M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. … comme sous chaque gouvernement, seuls 50 % des logements seront livrés dans le cadre du plan quinquennal, ce qui représente 30 000 logements. Quelles mesures allez-vous prendre pour que les engagements soient tenus ? Pour ma part, je pense que cette responsabilité devrait relever non pas de votre ministère, mais des collectivités locales. Alors que ces dernières…

M. le président. Merci, cher collègue !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. … réclament des universités sur leurs territoires, elles doivent prendre des mesures pour que les étudiants puissent y être logés convenablement.

M. le président. Il faut conclure ! Nous avons une heure quarante-cinq de débat !

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. En conclusion, j’indique que la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui connaissent une hausse importante. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souligne que 2020 sera une année charnière pour le monde de la recherche. Vous le savez, le Gouvernement travaille actuellement à l’élaboration d’un projet de loi de programmation pluriannuelle, qui devrait nous être présenté au cours de l’année prochaine. Il va sans dire que ce texte est attendu : les travaux préparatoires à son élaboration ont suscité de grands espoirs chez nos chercheurs, qui demeurent suspendus aux annonces qui pourraient être faites dans les mois à venir.

La recherche étant une dépense d’avenir par excellence, s’inscrivant plus que toute autre dans le temps long, je me félicite que le Gouvernement s’attelle à l’élaboration d’une loi pluriannuelle. Néanmoins, madame la ministre, vous le savez, la tâche est immense et les défis ne manquent pas : attractivité des carrières scientifiques, soutien à la recherche publique, amélioration des performances à l’échelle européenne… J’espère vivement que le texte que vous nous présenterez sera à la hauteur de ces enjeux et portera une véritable ambition pour la France.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2020 est un budget d’attente et de transition : les crédits demandés pour 2020 sont conformes à la programmation pluriannuelle et ne rompent pas avec les grands équilibres budgétaires définis jusqu’à présent. Ainsi, la somme des budgets des sept programmes consacrés à la recherche de la mission « Recherche et enseignement supérieur » devrait atteindre 12,17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 12,15 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse substantielle de 428 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 292 millions d’euros en crédits de paiement. En dépit d’un contexte budgétaire contraint, ces hausses de crédits traduisent concrètement la priorité accordée par le Gouvernement à la recherche et méritent donc d’être saluées.

Permettez-moi maintenant de relever plusieurs points saillants concernant ces augmentations de crédits.

Premier point : le projet de budget pour 2020 se caractérise par la forte hausse des crédits dédiés à notre recherche spatiale, qui progressent de 214 millions d’euros et franchissent cette année le cap des 2 milliards d’euros. Depuis 2018, les crédits alloués à ce domaine d’excellence de la recherche française ont progressé de plus d’un demi-milliard d’euros, preuve s’il en est de l’importance stratégique de ce secteur, nous en convenons.

Cet important effort budgétaire devrait garantir, en 2020, l’apurement définitif de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne, ce qui mettra fin à une situation difficilement compatible avec nos ambitions. En parallèle, ces hausses de crédits permettront de financer nos engagements en faveur du programme Ariane 6. Ils nous ont par ailleurs permis de souscrire, lors du conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne, qui s’est déroulé à Séville, un montant de l’ordre de 2,5 milliards d’euros sur la période 2020-2022, soit 400 millions d’euros de plus que ce qui était initialement envisagé.

Deuxième point : le relèvement des moyens de l’Agence nationale de la recherche se poursuit, ses capacités d’engagement étant augmentées de 30 millions d’euros en 2020. Ces efforts sont encourageants et devraient enfin permettre à l’ANR de renouer avec un taux de succès acceptable lors des appels à projets, de nature à moins décourager nos chercheurs de candidater.

Par ailleurs, la mise en œuvre du plan d’action national pour renforcer la participation française au programme-cadre de recherche et d’innovation européen bénéficiera d’une enveloppe de 3 millions d’euros. En effet, et c’est un paradoxe, alors que les équipes françaises présentent le taux de succès le plus élevé des pays de l’Union européenne, lequel s’établit à 16,3 %, leur participation aux appels à projets européens ne cesse de diminuer. Cette situation ne peut durer, comme je le disais déjà l’année dernière. Aider nos chercheurs à candidater auprès de l’Europe doit être une priorité.

