M. le président. C’est fait !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en remercie !

Il serait bon, si vous le voulez bien, d’engager la même démarche au regard de ce que je viens de dire à propos de cet article 13.

Enfin, un point nous posait véritablement problème : l’alinéa 28 de l’article 5, introduit par l’Assemblée nationale, qui autorisait le Premier ministre à prendre « toute autre mesure générale nécessaire » pour mettre fin à la catastrophe sanitaire. Dans son discours devant l’Assemblée nationale, celui-ci avait glosé, expliquant que cette mesure pouvait, en quelque sorte, s’apparenter à la clause de compétence générale des collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, je salue l’effort qui a été fait en ce qui concerne la liberté d’aller et venir et qu’il soit désormais fait référence non pas au droit de réunion, mais aux lieux de réunion. Néanmoins, la référence à la liberté d’entreprendre nous paraît poser encore problème. Toujours est-il que cette démarche n’était pas claire au regard des libertés, auxquelles nous sommes très attachés.

Pour conclure, j’indique que nous soutenons tout ce qui est positif dans ce texte et redisons notre attachement à la solidarité et à l’unité nationales, mais, dans le même temps, notre groupe tient à réaffirmer, en tout point et en toutes circonstances, même exceptionnelles, son attachement aux libertés, son attachement aux droits du Parlement, qui sont constitutifs de l’esprit républicain et de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cet instant, je veux d’abord avoir une pensée pour tous nos compatriotes touchés par le Covid-19, pour les familles endeuillées, les personnes malades, les entourages inquiets. J’ai une pensée particulière aussi pour nos collègues sénateurs et tous les collaborateurs du Sénat qui sont ou ont été infectés par le virus.

Mes chers collègues, cela fait maintenant trois jours – oui, trois jours ! – que le Parlement débat de ce projet de loi dit « d’urgence ». C’est l’honneur de notre démocratie que de préserver les principes de notre État de droit dans toutes les circonstances, même les plus exceptionnelles, les plus tragiques, les plus éprouvantes pour notre pays. Tout comme Clemenceau avait toujours tenu à ce que le Parlement siégeât durant son ministère, pendant la Grande Guerre. Mais, devant l’urgence sanitaire, économique, sociale et sécuritaire absolue, il s’agissait de ne pas ressembler aux Byzantins, qui dissertaient sur le sexe des anges alors que les Ottomans assiégeaient leur cité.

Les débats se sont donc étirés au moment où nos personnels soignants effectuent un travail exceptionnel, dans des conditions épouvantables, eux qui méritent bien plus qu’une série d’hommages, même justifiés.

Trois jours de débat, c’est sûrement beaucoup pour nos concitoyens, qui, pour la plupart, ont maintenant pris la mesure de la gravité de la situation. Trois jours pour discuter de points de droit qui peuvent paraître finalement secondaires aux yeux de nos concitoyens au regard des urgences du moment.

Monsieur le ministre, nul ici ne doute de l’engagement collectif du Gouvernement. Nous savons que le ministre de la santé mobilise tous les moyens pour que notre système de santé soit en mesure d’absorber le pic épidémique attendu dans quelques jours.

Les leçons à tirer seront pour plus tard. L’heure n’est pas à la politique partisane, mais bien à l’unité nationale, et vous pouvez compter évidemment sur le groupe du RDSE dans ce moment.

Chacun détient une part de la responsabilité collective qui permettra de lutter efficacement contre l’épidémie. Il y a, bien sûr, les inconscients, qui confondent confinement et vacances. Ceux aussi qui sont allés rejoindre leur résidence secondaire au risque d’étendre la contamination. Mais je voudrais surtout retenir les initiatives remarquables de beaucoup de nos concitoyens, remettant du lien social et de la solidarité au cœur de la cité : ici, un supermarché qui réserve des créneaux horaires aux personnes âgées ; là, un maire qui demande à ses administrés de se mobiliser pour rompre l’isolement des résidents d’un Ehpad en leur envoyant des messages ; un autre qui renforce le portage des repas ; un peu partout, une attention à distance retrouvée envers sa famille, son cercle amical ou son voisinage, pour égayer le confinement ou s’assurer que tout va bien.

