M. Stéphane Piednoir. C’est dommage !

M. Jérôme Durain. Je ne suis pas certain de constituer le bon public pour ces musiques, que je respecte par ailleurs. Je ne doute pas que certains rassemblements engendrent des débordements, en termes de nuisances sonores, voire de dégâts causés à l’environnement ou aux terrains utilisés. Je m’interroge néanmoins sur l’opportunité de cette proposition de loi : le péril est-il si immense que nous devions de nouveau durcir la loi ?

M. le rapporteur a tenté d’adoucir le texte par le biais de la charte prévue à l’article 1er bis. C’est un premier progrès, même si le dispositif manque à mon avis encore d’avantages pour les organisateurs.

Concernant l’information et l’implication des maires, je conserve ici le scepticisme qui a prévalu lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité. Il faut se méfier des nouveaux pouvoirs donnés aux maires quand les moyens de les mettre en œuvre ne suivent pas. De nombreux maires risquent de se retrouver tiraillés entre, d’un côté, des riverains opposés à des rave-parties perçues uniquement comme des nuisances, et, de l’autre, des organisateurs de bonne foi – il y en a aussi ! – fatigués de devoir toujours se justifier davantage.

M. le président de la commission a relevé nos divergences.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !

M. Jérôme Durain. J’ai peur que le changement de philosophie sous-tendant la réglementation sur les rave-parties ne pousse davantage d’organisateurs vers la clandestinité, mais je peux comprendre que les craintes d’un évitement de la loi ne suffisent pas à justifier un refus d’évolution de la législation. Je soulignerai cependant que le public des rave-parties, qui ne se caractérise pas toujours par son adhésion aux institutions (Sourires.),…

M. François Bonhomme. C’est une litote !

M. Jérôme Durain. … se révèle souvent particulièrement imaginatif en matière de contournement de la loi.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que l’on considère les rave-parties comme néfastes par nature. Mon département connaît peu de rassemblements d’envergure. Aux dires des organisateurs que j’ai contactés, notre géographie décourage beaucoup de promoteurs d’événements : il est selon eux difficile de trouver des terrains suffisamment éloignés des habitations pour organiser des événements en toute tranquillité.

D’autres départements de ma région en accueillent davantage. Ainsi, une fête dénommée « Alice in Wonderland 4 » s’est récemment tenue dans le Doubs. Un accord avait été trouvé avec un propriétaire de terrain, qui a finalement changé d’avis après avoir reçu des menaces de mort d’opposants. L’événement a été délocalisé et s’est tenu dans des conditions qui n’étaient pas forcément des plus légales, mais je ne crois pas avoir relevé de dysfonctionnement majeur.

Plus récemment, dans une autre région, un événement a été organisé en hommage au jeune Steve Maia Caniço à Sainte-Luce-sur-Loire. Le maire est revenu sur l’événement dans une vidéo diffusée sur le compte YouTube de sa commune : s’il regrette les nuisances sonores, il souligne l’état de propreté du site après l’événement. Selon lui, les préfectures devraient mettre des terrains adaptés à disposition des « teufeurs ». Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer quels départements sont en mesure de fournir des listes de terrains adaptés à l’organisation de tels événements ?

Mes chers collègues, je ne voudrais pas donner l’impression de nier les problèmes que peuvent engendrer les rave-parties.

M. François Bonhomme. Un petit peu tout de même…

M. Jérôme Durain. Toutefois, je vous invite à mesurer le signal que constituerait l’adoption d’un texte perçu comme trop répressif par les fêtards, pas forcément demandé par les maires et pouvant être contourné.

Je peux me tromper, mais il y a sans doute peu d’amateurs de techno dans l’hémicycle (Sourires)

M. Jérôme Durain. … et la techno que nous connaissons est à mon avis bien éloignée de la musique, à bien des égards avant-gardiste, diffusée dans les raves-parties ! Je vais donc évoquer des références musicales plus abordables aux sénateurs que nous sommes. (Nouveaux sourires.)

Laurent Garnier, originaire de Dijon, a débuté dans des free-parties. (M. Fabien Gay sexclame.) Il est aujourd’hui un ambassadeur de la musique française dans le monde et a été fait chevalier de la Légion d’honneur. Nous devons trouver un équilibre pour ne pas réprimer les Laurent Garnier de demain, tout en nous assurant que les rave-parties ne gênent pas plus de monde qu’elles n’en satisfont.

