Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Non : « pas consommés » !

M. Jean-Louis Lagourgue. … faute de projets à la solidité suffisante.

Il est important de le souligner, les crédits de la mission « Outre-mer » ne constituent néanmoins qu’un peu plus de 9 % de l’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer. Celui-ci s’élève en 2020 à 26,55 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 26 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de respectivement 15,3 % et 17,3 % par rapport à 2019. Cette forte augmentation vient compenser la baisse des crédits de la mission « Outre-mer » et démontre la prise en compte, par le Gouvernement, de la nécessité d’un effort important en faveur des territoires ultramarins.

Je voudrais aborder plus spécifiquement l’insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional et la nécessité de l’encourager.

En effet, malgré des compétences larges et des politiques de soutien à l’insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional, ces dernières ne se sont pas encore entièrement saisies des possibilités qui leur sont offertes. Il apparaît ainsi primordial de les inciter à faire usage des compétences dont elles disposent et à recourir aux nombreux instruments de financement existants.

Avant de conclure, madame la ministre, je voudrais m’arrêter sur la situation critique du logement.

Le logement ultramarin exige des mesures fortes ! Le logement est la base de la vie familiale. C’est aussi un facteur d’attractivité pour les étudiants. Le logement des seniors est également une préoccupation croissante, en particulier aux Antilles, qui connaissent un vieillissement démographique accéléré. Économiquement, le BTP est un secteur vital pour les outre-mer ; il s’écroule sur certains territoires, comme à La Réunion.

Le budget pour 2020 honore les engagements pris dans le cadre du Livre bleu des outre-mer, qui définit les priorités du quinquennat pour les territoires ultramarins, et des contrats de convergence et de transformation. Il est conforme aux perspectives du plan SMA 2025 et de la Trajectoire outre-mer 5.0.

Pour ces raisons, le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2020. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées du groupe LaREM. – Mme Viviane Malet applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à défaut de pouvoir être aux côtés de ceux qui se battent ici ou chez moi contre la politique du Gouvernement, je serai ici, en solidarité, un militant.

Nous sommes prêts ici à discuter des 2,5 milliards d’euros que porte en affichage cette mission et même à défendre des amendements pour tenter de l’améliorer. Le rituel est bien rodé ; vous nous opposerez sans aucun doute votre ardeur au travail et la pertinence de votre politique, madame la ministre.

À mon sens, il est inutile de se lancer dans des débats ésotériques ; je ne parlerai pas de chiffres. Après un temps d’observation, je préfère vous dire le fond de ma pensée sur cette nouvelle politique de l’État outre-mer.

Au fond, le débat ne porte pas sur l’existence ou non d’un réflexe outre-mer. Il existe bien : c’est celui de l’égalitarisme forcené. La solidarité nationale se mégote, forçant chacun à trouver son propre salut : en somme, l’individualisme dans toute sa splendeur. Docteure en soupe salée, vous infligez une purge qu’aucun gouvernement n’avait jusqu’alors osé entreprendre.

D’ailleurs, étrangement, cette politique n’est que très faiblement défendue par ceux qui sont censés l’incarner sur le terrain. Pourtant conscients qu’une telle politique ne passe pas, les marcheurs, tétanisés, spectateurs impuissants des mauvaisetés infligées, ne sont pas entendus lorsqu’ils font remonter l’état des opinions.

M. Victorin Lurel. Ce ministère, bunkerisé dans ses certitudes et droit dans ses bottes, n’arrive donc plus à masquer sa solitude volontaire. Il n’est ni défendu, ni écouté, ni respecté. Chacun peut mesurer que, année après année, sans doute par résignation, le ministère perd tous ses arbitrages et s’isole davantage.

Mettez-vous à la place de vos partisans : tous les instruments de politique économique sont, au mieux, rognés, au pire, supprimés. Je pourrais évoquer les 100 millions d’euros de TVA non perçue récupérable (TVA NPR) récupérés, la réforme de l’abattement fiscal sur le revenu, le coup d’arrêt à la politique du logement, la surtaxation du rhum, la quasi-suppression des contrats aidés, l’atténuation du fonds d’investissement de proximité dans les départements d’outre-mer (FIP-DOM), hier la casse de la fonction publique et du système d’assurance chômage et demain votre réforme néolibérale des retraites ;…

M. Patrick Kanner. Un massacre !

M. Victorin Lurel. … et j’en passe…

Des symboles disparaissent également : France Ô, la circonscription européenne, la Cité des outre-mer.