À cet égard, nous souscrivons bien sûr à la création et à la mise en œuvre immédiate de l’état d’urgence sanitaire. Il y a encore trop de nos compatriotes qui n’ont pas conscience de ce que nous vivons. La pédagogie doit vite le céder à la coercition, au nom de l’intérêt général !

Nous saluons le compromis trouvé à l’Assemblée nationale sur le contrôle des mesures qui seront prises dans ce cadre. De même, nous nous félicitons du renvoi aux accords collectifs de la modulation des congés payés compte tenu des circonstances, ainsi que de toutes les autres précisions apportées par la commission mixte paritaire. En effet, de fortes interrogations demeuraient dans le domaine du droit du travail, où les circonstances exceptionnelles ne peuvent en aucun cas être le prétexte à une régression.

Oui, nos deux assemblées ont longuement débattu des modalités de report du second tour des élections municipales et de leurs conséquences. Pour sa part, notre groupe a plaidé pour la fixation du délai de dépôt des candidatures au plus près de la date du scrutin. Nous nous satisfaisons de l’équilibre trouvé à cet égard par la commission mixte paritaire. Peut-être une saisine blanche du Conseil constitutionnel permettrait-elle de purger d’emblée le texte de toute inconstitutionnalité et, ainsi, d’établir une véritable sécurité juridique.

Ces débats paraissent sûrement accessoires à nos concitoyens ; ils n’en sont pas moins indispensables au fonctionnement de nos institutions.

À cet instant, j’ai une pensée particulière pour tous les élus qui, jusque dans les plus petits villages, font front dans ces circonstances particulières, continuant avec dignité d’exercer un mandat prolongé, avec l’unique intention de protéger leurs concitoyens. Ils sont en première ligne sur le terrain, y compris lorsqu’ils savent qu’ils ne seront plus en place dans quelques semaines, mettant en place des mesures importantes comme des plateformes de soins ou des chaînes de solidarité. Partout, avec les agents des collectivités territoriales, ils assurent la continuité des services publics essentiels à la population avec la meilleure qualité possible.

Les élus sont également des relais indispensables à nos entreprises, elles aussi durement affectées et qui ont besoin d’être aidées à soutenir l’emploi et, une fois que la crise sera passée, à redémarrer dans les meilleures conditions. Les ordonnances sont le meilleur moyen de décliner rapidement ces aides secteur par secteur.

Mes chers collègues, une fois passé l’état de sidération dans lequel notre pays, à l’instar du monde entier, est plongé, il sera temps de s’interroger et d’analyser ce qui aurait pu être fait autrement. Il faudra aussi, bien sûr, tirer des leçons profondes pour notre système de santé, nos industries stratégiques, notre modèle économique ou encore notre résilience alimentaire. Le groupe du RDSE avait d’ailleurs présenté des propositions fortes à ce sujet. Toutefois, l’heure est à l’unité : c’est dans cet esprit que, à deux exceptions près, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi instaurant des mesures d’urgence porte dans son titre même le défi qui se pose au législateur depuis trois jours : répondre en droit et dans des délais réduits, pour assurer la continuité de la vie nationale, à une urgence imposée par de tristes circonstances de fait.

Plusieurs écueils étaient face à nous : confondre réactivité et précipitation et être pris de « démangeaisons législatives », pour reprendre la terminologie si éclairante de Guy Carcassonne ; analyser l’urgence par opposition à la situation normale, celle où le respect des règles et les considérations de droit s’imposeraient parce qu’on a le temps.

Mes chers collègues, je suis fier de porter la parole de mon groupe sur les conclusions auxquelles la commission mixte paritaire est parvenue, car je suis convaincu que nos travaux, par leur construction et l’approche choisie dès leur ouverture, nous ont gardés de ces écueils. De ce point de vue, je salue le travail de notre rapporteur, la qualité de nos débats et les évolutions introduites par le Sénat et reprises par l’Assemblée nationale pour renforcer les garanties juridiques et la cohérence du projet de loi ordinaire.