Nous attachons de l’importance à toutes les formes de culture. On peut ne pas apprécier les rave-parties et trouver que la musique diffusée est un peu assourdissante, il n’empêche qu’il convient de respecter, sinon d’encourager, cette dimension de la culture actuelle. C’est tout l’objet des amendements que le groupe socialiste et républicain a déposés. Dans l’attente de leur discussion, j’exprimerai, au nom de mon groupe, un avis réservé sur cette proposition de loi, même si je comprends l’utilité qu’elle peut revêtir aux yeux de certains. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Julien Bargeton et Henri Cabanel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (M. Henri Cabanel applaudit.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous examinons la proposition de loi de nos collègues du groupe Les Républicains visant à mieux encadrer les rassemblements exclusivement festifs à caractère musical, je souhaite rappeler que l’attrait ancestral socioculturel et l’attrait plus contemporain économico-touristique de la fête dans notre société ne sont plus à démontrer. Il n’est pas question aujourd’hui d’interdire des manifestations festives, par définition transgressives ; il s’agit bien plutôt de réfléchir aux moyens de permettre leur déroulement en toute sécurité. C’est le cœur de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.

Dans nos territoires, les festivals, les carnavals et plus particulièrement, dans ma région, les férias rythment l’année. Ces événements festifs, qui peuvent être perçus comme des rassemblements transgressifs à visée cathartique, sont en réalité des faits sociaux, normés et formalisés par la coutume.

Ce que l’on a appelé, à partir des années quatre-vingt-dix, les rave-parties, puis les free-parties, sont par définition des rassemblements exclusivement festifs à caractère musical qui rejettent les normes coutumières de la fête traditionnelle. Ils constituent une part de la scène musicale « underground », une offre culturelle en marge des événements musicaux organisés par des institutions culturelles reconnues et des établissements de fêtes nocturnes. Si elles échappent à toute logique commerciale et se définissent par leur accessibilité et leur spontanéité, les rave-parties se caractérisent aussi par leur organisation anarchique, leur localisation inattendue et, parfois, des commerces illicites.

Pour toute personne attachée comme moi au respect de l’ordre public et à la protection du droit de propriété, la première préoccupation, s’agissant des free-parties, est de s’assurer que leur tenue n’y porte pas atteinte, tout en exigeant qu’elles ne mettent en danger ni les participants ni les riverains.

Les considérations de sécurité, qu’il s’agisse de la consommation de stupéfiants, souvent mélangés à l’alcool, ou des risques d’agressions de tout type, sont donc à prendre en compte.

Ces considérations ont d’ailleurs été à l’origine de l’adoption du dispositif Vaillant, fixant en 2001 un premier régime d’encadrement des rave-parties. Les services de l’État ont la responsabilité de l’encadrement des rassemblements de plus de 500 personnes, seuil défini par décret, les préfets agissant en concertation avec les maires et les organisateurs. D’après le délégué ministériel à la jeunesse, sur 800 rave-parties de plus de 500 personnes organisées en 2018, seulement deux ont été interdites. En règle générale, ces événements ne sont pas interdits lorsqu’ils sont régulièrement déclarés en préfecture. Le dispositif Vaillant pourrait donc fonctionner, s’il était appliqué systématiquement.

Pour les rassemblements regroupant plus de 500 personnes, la préfecture tend à mobiliser les forces de l’ordre pour assurer l’encadrement a priori, avec une certaine tolérance. Toutefois, comme le pointent les auteurs de la proposition de loi, il en va différemment pour les rassemblements festifs de plus faible affluence, la responsabilité de l’encadrement sécuritaire reposant encore essentiellement, dans ce cas, sur les épaules des élus.

Le rapporteur nous a informés qu’il s’agissait d’un phénomène particulièrement présent dans le Sud-Ouest, où se déroulerait la majorité des 3 200 free-parties de moins de 500 personnes dénombrées sur le territoire. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas seulement de rassemblements en zones rurales : les zones semi-urbaines et urbaines sont également touchées. J’ai eu à tenter de gérer des free-parties dans les friches industrielles de la métropole bordelaise…

Pour les maires, chargés de prévenir tout trouble de voisinage sans toutefois endosser la responsabilité des risques liés à ces rassemblements, le régime actuel n’est pas satisfaisant, car il les place en première ligne pour la négociation avec les organisateurs, sans leur conférer de moyens de police suffisants pour empêcher, le cas échéant, la tenue de l’événement.

