M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le ministre, je le confesse, comme beaucoup d’entre nous, je ne vous connaissais pas. En revanche, je connais un peu votre itinéraire politique, et je ne m’attendais à vous voir défendre une mesure de contrôle des prix !

M. Philippe Dallier. Ça vous rappelle des souvenirs !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. À situation exceptionnelle, propositions exceptionnelles !

Vous déclarez avoir déjà imposé un encadrement des prix des gels hydroalcooliques, qui s’envolaient, mais vous considérez que la procédure est trop complexe et qu’il faut pouvoir aller plus vite. Soit, je vous fais confiance par principe.

Mais la seconde partie du texte de l’amendement – M. le rapporteur l’a souligné avec beaucoup d’onctuosité – n’a rien à voir : il s’agit de décider que vous, ministre de la santé, allez pouvoir « prendre toute autre mesure générale nécessaire limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire ». Véran, roi du monde ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)

Il y a là une curiosité. D’accord, vous êtes ministre de la santé, vous faites une belle carrière, mais vous n’êtes pas ministre de l’intérieur ni Premier ministre.

M. Olivier Véran, ministre. L’article L. 3131-1 du code de la santé publique existe déjà !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. En outre, M. le rapporteur aura l’occasion d’y revenir tout à l’heure, nous avons détaillé toute une série de mesures que vous pourriez être amené à prendre en urgence, mais en l’encadrant juridiquement. Nous sommes plusieurs à être en désaccord avec la liste qui a été fixée, mais elle a au moins le mérite d’exister. Ce n’est pas rien, ce que vous proposez !

Il me semble que si vous acceptiez de rectifier votre amendement en supprimant le 9°, comme vous l’a suggéré M. Bas, le Sénat pourrait le voter. (Marques dapprobation sur les travées du groupe CRCE.) En revanche, je crains que le Sénat ne rejette votre amendement si vous le maintenez en l’état.

Mme Éliane Assassi. C’est sûr !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Afin que nous puissions avancer, serait-il possible de déposer un sous-amendement visant à supprimer, au 9° de l’amendement du Gouvernement, la référence à la limitation de la liberté d’aller et venir et de la liberté de réunion ? Ne resterait alors visée que la liberté d’entreprendre, ce qui répondrait au besoin exprimé par M. le ministre.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai beaucoup de respect et d’amitié pour le président Bas, mais nous sommes véritablement confrontés aujourd’hui à une situation d’urgence et j’estime que les dispositions nécessaires pour y faire face doivent pouvoir être prises. Une telle mesure de contrôle des prix me paraît absolument indispensable.

M. Philippe Bas, rapporteur. Mais je suis pour !

Mme Éliane Assassi. Il est d’accord !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je comprends les réticences à l’encontre du 9°, mais je vous exhorte à ne pas bloquer la situation et à voter cet amendement, quand bien même il ne serait pas rectifié ou sous-amendé.

Comme je l’indiquais à M. le ministre avant la séance, on m’a informée qu’une pharmacie aurait vendu une boîte de 100 masques à un médecin connu pour 800 euros… C’est inadmissible !

Mme Éliane Assassi. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je crois important de prendre des mesures très claires et très strictes. Je voterai donc cet amendement, même non rectifié.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je soutiens totalement l’amendement de M. le ministre – je prie Philippe Bas de m’en excuser.

Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous évoquons des difficultés à se procurer certains types de médicaments. Les explications que M. le ministre vient d’apporter devront nous inciter à revenir, en loi de financement de la sécurité sociale, sur les autorisations et sur les moyens d’obliger certains laboratoires à fournir certains médicaments.

Dans le cadre de la crise actuelle, il est nécessaire que nous puissions disposer sans difficulté de l’ensemble de l’arsenal thérapeutique.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je suis favorable au 8°. Les explications de M. le ministre sur les difficultés d’approvisionnement en médicaments étaient parfaitement claires. Chacun sait que notre groupe est favorable à la licence d’office, notamment, pour laquelle nous avons bataillé à d’autres occasions. Nous nous réjouissons d’avoir aujourd’hui le soutien du Gouvernement sur ce point.