Je pense notamment au report de l’installation des conseils municipaux élus au complet dès le premier tour, à la clarification des conditions de prorogation des mandats des conseillers municipaux et à l’assouplissement des modalités de réunion des assemblées délibérantes pendant la crise sanitaire.

Je pense également à l’extension des prérogatives du Premier ministre pour la mise à disposition de certains médicaments et le contrôle des prix des produits nécessaires à la lutte contre l’épidémie, ainsi qu’à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire sans délai et pour deux mois. Cette disposition dérogatoire, assortie de garanties, donnera au Gouvernement les moyens de poursuivre l’action qu’il mène pour faire face à l’urgence collective.

Je me réjouis particulièrement que la commission mixte paritaire ait réussi à dépasser nos points de divergence, dans l’esprit que j’ai appelé de mes vœux pour le traitement de l’urgence : sans précipitation, sans renoncement à la nuance ni au débat, mais dans la responsabilité et la permanence de l’État de droit, à travers une conciliation plurielle entre les nécessités de l’urgence, la protection des libertés fondamentales et la préservation des droits sociaux.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les trois axes qui ont été utilement débattus.

S’agissant d’abord de l’état d’urgence sanitaire, l’instauration d’un régime distinct de celui issu de la loi du 3 avril 1955, inscrit dans le code de la santé publique, confère une base juridique solide et claire aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie, assorties de sanctions et de garanties renforcées en matière de compétences, de procédures et de contrôle parlementaire.

Ensuite, des mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie sont indispensables pour assurer la continuité de la vie économique et sociale et éviter la défaillance des entreprises, tout en protégeant la vie, la santé et les droits des salariés. Le périmètre de ces mesures a été utilement précisé, par exemple en renvoyant à un accord collectif de branche ou d’entreprise la possibilité de réduire les délais de fixation des dates de congés payés par l’employeur, dans la limite de six jours.

Je pense également aux 300 milliards d’euros de garanties d’État pour les prêts de trésorerie aux entreprises et aux 45 milliards d’euros de soutien aux entreprises, à travers notamment la suspension des principaux impôts, le report des charges sociales, le chômage partiel et un fonds de solidarité pour les TPE.

Ces ordonnances, je tiens à le souligner, auront également pour objet de protéger les plus vulnérables, en particulier les personnes en situation de pauvreté, dont le dénuement et la solitude risquent d’être aggravés par la crise sanitaire. C’est ainsi que la trêve hivernale sera allongée et le jour de carence des fonctionnaires, suspendu.

Enfin, je ne m’étendrai pas sur les dispositions électorales – principalement, les modalités de report du second tour des élections municipales –, mais l’accord auquel a abouti la commission mixte paritaire sur l’échelonnement des opérations du scrutin me paraît équilibré et pertinent. Le dépassement constructif du désaccord initial illustre bien, sur ce sujet aussi, l’esprit de conciliation qui a présidé aux débats parlementaires dans ce moment d’urgence.

Les Français n’auraient pas accepté que nous terminions nos travaux par une commission mixte paritaire non conclusive pour la seule raison que nous n’aurions pas su nous entendre sur une date de dépôt des listes pour le second tour des élections municipales…

M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Absolument !

M. Rachid Temal. Ce n’est pas si sûr…

Mme Éliane Assassi. Ce n’était pas le seul problème !

M. Xavier Iacovelli. Je remercie donc les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que tous les membres de la commission mixte paritaire, pour leur esprit de responsabilité.

Au bout du compte, mes chers collègues, nous sommes parvenus, avec ces deux projets de loi, à ne pas sacrifier l’essentiel à l’urgence, mais à obéir à l’urgence de l’essentiel, comme nous y invite Edgar Morin.

L’essentiel, c’est la permanence de l’État de droit, qui doit faire l’objet d’une vigilance éclairée dans les périodes et les temporalités troublées par l’urgence, notamment à travers le contrôle du Parlement. C’est aussi le soutien adressé à celles et ceux qui assurent la continuité de notre pays en cette période si particulière : personnels soignants, forces de police, de gendarmerie et des armées, commerçants alimentaires, caissières, agents de propreté urbaine. Je n’oublie pas les fonctionnaires, notamment territoriaux : dans nos mairies, ils assurent le lien avec les populations confinées.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’aggravation de la crise sanitaire, qui s’étend désormais à tout le territoire national, notre pays doit faire face à un lourd danger.