Si certains maires ne souhaitent pas avoir à gérer ces free-parties, nous devons entendre la position des maires qui, pour protéger les participants à ces fêtes, sont favorables à l’organisation de tels rassemblements festifs sur le territoire de leur commune. Lorsque ces rassemblements ne dérangent personne et ne portent pas atteinte à la propriété d’autrui, pourquoi les interdire ? Henri Cabanel a beaucoup travaillé sur cette problématique et sa contribution à la réflexion a été précieuse.

Free-party signifie fête à la fois libre et gratuite pour de nombreux jeunes ou moins jeunes, le phénomène touchant aujourd’hui toutes les strates d’âge. Pour des personnes souvent confrontées à des difficultés d’insertion ou à la fracture territoriale, vivant à l’écart des grandes métropoles et des institutions culturelles, les free-parties représentent des occasions de loisir et de décompression accessibles à la fois économiquement et géographiquement.

Au cours du travail préparatoire accompli par le groupe RDSE sur ce texte, je me suis efforcée de ne pas adopter de position morale sur l’organisation de ces rassemblements et de me concentrer sur la nécessité d’accompagner les maires, quelle que soit leur position à l’égard de ces événements.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent les amendements que je défendrai tout à l’heure. Ils visent respectivement à associer les maires à la rédaction de la charte proposée par le rapporteur, à ne pas mettre à leur charge la confiscation du matériel et à instaurer une coresponsabilité entre les maires et les préfets pour garantir la sécurité autour des rassemblements de moins de 500 personnes. Il s’agit de permettre aux maires d’informer et de mobiliser les préfets lorsqu’ils constatent l’impossibilité pour eux de les encadrer.

Je ne doute pas que ces amendements pragmatiques seront adoptés, ce qui permettra au groupe RDSE de voter en faveur de l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Pascale Bories, bonifiée par l’excellent travail du rapporteur, Henri Leroy. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je suis heureux de constater, à l’écoute des différents orateurs, que nous n’avons pas besoin d’être des spécialistes du mouvement acid house, de la new beat, de la trance Goa, du hardcore, du breakbeat ou d’autres formes de heavy bass music (M. François Bonhomme rit.) pour nous prononcer sur ce sujet qui intéresse l’ordre public et la sécurité.

M. Stéphane Piednoir. Quelle culture !

M. Arnaud de Belenet. Lors de ces événements, les morts ne sont pas rares, les abus en tout genre sont légion, la mise en danger d’autrui n’est pas une vue de l’esprit. Nous en sommes conscients, sans pour autant vouloir nous enfermer dans une rhétorique hostile à ces festivités ou à ces genres de musique qui recherchent la transcendance et expriment une forme de refus du mercantilisme.

Bien évidemment, comme le soulignait notamment Jérôme Durain, un point d’équilibre reste à trouver. Il faut protéger et encadrer, cela va de soi, sans oublier que ce sont les maires des communes rurales qui sont d’ordinaire en première ligne.

Nous partageons pleinement les trois grands objectifs sous-tendant ce texte, tels qu’ils ont été repris à son compte par la commission des lois, sur proposition du rapporteur. Oui, nous voulons permettre à ceux qui souhaitent entrer dans la légalité de le faire. Oui, nous voulons aussi sanctionner le plus intelligemment possible lorsque les circonstances de l’espèce le justifient. En revanche, accroître la charge du maire sans lui offrir une juste contrepartie en termes de moyens, nous ne pouvons y souscrire.

J’aborderai la problématique de la responsabilité du maire et celle de la coexistence de deux régimes de police spéciale.

Comment mettre en application ce pouvoir de police lorsque l’on est tributaire des possibilités d’intervention des forces locales de sécurité ? On sait que, en zones rurales, la capacité à intervenir des brigades de gendarmerie a fortement régressé.

Au-delà, dans l’hypothèse où le maire n’a pas les moyens d’appliquer la mesure dont la mise en œuvre lui est confiée, sa responsabilité sera pourtant engagée en cas de défaillance. De ce point de vue, nous saluons l’effort de compromis du rapporteur ; néanmoins, le texte proposé ne répond pas entièrement à la problématique.

