeux de certains, mais il est nécessaire de sécuriser les élus locaux : c’est une demande puissante qui s’exprime aujourd’hui dans la société, et nos concitoyens sont prêts à la soutenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Je suis tout à fait surpris que l’on continue à parler de gratuité. La gratuité de la fonction d’élu local, cela n’existe plus ! Les élus locaux sont non pas des bénévoles, mais des personnes qui remplissent une mission confiée à elles par les électeurs et qui perçoivent à ce titre une juste indemnité.

Certes, dans le cas des petites communes, on peut s’interroger sur les montants attribués aux maires et aux adjoints et se demander s’il est légitime d’indemniser les conseillers municipaux.

Je défends l’idée d’instaurer un statut. Cela devrait théoriquement permettre, à l’avenir, d’éviter aux maires d’avoir à faire voter, après chaque renouvellement du conseil municipal, des montants indemnitaires dont le mode de calcul est totalement illisible. Certains maires, éprouvant une forme de sentiment de culpabilité, décident de n’en percevoir qu’une partie, en fonction de leur situation professionnelle. Le statut devrait permettre aux maires de toucher un montant indemnitaire précis, sans qu’il soit besoin d’en passer par un vote.

Par ailleurs, je ferai observer que l’augmentation de 40 % des indemnités des maires des communes de plus de 100 000 habitants n’a pas suscité un tel débat ! On n’a pas parlé, alors, de professionnalisation ! Par comparaison, les maires des petites communes, qui assument de lourdes tâches et dont l’indemnité n’a pas été revue à la hausse, se trouvent fortement pénalisés. On gagnerait à éclaircir cette question de l’indemnisation des élus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. L’élu s’engage dans la vie de la cité, selon la définition même du mot « politique ». Qui dit salaire dit fonction : on entre alors dans un système de fonctionnariat, ce qui emporte, à terme, une fiscalisation, la perception de cotisations pour la retraite et une indemnisation du chômage en cas de non-réélection. La notion d’indemnisation me paraît tout à fait appropriée et préférable.

Aujourd’hui – il me semble important de le répéter –, l’indemnité du maire d’une commune de moins de 500 habitants s’élève à 661 euros bruts. Qui est prêt à renoncer à la moitié de sa rémunération, voire davantage, pour 661 euros bruts ? Il faut donc plutôt travailler sur la revalorisation des indemnités des maires des petites communes, qui ont aujourd’hui beaucoup de mal à assumer leur mandat tout en exerçant une activité professionnelle.

Enfin, qui est le patron du maire, sinon l’électeur, qui peut toujours décider de ne pas le reconduire au terme de son mandat ? À quelques mois des élections municipales, il importe de revaloriser l’indemnité du maire pour renforcer l’attractivité de la fonction.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je veux y insister, la question du statut de l’élu territorial ne se réduit pas à celle de l’indemnité. Pour les salariés du privé, croyez-vous qu’il soit facile de s’engager dans un mandat électif ? Il n’existe pas aujourd’hui de garanties de retour à l’emploi au terme de celui-ci. Nous sommes bien placés pour le savoir, il est très difficile pour un ancien salarié de retrouver un emploi après avoir exercé la fonction d’élu, qui n’est pas une profession. Il faut donc créer de telles garanties.

La création d’un statut de l’élu territorial recouvre donc toute une série de problématiques. On peut débattre des modalités d’indemnisation, mais ce n’est que l’un des aspects de la question. Si nous supprimons l’article 1er, nous tuons le débat dans l’œuf, alors que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut l’ouvrir.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je voudrais d’abord dire à notre collègue Fichet que nous avons souhaité traiter la question des indemnités, surtout s’agissant des communes les moins peuplées.