Mon groupe, à l’instar du Sénat tout entier, se tient aux côtés des malades et des familles touchées au cœur. Nous soutenons le personnel hospitalier, du chef de service à l’aide-soignante et au personnel chargé du nettoyage : ils sont debout, avec des moyens si faibles face à l’ampleur du mal qui s’abat. Nous saluons leur courage, leur dévouement, leur prise de risque terrible.

De même, nous saluons tous les salariés, artisans et agriculteurs qui continuent à faire vivre le pays, souvent sans protection – j’y reviendrai – et sous la menace d’une remise en cause programmée de leurs droits. Nous saluons les fonctionnaires, notamment pompiers et policiers, qui travaillent sans relâche à garantir la sécurité du pays.

Reste que l’examen par l’Assemblée nationale des textes instaurant l’état d’urgence sanitaire a confirmé nos craintes.

Pourquoi une telle dérogation démocratique pour l’état d’urgence sanitaire, beaucoup plus importante que pour l’état d’urgence classique ? Nous ne comprenons pas. Associer le Parlement et les forces politiques au combat contre la maladie devrait être considéré non comme un handicap, mais comme un atout ! C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place d’un comité de suivi national et pluraliste. Si nous sommes tous unis dans la lutte contre le Covid-19, toutes les opinions doivent être entendues pour agir au mieux, rassembler et se faire comprendre.

Prévoir par dérogation que, pour la crise en cours, l’accord du Parlement sur les mesures prises ne sera pas nécessaire pendant une période de deux mois, contre douze jours lors des précédents états d’urgence, n’est pas acceptable. Nous refusons de confier les pleins pouvoirs au Gouvernement pendant deux mois dans de telles conditions ! Ce qui, du reste, ne paraît pas conforme à l’esprit de la Constitution.

Dans cette lutte, la démocratie est la grande oubliée – elle qui, dans ces moments difficiles, devrait au contraire être constamment convoquée.

Notre conviction est d’autant plus forte que l’Assemblée nationale a renforcé encore les prérogatives du Premier ministre.

Nous refusons également l’instauration d’une sorte d’état d’urgence sanitaire de droit commun, d’une durée d’un mois, inscrit dans le code de la santé publique.

Nos craintes sur les mesures sociales du projet de loi sont, elles aussi, confirmées. Nous ne sommes plus dans l’état d’urgence sur ce point. En effet, même si l’article 7 du projet de loi permet des accords d’entreprise ou de branche, il prévoit encore des dérogations profondes au droit du travail, qui pourront – sauf si quelqu’un me prouve le contraire maintenant… –, s’étendre sur des années, voire devenir permanentes.

Temps de travail, congés payés, travail le dimanche : dans tous les secteurs, ce sont encore une fois les salariés que vous voulez mettre à contribution pour sauver les trésoreries des entreprises, certainement pas les actionnaires ! Votre refus de rétablir l’ISF dans le projet de loi de finances rectificative est à ce titre symbolique.

Aujourd’hui, c’est la vie des familles, du monde du travail qu’il faut protéger. Le confinement – c’est une évidence – doit être respecté, sans écart ; mais nous désapprouvons les sanctions disproportionnées votées dans la précipitation de l’Assemblée nationale.

Au moment même où le gouvernement italien annonce l’arrêt de toute activité de production non essentielle, Mme Pénicaud se félicite de pouvoir contraindre les salariés du BTP à reprendre le travail, tandis que M. Le Maire pousse dans le même sens en agitant l’idée d’une prime de 1 000 euros. Non ! Il faut stopper l’activité là où c’est possible, en maintenant le revenu de tous durant cette période.