On vide donc des poches qui, vu d’ici, seraient trop pleines. On agite même tous les marronniers des gnomes de Bercy et on fait siennes leurs obsessions en menaçant les acquis sociaux : là, je pense singulièrement aux congés bonifiés ou à la majoration de vie chère.

Pour défense, le ministère choisit soit l’attaque, soit la défausse.

Ainsi, on attaque lorsque l’on prétend que le financement de notre développement est devenu trop coûteux. Alors, on ligote, on rabote, on coupe, on supprime… C’est l’autre nom du cartiérisme budgétaire.

Plus pernicieuse est en fait la défausse lorsque vous affirmez que l’incapacité subite des collectivités et des acteurs locaux, singulièrement de l’ingénierie locale, est la seule explication aux réductions budgétaires. Cet argument m’est parfaitement insupportable. Jamais donc l’État ne s’interroge sur sa propre responsabilité dans les sous-consommations, notamment le changement de paradigme, passant de la défiscalisation au crédit d’impôt non préfinancé.

Je l’affirme : l’État ne s’empresse pas pour accompagner l’avancement des dossiers et les bloque même parfois.

Alors, face à la désespérance et à la montée des insatisfactions, on ruse, on enrobe à grands coups de communication. On survalorise la moindre annonce, on lance des « trajectoires », on présente avantageusement des contrats de convergence sous-dotés, on prétend contre l’évidence faire le bonheur des gens par des paillettes et du strass, qui ne sont que de la poudre aux yeux. En cela, je dois vous reconnaître de la cohérence. Vous mettez bien en œuvre la pierre angulaire de votre politique annoncée en début de quinquennat : la frugalité !

Ce gouvernement a ainsi annihilé le sens d’une démarche que tous les élus ultramarins portent depuis des décennies. Cette démarche consistait à cranter petit à petit les avancées sociales et économiques obtenues de haute lutte.

Au final, j’en arrive à me dire que le ministère se réduit désormais à sa seule capacité à diriger ses préfectures. Quand tout n’est pas recentralisé à Paris, ce sont aux préfets, qui, pour certains, se prennent pour des proconsuls, que revient la tâche de tout régenter. (Mme Victoire Jasmin applaudit.) Certains le font même avec zèle et dévouement. Ils « déchoukent » les élus. Ils vont porter la bonne parole en jouant les stars médiatiques. Ils accusent certains d’être incompétents, d’autres d’être de mauvais gestionnaires et les derniers d’être irresponsables. Ils vont dans toutes les réunions publiques, mais décident dans l’entre-soi. Ils n’administrent plus ; ils gouvernent !

Madame la ministre, nous demandons de vraies concertations, une réelle différenciation et une véritable transparence sur la fongibilité des crédits entre collectivités, que vous avez seule engagée.

Je suis – il est vrai – amer, mais je suis tout de même prêt à saluer une nouvelle fois votre courage d’avoir assumé la responsabilité pleine et entière de l’État et des autres acteurs privés dans le scandale du chlordécone. Je salue également votre maxima mea culpa lorsque vous revenez, dans ce PLF, sur la suppression des allocations logement (AL) accession.

Nous restons ouverts et en attente. Néanmoins, vous l’aurez compris, le groupe socialiste votera résolument contre ce budget ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. J’invite chaque orateur à essayer de respecter le temps de parole qui lui est imparti.

La parole est à M. Guillaume Arnell. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer », écrivait l’ancien Premier ministre Lionel Jospin dans son ouvrage Le Temps de répondre.

M. Patrick Kanner. Excellent !

M. Guillaume Arnell. Ces mots prennent tout leur sens au moment où nous examinons les crédits de la mission qui regroupe une partie des politiques à destination des territoires ultramarins.

Il est en effet difficile de placer dans un même ensemble des territoires situés aux quatre coins du globe, qui ont comme point commun d’être des entités à part entière du territoire national, même si, en dépit de la loi pour l’égalité réelle outre-mer, certains de nos compatriotes persistent à croire que ce sont des entités entièrement à part. J’interprète cela comme un appel à faire encore davantage, madame la ministre.

