Mme Maryse Carrère. Cette situation devient absolument inacceptable lorsque les exonérations fiscales permises par l’article 200 du code général des impôts dépassent le montant des subventions accordées. Il s’agit d’une entorse frontale à l’interdiction de financement des cultes. Un peu de cohérence législative serait nécessaire sur ces sujets.

Mme Maryse Carrère. En adoptant l’article 4 tel quel, nous permettrions à l’État de mettre des locaux saisis à la disposition d’associations ou fondations cultuelles, certes reconnues d’utilité publique, mais assurant malgré tout l’exercice et l’enseignement d’un culte.

Aussi proposons-nous – tel est le sens de l’amendement que nous avons déposé à cet article – de supprimer l’article 4 de la loi de 1907, qui permet aux associations de type loi de 1901 d’assurer l’exercice d’un culte à titre dérogatoire.

Il est prévu que les associations concernées aient jusqu’à juillet pour changer leurs statuts et devenir ce qu’elles auraient toujours dû être : des associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Maryse Carrère. J’entends bien que ce que nous vous proposons ici demanderait un débat plus large. Mais c’est un signal que de nombreux membres de mon groupe, attachés au principe de séparation des Églises et de l’État, souhaitaient envoyer, dans la perspective des futurs débats sur la laïcité – il est toujours bon de faire quelques piqûres de rappel.

Dans sa grande majorité, le groupe du RDSE sera favorable à cette proposition de loi, tout en restant vigilant sur le sort accordé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais emboîter le pas de la collègue qui m’a précédée en vous parlant moi aussi des associations cultuelles. Puisque les associations sont des associations, qu’il s’agisse de pêche à la ligne ou de gestion des lieux de culte, il se trouve que la loi est la même pour tout le monde. Si, donc, favoriser le financement des associations est un objectif extrêmement louable, il ne faut pas être naïf pour autant, et je voudrais, à ce titre, faire quelques observations.

Le financement des associations ne peut aller sans transparence. Je sais bien que le travail parlementaire est un travail de répétition ; je vais donc répéter ce que j’ai déjà dit plusieurs fois à cette tribune.

Le dernier rapport de Tracfin contient cette année encore un chapitre entier intitulé « Renforcer la transparence des associations à but non lucratif », relevant des carences dans le fonctionnement du secteur, tout autant que le manque de transparence dans la gestion de certaines associations.

Tracfin réitère un certain nombre de préconisations faites dans de nombreux rapports de mission. Je citerai le rapport n° 388 (2014-2015) du Sénat d’avril 2015 sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, un autre rapport, du Sénat également, déposé le 5 juillet 2016, sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte, ainsi que, pour faire bonne mesure, un rapport de l’Assemblée nationale, extrêmement important, que je vous suggère de consulter, déposé le 6 juin dernier, sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France, où l’on trouve exactement les mêmes préconisations. De ce point de vue, nous sommes sur la même longueur d’onde.

Tracfin suggère de façon itérative – ces suggestions ne naissent évidemment pas avec son dernier rapport – de nombreuses modifications de bon sens. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai, sans beaucoup d’espoir, des amendements qui vont dans le sens de telles modifications, en demandant à la majorité sénatoriale qu’elle renonce à ses hésitations.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Ce n’est pas si simple.

Mme Nathalie Goulet. Il est en effet pour le moins curieux de demander la pleine transparence des associations cultuelles, ainsi que la transparence des associations étrangères, voire l’interdiction de financements étrangers, et de refuser en même temps de voter au Sénat, chaque fois qu’elles sont proposées, des mesures qui vont dans le sens d’un peu plus de transparence.

Il en est ainsi de l’alignement des statuts, dont vient de parler ma collègue, pour ce qui concerne la réglementation financière des associations gérant un lieu de culte placées sous le régime soit de la loi de 1905, soit de celle de 1901.

Monsieur le secrétaire d’État, le 4 octobre 2016, lors de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, le Sénat a adopté, contre l’avis de l’excellente rapporteur Françoise Gatel, un alignement des statuts de 1901 et 1905 dans le cadre de la gestion d’un lieu de culte.