En revanche, monsieur le ministre, je partage totalement les critiques adressées au dispositif du 9°. Il n’a aucun rapport avec le sujet et son maintien risque d’amener le Sénat à rejeter l’ensemble de votre amendement, ce qui serait dommageable.

Certes, il est précisé que la possibilité de « prendre toute autre mesure générale nécessaire limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion » a pour « seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire », mais comment définissez-vous concrètement cette « seule finalité » ?

Le 8° suffit et, à mon avis, votre amendement pourrait être largement adopté si vous le restreigniez à cette seule disposition.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis.

Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Je soutiens la position du président Bas.

J’approuve entièrement le 8°. D’ailleurs, monsieur le ministre, je vous félicite d’avoir encadré le prix des gels désinfectants. Nous comprenons bien que vous puissiez avoir besoin d’un tel outil. En revanche, le champ du dispositif du 9° est sans limite. Il vous donne toute possibilité de restreindre la liberté d’aller et venir et la liberté de réunion : cela me semble beaucoup trop large. J’observe d’ailleurs que vous n’avez pas eu besoin d’un tel dispositif pour déjà limiter ces libertés, puisque nous sommes confinés à domicile. Je n’en vois donc pas l’utilité.

Enfin, si je peux comprendre vos arguments et ceux de M. Milon sur la nécessité de pouvoir porter atteinte à la liberté d’entreprendre, ne pourrait-on pas viser le seul domaine pharmaceutique, la seule finalité étant de mettre fin à une catastrophe sanitaire ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Nous ne nous sommes pas concertés avec Sophie Primas, et pour cause : cet amendement n’a pu être examiné par la commission, tant il est arrivé tardivement.

Mais je souligne qu’adopter le dispositif du 9°, dont tous nos collègues n’ont peut-être pas pu prendre connaissance, reviendrait à annuler purement et simplement l’effort qui a été fait pour circonscrire le champ des mesures susceptibles d’être prises par le Gouvernement. Cette disposition permet en effet au Gouvernement de prendre, en tant que de besoin, « toute autre mesure générale nécessaire limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire ». Cela revient à dire que le ministre pourra tout faire !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est normal, il est ministre de la santé !

M. Philippe Bas, rapporteur. Rejoignant en cela M. Milon, je souscris pleinement à la volonté du Gouvernement de mettre à la disposition du public les médicaments dont il a besoin en mobilisant tous les moyens nécessaires, mais le prix à payer pour cela ne saurait être de donner les pleins pouvoirs au Gouvernement pour limiter la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion, au seul motif de l’existence d’une crise sanitaire.

Cela étant, je tiens vraiment à ce que nous puissions avancer et je suis favorable au 8°, comme beaucoup des orateurs qui se sont exprimés. Aussi vais-je vous faire, monsieur le ministre, une proposition permettant de satisfaire votre intention sans ouvrir le champ démesurément, d’une manière qui me paraît radicalement inconstitutionnelle. En effet, il serait parfaitement inutile d’instituer l’état d’urgence sanitaire pour donner un fondement juridique sûr à votre action contre le coronavirus si c’est pour s’exposer à un risque constitutionnel majeur ! Je veux vous aider, mais aidez-moi à vous aider.

Je propose donc de sous-amender votre amendement en prévoyant, au 9°, que le Gouvernement pourra prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de l’épidémie. Je pense que notre collègue Alain Milon sera satisfait par ce sous-amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 100, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

toute

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de l’épidémie

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Je vais le donner, avec tout le respect que j’ai pour M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas une question de respect ; on vous demande un avis !

M. Olivier Véran, ministre. Que permet aujourd’hui le droit ? En signant un simple arrêté sur la base de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, j’ai pu limiter la liberté d’aller et venir et la liberté de réunion, hors du contrôle du Parlement. En l’état actuel du droit, un arrêté du ministre de la santé suffit.

M. Philippe Bas, rapporteur. Ça ne veut pas dire que c’était légal ! Sinon, vous ne nous présenteriez pas un projet de loi instaurant l’état d’urgence sanitaire !

M. Olivier Véran, ministre. C’est parfaitement légal. Nous avons simplement voulu renforcer le contrôle du Parlement au travers d’un texte législatif. Ce n’est ni la première ni la dernière fois, coronavirus ou pas, que l’on active le dispositif de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui permet, pour des raisons de santé publique, de manière proportionnée dans le temps et dans l’intensité, de restreindre les libertés collectives si c’est nécessaire à des fins de santé publique.