Troisième point : les crédits alloués aux infrastructures de recherche et aux organisations internationales continuent d’être en hausse. Il s’agit notamment de financer le réacteur thermonucléaire expérimental international ITER à Cadarache et le renouvellement de la flotte océanographique de l’Ifremer.

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, le financement de ces installations demeure particulièrement opaque et illisible, alors même que l’ampleur des investissements consentis, souvent sur plusieurs années, nécessiterait un suivi étroit. Madame la ministre, j’attends de pied ferme les pistes d’amélioration qui seront proposées à cet égard dans le projet de loi de programmation.

De manière générale, je regrette que le financement de la recherche soit de plus en plus éclaté. Le plan Intelligence artificielle, qui doit bénéficier de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, me semble particulièrement emblématique de cette dispersion des crédits. La mission « Recherche et enseignement supérieur » participera à hauteur de 358 millions d’euros sur cinq ans, mais les circuits de financement retenus sont extrêmement complexes et font intervenir une multitude de structures : les programmes d’investissements d’avenir, le Fonds pour l’innovation et l’industrie, les missions budgétaires. Vous en conviendrez, madame la ministre, cette situation entrave considérablement le suivi et le contrôle parlementaire. Nous l’avons dit à plusieurs reprises.

Quatrième et dernier point : la situation des organismes de recherche.

Vous le savez, au cours des trois dernières années, la masse salariale de ces organismes n’a cessé d’augmenter, en raison de la relance de la politique salariale, dont le coût n’est que partiellement compensé par l’État. Pour absorber cette hausse, la plupart des opérateurs en sont réduits à rogner sur leurs effectifs, ce qui entraîne une sous-exécution inquiétante des plafonds d’emplois. Dans ce contexte, je regrette vivement qu’il soit question d’un taux de mise en réserve de 4 %. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer l’application d’un tel taux en 2020 ? Le cas échéant, vous le savez, les attentes à l’égard du projet de loi de programmation n’en seront que plus grandes.

Je me félicite cependant que la plupart des impasses budgétaires identifiées en 2019 aient été résolues. Je pense notamment au financement de la construction du réacteur de recherche Jules Horowitz, qui a été clarifié en cours d’année.

Avant de conclure, j’évoquerai rapidement le crédit d’impôt recherche. Les travaux les plus récents sur le sujet, menés en 2019 par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, ont conclu à un effet multiplicateur supérieur à 1 du CIR sur les dépenses de recherche des entreprises. Ces résultats me confortent dans ma conviction profonde, à savoir que le CIR constitue une aide à l’innovation absolument déterminante et qu’il doit être préservé pour soutenir l’effort de recherche dans notre pays.

En conclusion, j’indique que la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui connaissent une hausse importante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, autant le dire tout de suite : notre commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. En effet, ce projet de budget marque un nouvel effort en faveur de la recherche. Cet effort porte en particulier sur la politique spatiale et les lanceurs, sur lesquels notre commission a récemment publié un rapport, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapport que je vous invite à consulter, madame la ministre, si vous ne l’avez pas déjà fait… (Sourires.)

Mais – il y a toujours un mais – force est également de reconnaître que ce projet de budget est dépourvu d’ambition, dans l’attente, certainement, du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

L’enjeu est de taille : notre effort en matière de recherche stagne depuis les années 1990 autour de 2,2 % du PIB. Nous dépensons deux fois moins que l’Allemagne en valeur dans la R&D. Nos politiques de recherche et d’innovation sont de plus en plus illisibles. Nous multiplions les instances et les circuits financiers. Nous ne sommes pas à la hauteur ! Il faut cependant saluer la pugnacité de nos chercheurs, qui parviennent à maintenir la France au meilleur niveau malgré ce manque de moyens.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la cohérence entre le discours et les actes du Gouvernement. C’est par exemple le cas s’agissant des aides individuelles à l’innovation octroyées par Bpifrance. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement présenté par notre commission, par ailleurs également défendu, sous une autre forme, par certains de nos collègues. C’est aussi le cas s’agissant des pôles de compétitivité, qui restent au milieu du gué, ballottés entre l’État et les régions, alors que le financement des projets de recherche partenariale qu’ils labellisent diminue et devient moins lisible pour les parlementaires. Madame la ministre, ces sujets relèvent du ministère de l’économie, mais je compte sur vous pour faire passer le message.