Il en est ainsi des obligations comptables au premier euro de financement public. Il en va ainsi de la création d’un fichier comportant éventuellement le nom des trésoriers et présidents d’association.

Nous péchons par naïveté. Pourtant, nous avons un exemple formidable. Dans son excellent rapport sur la laïcité (Loratrice brandit le document.), l’excellent président Gérard Larcher…

Mme Nathalie Goulet. … déclare ceci : « On peut […] mettre en place autoritairement [ce changement de statut], ou pousser les associations gérant un lieu de culte vers le statut de 1905. Aujourd’hui, c’est plutôt la forme d’association de la loi de 1901 qui est privilégiée par les musulmans. On peut les inciter à adopter le statut de 1905, mais cela peut poser problème vis-à-vis des cultes installés. » Je suis désolée de vous déranger pendant la méditation, mais nous avons un problème d’égalité devant la loi !

Le président Larcher poursuit en ces termes : « On pourrait ainsi inciter toute nouvelle association gérant un lieu de culte à se ranger sous ce statut. Autre niveau d’intervention, on pourrait abaisser, comme le demande Tracfin, le seuil de contrôle des comptes. » Je rappelle qu’il est actuellement établi à 153 000 euros. « Mais je sais l’importance – précise-t-il – de la vie associative en France et cela aurait pour conséquence de soumettre à l’obligation de recours à un commissaire aux comptes toute association loi de 1901. »

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Nathalie Goulet. Bref, il y a des marges de progrès, et j’espère que le Sénat adoptera les amendements que je défendrai tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, les associations sont des acteurs majeurs de la vie publique. Elles contribuent à l’activité sociale, économique, culturelle, patrimoniale et écologique de nos territoires.

Constitué de plus de 1,5 million d’entités, le monde associatif est indispensable dans l’animation de nos villes et de nos campagnes. Il compte environ 2 millions de salariés, soit 5 % du salariat national, pour un volume financier de 110 milliards d’euros.

Les associations sportives, mais aussi les associations d’insertion ou d’aide, comme le réseau Aide à domicile en milieu rural, créent des liens sociaux solidaires dans nos territoires. Ce ne sont pas moins de 16 millions de bénévoles qui agissent, sans être rémunérés, donc, pour l’intérêt général et le bien d’autrui. Cela représente en heures de travail plus de 19 milliards d’euros si on prend le SMIC horaire comme valeur de référence, et plus de 40 milliards d’euros si on compare aux salaires moyens.

Toutes ces personnes consacrent donc gratuitement de leur temps. Elles doivent être soutenues. Il faut apporter plus de souplesse à leur fonctionnement. Tel est l’intérêt que nous voyons dans cette proposition de loi. Je souhaite tout particulièrement saluer à cette tribune le travail de ces bénévoles, leur engagement et leur dévouement, qui est admirable.

Il est naturel que les pouvoirs publics soient des partenaires pour nos associations. Le versement de subventions est la juste reconnaissance de leur contribution dans la mise en œuvre des politiques publiques sur nos territoires.

Ces dernières années, la réduction de la dotation globale de fonctionnement a mis en péril le monde associatif, victime par ricochet de la diminution des moyens financiers dont disposaient les collectivités locales.

La trésorerie des associations est ainsi devenue un enjeu important, leurs fonds propres étant généralement trop faibles, ce qui constitue un frein à leur capacité à innover dans la mise en œuvre d’actions ou de projets.

En ce sens, l’article 1er de la proposition de loi déposée par notre collègue députée Sarah El Haïry constituait une avancée nécessaire. Il devait permettre aux associations de conserver légalement un éventuel excédent trop versé au-delà d’un bénéfice raisonnable, dans la définition de la subvention. Je le rappelle, un excédent doit finalement être restitué.

En effet, les associations disposent en général de peu de fonds propres, ce qui peut constituer un obstacle à leur fonctionnement. Cette situation est liée à leur modèle économique, non capitalistique, et à la nature de leurs activités, essentiellement à but non lucratif.

Dans le cadre de la relation avec les financeurs publics, des solutions peuvent être trouvées pour faire reconnaître et appliquer le principe d’excédent raisonnable.