Je remercie Mmes Brulin, Cukierman et M. Laurent : leurs interventions soulignent en creux le fait que la commission et son rapporteur n’ont pas déposé d’amendement à l’article 1er,…

Mme Éliane Assassi. Contrairement à Alain Marc !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … afin de laisser prospérer le débat sur la question du statut de l’élu territorial ou communal. Il ne m’appartient pas de demander à M. Marc de retirer son amendement,…

Mme Éliane Assassi. Bien sûr que si !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. … mais nous sommes tout à fait enclins à poursuivre la discussion sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je voudrais, pour contribuer à la clarification du débat, répondre à certains intervenants.

Au fond, monsieur Collombat, ce qui nous sépare n’est pas si profond. Il me semble, pour ma part, que ce débat sur la gratuité aurait aussi bien pu ne pas avoir lieu, car les positions que nous défendons, les uns et les autres, sur cette question sont finalement avant tout des positions de principe.

Je le dis en toute sincérité, votre raisonnement par assimilation des indemnités à des traitements ou salaires ne tient pas. Selon vous, il serait étayé par le fait que l’impôt sur le revenu s’applique à ces indemnités.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce sont des revenus !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Les revenus du patrimoine, les bénéfices non commerciaux, les bénéfices agricoles ne sont pas des revenus du travail,…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce ne sont pas des indemnités !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … et pourtant ils sont imposés ! Même des revenus occultes, dont l’origine n’est pas identifiée, sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre des signes extérieurs de richesse. Les revenus de la prostitution, par exemple, donnent lieu à la perception de l’impôt sur le revenu. Or, à ma connaissance, ce ne sont pas des salaires ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Sur le plan de notre droit positif, il n’est pas possible d’assimiler à un traitement ou à un salaire les indemnités des élus au seul motif que ces indemnités sont soumises à l’impôt sur le revenu.

Il est en effet regrettable, monsieur Guerriau, que les formulaires de l’Insee ne comportent pas une case « autres » pour les titulaires d’un mandat de maire, de sénateur ou de député, mais ce n’est pas une raison suffisante pour cocher la case « salarié » ou la case « fonctionnaire » quand on ne l’est pas !

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, et M. le ministre est revenu sur ce point, la liberté de l’élu tient aussi au fait qu’il n’est pas le salarié ou l’agent fonctionnaire de la commune. Cette liberté, nous y tenons : tout mandat impératif est nul. Une fois que vous êtes maire, vous êtes libre. Cela ne veut pas dire que vous pouvez faire n’importe quoi, cela veut dire que vous agissez en conscience.

Enfin, je voudrais souligner que la dimension pratique de notre débat ne doit pas être perdue de vue. Ce matin, en commission des lois, sur l’initiative de notre rapporteur, M. Mathieu Darnaud, nous avons adopté un amendement visant à améliorer l’indemnisation des élus des communes peu peuplées.

M. Jean-Marc Boyer. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous pensons que l’engagement de ces élus locaux se rapproche en réalité, dans certains cas, d’un plein temps et mérite d’être mieux reconnu à travers le montant de l’indemnité. Plus la commune est petite, moins elle dispose de services techniques, ce qui contraint le maire et son adjoint aux travaux à être derrière les artisans quand on refait les huisseries de l’école ou de la mairie. Cela représente beaucoup de travail pour les élus locaux. J’estime qu’une meilleure reconnaissance est nécessaire, bien que je sois conscient que tenir de tels propos n’est pas toujours très populaire…

M. André Reichardt. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Selon l’un de nos collègues, les électeurs seraient les patrons des maires : non, pas du tout ! Le maire est son propre patron. Il travaille sous le regard de ses concitoyens, qui peuvent, le moment venu, ne pas renouveler son mandat, mais sa responsabilité est pleine et entière, et il ne saurait être qualifié de subordonné, même de ses électeurs.