Surtout, où est l’urgence sanitaire ? Ce texte ne peut être dissocié du projet de loi de finances rectificative. Où sont les moyens pour l’hôpital ? Où est l’effort déterminant pour la mise à disposition de matériels ? L’inquiétude sur le manque de masques, de médicaments et de tests pour la population et même pour les personnels de santé devient criante : le Gouvernement entend-il vraiment leur désespoir ? Où sont les réquisitions d’entreprises pour la sauvegarde nationale ? Quand allez-vous rouvrir et nationaliser des sociétés indispensables, comme l’usine Luxfer, productrice du matériel pour l’oxygénothérapie ? Quand allez-vous annoncer un plan pour l’hôpital digne de ce nom ?

Comme je l’ai souligné en première lecture, l’heure est à l’action et à la mobilisation générale pour la protection de tous. Avec détermination, nous serons de ce combat.

Le débat sur les causes profondes de cette situation de catastrophe dans un pays aussi riche que la France aura lieu. Une chose est certaine : la solidarité et la santé devront faire partie de nos priorités au cœur de la reconstruction à venir.

Monsieur le ministre, ce texte, parfaitement conforme à votre projet politique, sollicite largement les travailleurs, parmi lesquels les plus exposés, alors que les forces de l’argent sont encore et toujours protégées. C’est donc en toute responsabilité que, à l’exception de deux de nos membres rattachés, nous voterons contre ce texte clairement déséquilibré et qui, de surcroît, n’est pas à la hauteur de la crise sanitaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous a saisis en urgence d’un projet de loi exceptionnel visant à faire face à la crise dramatique que notre pays, comme tant d’autres, traverse. Le Parlement a donc apporté sa contribution à la lutte contre le virus, comme tous les Français apportent la leur.

Je tiens d’abord, comme nos concitoyens le font désormais tous les soirs à vingt heures, à rendre de nouveau hommage aux soignants qui sont à pied d’œuvre et ne ménagent pas leurs efforts, malgré l’épuisement, les craintes et les larmes. Comme nous tous, je pense aux malades et à leur famille.

La situation est grave, mais nous la surmonterons, à une condition : rester unis et solidaires. Car, comme on nous l’a appris il y a des siècles, toute demeure divisée périra.

Il nous fallait d’abord nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs. Personne n’aurait compris que nous n’y arrivions pas ensemble. Avec nos collègues députés, nous sommes donc parvenus à un texte commun.

Il fallait nous donner des moyens, mais aussi garantir le respect du droit. Ce texte consacre la création d’un régime d’état d’urgence sanitaire, prévoyant notamment la possibilité de réquisitionner toutes les personnes et tous les matériels nécessaires à la lutte contre le virus. Ce régime nouveau permet aussi d’encadrer, pour des raisons sanitaires, l’ouverture des commerces et les déplacements de nos concitoyens.

Ces mesures sont radicales, mais c’est la condition de leur efficacité. Dans une démocratie comme la nôtre, toutefois, il est essentiel de veiller à leur contrôle. C’est donc le Parlement qui décidera de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire.

Les fermetures de lieux de vie et de commerces et les mesures de confinement, qui impliquent un contrôle accru de nos frontières, ont pour objectif de ralentir la propagation du virus et d’éviter la saturation des hôpitaux. Mais ces mesures ont aussi des effets redoutables sur l’économie.

Les médecins savent qu’il y a des remèdes pires que le mal. De là leur devise, primum non nocere : avant tout, ne pas nuire. C’est la raison des mesures exceptionnelles que nous devons prendre pour soutenir l’économie.

Or, paradoxalement, l’épidémie nous impose deux impératifs contradictoires : agir vite et suspendre le cours du temps – en même temps agir vite pour lutter contre le virus et ralentir les autres activités pour limiter sa propagation. Il faudra donc suspendre largement les délais, ceux qui pèsent sur les entreprises, bien sûr, mais aussi tous les autres : forclusion, prescription, déchéance et nullité.

Néanmoins, cette suspension ne doit pas signifier la paralysie de notre pays. Il faut continuer de travailler, de produire. Il faut aussi assurer la continuité de nos services. Les allocations ou les prises en charge dues à nos concitoyens doivent continuer d’être versées malgré la crise – ou plutôt, à cause de la crise.

L’épidémie de coronavirus a fortement perturbé la tenue des élections municipales. Le projet de loi comporte les adaptations nécessaires au bon fonctionnement des institutions locales.