Cet excédent consiste à conserver une partie des fonds octroyés dans le cadre d’un financement public, pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué relève d’une maîtrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions.

Pour ces raisons, j’ai déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er.

Dans la même optique, l’article 1er bis venait répondre aux besoins de trésorerie des associations. En effet, les associations, notamment les plus petites, peuvent, lorsque la subvention qui leur est attribuée est versée tardivement, faire face à des difficultés de trésorerie. Aussi, cet article avait pour objet d’encadrer les délais de versement des subventions.

À l’instar des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique, le délai de paiement pour l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements était fixé à soixante jours à compter de la notification de la décision d’attribution ou, le cas échéant, de la survenance de l’événement prévu par la convention portant attribution d’une subvention.

J’ai donc déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er bis, supprimé par la commission des lois du Sénat, mais en modifiant toutefois le délai de versement des subventions par rapport à la version issue de l’Assemblée nationale : quatre-vingt-dix jours au lieu de soixante jours, laissant ainsi plus de souplesse pour les collectivités. Il me semble que c’était l’un des points litigieux.

Enfin, je regrette que l’article 4 bis ait été supprimé par le Sénat en commission des lois sous prétexte qu’il contrevenait au droit de regard des communes et instituait une restriction du droit de préemption des collectivités, sachant qu’elles ont toujours le droit de faire une expropriation.

Les donations constituent une source importante d’apports pour les associations et les fondations. À titre d’exemple, entre 2013 et 2015, 35 % des fondations reconnues d’utilité publique ont une dotation allant de 500 000 euros à 17 millions d’euros. Dans de nombreux cas, les immeubles apportés à la dotation sont ceux qui permettent la réalisation de l’objet social de la structure.

L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations avait exclu les biens de ces dernières du champ du droit de la préemption urbaine. Or la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a récrit un article du code de l’urbanisme avec pour effet involontaire de faire disparaître cette mesure et de soumettre de nouveau ces biens au droit de préemption.

Un amendement avait été présenté et adopté en première lecture du projet de loi Égalité et citoyenneté au Sénat. Toutefois, pour des raisons de forme, le Conseil constitutionnel l’avait censuré.

L’article 4 bis, introduit à l’Assemblée nationale, visait donc simplement à corriger les effets de cette suppression malencontreuse. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à le rétablir.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les chiffres concernant le secteur associatif sont éloquents. Les associations sont très présentes dans les territoires. Elles contribuent au maillage de notre cohésion sociale. L’État et l’administration n’ont pas vocation à tout faire. Il est heureux que des femmes et des hommes agissent avec l’élan du cœur pour mener à bien des actions qui témoignent que, vivre en société, c’est aussi se prendre en charge sans systématiquement se tourner vers la puissance publique. Les représentants associatifs sont des personnes motivées, qui constituent un vivier d’interlocuteurs indispensables pour les élus locaux, nous aidant ainsi à répondre au mieux aux attentes des habitants de nos communes. À notre tour, montrons-leur de la solidarité face aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Joël Guerriau. Les associations peuvent également constituer des leviers économiques et font vivre le tissu économique local. Elles animent la vie de nos territoires et des quartiers de nos villes.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Joël Guerriau. Les associations ont besoin de souplesse, et non de contraintes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, le Mouvement associatif fait preuve d’une vitalité exceptionnelle. On estime à 1,3 million le nombre d’associations en activité, au sein desquelles sont engagés 16 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés. Chaque année, 70 000 associations nouvelles se créent. Dans mon département, où l’on compte plus de 2 000 associations, l’engagement citoyen est également très actif.

Le « travail » – je mets des guillemets à dessein – qu’accomplissent les associations est remarquable, qu’elles œuvrent dans les secteurs culturel, sportif, sanitaire ou social. Elles créent du lien social, assurent le relais de l’État et des collectivités, et pallient malheureusement parfois leurs défaillances.

Je parle en connaissance de cause, car mon engagement en politique a été fortement motivé par mon expérience dans le milieu associatif.