À cette première complexité s’ajoute une difficulté plus grande encore : dissocier les crédits de la mission, d’une part, et le budget total alloué aux outre-mer, d’autre part. En effet, la politique outre-mer est transversale. Elle représente un total de 18,5 milliards d’euros de crédits.

Or la mission que nous examinons aujourd’hui ne regroupe que deux programmes : le programme 138, « Emploi outre-mer », et le programme 123, « Conditions de vie outre-mer ». Ensemble, ils représentent environ un dixième du budget global dédié à l’outre-mer, avec 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement, en diminution de presque 4 % par rapport à l’année dernière, tandis que les crédits de paiement accusent une baisse de 6,5 %, pour s’établir à 2,4 milliards d’euros.

Il faut bien entendu examiner ces chiffres à périmètre constant, puisque certaines mesures concernant la Polynésie française sortent du périmètre de la mission, tandis que d’autres, comme celles qui concernent la Guyane, y entrent.

Une fois que ces éléments sont pris en compte, il en ressort que les autorisations d’engagement sont stables, tandis que les crédits de paiement subissent une baisse globale de 4 %, soit 100 millions d’euros. Comment ces chiffres s’articulent-ils au sein des deux programmes ?

Tout d’abord, le programme 138, « Emploi outre-mer », qui finance les actions visant à assurer le développement économique et la création d’emplois, connaît une légère baisse due à la diminution des crédits affectés au remboursement aux organismes sociaux des exonérations de cotisations de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer.

Il est en effet important de le rappeler, près de 73 % des crédits de ce programme viennent couvrir la compensation des exonérations Lodéom en faveur des entreprises ultramarines, mais ce dispositif est indispensable pour leur vitalité.

L’année dernière, le Gouvernement s’était engagé à compenser la suppression de 170 millions d’euros de dépenses fiscales en outre-mer en orientant les gains budgétaires vers le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) et les dépenses visant à favoriser le développement économique des territoires.

Le Gouvernement a tenu ses engagements sur ce point, puisque les crédits sont bien fléchés vers le FEI et vers une nouvelle action n° 04, Financement de l’économie.

Néanmoins, au sujet des compensations, permettez-moi, madame la ministre, de m’attarder quelques instants sur la situation de mon territoire, Saint-Martin.

Au mois de novembre 2017, le Premier ministre s’était engagé à ce que l’État verse entre 2018 et 2020 un appui annuel de 50 millions d’euros par an en fonctionnement, certes assorti de conditions, pour compenser les pertes éventuelles de recettes fiscales faisant suite au passage de l’ouragan Irma.

En fait, seuls 25 millions d’euros ont été versés en 2018. Pour 2019, la collectivité vient d’être avisée que l’enveloppe ne serait finalement que de 16,1 millions d’euros, fléchés en investissement, et non plus en fonctionnement et à consommer avant le 31 décembre !

À supposer que la collectivité ait pu faire des erreurs de jugement ou de stratégie, cela ne justifie pas pour autant le changement brutal de règles, qui va avoir des conséquences sur la population saint-martinoise et ralentir la reprise de l’activité économique.

Madame la ministre, je vous propose de nous revoir rapidement pour trouver ensemble une voie médiane et sortir du conflit entre État et collectivité d’outre-mer, dont la seule victime est – je le répète – la population de Saint-Martin.

Le reste des crédits du programme 138 vient financer le service militaire adapté, qui est particulièrement performant, et l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom). Ces deux outils en faveur de nos jeunes doivent être pérennisés.

Les crédits pour 2020 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », s’élèvent à près de 809 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 659 millions d’euros en crédits de paiement. L’instrument principal de ce programme est la ligne budgétaire unique (LBU), avec 215 millions d’euros en autorisations d’engagement et 190 millions d’euros en crédits de paiement en 2020, soit une baisse particulièrement forte, de l’ordre de 13 %. Ce niveau constitue le taux historiquement le plus bas de ces dix dernières années. Quand on connaît la situation dégradée du logement en outre-mer, ce choix budgétaire est difficilement compréhensible.

Je note enfin que l’action n° 04, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports, rassemble un montant de 5,6 millions d’euros de crédits, en diminution de 73,6 %. Quelle est la véritable politique que souhaite mener le Gouvernement dans ces matières ? N’avons-nous pas les mêmes droits et le même accès au sport et à culture ?