Enfin, nous sommes inquiets s’agissant des moyens des organismes de recherche et de l’Agence nationale de la recherche. Le taux de mise en réserve des crédits n’est toujours pas arrêté ; or il détermine l’ampleur des moyens véritablement mis à leur disposition et la crédibilité des informations transmises au Parlement – je pense notamment aux 30 millions d’euros de hausse des crédits d’intervention de l’ANR. Pour les organismes de recherche, le glissement vieillesse-technicité fait du personnel la variable d’ajustement : il faut mettre fin à cette dynamique mortifère !

En somme, le Parlement attend un projet de loi de programmation ambitieux, à la hauteur des enjeux, afin de redonner du souffle à notre écosystème de recherche et d’innovation. Il s’agit de faire en sorte que notre pays puisse garder sa place dans le concert des grandes nations. Dans cette attente, la commission a émis un avis favorable sur les crédits de la mission. Nous voterons ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme les années précédentes, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis des crédits du programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En 2020, les crédits de ce programme représenteront 1,79 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,77 milliard en crédits de paiement, soit une légère augmentation par rapport à 2019.

Lors de l’examen des crédits de la mission en commission, nous nous sommes félicités de cette augmentation, même si elle reste modeste, au regard des défis à relever. À l’heure de l’accélération de la transition écologique, et alors que le Parlement vient d’examiner ou d’adopter des textes aux objectifs ambitieux comme la loi d’orientation des mobilités, la loi relative à l’énergie et au climat et, plus récemment, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le soutien à la recherche en matière de développement durable est déterminant et contribue au rayonnement de notre pays à l’échelon international.

Nous avons toutefois regretté certaines évolutions contrastées : tandis que les crédits destinés à la recherche sur l’énergie nucléaire augmentent sensiblement, les crédits destinés à la recherche dans les nouvelles technologies de l’énergie baisseront une nouvelle fois, de 2 millions d’euros. À cet égard, j’appelle votre attention, madame la ministre, sur la situation de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles, qui, comme vous le savez, contribue de manière décisive à la recherche au service de la transition énergétique. Pourtant, depuis dix ans désormais, l’IFPEN connaît une baisse quasi constante de sa dotation. Même si cette baisse est partiellement compensée par ses ressources propres, le Gouvernement n’envoie-t-il pas un signal négatif à l’heure où il présente la transition énergétique comme l’une de ses priorités ?

Je saluerai maintenant plusieurs des réalisations des autres opérateurs.

J’évoquerai tout d’abord le CEA, qui, outre ses activités historiques sur l’énergie nucléaire, travaille au développement des nouvelles technologies de l’énergie. À ce propos, on ne peut que se féliciter de son projet de plateformes régionales de transfert de technologie, implantées dans six régions, qui constituent des outils utiles pour nos territoires.

Je salue également la création, au 1er janvier prochain, de l’université Gustave-Eiffel, un nouvel établissement d’enseignement supérieur et de recherche sur la ville durable, issu de la fusion de plusieurs opérateurs. Cet établissement va constituer un pôle pluridisciplinaire de rang international.

Enfin, je souligne les actions de recherche de l’Ineris dans le domaine des risques industriels. Ces programmes consolident son expertise déjà reconnue et dont l’utilité a été récemment démontrée lors de la gestion de l’incendie de l’usine Lubrizol. C’est pourquoi il nous semble plus que justifié de sauvegarder durablement ses ressources.

Madame la ministre, notre commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme. Nous émettons toutefois des réserves sur l’inadéquation entre les ambitions du Gouvernement en matière de transition écologique et les moyens de la recherche dans les domaines associés.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Laure Darcos, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne serai pas très originale en vous disant que 2020 sera une année charnière pour la recherche. Ce projet de budget en est l’expression. Il ne contient pas de mesure structurelle, n’entame pas un virage financier : il s’inscrit dans la continuité de la trajectoire budgétaire tracée en 2018 et 2019.