De même, nous tenons à saluer avec force la volonté du rapporteur de résorber les paradoxes. Toutefois, en instituant un régime de déclaration auprès du maire pour tous les cas où le préfet n’est pas compétent, on aboutit, par suite logique, à deux régimes de police spéciale identiques, relevant pour l’un du maire, pour l’autre du préfet, avec pour seul critère discriminant le nombre prévisible de participants, apprécié par l’organisateur, et avec une obligation générale de déclaration, puisqu’il n’y aurait plus de seuil d’affluence minimale. Pour le dire rapidement : au maire les petites rave-parties, au préfet les grandes. Cette organisation mérite évidemment d’être affinée, surtout si elle doit conduire certains maires, notamment ceux des communes dépourvues de services de police municipale, à exercer sans moyens nouveaux ces nouvelles responsabilités.

Je m’interroge moi aussi sur l’opportunité d’intégrer les dispositions de cette proposition de loi dans le projet de loi Engagement et proximité ou, pourquoi pas, dans le projet de loi à venir sur la sécurité intérieure.

Le diagnostic, les objectifs sont partagés et nous sommes d’accord sur la mise en œuvre d’un certain nombre de moyens de sanction, mais nous mesurons aussi que le dispositif est merveilleusement imparfait. Nous sommes certains que le législateur a de quoi faire œuvre utile en cette matière, surtout si nous parvenons à dépasser quelques menues contrariétés juridiques. En conséquence, nous ne voterons pas contre ce texte, malgré quelques réserves de fond, pour que le travail puisse se poursuivre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ce texte n’est à mon avis pas suffisant. Il faut aller beaucoup plus loin. Qu’il s’agisse des rave-parties, du stationnement des nomades ou de toutes les démarches abusives entreprises par des personnes qui bafouent ouvertement la loi avec la bénédiction des pouvoirs publics, on doit être beaucoup plus restrictif et dissuasif.

Que ce soit pour les nomades ou les rave-parties, on cherche toujours à arranger les choses.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas pareil !

M. Jean Louis Masson. Quand quelqu’un, en totale illégalité, occupe un terrain, on essaye de négocier, de temporiser, alors qu’il s’agit d’actes qu’une personne normalement respectueuse de la légalité ne se permettrait jamais.

C’est extrêmement grave, parce que l’on est dans un système où il y a deux poids, deux mesures : plus on est marginal, plus on est en dehors des clous, plus on peut faire ce que l’on veut sans se gêner !

M. François Bonhomme. Cela dépend !

M. Jean Louis Masson. Je crois que la dissuasion et la réaction des pouvoirs publics doivent être beaucoup plus fortes.

J’ai déposé quelques amendements qui ne seront bien entendu pas adoptés, mais je tiens à défendre mon point de vue. Si, dans notre société, on réagissait plus fermement face à ces dérives de tous ces gens à moitié marginaux qui font n’importe quoi avec, aujourd’hui, la bénédiction des pouvoirs publics, on arriverait peut-être à normaliser la situation.

Tout comme je n’avais pas voté le texte concernant les nomades, je ne voterai pas ce texte, car je le trouve insuffisant : il ne va pas assez loin et son dispositif n’est pas assez ferme. Je ne voterai peut-être pas contre, tout dépendra de la suite du débat. En tout état de cause, si l’on est ferme, on sera réellement dissuasif !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la lecture de cette proposition de loi a rappelé à mon souvenir un certain nombre de textes du même acabit : après la sécurité des manèges, la lutte contre les rodéos motorisés, les mini-motos ou les chiens dangereux, nous abordons aujourd’hui le sujet des rave-parties.

Ce catalogue à la Prévert de propositions de loi dictées par l’émotion pose d’emblée la question de l’opportunité à légiférer sur le tout-venant, en fonction de l’actualité. Quand bien même celle-ci peut être importante, les parlementaires doivent-ils retoucher la loi à chaque fait divers, nuisance ou accident de la vie, alors même que l’inflation législative fait débat ?

Aux termes du texte du député Thibault Bazin qui est à l’origine de cette proposition de loi, il est nécessaire d’agir en matière législative à la suite de « la recrudescence de rave-parties illégales, notamment lors de la Saint-Sylvestre de 2017 à Lunéville ou quelques jours plus tard dans les Vosges ».