Malgré les réserves que je viens d’exposer, je préfère voir le verre à moitié plein plutôt que le verre à moitié vide. Aussi, mes collègues du groupe RDSE et moi-même approuverons les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous voici réunis pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». Comme chaque année, il nous faut répondre à de grandes attentes dans nos territoires, à la hauteur des enjeux auxquels ils font face.

Avec 2,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,4 milliards d’euros en crédits de paiement, c’est un budget équilibré qui nous est présenté par le Gouvernement.

Il faut le rappeler, le budget total alloué aux outre-mer, à la hausse en 2020, s’élève, tous ministères confondus, à 26,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 26 milliards d’euros en crédits de paiement.

Dans le détail, la mission « Outre-mer » bénéficie d’un budget résolument tourné vers l’emploi, car elle favorise la formation professionnelle et l’apprentissage et prolonge les engagements en matière de développement économique : exonérations de charges sociales, renforcement des zones franches d’activité, aides à la création d’entreprise.

Vous le savez, madame la ministre, le Sénat s’est fortement engagé depuis un an aux côtés des socioprofessionnels dans la réforme des exonérations de cotisations sociales. Dans le PLFSS 2020, nous avons, là encore, modifié les paramètres du dispositif.

Pour autant, nous devons reconnaître l’effort consenti par le Gouvernement, estimé à 36 millions d’euros, dans la clause de revoyure. De même, chers collègues, reconnaissons, chiffres du chômage à l’appui, l’intérêt d’une telle mesure pour nos territoires et nos entreprises.

On ne le dit peut-être pas suffisamment, mais, dans les secteurs renforcés, zéro charge jusqu’à deux SMIC, c’est en définitive 80 % des salaires qui seront entièrement exonérés de charges patronales.

Certains souhaiteraient que le dispositif permette le retour au pays de nos jeunes diplômés. Il peut y contribuer. Cependant, ne perdons pas de vue notre priorité commune : lutter contre le chômage.

En ce domaine, la tendance à la baisse qui se poursuit en 2019, sauf à Mayotte, semble nous dire que nous sommes sur la bonne voie. En Guyane, de 22 % en 2017, le taux de chômage est passé à 19 % un an plus tard.

Évidemment, personne ici ne peut s’en satisfaire. Nous pouvons et nous devons faire mieux.

Dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (Cnépéom), la députée Cécile Rilhac et moi-même avons remis un rapport d’évaluation sur la formation continue. Je veux insister sur l’une de ses recommandations : lutter contre l’illettrisme. Il s’agit désormais d’une priorité absolue, tant pour les jeunes que pour les adultes ; c’est une condition nécessaire à l’insertion économique et sociale. Nous devons nous y engager pleinement.

En cette matière, le SMA joue déjà un rôle fondamental. Aussi, l’on ne peut que se réjouir de voir l’encadrement développé pour améliorer et individualiser le suivi des stagiaires. Ainsi, 127 ETP supplémentaires seront recrutés durant le quinquennat, dont 35 en 2020. Là encore, nous préconisons un renforcement du SMA, au travers d’un meilleur accompagnement des jeunes filles et d’une coopération accrue avec les acteurs de la mobilité.

Plus globalement, madame la ministre, j’attire votre attention sur la nécessité d’évaluer les politiques publiques que nous déployons outre-mer, en particulier dans le domaine de l’emploi. La Cnépéom a le mérite d’exister, mais nous savons tous ici que les moyens dont elle dispose restent limités.

Ce budget comporte également le programme 123, « Conditions de vie outre-mer ». Je le dis sans détour : la loi pour l’égalité réelle outre-mer, qui avait éveillé de grands espoirs, a suscité de grandes déceptions au regard de l’objectif. Elle n’a fait que poser le juste constat d’un écart de développement particulièrement important entre l’Hexagone et l’outre-mer, sur la base de nombreux indicateurs, comme le PIB par habitant ou l’indice de développement humain.

Cette déception n’est d’ailleurs pas étrangère aux mouvements sociaux qui ont secoué certains de nos territoires ces deux dernières années. En Guyane, les manifestants, scandant tous en cœur : « la fusée décolle, mais la Guyane reste au sol », ont voulu faire savoir à l’État, mais aussi à toute la France qu’il ne pouvait y avoir sur un même territoire opulence et puissance, d’un côté, sentiment d’abandon et de soumission, de l’autre.

