compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 25 mars 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage au civisme des Français

M. le président. Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre pays vit, depuis un peu plus de deux semaines, une période de confinement. Je tiens à saluer le civisme de nos compatriotes, qui savent que cette épreuve permettra à tous nos soignants de sauver des vies. C’est la manifestation de la solidarité au service de tous. L’ensemble des sénateurs, qu’ils soient présents dans l’hémicycle ou qu’ils suivent cette séance devant leur écran, s’associent à cet hommage.

3

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Natali, qui fut sénateur de la Haute-Corse de 1998 à 2005.

4

Hommage à Patrick Devedjian, ancien ministre

M. le président. (M. le président, Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, se lèvent.) Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’avait jamais été sénateur, mais il a siégé au banc du Gouvernement dans notre assemblée.

J’ai le souvenir d’avoir accueilli, comme président du Sénat, Patrick Devedjian en novembre 2008, alors qu’il venait d’être nommé ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance après la crise financière.

Nous avions été ensemble au Gouvernement sous l’autorité du président Jacques Chirac.

C’était un gaulliste convaincu, un homme cultivé, ayant son franc-parler, dévoué à son pays, à son département et à la ville qui l’avait élu maire en 1983 – lui aussi était de cette promotion ! Il était très fidèle à ses racines arméniennes et ne supportait pas que l’on pût oublier le drame vécu par le peuple arménien. Je voulais tout simplement rappeler la voix forte qu’il avait eue dans cet hémicycle.

J’ai une pensée pour tous ceux qui se battent pour la vie et pour leur vie en cette période de crise.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (M. le président, Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mme et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)

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Questions de contrôle au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions de contrôle au Gouvernement.

Je précise que nous siégeons en effectif restreint, adapté aux contraintes sanitaires, en accord avec les présidents des groupes politiques, que je tiens à remercier de leur présence et de leur engagement. Une conférence des présidents se tiendra la semaine prochaine.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, dont je remercie les journalistes et techniciens.

rétablissement du service postal en période de confinement

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste.

Mme Jocelyne Guidez. Ma question, que je formule au nom du groupe Union Centriste, concerne La Poste.

Le groupe La Poste vient d’annoncer « se recentrer sur ses missions essentielles ». En conséquence, depuis lundi, le courrier n’est plus distribué que trois jours par semaine. De plus, La Poste ne maintient que 6 % de ses bureaux ouverts, en horaires aménagés, au cas par cas. Enfin, de nombreux distributeurs de billets de La Banque postale ne sont pas approvisionnés.

Les conséquences de ce qui ressemble à une démission sont graves. En milieu rural, certaines personnes se retrouvent totalement isolées. La distribution du courrier trois jours sur six fragilisera un peu plus la presse écrite, sans parler du lien social et d’information qu’elle assure auprès des personnes âgées. Une telle situation est bien peu compatible avec l’idée que les Français se faisaient de ce service public et d’une entreprise qui communique sur sa proximité et son lien avec les territoires.

Encore plus grave, cette situation va couper les vivres à certains de nos concitoyens. J’ai été interpellée par une personne âgée ayant pour seule ressource l’argent qu’elle retire au guichet de La Poste. C’est aussi le cas des plus de 1,5 million d’allocataires des minima sociaux, qui viennent chaque mois retirer des espèces.

Pour répondre à cette urgence, La Banque postale permettra les retraits d’espèces aux distributeurs à partir du 4 avril, au lieu du 7, et 250 bureaux de poste supplémentaires seront ouverts pour faciliter les retraits aux guichets.

Comment ces mesures pourront-elles être à la hauteur de l’enjeu ? Le retrait aux distributeurs automatiques de billets (DAB) ne sera d’aucune utilité si ces derniers ne sont pas approvisionnés ! En outre, les nouveaux guichets ouverts ne représentent qu’une fraction des bureaux fermés.