L’épidémie que nous traversons est une épreuve redoutable, mais, comme le disent les Anglais, une mer calme n’a jamais fait un bon marin… Grâce à notre détermination et à notre créativité, nous pouvons faire de cette crise une opportunité de nous dépasser et de nous renforcer.

Ce projet de loi marque une avancée importante dans la résolution de la crise. Le groupe Les Indépendants le soutient pleinement.

« Le commencement est la moitié du tout », disait Aristote. Nous avons commencé. Et nous nous tenons prêts, dès aujourd’hui, avec l’ensemble de nos collègues, à accompagner le Gouvernement dans la suite de ce combat !

Nous avons tous conscience des contraintes que créent les décisions que nous prenons aujourd’hui. Nous allons imposer aux Français l’obligation de la patience. Chacune et chacun d’entre eux va devenir pour quelques semaines un Robinson Crusoé. Les rivages de notre île seront les murs de nos maisons ou de nos appartements. Certains y vivront seuls, d’autres auront la chance de les partager avec un ou plusieurs Vendredi.

À mesure que les jours succéderont aux jours, une forme de routine étrange va s’installer pour les Français. Ce sera dur pour eux, car ils sont plus obstinément attachés à leur liberté qu’ils ne sont naturellement doués de patience. Ils vont devoir s’adapter à une situation contre nature, contre leur nature, et faire confiance à leur allié dans ce combat : le temps.

Jusqu’à ce jour, le temps était un ennemi, du moins un adversaire. Notre époque, qui est plutôt celle de la fulgurance, confond volontiers le rapide et le vivant. Nous vivons au temps du haut débit et du train à grande vitesse. Nous avons même appris à multiplier le temps, ou plutôt les tâches : désormais, nous travaillons sur nos ordinateurs tout en dialoguant par WhatsApp avec des amis et en consultant nos mails, le tout sur fond d’un concerto de Mozart.

Le problème, avec la recherche de l’intense, c’est qu’elle ruine la sensibilité et l’intimité. Nous ne recherchons plus le calme, parce qu’il nous semble un sommeil…

Je voudrais proposer aux Français de profiter de ces quelques semaines d’isolement forcé pour partir, comme nous le suggérait Proust, à la recherche du temps perdu. Tout le monde connaît la première phrase de son œuvre : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » Nous allons pouvoir nous coucher et nous lever à l’heure que nous voulons et retrouver pendant un moment la maîtrise de nos journées. Nous allons pouvoir penser, car, comme le dit le Bouddha, « la patience est la plus grande des prières ».

Peut-être même parviendrons-nous à mettre en pratique cet aphorisme de Vauvenargues : « La patience est l’art d’espérer. » Car, en définitive, la seule chose dont les Français aient besoin en ce moment, c’est l’espoir. Par chance, cette qualité ne leur a jamais fait défaut. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon intervention en saluant à mon tour le dévouement sans faille, l’abnégation de l’ensemble des personnels soignants de notre pays : les infirmiers, les brancardiers, les médecins, qu’ils soient expérimentés ou jeunes internes. Tous sont mobilisés pour faire face à un défi sanitaire sans précédent dans notre pays. J’ai une pensée toute particulière pour ce médecin dont on a appris le décès aujourd’hui dans l’Oise. Après ces événements, nous ne ferons certainement pas l’économie d’un bilan ni celle d’un nouveau plan en direction de l’hôpital, car nous savons aujourd’hui combien il a montré son efficacité.

Le Président de la République s’est exprimé à deux reprises en moins d’une semaine. Son message était sans équivoque : nous sommes en guerre ; en guerre contre une menace invisible, mortifère, sournoise, un virus qui touche tout le monde et prend des dimensions graves ou dramatiques chez les personnes les plus âgées et les plus vulnérables, un virus qui met au défi l’ensemble de notre système de santé, l’un des plus performants au monde, un virus qui, depuis lundi soir, a bouleversé radicalement, et pour longtemps, le quotidien de tous nos compatriotes, un virus qui met aussi en péril toute notre économie, nos entreprises, leurs salariés, nos artisans, nos commerçants, nos travailleurs indépendants et nos agriculteurs.