En 2003, face à la problématique encore naissante de l’exclusion des plus jeunes à Mayotte et à l’absence de prise en charge par les institutions, j’ai décidé de cocréer l’association dite Tama, qui signifie « espoir » en shimaoré, avec l’objet social que j’ai rappelé, étant précisé que, pour nous, le premier facteur d’exclusion était la délinquance. Devenue mlézi maoré – je vais me livrer à un petit cours de shimaoré aujourd’hui (Sourires.) –, c’est-à-dire « l’éducateur mahorais », cette association, que j’ai eu à cœur de présider pendant quinze années, de 2003 à 2017, compte aujourd’hui plus de 200 salariés.

Le 28 janvier 2015, j’inaugurais le seul et unique établissement de placement éducatif de l’île, appelé Dago Tama, c’est-à-dire la « maison de l’espoir » si vous avez bien suivi la leçon de shimaoré, afin de répondre à la problématique des mineurs sous main de justice répondant au dispositif de l’ordonnance de 1945.

Voilà pourquoi je considère, à titre personnel, que la présente proposition de loi de nos collègues députés du groupe MoDem, qui nous réunit aujourd’hui, est particulièrement importante pour les associations. Elle s’intéresse à un sujet fondamental pour leur fonctionnement : leur trésorerie.

Les quatre mesures qu’elle contenait initialement, issues du rapport du Mouvement associatif remis au Premier ministre le 9 novembre 2017, elles-mêmes issues du rapport du Haut Conseil à la vie associative de 2014, répondaient à des revendications anciennes et légitimes du monde associatif.

L’Assemblée nationale était parvenue au vote de ce texte à l’unanimité. Je dis bien « à l’unanimité » ; c’est suffisamment rare pour être souligné.

C’est la raison pour laquelle je regrette que, lors de son examen en commission des lois, le Sénat soit revenu sur certaines de ces avancées et compromette au sein de notre Haute Assemblée un tel consensus.

Je pense notamment aux suppressions de la possibilité pour les associations de conserver l’excédent raisonnable d’une subvention et de la mise en place du délai de soixante jours pour le versement des subventions, qui nous apparaissent comme un véritable recul. L’argument selon lequel ces dispositions pourraient venir troubler les relations d’équilibre entre associations et collectivités ne semble pas pertinent, car celles-ci ne comportent aucune contrepartie coercitive pour les collectivités. Au demeurant, les associations d’élus n’ont pas manifesté le moindre désaccord depuis le mois de mars.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche présentera cinq amendements visant à rétablir le texte tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale. Il réservera bien évidemment son vote à l’adoption de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le million et demi d’associations que compte notre pays joue, grâce à ses 16 millions de bénévoles, un rôle essentiel dans notre société : d’abord, par les missions que ces associations assurent, depuis les actions de solidarité à destination des plus démunis aux activités sportives ou culturelles, en passant par des missions de service public dévolues à l’État ou même à certaines collectivités ; ensuite, par les valeurs qu’elles portent, celles du bénévolat, de l’engagement et de la solidarité, qui sont au cœur de notre pacte républicain ; enfin – plusieurs l’ont souligné –, par la place qu’elles occupent dans la vie économique de notre pays, avec presque 2 millions de salariés et un budget total de 113 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de 3 % du PIB.

Soutenir ces structures, qui sont au cœur de la cohésion sociale et qui ne suscitent pas toujours l’intérêt et la reconnaissance qu’elles méritent, est donc indispensable. Cette proposition de loi vise à leur apporter un tel soutien en améliorant leur trésorerie, ce qui – vous l’avez noté à juste titre, madame la rapporteur – revient à tenter d’accroître leurs ressources.

C’est indispensable tant les associations sont mises à rude épreuve ces dernières années. La diminution extrêmement importante des contrats aidés a été un coup d’une violence telle que certaines associations n’y ont tout simplement pas résisté. Beaucoup d’autres se sont retrouvées dans de très graves difficultés. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez considéré il y a quelques instants que ces emplois étaient en quelque sorte des subventions déguisées pour des associations n’ayant pas forcément des reins assez solides. Effectivement, ces emplois comportaient, par définition, une forme de précarité ; à ce titre, ils n’ont jamais constitué la panacée pour nous. Mais on ne peut pas nier qu’ils ont permis de mettre le pied à l’étrier de nombreux jeunes et de développer des compétences au sein des associations. Il ne faut pas, me semble-t-il, le passer sous silence.