Les dotations des sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche connaissent, l’année prochaine, une augmentation de près de 2,5 % et atteignent la somme globale de 12,1 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort budgétaire, principalement porté sur la recherche spatiale, est bien sûr positif et louable. Toutefois, il n’est pas de nature à enclencher une véritable dynamique permettant de rassurer les esprits. Les attentes envers le futur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche n’en seront que plus fortes.

La stabilisation de la dotation du programme 172, qui finance les principaux opérateurs de recherche, est particulièrement révélatrice de ce contexte attentiste, générateur d’inquiétudes, voire de colère. Les organismes de recherche sont confrontés depuis plusieurs années à de graves problématiques financières, auxquelles le projet de loi de programmation devra répondre. J’en citerai trois principales.

J’évoquerai tout d’abord le taux de réserve de précaution. Actuellement de 3 %, il serait porté à 4 % l’année prochaine. La confirmation de ce relèvement serait un très mauvais signal envoyé aux acteurs de la recherche, qui dénoncent les conséquences délétères de cette réserve en termes de marge de manœuvre et de visibilité financières.

J’évoquerai ensuite le glissement vieillesse-technicité. Son financement n’est plus pris en compte depuis plusieurs années dans la subvention pour charges de service public des opérateurs de recherche, qui doivent donc l’autofinancer. Cette situation les oblige à réduire régulièrement leurs effectifs afin de contenir leur masse salariale.

J’évoquerai enfin les modalités de financement. Le développement du financement sur projets, qui présente de nombreux atouts, ne doit pas conduire à un effet d’éviction sur le financement à travers les dotations « de base », lesquelles ne peuvent plus continuer à être absorbées par une masse salariale grandissante.

La marche financière est donc haute, et le projet de budget pour 2020 ne permettra pas véritablement de l’abaisser.

Je rappelle que la part de notre PIB consacré aujourd’hui à la recherche publique s’élève à seulement 0,79 %. Pour atteindre l’objectif de 1 %, qui est le niveau communément admis pour permettre à la recherche publique française de rester compétitive en Europe, il faudrait consentir un effort supplémentaire compris, selon les projections, entre 5 milliards et 8,5 milliards d’euros.

Je ne peux que souscrire aux propos tenus par le Président de la République, qui, à l’occasion des quatre-vingts ans du CNRS mardi soir dernier, a rappelé « la nécessité d’un investissement dans la recherche publique, car c’est un choix de souveraineté ».

Un autre dossier majeur est, lui aussi, toujours en attente de réponses : la valorisation du statut des chercheurs. Le constat est connu et partagé : une rémunération en décrochage par rapport aux standards internationaux et au sein même de la fonction publique française ; un recrutement particulièrement tardif ; une perte d’attractivité du métier et de la carrière ; une progression de l’emploi contractuel et une systématisation du recours aux vacataires. Le sujet ne se résume pas à une question financière, c’est aussi un devoir moral : il est urgent de renouer le pacte de la Nation avec ses chercheurs !

Vous l’aurez compris, les attentes sont si fortes que le projet de loi de programmation devra être à la hauteur, au risque sinon d’une rupture encore plus profonde, et peut-être même irrémédiable, avec le monde de la recherche, mais je crois comprendre, madame la ministre, que telle est l’ambition du Gouvernement.

Sous les réserves que je viens d’émettre, et en raison de l’augmentation globale du budget, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l’enseignement supérieur proposé pour 2020 poursuit la trajectoire ascendante dessinée par la loi de finances pour 2019 : les crédits des programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une augmentation de 1,5 %, ce qui représente 242 millions d’euros supplémentaires. Cet effort budgétaire, que je salue, doit cependant être mis en regard d’un contexte bien plus complexe que ne le laisse penser la présentation du Gouvernement, l’enseignement supérieur étant confronté à de nombreux défis.

Il fait d’abord face à un défi démographique. Sous l’effet d’une croissance soutenue des effectifs, la dépense publique moyenne par étudiant suit une tendance à la baisse depuis 2010.