J’ai d’ailleurs signé un tel arrêté une deuxième fois, pour renforcer le confinement des populations. Je ne l’ai pas fait de gaieté de cœur. Interdire les réunions, les rassemblements religieux, fermer les écoles, interdire l’ouverture des commerces : autant de mesures qui pourraient tout à fait figurer dans la liste des dispositions qu’il vous semblait effrayant d’inscrire dans le droit, alors que l’article L. 3131-1 du code de la santé publique permet déjà de les prendre par arrêté…

Madame la sénatrice de la Gontrie, ce n’est pas le ministre de la santé qui prend la décision ; c’est le Premier ministre, sur proposition du ministre de la santé. Le décret est signé par le Premier ministre.

La finalité est exclusivement de santé publique. La mise en œuvre du dispositif ne peut absolument pas déborder sur d’autres domaines et elle doit être proportionnée. L’alinéa 24 prévoit d’ailleurs que les mesures prescrites en application du présent article doivent être « proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et qu’il y est « mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ». Au demeurant, cela garantit un contrôle à la fois par le juge et par le Parlement.

Dernier argument juridique, s’il en fallait un, le Conseil d’État a jugé complètement conforme la disposition que le Gouvernement vous présente.

Je ne voudrais pas que vous vous mépreniez sur la volonté du Gouvernement. Vous l’imaginez bien, nous n’avons aucune intention cachée de limiter les libertés publiques. Nous vous demandons de nous aider à aller plus vite, en situation de crise sanitaire exceptionnelle, pour prendre des mesures qui s’imposent. Je peux les prendre par arrêté, mais je vous propose qu’elles soient prises par décret du Premier ministre.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 100.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 100.

M. Jean-Yves Leconte. Ce sous-amendement relève du même esprit que la proposition que j’avais formulée. Nous nous y rallions.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Si M. le ministre dispose déjà, avec l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, du fondement juridique lui permettant de prendre de telles mesures, il peut facilement renoncer aux dispositions du 9° de son amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur. J’affirme que le fondement juridique de ses arrêtés était insuffisant pour mettre en cause des libertés fondamentales. Seule la théorie des circonstances exceptionnelles a permis qu’ils soient mis en œuvre ; au demeurant, ils n’ont pas été attaqués. D’ailleurs, je m’en réjouis, car je souscris aux mesures qui ont été prises.

Pour autant, si vous voulez faire un travail juridique convenable, monsieur le ministre, vous devez nous indiquer quelles catégories de mesures vous entendez inscrire dans la loi. C’est ce que nous vous proposons avec ce sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 100.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Kanner et Jomier, Mmes Rossignol et de la Gontrie, MM. Leconte, Sueur, Éblé, Carcenac, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

sont

insérer le mot :

strictement

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 38 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Après les mots :

de la santé

insérer les mots :

, après consultation du comité de scientifiques,

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Le présent article confère des pouvoirs exceptionnels au ministre de la santé, qui pourra prescrire par voie réglementaire les mesures générales et individuelles qu’il jugera nécessaires. Étant donné le champ indéfini, donc potentiellement très large, des mesures en question, il s’agit de s’assurer que les décisions sont prises après consultation du comité de scientifiques dont le projet de loi prévoit la création.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable. Il y aura beaucoup de mesures individuelles, et le comité de scientifiques risquerait d’être engorgé et de ne plus pouvoir se prononcer sur l’essentiel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Même avis que la commission.

Il faut que l’on puisse aller vite. De même que je proposais tout à l’heure d’éviter de revenir systématiquement devant le Parlement après chaque conseil de défense visant à mettre en place des mesures de confinement en cas d’urgence sanitaire, je suis défavorable à tout ce qui pourrait entraîner un retard dans la prise de mesures. Bien entendu, cela n’empêchera pas ensuite la discussion et la concertation avec les parlementaires et les scientifiques.

Le Président de la République a souhaité instaurer un conseil scientifique indépendant, pour la première fois dans une crise sanitaire. Cette instance se réunit et travaille bien, en toute transparence. Ses avis font l’objet d’une publication totale. Il faut le souligner.