La fin de la réserve parlementaire, également évoquée par un certain nombre de collègues, n’a pas été compensée par un abondement du fonds pour le développement de la vie associative du même montant ni à destination des mêmes types d’associations. Cela a évidemment des répercussions sur les associations, en particulier les plus petites et les plus locales.

La liste des mesures qui handicapent la vie associative est malheureusement longue. On pourrait également évoquer – vous ne serez pas surpris que je le fasse – la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui a entraîné une diminution des dons aux associations, ou la baisse du budget destiné à ces dernières.

Enfin, et la chose n’est malheureusement ni nouvelle ni négligeable, la diminution des dotations des collectivités locales continue d’avoir d’importantes conséquences sur les subventions attribuées aux associations.

Dans ce contexte, la commission des lois a fait le choix, regrettable de notre point de vue, de supprimer un certain nombre de dispositions favorables aux associations au motif qu’elles contraindraient les collectivités locales. Certains articles étaient peut-être imparfaits. Ils mériteraient au moins d’être discutés, voire améliorés en séance publique. C’est en ce sens que, comme d’autres groupes, nous avons déposé des amendements de réintroduction des articles, certes un peu modifiés, en écho aux revendications que le monde associatif, dans sa diversité, porte depuis bien longtemps maintenant.

La question du trop-perçu et celle des délais de versement des subventions sont essentielles pour les structures associatives sans pour autant, à notre sens, placer les collectivités territoriales devant des difficultés insurmontables, pour peu que l’on travaille à des solutions adaptées.

Nous regrettons que, au lieu de considérer que les collectivités, comme les associations, font face aux mêmes politiques austéritaires et que les difficultés des unes se répercutent inévitablement sur les autres, on contribue, en quelque sorte, à les opposer, dans une logique de gestion de la pénurie. Certes, la pénurie est toute relative, puisque les choix de diminuer la dépense publique sont évidemment politiques.

L’ambition première de cette proposition de loi est modeste, mais pertinente. Elle permet au fond de trouver des sources de financement et de faciliter le fonctionnement budgétaire des associations sans avoir besoin de dégager énormément de ressources supplémentaires. Malheureusement, la suppression des articles 1er, 1er bis et 4 bis rend cette proposition de loi encore plus modeste.

En revanche, l’article 3 permettra d’avancer vers une proposition portée, là encore, depuis longtemps par le monde associatif : récupérer les fonds dormants des comptes inactifs des associations. Je ne sais pas si c’est un « serpent de mer », monsieur le secrétaire d’État, mais voilà en tout cas une occasion à ne pas négliger. Bien entendu, cela ne doit pas mener à de nouveaux désengagements de l’État, d’autant que, je le répète, nombre d’associations prennent des initiatives ou mènent des actions relevant précisément de la responsabilité de ce dernier.

Rien que pour cela, la présente proposition de loi mériterait d’être votée. Mais, vous l’aurez compris, notre groupe souhaite profiter du débat en séance publique pour continuer de défendre les propositions du monde associatif qui avaient donné lieu à ce texte et qui nous semblent conserver toute leur pertinence, tant elles constituent des avancées importantes dans la gestion quotidienne des associations. J’espère que nous nous retrouverons en ce sens, en faveur de nos associations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en commission, j’ai salué cette proposition de loi, déjà améliorée lors de son examen par l’Assemblée nationale.

Malheureusement, des amendements déposés bien tardivement, madame la rapporteur, ont fait exploser l’esprit de consensus qui aurait dû nous animer sur un sujet comme le financement du secteur associatif. C’est vraiment dommage !

En tant qu’ancien ministre chargé de la vie associative, ayant porté la loi Égalité et citoyenneté, évoquée à plusieurs reprises aujourd’hui, je souscris à la volonté affichée d’amplifier l’engagement dans notre pays ou, du moins, de simplifier la vie des bénévoles et de faciliter l’accès aux financements.