Enfin, comme M. Mathieu Darnaud, je suis sensible à la demande de retrait de l’amendement n° 41 rectifié bis exprimée par plusieurs de nos collègues du groupe à l’origine de la proposition de loi. Cela permettrait, nous expliquent-ils, la tenue d’un débat approfondi sur les autres dispositions de l’article 1er, que l’adoption éventuelle de cet amendement de suppression évincerait de la discussion. Je comprends cette attente du groupe CRCE et je n’hésite pas à demander moi aussi à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer, non pas que je sois en désaccord avec la suppression proposée, mais tout simplement pour permettre au débat sur le fond d’avoir lieu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames les sénatrices Brulin et Cukierman, vous avez raison : l’article 1er ne soulève pas uniquement la question du principe de gratuité, sur laquelle je reviendrai dans un instant. Il pose aussi celle de la création par la loi d’un statut de l’élu territorial. Ma réponse est claire : ce statut, nous devons l’écrire.

M. Sébastien Lecornu, ministre. D’ailleurs, MM. Darnaud et Bockel ne disent guère autre chose dans leur rapport intitulé Faciliter lexercice des mandats locaux : enjeux et perspectives. Le Président de la République non plus quand il annonce, lors de la conférence de presse faisant suite au grand débat, vouloir donner aux élus locaux un statut « digne de ce nom ». Il ne m’appartient pas, en ma qualité de membre du Gouvernement, de donner une indication quelconque au sénateur Alain Marc sur l’opportunité de retirer son amendement afin de permettre la poursuite de la discussion, mais le projet de loi que je vous présenterai au mois de septembre prochain non seulement écrira ce statut, mais surtout lui donnera du corps, en entrant dans le détail. S’il ne comporte pas des éléments très concrets et en reste à des invocations, cela ne mènera à rien.

Je le redis, car c’est important pour la suite de nos discussions, commencer en remettant en cause le principe de gratuité – auquel je suis vraiment très attaché, y compris à titre personnel –, ce n’est pas envoyer un bon signal. Dans cette enceinte, tout le monde aime profondément la démocratie, mais beaucoup de démagogues attendent les élus au tournant : tout leur est bon pour taper sur les élus locaux !

Nous pouvons protéger les élus locaux en réaffirmant la gratuité de leur engagement. Cela ne veut pas forcément dire qu’il est bénévole : il convient de bien définir les termes. Les sauveteurs de la SNSM, à qui je rends ici hommage, sont, eux, complètement bénévoles, parce qu’ils le souhaitent, tandis que les militaires de réserve bénéficient d’une indemnisation non fiscalisée et que les sapeurs-pompiers volontaires sont soumis à un autre régime encore. Se fonder sur des régimes fiscaux qui trouvent parfois leur origine dans des lois de finances vieilles de vingt ou trente ans pour définir des principes régissant l’organisation de notre démocratie locale d’aujourd’hui et de demain me semble quelque peu délicat ; je rejoins sur ce point le sénateur Bonhomme. Même s’il est vrai que le prélèvement à la source a modifié les choses, cela fait des années que les indemnités des élus locaux sont soumises à l’impôt sur le revenu.

Je vous propose donc de mettre de côté la question de la fiscalité, peut-être pour pouvoir mieux la traiter ensuite. En tout cas, il convient de ne pas faire du régime fiscal un postulat pour créer le statut de l’élu.

Le président Bas a raison…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Sur ce point…

M. Sébastien Lecornu, ministre. … de dire que le maire est le patron politique de sa collectivité. Il en va d’ailleurs de même pour un président de conseil départemental ou de conseil régional. Les choses sont plus complexes en ce qui concerne les présidents d’EPCI, un EPCI étant non une collectivité territoriale, mais un établissement public.

Le maire est en même temps agent de l’État, puisqu’il est officier d’état civil et officier de police judiciaire. C’est d’ailleurs ce qui lui donne le droit de porter l’écharpe tricolore. De ce fait, il ne peut être ni le salarié de sa collectivité ni son agent, sauf à écorcher le principe même de l’autonomie de l’élu local.