Il doit ensuite relever le défi de la masse salariale. Madame la ministre, vous avez récemment annoncé aux établissements que le financement systématique du glissement vieillesse-technicité ne sera plus assuré. Vous jugez que cette mesure, qui est nécessairement perçue comme un désengagement de l’État, aura pour conséquence de susciter une véritable réflexion sur la politique des établissements en matière de ressources humaines.

L’enseignement supérieur fait par ailleurs face à de nombreuses réformes. Depuis 2018, elles se succèdent et se cumulent, sans que les moyens dédiés soient nécessairement au rendez-vous. Ainsi, les 16 millions d’euros annoncés ne seront vraisemblablement pas suffisants pour mettre en œuvre dans des conditions favorables la réforme des études de santé à la rentrée de 2020.

Enfin, il fait face à un défi patrimonial. De nombreuses universités sont confrontées à la vétusté de leurs installations et doivent envisager des projets de rénovation importants. Or elles manquent toujours de leviers financiers pour réaliser des travaux que l’on sait très coûteux.

Aussi, sans un changement d’échelle dans l’investissement public consacré à l’enseignement supérieur, ces défis ne pourront être relevés.

Le secteur se trouve d’autant plus déstabilisé que la récente décision du Conseil constitutionnel sur les droits d’inscription ouvre une inquiétante période d’insécurité juridique pour les établissements, en particulier les grandes écoles. L’emploi de l’adjectif « modique » laisse en effet la place à toute une gamme d’interprétations, dans l’attente de l’analyse du Conseil d’État. J’estime, pour ma part, que les droits d’inscription sont un réel levier de financement qui mérite d’être activé, dès lors qu’il est tenu compte, bien évidemment, des capacités financières des étudiants.

Un autre mode de financement propre me paraît devoir être encouragé : le mécénat, qui a déjà été évoqué. Encore insuffisamment développé en France, en comparaison d’autres pays, il est néanmoins en plein essor. Les trois quarts de nos universités se sont dotées d’une fondation, chacune percevant, en moyenne, 630 000 euros annuels. Les fonds récoltés proviennent à 87 % d’entreprises généralement implantées sur le même territoire.

Je m’inquiète donc des conséquences de l’article 50 du projet de loi de finances, qui modifie les règles de défiscalisation des dons. Je m’étonne que le ministère – je ne vise pas forcément le vôtre, madame la ministre – n’ait pas précisément évalué les conséquences d’une telle mesure sur l’enseignement supérieur et la recherche. C’est pourquoi je me réjouis que le Sénat, sur l’initiative de sa commission des finances et de sa commission de la culture, propose de revenir sur cette disposition, dont les effets délétères sont assurés.

Sous ces réserves, et en raison de l’augmentation globale du budget, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2020. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous évoquons ce jour les crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui sont en progression d’un demi-milliard d’euros, ce qui est significatif, reconnaissons-le. Les crédits, en augmentation de 2,4 % en 2019 et de 2,6 % en 2020, doivent toutefois être rapportés au montant global de l’investissement français dans la recherche et le développement ramené au PIB. Cette année encore, l’objectif fixé lors du conseil européen de Lisbonne de porter les investissements en R&D à 3 % du PIB ne sera pas atteint. Un léger recul sera même constaté, ce taux s’établissant à 2,21 %, au lieu des 2,25 % prévus initialement pour cette année.

L’ambition pour la recherche française reste en deçà de nos espérances. Souhaitons que l’année 2020 constitue un tournant pour notre recherche publique, compte tenu du vote du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui permettra, selon les mots du Président de la République mardi soir lors des quatre-vingts ans du CNRS, de s’orienter vers « un investissement, par choix de souveraineté, et de profondes réformes ! »

L’effort budgétaire consenti dans le volet « Enseignement supérieur », de l’ordre de 242 millions d’euros, servira à la revalorisation des carrières de professeurs, à l’expérimentation du dialogue stratégique et de gestion avec les universités, à la poursuite de la mise en œuvre du plan Étudiants, ainsi qu’à la réforme des études de santé.