Le fait que 16 millions de bénévoles fassent vivre cette démocratie au quotidien est une richesse exceptionnelle pour la France. Ces Français nous obligent, nous, responsables politiques, à être à leur hauteur pour que tout soit fait en faveur de ce don de soi. Je n’oublie pas les quelque 2 millions de salariés qui œuvrent dans le secteur à but non lucratif.

L’esprit de consensus que j’évoquais ne doit pas se traduire par un blanc-seing donné au Gouvernement. Cette proposition de loi doit être vue pour ce qu’elle est : un petit pas visant à prendre en compte les attentes d’un secteur associatif en difficulté.

En reprenant des demandes du secteur, ainsi que des mesures validées sous le précédent quinquennat, notamment certaines votées dans le cadre de cette fameuse loi Égalité et citoyenneté, mais censurées par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi allait dans le bon sens avant son passage en commission.

Il convient néanmoins de ne pas oublier que ce texte intervient dans un contexte de désengagement de l’État envers le milieu associatif.

La suppression de plus de 250 000 contrats aidés en deux ans est un coup terrible asséné par le Gouvernement au monde associatif. Combien de structures sont aujourd’hui en péril, en grande difficulté faute de pouvoir embaucher ? Combien de personnes sont privées d’une réinsertion sociale par le biais d’un emploi dans une association ?

Le secteur associatif, les réseaux de l’éducation populaire ou les clubs sportifs, en renfort du service public, de l’école notamment, doivent être soutenus pour irriguer l’ensemble des territoires et apporter par leur présence un cadre et des repères aux enfants et aux adolescents.

C’est dès le plus jeune âge que l’incitation à l’engagement citoyen doit être une priorité. La République a besoin de contenu et de réalité. Il faut dire plus clairement quelle République nous voulons et ce que nous entendons par le terme « égalité ». Et cela doit se traduire concrètement, en amenant les nouvelles générations à s’impliquer dans le secteur associatif.

J’évoquerai la situation du service civique. En 2012, il y avait quelques milliers de volontaires, contre 125 000 à la fin du quinquennat précédent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir stabilisé, voire conforté le budget correspondant : 500 millions d’euros, pour un objectif d’environ 150 000 jeunes en service civique par an. Permettez-moi de rappeler le coût potentiel de votre service national universel, le SNU : 1,6 milliard d’euros ! J’espère qu’il n’y aura pas de conséquences sur d’autres financements plus utiles ou, en tout cas, plus pertinents à mes yeux.

L’évolution du financement des associations se traduisant par le recul du financement public, la proposition de loi vise à leur accorder de nouveaux moyens permettant de diversifier leurs sources de financement.

La part du financement public des associations représentait 51 % de leurs ressources en 2005. Cette part ne cesse de se réduire. En 2011, elle atteint 49 %. Les subventions publiques ont reflué de 34 % à 24 % des ressources.

Désormais, les associations, qui deviennent des outils de politique publique, sont mises en concurrence entre elles ou avec d’autres opérateurs publics, privés ou lucratifs.

Ce changement pourrait aller à l’encontre de la spécificité du modèle français d’engagement associatif, dont tous les acteurs de terrain ont conscience. Les associations créent un lien social précieux à la Nation, notamment dans les territoires ruraux et périurbains de la République, par le service complémentaire au service public. Cela a été évoqué.

Le risque d’une baisse de l’activité du monde associatif en raison d’une diminution des financements est également celui de faire reposer sur l’État une partie des missions que ce secteur assume.

On constate que les mesures fiscales des précédents budgets favorisent fortement l’épargne. Cela n’est pas critiquable en soi, mais on remarque que la traduction concrète de ces mesures est une baisse très importante des dons aux associations, alors que ces dons sont vitaux pour le mouvement que nous défendons.

Il faut également noter que la mise en place du prélèvement à la source a déstabilisé le système de soutien des associations par les dons des particuliers. À cela s’ajoute – ma collègue l’a évoqué – la fin de l’ISF, avec son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui a eu pour effet la réduction des dons en général.