Honnêtement, pour être plongé dans la gestion de la crise sanitaire depuis quatre semaines, je ne pense pas qu’instituer une telle consultation avant toute prise de décision soit de nature à nous aider.

Mme Laurence Cohen. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 50 est retiré.

L’amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Kanner et Jomier, Mmes Rossignol et de la Gontrie, MM. Leconte, Sueur, Éblé, Carcenac, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Après les mots :

catastrophe sanitaire

insérer le mot :

exceptionnelle

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre amendement précédent ayant le même objet a connu un sort funeste, ce que nous n’avons pas compris. En effet, une catastrophe, ce n’est pas la même chose qu’une catastrophe exceptionnelle. Cela étant, nous retirons l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.

L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Kanner et Jomier, Mmes Rossignol et de la Gontrie, MM. Leconte, Sueur, Éblé, Carcenac, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces dernières mesures font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à préciser les conditions d’information du procureur de la République s’agissant de mesures individuelles de restriction des droits et libertés constitutionnellement garantis appliquées dans le cadre du régime spécifique d’exception sanitaire créé par le présent projet de loi.

Il nous paraît nécessaire de s’assurer de l’immédiateté de cette information indispensable au contrôle de l’action du représentant de l’État dans ce cadre juridique dérogatoire et, pour le coup, exceptionnel…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Nous travaillons vite, et il y a forcément de petits risques d’imperfection. Cela étant, si je trouve logique que l’on informe le procureur des mesures individuelles, quel est le rôle du procureur s’agissant de mesures collectives ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12, présenté par MM. Kanner et Jomier, Mmes Rossignol et de la Gontrie, MM. Leconte, Sueur, Éblé, Carcenac, Montaugé, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 3131-26. – En cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, un comité de scientifiques placé auprès du Premier ministre est réuni immédiatement. Il assure l’analyse et le suivi de l’évolution de la catastrophe sanitaire exceptionnelle et émet des recommandations rendues publiques.

« Il comprend des personnalités qualifiées pour leur expertise médicale et scientifique nommées par décret, deux députés et deux sénateurs nommés par le Président de leur assemblée respective. Son président est nommé par décret du Président de la République.

« Ce comité rend public périodiquement, et au moins une fois par semaine pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, son avis sur les mesures prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25.

« Sa composition et ses missions sont définies par décret.

« Ce comité est dissous lorsque prend fin l’état d’urgence sanitaire.

La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Nous souhaitons que le Parlement puisse être représenté par deux sénateurs et deux députés au sein du comité de scientifiques chargé d’éclairer, par son expertise, les décisions du Gouvernement.

Outre que cela donnera, me semble-t-il, de la force aux avis qui seront présentés, cela permettra au Parlement de contrôler l’action de ce comité, qui joue un rôle si important aujourd’hui dans la prise de décision par le Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 30, avant-dernière phrase

Remplacer le mot :

périodiquement

par les mots :

de manière hebdomadaire

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Ainsi que je l’ai souligné lors de la discussion générale, dans la crise que nous traversons actuellement, il est essentiel que l’exécutif soit le plus transparent possible. À ce titre, il convient de saluer, même si l’on peut quelquefois émettre des réserves, les communications régulières du Gouvernement.

Toutefois, la cote de confiance du Gouvernement étant ce qu’elle est, il est essentiel de prévoir que le comité de scientifiques communique hebdomadairement ses préconisations – une telle mention est plus précise que celle qui figure pour l’instant dans le texte –, afin de fixer une périodicité minimale.

Selon nous, c’est à cette condition que nous pourrons enrayer à la fois les vagues de panique et les actes irresponsables que nous connaissons depuis plusieurs jours.

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéa 30, avant-dernière phrase

Remplacer le mot :

périodiquement

par les mots :

de manière bimensuelle

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Conformément à la nécessité d’information du Parlement énoncée dans ce projet de loi, l’article 5 prévoit la constitution d’un comité d’experts, chargé de remettre régulièrement un avis scientifique portant sur les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Suivant l’argumentation déjà développée par Mme Assassi, il me semble nécessaire que ce rapport soit, non pas hebdomadaire, mais bimensuel. Il ne s’agit pas d’une divergence entre nous ; j’estime plutôt que, sur ce point, nous nous complétons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Il faut savoir ce que l’on veut faire de ce conseil scientifique. À mon sens, il s’agit d’un organe très précieux, répondant aux questions que le Gouvernement lui pose quand il est confronté à une difficulté pour prendre une décision de sécurité sanitaire, dans cette crise du coronavirus.