Dans ce cadre, la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat avait pour objet d’abaisser à 300 le nombre de participants à un « rassemblement festif à caractère musical » à partir duquel une déclaration préalable doit être faite auprès du préfet de département, tout en conditionnant la tenue de l’événement au respect du voisinage et en ajoutant la notion d’« impacts possibles sur la biodiversité ».

La proposition de loi initiale tendait également à allonger de six mois à un an la durée maximale de saisie du matériel utilisé et à faire de l’infraction, qui est aujourd’hui une contravention de cinquième classe, un délit passible d’une peine d’emprisonnement de trois mois et d’une amende de 3 750 euros, la sanction étant quintuplée pour les personnes morales visées par le dernier article.

Concernant cette dernière disposition, je mesure la sagesse de la commission des lois, qui a substitué à la peine de prison une peine de travail d’intérêt général. Cela est heureux, car le texte de la proposition de loi initiale était symptomatique d’une dérive maintenant beaucoup trop fréquente, qui conduit à légiférer au moindre fait divers, en proposant des durcissements de notre code pénal, en considérant que dissuader passe nécessairement par la relecture de notre code pénal, en jugeant que la contravention, même de cinquième classe, n’est rien au regard des délits et des peines d’emprisonnement, alors que tous les observateurs et les professionnels dénoncent l’échec du tout-carcéral et que l’administration pénitentiaire est saturée.

À cette surenchère pénale, on pourrait préférer le dialogue. Comme l’indique le président de l’association Technopol, Tommy Vaudecrane, durcir les sanctions ne sert à rien : « il vaut mieux s’entretenir avec les responsables ». D’ailleurs, selon lui, lors de ces rassemblements, « il n’y a pas plus d’accidents que dans les férias, les sorties de boîte de nuit, les soirées étudiantes ou tout autre événement légal. […] On balance le tout-sécuritaire pour faire peur aux gens, alors que beaucoup d’événements sont autogérés et gèrent bien les incidents. »

En ce sens, je salue les modifications apportées au texte par la commission des lois. Au travers de l’article 1er bis, elle a introduit une charte de l’organisation des rassemblements destinée à définir les engagements des organisateurs et devant permettre aux pouvoirs publics d’obtenir des garanties sur le bon déroulement de ces événements festifs.

Il s’agit là, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, d’une mesure plutôt acceptable, bien qu’elle n’engage pas à grand-chose. Pour le reste, selon nous, l’encadrement législatif et réglementaire déjà existant rend tout nouveau dispositif législatif inutile.

En effet, les « rassemblements festifs à caractère musical » sont déjà largement encadrés. La loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité en a fait mention pour la première fois, avant que le dispositif soit précisé à la fois par l’article 53 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne – c’est le célèbre « amendement Mariani » – et par un décret du 3 mai 2002 pris pour l’application de la loi de 1995.

Enfin, depuis l’ordonnance du 12 mars 2012, l’encadrement de ces rassemblements fait l’objet d’une section spécifique du code de la sécurité intérieure, regroupant les articles L. 211-5 à L. 211-8. Ainsi, l’article L. 211-6 permet déjà au préfet, « lorsque les moyens envisagés paraissent insuffisants pour garantir le bon déroulement du rassemblement », d’organiser une concertation avec les responsables pour adapter lesdites mesures d’encadrement ou rechercher un terrain ou un local plus approprié.

Pour nous, transférer ces pouvoirs au maire n’est pas la solution, comme nous avons eu l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi Engagement et proximité, que nous venons d’adopter.

En ce qui concerne les impacts de ces rassemblements festifs sur la biodiversité, nous ne pouvons bien sûr rester insensibles à cette question préoccupante, mais force est de constater que le texte ne l’évoque qu’à la marge.

En définitive, au regard de toutes ces remarques et en dépit des améliorations apportées au texte initial par la commission des lois, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parmi les vicissitudes de la vie d’un maire, toutes ne jouissent pas de la même considération. S’il en est qui échappent souvent aux radars de la pensée conforme et de ses apôtres, ce sont bien celles qui sont liées aux rave-parties clandestines ou sauvages.