Les 50 millions d’euros alloués cette année à l’expérimentation du dialogue stratégique et de gestion permettront de renforcer utilement le pilotage des dotations des universités, afin de parvenir à un pilotage plus fin des ressources des opérateurs. Nous appuyons totalement cette démarche visant à aboutir à une budgétisation plus sincère.

Par ailleurs, 50 millions d’euros sont prévus pour la revalorisation catégorielle des professeurs d’université, ainsi que la valorisation de l’investissement pédagogique via un congé et une prime spécifiques, que nous considérons comme stratégiques pour la qualité de notre enseignement universitaire.

La progression des crédits permettra également d’accompagner les universités qui devront préparer la réforme des études de santé au premier semestre prochain, pour une mise en œuvre effective prévue à la rentrée de 2020 : 6 millions d’euros sont ainsi prévus pour la réforme, auxquels s’ajouteront 11 millions d’euros débloqués en fonction des projets présentés par les établissements.

Quelques interrogations restent en suspens, touchant notamment à l’accompagnement stratégique et budgétaire de la réforme. Ainsi, la variation des contenus de la « mineure santé » d’une université à l’autre doit pouvoir être maîtrisée, afin de prévenir toute inégalité dans la qualité de l’enseignement. De même, la visibilité des universités sur la répartition de l’enveloppe de 11 millions d’euros doit être améliorée, pour qu’elles aient connaissance des moyens exacts dont elles disposeront pour mettre en œuvre la réforme à la rentrée prochaine.

Par ailleurs, il faut saluer l’augmentation des financements des missions universitaires des CHU par la revalorisation des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Récemment annoncée par le Premier ministre et la ministre de la santé, cette mesure redonne aux CHU une place centrale. De fait, la conférence des doyens d’université attendait plus de moyens, condition de son appui nécessaire à la mise en œuvre de la réforme des études de santé.

Notre appréciation des crédits consacrés à la vie étudiante peut difficilement être détachée de la question de la précarité des étudiants.

L’augmentation de 66,4 millions d’euros de ces crédits rompt avec la stabilité observée jusqu’ici. Ainsi, les bourses étudiantes seront revalorisées de 1,1 %. Si l’effort financier est réel, son effet sur la précarité est à relativiser, en raison du saupoudrage des aides. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, 66 % des étudiants non pauvres bénéficient d’aides publiques, contre seulement 49 % des étudiants pauvres. L’ajustement des soutiens aux besoins réels est peut-être le véritable enjeu pour lutter contre la précarité étudiante en restreignant le nombre des bénéficiaires pour augmenter le montant des aides.

Au total, ce budget pour l’enseignement supérieur nous paraît satisfaisant, même si, gardons-le à l’esprit, il constitue, comme celui de la recherche, un investissement de long terme aux puissants effets de levier. Nous pouvons et devons aller plus loin pour garder notre rang dans la compétition internationale.

Si ce budget ne marque pas réellement de rupture majeure par rapport aux années précédentes, nous sommes surtout dans l’attente de la présentation du projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche. Attendu dans le courant de l’année prochaine, ce texte devrait amorcer de plus profondes évolutions.

Cette année encore, le budget de la recherche est difficilement lisible, en raison de l’éclatement du financement de la recherche dans les différents programmes d’investissements d’avenir, mais aussi dans le Fonds pour l’innovation et l’industrie.

Sur le volet recherche, une hausse substantielle, de 428 millions d’euros, soutiendra les politiques d’attractivité des carrières scientifiques, le renforcement du plan Intelligence artificielle, le développement de la politique spatiale et le soutien à la création de l’Inrae au 1er janvier prochain.

Je salue en particulier l’augmentation très importante des crédits destinés à la recherche spatiale, domaine d’excellence de la recherche française et instrument de diplomatie. Les trois quarts de la progression des crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficieront au budget de la recherche spatiale. Nous soutenons cette haute priorité du Gouvernement pour une année cruciale, au cours de laquelle Ariane 6 accomplira son premier vol.

La grande majorité des membres du groupe du RDSE voteront les crédits de cette mission, estimant que sa progression est encourageante. Nous espérons que le Gouvernement présentera le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche à la mi-février, ce qui nous permettra, selon le vœu du président du CNRS, « de lutter à armes égales avec nos concurrents internationaux ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)