Mes chers collègues, ce conseil ne doit pas être alourdi par les procédures ; il doit être souple. Surtout, j’insiste sur le fait qu’il s’agit d’un conseil scientifique. Bien que vous soyez nombreux à disposer de qualifications scientifiques très élevées, mes chers collègues, il ne me semble pas que nous puissions facilement, en tant que parlementaires, justifier notre présence au sein de cette instance.

Bien sûr, il me paraît important que le conseil scientifique fasse preuve de transparence. Au reste, le Gouvernement a toujours rendu publics ses avis, et il ne pourrait sans doute pas faire autrement, étant donné l’attente très forte exprimée par l’opinion. Mais prenons garde : il ne faudrait pas rigidifier le fonctionnement de cette instance.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Véran, ministre. Il m’est arrivé de saisir le conseil scientifique dans l’heure, et j’ai toujours obtenu de lui des réactions extrêmement rapides.

J’ai proposé à ses membres des modalités de travail spécifiques, et ils ont décidé de se retrouver au minimum une fois par jour, parfois deux fois par jour lorsque c’est nécessaire – en visioconférence ou en audioconférence. Y compris les samedis et les dimanches, j’ai pu être conduit à les saisir en toute urgence.

Par définition, une crise sanitaire comme celle que nous traversons aujourd’hui supporte mal une régulation fondée sur une temporalité rigide ; or, plus nous alourdissons les procédures, plus nous perdons en souplesse, et la souplesse est une arme quand on est en guerre contre un tel virus.

J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je comprends ces avis défavorables, mais, en vous écoutant, j’ai récapitulé les décisions prises depuis 2015 au titre de l’état d’urgence. Avec M. Cazeneuve, ministre de l’intérieur, et ses services, nous avons organisé de manière spontanée un suivi de l’état d’urgence.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Nathalie Goulet. À ce titre, le Parlement était informé chaque fois qu’il avait besoin de l’être.

Si vous vous engagiez tout simplement à entreprendre une telle démarche, cela garantirait à la fois la souplesse du dispositif et l’effectivité, sinon du contrôle, du moins du suivi.

J’y insiste : un tel dispositif a été mis en œuvre avec Bernard Cazeneuve. On nous communiquait par exemple le nombre de perquisitions. Tout était fait de manière totalement transparente. Ainsi, la représentation nationale avait obtenu satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, nous, parlementaires, nous apprêtons à donner un grand nombre de pouvoirs au Gouvernement, notamment à vous. Mais, dès lors, nous sommes face à la question suivante : comment avoir accès à l’information des scientifiques ?

Aujourd’hui, quand un membre du Gouvernement nous dit : « L’avis des scientifiques nous conduit à prendre telle décision », il ne nous donne pas de véritables informations quant aux recommandations énoncées. Nous devons nous contenter des éléments filtrés par les médias ; et cette information présente ses limites, voire ses travers.

Notre demande traduit donc une exigence de transparence, que vous devez entendre. Nous devrions avoir accès à l’expertise des scientifiques par d’autres canaux que la télévision !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Compte tenu des circonstances, nous allons voter des mesures exorbitantes du droit commun en matière de libertés publiques – je pense notamment à la liberté d’entreprendre et à la liberté de réunion. Nous ne pouvons pas prendre une telle décision sans que la transparence soit pleinement assurée.

Cette crise est mondiale. Elle touche toute l’humanité. J’en suis convaincu : de la manière dont nous nous comporterons face à cette crise dépendra le monde de demain.

Or, pour dessiner le monde de demain, en garantissant la liberté et la démocratie, nous devons respecter la transparence. Il faut expliquer pourquoi, dans les circonstances présentes, il y a des choses que l’on ne peut pas faire.

Ce devoir de transparence passe aussi par les parlementaires. Il implique de revoir le rôle du comité scientifique. Je le répète, c’est de cette transparence que dépendra le monde d’après !