Quelle que soit l’appellation de ce qui pourrait apparaître comme un avatar du « droit à la fête » – rave-party ou free-party –, la recrudescence de ce phénomène conduit à traiter des questions qui touchent à l’atteinte à des droits aussi essentiels que le droit de propriété, avec en contrepoint l’occupation sauvage de terrains publics ou privés, le droit à la préservation de l’environnement, avec en contrepoint des atteintes à la biodiversité lors des occupations sauvages, ou le droit à la santé, avec en contrepoint des trafics de substances incontrôlées et les risques inhérents ou des pertes d’acuité auditive irréversibles pour ceux qui se retrouvent exposés pendant des heures à des niveaux sonores excessifs et se voient, à 30 ou 40 ans, contraints de porter des appareils auditifs pour le reste de leur vie. Et que dire de la consommation d’alcool, qui conduit souvent à des comas éthyliques profonds ? Je pense encore au droit à la sécurité, avec en contrepoint des agressions sexuelles de jeunes filles, agressions facilitées dans ces grands rassemblements pas toujours pacifiques.

Ces diverses situations se présentent en majorité en milieu rural, où de nombreux maires subissent une recrudescence de ces manifestations, bien souvent organisées à leur insu comme à celui des pouvoirs publics, et sans aucune autorisation administrative. Monsieur Durain, je vous assure que le caractère avant-gardiste de ces rassemblements échappe à la plupart des maires ! (M. Stéphane Piednoir rit.) Tout le monde n’a pas la chance de vivre en Saône-et-Loire…

M. Jérôme Durain. C’est dommage !

M. François Bonhomme. Lorsque l’on sait que, aujourd’hui, l’absence de déclaration ou le non-respect de l’interdiction préfectorale ne sont passibles que d’une contravention de cinquième classe, éventuellement assortie d’une saisie du matériel utilisé pour une durée maximale de six mois, on mesure facilement les limites du dispositif de contrôle et l’inanité du système actuel.

On comprend aussi que nombre d’organisateurs de rave-parties ricanent devant la légèreté des sanctions encourues. Ces dernières n’étant pas assez dissuasives, les rave-parties illégales fleurissent à travers nos régions, avec leur lot de débordements. Malheureusement, il est courant que des incidents graves émaillent ces rassemblements clandestins.

Le milieu rural est touché en premier lieu, et je regrette que mon département, le Tarn-et-Garonne, ne fasse pas exception à la règle. Ainsi, au mois de juin 2018, à Montech, un champ de tir de l’armée était envahi illégalement par plus de 300 « teufeurs » déterminés à faire fi des barrages de gendarmerie destinés à leur interdire l’entrée du site. De nombreux riverains, à quasiment dix kilomètres à la ronde, ont été exaspérés par les décibels assourdissants de cette rave-party sauvage. Outre les nuisances sonores, il convient de souligner la violence déployée à cette occasion : deux mineurs de 17 ans ont été agressés à coups de bombe lacrymogène et de tessons de bouteille en marge de l’événement. En 2016, un jeune de 20 ans a trouvé la mort en marge d’une rave-party organisée à Saint-Antonin-Noble-Val.

Nuisances sonores assourdissantes, terrains dévastés, comas éthyliques et overdoses, atteintes sexuelles, dévastation des lieux : tel est le lot de bien des rave-parties organisées de façon illégale.

En pareil cas, les maires se trouvent dans l’incapacité de faire face. Les « teufeurs », en moins de deux heures, réseaux sociaux aidant, se rassemblent par centaines, voire par milliers, dans un champ ou une forêt.

Force est donc de constater que le régime juridique actuel se révèle peu efficace pour faire entrer l’organisation de ces rave-parties dans la légalité, pour garantir la sécurité de leurs participants, la protection de l’environnement et la tranquillité des riverains.

Cette proposition de loi répond donc à un besoin véritable en termes de conditions de sécurité et de préservation de l’environnement. La commission des lois a prévu la mise en place d’un régime de déclaration obligatoire auprès des maires, afin de permettre à ces derniers de prendre les mesures nécessaires lorsqu’une rave-party doit se tenir sur le territoire de leur commune. De même, la possibilité de saisie du matériel en cas de méconnaissance de leurs obligations par les organisateurs peut permettre une véritable efficacité opérationnelle, qui manque aujourd’hui. Enfin, nous avons conclu à la nécessité de renforcer les sanctions en prévoyant la création d’un délit assorti d’une peine de travail d’intérêt général. L’objectif est non pas d’interdire les « teufs », mais bien de mettre en place des mesures préventives et de favoriser un dialogue plus équilibré entre les pouvoirs publics et les organisateurs désireux d’entrer dans la légalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)