À l’heure où les gens n’ont plus d’argent, où les commerçants commencent à consentir des ardoises, ne peut-on correctement protéger les agents de La Poste afin que le service soit rendu normalement ? Pourquoi seraient-ils plus exposés dans les bureaux que les commerçants de bouche, qui sont ouverts ? N’est-il pas possible, au moins en zone rurale, de répartir les tournées restantes en les programmant les lundis, mercredis et vendredis, au lieu de les concentrer en fin de semaine ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Guidez, vous avez raison, La Poste fait partie des services qui doivent permettre au pays de fonctionner même en cette période de confinement. Il est de notre devoir d’organiser ce service indispensable à nos concitoyens, tout en protégeant au mieux les salariés de l’entreprise.

Ainsi, dès la semaine prochaine, au-delà des 1 600 bureaux répartis sur l’ensemble du territoire, 250 bureaux supplémentaires assureront le paiement des prestations sociales, afin que tout se passe dans de bonnes conditions. La caisse d’allocations familiales anticipera le versement de ces prestations et les distributeurs devront être approvisionnés pour qu’il intervienne dès ce week-end.

Nous demanderons l’appui, sur la base du volontariat, de postiers aujourd’hui en télétravail, pour venir sur le terrain compléter les équipes.

Vous avez raison, madame la sénatrice, il faut maintenir le lien social. Je pense notamment aux services Veiller sur mes parents, Proxi vigie cohesio, Ardoiz, ainsi qu’aux services de livraison de médicaments et de repas à domicile, en particulier aux plus vulnérables.

Le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation. Le Premier ministre m’indiquait à l’instant qu’il ferait le point cette semaine avec les dirigeants de La Poste, pour veiller à ce qu’un service sans faille soit assuré sur les territoires, non seulement pour la distribution du courrier et de la presse écrite, qui doit être renforcée en début de semaine, mais aussi s’agissant de tous les services de mise à disposition d’argent pour les plus vulnérables.

lancement de la plateforme sur la réserve citoyenne

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche.

M. Martin Lévrier. Ma question s’adresse à M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

La pandémie que nous subissons met chaque jour en évidence le travail et l’abnégation de tout le personnel soignant qui est en première ligne, mais aussi l’indispensable travail de toutes les personnes qui agissent au quotidien, souvent dans l’ombre, pour faire fonctionner une grande part de notre économie. À toutes ces femmes et à tous ces hommes, je veux dire merci.

Pour sortir de cette crise, pour protéger les autres, nous demandons à chacun de se confiner. À tous ces Français qui acceptent l’attente, nous devons aussi dire merci.

Nombre de ces citoyens s’unissent et inventent des solutions à des problématiques touchant les plus démunis, les plus vulnérables, ceux qui, sans aide, ne pourraient se relever de cette crise.

Nous ne pouvons les laisser seuls. C’est la raison pour laquelle, comprenant le besoin de les fédérer, vous avez lancé lundi dernier, monsieur le secrétaire d’État, la réserve civique Covid-19, au travers de la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Elle doit permettre à tous ceux qui le peuvent et qui le souhaitent de donner de leur temps. Cet espace d’engagement a été construit en lien avec les associations humanitaires et aux côtés des collectivités publiques et de leurs structures. Il doit leur permettre de faire état de leurs besoins de renforts dans quatre domaines principaux : l’aide alimentaire et l’aide d’urgence, la garde exceptionnelle d’enfants, le lien avec les personnes fragiles isolées et la solidarité de proximité.

Monsieur le secrétaire d’État, combien de nouveaux bénévoles avez-vous enregistrés sur cette plateforme depuis son lancement ? À titre personnel, je connais des jeunes qui souhaitent prêter main-forte, mais ne trouvent pas de missions dans leur commune. Comment peuvent-ils être utiles ? Enfin, quelles missions auront les préfets ? Seront-ils les traits d’union entre l’offre et la demande ? Inciteront-ils les associations à saisir leurs offres de missions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Martin Lévrier, dès le début de la crise sanitaire, le Président de la République nous a appelés, pour relever ce défi, à être solidaires plutôt que solitaires, et à inventer de nouvelles solidarités dans une période d’inquiétude, d’angoisse, de confinement où beaucoup de Français sont isolés.