Pour ces raisons, un soutien fort et déterminé de l’État est indispensable aux collectivités territoriales d’outre-mer.

Les contrats de convergence et de transformation signés au mois de juillet dernier, dont les crédits augmentent de 5 %, joueront à leur mesure leur rôle.

Le FEI, qui est préservé à 110 millions d’euros, y contribue également en restant au service de projets du quotidien : un complexe aquatique, un stade, une opération d’assainissement ou d’électrification.

Soutenir les territoires, c’est aussi mieux accompagner nos collectivités territoriales. Il faut le dire, en révisant les critères de péréquation, ce budget reconnaît pour la première fois l’iniquité de traitement entre les collectivités locales d’outre-mer et celles de l’Hexagone. Cela se traduira à terme par une augmentation de 85 millions d’euros en faveur des outre-mer d’ici à cinq ans.

Dans le prolongement, il conviendra de tirer les enseignements de la mission de nos collègues Georges Patient et Jean-René Cazeneuve sur les finances locales.

En outre, dans le même esprit, notre groupe sera naturellement favorable à l’amendement de coordination du Gouvernement tendant à rétablir le prélèvement sur recettes relatif à la compensation des recettes d’octroi de mer au profit de la collectivité territoriale de Guyane. Il s’agit là d’une mesure indispensable à la bonne conduite des finances de la collectivité.

La question du logement méritera par ailleurs une attention toute particulière. En dépit de besoins criants, les crédits alloués sont malheureusement en baisse chaque année depuis 2014. Si nous convenons tous de leur insuffisance, ils restent fondés sur les capacités d’engagement constatées dans les territoires ces deux dernières années.

Cela étant dit, notre priorité est d’inverser la tendance.

À cet égard, le rétablissement de l’aide à l’accession à la propriété et à la rénovation de l’habitat est un signal positif. De même, avec 18 millions d’euros supplémentaires en 2020, les crédits des sociétés immobilières d’outre-mer (Sidom) sont au rendez-vous. C’est une bonne chose.

Pour rappel, l’État s’est engagé, à l’issue de la conférence du logement outre-mer, à maintenir les autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique au-delà de 200 millions d’euros annuels en 2020, 2021 et 2022. En parallèle, plusieurs actions de soutien à l’ingénierie seront mises en place dès 2020 pour répondre à la sous-consommation des crédits.

Une plateforme d’appui aux collectivités devrait d’abord voir le jour en Guyane. Des crédits de la ligne budgétaire unique seront aussi destinés à l’aide au montage de projets. Enfin, l’Agence française de développement (AFD) continuera sa mission d’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage à Mayotte et à Saint-Martin.

Bien entendu, cela ne suffira pas. En matière de logement, de nombreuses opérations ont pris du retard, trop de retard. Face à ces urgences, il faudra que chacun assume ses responsabilités. Cela concerne, certes, l’État, mais aussi, comme toujours, les élus locaux.

Vous l’aurez compris, notre groupe votera ces crédits, en conscience, et animé de l’exigence que nous fassions toujours plus pour nos territoires et nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Poadja. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Gérard Poadja. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail des rapporteurs sur cette mission. Je pense en particulier à mes collègues centristes Nassimah Dindar et Nuihau Laurey.

L’examen des crédits de la mission « Outre-mer » est un rendez-vous annuel qui nous permet à nous, parlementaires ultramarins, de nous prononcer sur la concrétisation budgétaire des engagements politiques du Gouvernement dans les outre-mer, à commencer par le Livre bleu des outre-mer et la Trajectoire 5.0. Il permet aussi d’actionner les leviers financiers et fiscaux pour faire face à des problèmes conjoncturels.

Nous en avons tous conscience, l’effort de l’État pour les outre-mer ne se réduit pas à cette mission, qui ne représente en réalité que 10 % de l’effort total de l’État.

Ce qui m’interpelle dans le budget des outre-mer, ce n’est pas tant le montant total des crédits budgétaires ; ce sont les contours des dispositifs fiscaux, des aides directes et des subventions économiques, sociales, d’équipements que ces crédits permettent de financer.

Ces dispositifs sont-ils toujours adaptés aux besoins de chacun de nos territoires ? Fonctionnent-ils ? Pour le service militaire adapté, je réponds « oui », et je salue le recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 en 2020, ainsi que la création d’une nouvelle compagnie à Bourail en Nouvelle-Calédonie. C’est un dispositif essentiel pour l’intégration de nos jeunes en décrochage scolaire et pour notre territoire en général.