La réforme a fait passer le nombre de foyers assujettis à cet impôt de 358 000 à 120 000, soit 66 % de foyers en moins, supprimant l’incitation qu’avaient de nombreux contribuables à faire preuve de générosité envers les fondations reconnues d’utilité publique. Cette baisse de la collecte auprès des particuliers fortunés doit être replacée dans le contexte d’une baisse générale de la collecte grand public en raison de la réévaluation du taux de contribution sociale généralisée, qui touche notamment les retraités. La CSG est un frein à la générosité collective.

Sur le texte qui nous est présenté aujourd’hui, on ne peut que constater que la position adoptée par la commission est, du début à la fin, assez déconcertante. Avec la majorité de la commission des lois du Sénat, nous faisons du surplace, voire, avec la suppression de l’article 1er, nous avons reculé.

L’article 1er est la traduction législative d’une proposition sur le financement privé du secteur associatif émise par le Haut Conseil à la vie associative depuis 2014 et défendue par le président du Mouvement associatif, que j’ai pu rencontrer.

Il ne s’agit en aucun cas d’une contrainte pour les collectivités, dès lors, je le précise, que le dispositif ouvre une simple faculté. La droite sénatoriale, je le regrette, invoque des risques de tensions dans les relations que les collectivités territoriales entretiennent avec les associations, alors que c’est sur l’association intéressée que pèsera l’obligation de définir la notion d’excédent raisonnable en démontrant le niveau de fonds propres nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.

Je le dis sans animosité, mais avec détermination, cette position de principe de la majorité est incompréhensible, tout comme la suppression de l’article 1er bis au motif qu’il serait inadapté à la réalité des collectivités territoriales.

Contrairement aux observations émises par Mme la rapporteur, les collectivités pourront toujours gérer dans le temps les subventions qu’elles versent dès lors que le délai de versement de soixante jours court à partir de la notification de la décision dont elles sont à l’origine. En aucun cas le dispositif n’impose le versement de la totalité de la dotation, ce qui risquerait de créer des distorsions de trésorerie des collectivités territoriales.

Enfin, la suppression de l’article 4 bis nous interroge. Cet article avait pour objet de rendre inapplicable le droit de préemption aux immeubles cédés à titre gratuit à des fondations, des congrégations ou des associations ayant la capacité de recevoir ce type de libéralités.

Les motivations apportées à l’appui de la suppression de cet article par la majorité de la commission des lois du Sénat sont inappropriées. Une fois encore, madame la rapporteur, vous entendez opposer le droit des collectivités territoriales et l’intérêt du monde associatif, alors que l’objet principal de ce dispositif vise à corriger les contradictions apportées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avec les dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations. Relevons, d’ailleurs, que le Sénat avait adopté cette mesure sans modification lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Je ne pense pas me tromper en disant que la majorité est la même aujourd’hui qu’à l’époque…

Heureusement, vous n’avez pas touché à l’affectation du produit des comptes bancaires en déshérence des associations gérées par la Caisse des dépôts et consignations au FDVA. C’est une petite consolation.

Certes, avec la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale, le groupe socialiste et républicain restait sur sa faim.

Une réflexion lancée par le Gouvernement rassemblant l’ensemble des organisations et têtes de réseaux représentatives de la vie associative avait permis d’évoquer 59 propositions. Monsieur le secrétaire d’État, il faut reconnaître que nous sommes loin de les satisfaire avec le texte que vous avez soutenu à l’Assemblée nationale.

Même si nous aurions préféré une grande loi pour le secteur associatif, nous n’oublions pas que ce dernier a grandement besoin de ces premières mesures. Step by step ! Je rappelle que l’Assemblée a adopté la proposition de loi à l’unanimité. Je lance donc un appel à mes collègues de la majorité sénatoriale pour qu’ils reviennent sur leur vote en commission, afin que nous puissions rétablir les articles tels qu’adoptés par l’Assemblée nationale et nous diriger vers un vote conforme. Ces mesures sont urgentes. Ne ralentissons pas leur adoption en renvoyant ce texte en navette parlementaire !

Par conséquent, le groupe socialiste et républicain déterminera son vote selon la position qu’adoptera la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)