Je veux saluer à mon tour ces millions de Français qui, malgré les circonstances, continuent à aller travailler, parce que leur activité est indispensable à la vie du pays dans les services publics, l’agroalimentaire, la grande distribution, les transports, l’énergie ou encore la gestion des déchets. Il faut les remercier, mais aussi s’assurer qu’ils ne mettent pas leur propre vie en danger en leur apportant toutes les protections nécessaires.

Il est important – et je crois, monsieur le président, que vous avez saisi le Premier ministre ou le Président de la République à ce sujet – que le Gouvernement clarifie sa démarche. D’un côté, on demande à nos compatriotes de demeurer en confinement. Ils ont commencé à entendre ce message, et la plupart d’entre eux le respectent ; de l’autre, on demande à certains d’aller travailler. Il faut que les choses soient éclaircies, car on a besoin de ces travailleurs indispensables. Que seraient nos hôpitaux sans plateaux-repas, sans pressing pour nettoyer quotidiennement les vêtements médicaux et autres services extrêmement importants ?

Nous saluons la décision du Gouvernement de supprimer le jour de carence. Nous avions très tôt insisté sur ce point, et nous sommes rassurés d’avoir été entendus.

Il nous faut dès à présent anticiper la sortie de crise, car sortie de crise il y aura, évidemment. Après le séisme sanitaire, nous ne pouvons pas nous permettre un tsunami économique, qui mettrait durablement des millions de Français au chômage, qui installerait la précarité et la paupérisation de pans entiers de notre société avec, au milieu, un État financièrement exsangue. La relance, la reprise doivent se préparer dès maintenant. Elles doivent être coordonnées, bien sûr au niveau européen, mais aussi mondial.

Nous souhaitons ainsi que le Gouvernement informe régulièrement le Parlement sur la stratégie qu’il entend mettre en œuvre après la levée du confinement, ce confinement dont certains de nos concitoyens ne semblent pas toujours avoir compris l’importance cruciale. Inconscients de l’ampleur de la menace que constitue cette épidémie, ils ne veulent pas tenir compte des consignes. Pour ceux-là, qui mettent en danger leur vie, mais surtout celle des autres, la réponse de l’État doit être ferme, très ferme. Le texte que nous votons permettra de sanctionner ces comportements irresponsables.

Ce virus a également bouleversé nos institutions et le fonctionnement de notre démocratie. Nous devrons en tenir compte, monsieur le président : il faudra que nos assemblées réfléchissent aux moyens de poursuivre leurs activités lorsque nous avons à faire face à un fléau comme celui d’une épidémie. On a vu combien nous étions démunis et devions, jour après jour, sous votre autorité, adapter notre mode de fonctionnement. Il conviendra également d’engager une réflexion sur le contrôle nécessaire du Parlement et l’organisation du travail parlementaire, en liaison avec le Gouvernement. Les moyens modernes, digitaux, de fonctionnement pourraient nous apporter des réponses.

Je ne reviendrai pas sur les aspects électoraux de ce texte, qui ont trouvé une solution, et nous nous en réjouissons. C’était nécessaire, parce que nous sommes dans un État de droit, même s’il ne s’agissait évidemment pas des sujets les plus indispensables.

Je me félicite de l’état d’esprit républicain qui a animé l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, et je veux vous remercier, monsieur le président, de la concertation de qualité que vous avez su organiser avec l’ensemble de nos groupes. Nous avons pleinement exercé notre rôle de législateur – cela était indispensable –, tout en apportant un soutien sans équivoque aux actions lancées par l’exécutif.

À mon tour, je signale que notre groupe, bien évidemment, soutiendra par son vote le texte.

Il me reste à saluer le président Bas pour la qualité du travail qu’il a réalisé dans des circonstances particulièrement difficiles et le rapporteur, notre collègue René-Paul Savary. Je tiens à saluer également l’ensemble des fonctionnaires et collaborateurs de notre assemblée, qui n’ont pas ménagé leurs efforts depuis la semaine dernière et ont permis, par leur implication, d’assurer la continuité de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)