Je salue également l’augmentation de 10 millions d’euros de la dotation relative au prêt de développement outre-mer, afin de l’étendre aux entreprises situées dans les collectivités du Pacifique.

En dépit de ces efforts budgétaires, ce sont les règles de fonctionnement des dispositifs qu’il faut revoir, afin de les rendre plus efficaces pour nos populations, nos entreprises et nos territoires.

Avec mes collègues, j’ai déposé plusieurs amendements visant à revoir certains dispositifs pour les rendre opérationnels.

Dans un contexte économique fortement dégradé, les aides et les dépenses fiscales pour les entreprises ultramarines sont indispensables. Or, non seulement leur montant a diminué sensiblement, mais les différences de régimes entre les territoires, les doctrines sévères des services fiscaux dans l’interprétation des règles et la longueur des procédures d’agrément découragent les investisseurs.

J’ai donc déposé un amendement sur les articles non rattachés afin que vous puissiez déléguer votre avis au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, madame la ministre

En effet, il faut plus de deux ans aujourd’hui pour que vos services et ceux de Bercy instruisent un dossier d’investissement défiscalisé dans le Pacifique, contre quelques mois dans les DOM. C’est décourageant, aussi bien pour les acteurs du développement économique que pour les entreprises.

Les investisseurs ne vont plus en Calédonie. La défiscalisation est au point mort, même si quelques grosses opérations, comme l’achat en 2017 de quatre avions Airbus par Aircalin, permettent d’afficher un niveau élevé de défiscalisation. Les délais de traitement des dossiers par votre administration ne suivent pas. Il faut y remédier !

De même, il faut compenser la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) en France par un crédit d’impôt, comme cela existe dans les DOM, pour ne pas plomber l’intérêt des entreprises métropolitaines à investir dans les entreprises des territoires du Pacifique, fiscalement autonomes.

Vous le savez, avec l’incertitude sur l’avenir institutionnel de notre archipel, les investisseurs se font rares. Les banques ne prêtent pas, les acteurs économiques n’investissent pas et mettent leurs économies à l’abri. Alors, si vous ne les encouragez pas, que reste-t-il ?

Il y a une vraie réflexion à mener par votre ministère et par Bercy sur ce sujet, afin de rendre claires, lisibles et stables les aides fiscales pour tous les outre-mer.

Pour les aides aux ménages, ce qui est en question, ce n’est pas l’enveloppe budgétaire globale ; ce sont les conditions d’attribution, et notamment les plafonds des revenus, qui ne sont pas adaptés à la vie chère sur certains territoires comme la Calédonie.

Cette année, 600 étudiants étaient exclus des bourses sur critères sociaux, donc de la prise en charge à 100 % d’un billet d’avion pour leurs études, alors que leurs familles n’ont qu’un faible reste à vivre. L’incidence budgétaire d’une telle évolution sera minime, mais cela va changer la vie des étudiants.

À l’Assemblée nationale, vous avez d’ailleurs assoupli les conditions pour bénéficier de la continuité funéraire et élargi la continuité territoriale à la mobilité au sein d’un même bassin géographique. Cela va dans le bon sens, celui de l’écoute des besoins des Ultramarins. Mais pourquoi ne pas commencer par appliquer la continuité territoriale aux liaisons inter-îles dans les archipels ? Pourquoi la restreindre à la mobilité régionale pour la formation professionnelle ? C’est ce que je propose dans l’amendement que j’ai déposé sur ce volet de la mission, pour répondre à une attente forte des habitants.

En dehors des contours de dispositifs à améliorer, il y a enfin les zones grises qui demeurent quand on parle des outre-mer, notamment des collectivités à statut particulier.

Les collectivités du Pacifique sont exclues à tort de certains dispositifs : des dispositifs fiscaux, mais aussi des fonds, comme le fonds vert ou le fonds de prévention des risques naturels. C’est le sens de deux amendements que je défendrai également.

Madame la ministre, j’espère que vous saurez entendre les appels pour les outre-mer que je formule aujourd’hui à l’occasion de l’examen des crédits de cette mission. Je vous remercie du soutien que vous apporterez à nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)