Nous avons réuni, avec Olivier Véran, Jean-Michel Blanquer et Christelle Dubos, les grandes associations de solidarité de notre pays pour faire le point. Elles nous ont indiqué que de 80 % à 90 % des activités associatives sont suspendues du fait du confinement. Cela est bien normal, mais certaines ne peuvent l’être, car elles sont vitales pour bon nombre de nos concitoyens.

Ainsi, certains Français, faute de moyens, sont malheureusement obligés de s’approvisionner via un libre-service social ou un point de distribution des Restos du Cœur. Or ces structures sont généralement animées par des bénévoles qui, dans leur majorité, ont plus de 70 ans. Faisant preuve d’un grand esprit de responsabilité, les associations ont demandé à ces bénévoles âgés de rester chez eux. Par conséquent, le premier besoin exprimé par les associations concerne les bénévoles, d’où le lancement de la plateforme jeveuxaider.gouv.fr. Après une dizaine de jours, nous observons un élan de solidarité absolument exceptionnel et sans doute inédit dans un temps aussi court. Ainsi, 250 000 Français ont rejoint la réserve civique pour venir en aide sur le terrain aux plus démunis, et 50 000 d’entre eux sont déjà engagés dans des missions.

Concernant les jeunes vivant dans des communes où aucune mission ne serait proposée, tout le monde peut être utile. La première marque de solidarité avec les soignants et nos concitoyens infectés, c’est de rester chez soi.

Par ailleurs, comme l’ont déjà fait 500 000 de nos concitoyens, tout Français peut télécharger, sur la plateforme, un kit réalisé avec l’association Voisins Solidaires, qui permet de s’engager à l’échelle de son immeuble ou de sa rue.

M. le président. Il faut conclure.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Tous les Français peuvent donc s’engager par ce biais à proximité de chez eux.

aide aux entreprises relative aux prêts bancaires et pertes d’exploitation

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, l’impératif sanitaire est bien évidemment prioritaire, mais le risque d’une grave crise économique est devant nous. Le Gouvernement en est totalement conscient et a réagi très rapidement, avec un premier train de mesures consistantes et pertinentes. Le dispositif mis en place mériterait cependant d’être amplifié, complété et parfois précisé.

Concernant l’enveloppe de 300 milliards d’euros de prêts bancaires aux entreprises garantis par l’État, le Gouvernement communique en utilisant le slogan suivant, audacieux et incitatif : « Prenez dans votre banque le prêt garanti par l’État. » Ce libellé suppose une certaine forme d’automaticité ; pouvez-vous confirmer, madame la secrétaire d’État, que les banques ne peuvent refuser d’octroyer ces prêts, que ce soit directement ou de manière détournée, dès lors que leurs clients répondent aux conditions d’éligibilité ? Avez-vous prévu un encadrement des taux d’intérêt hors rémunération de la garantie ?

Ma seconde question porte sur le fonds de solidarité d’un milliard d’euros, qui sera majoré de 200 millions d’euros par les compagnies d’assurance.

Du fait de la crise sanitaire et des mesures de confinement, qui entraînent un fort ralentissement des activités, tant économiques que des particuliers, les compagnies d’assurance vont économiser – c’est un ordre de grandeur – entre 3 milliards et 5 milliards d’euros sur les 40 milliards à 50 milliards d’euros versés normalement en année pleine au titre de l’indemnisation des dommages. Pensez-vous que leur participation annoncée de 200 millions d’euros soit à la hauteur ? Ne doit-on pas aller vers la mise en place d’un fonds de solidarité beaucoup plus ambitieux, qui pourrait prendre en charge, même de manière très partielle, les pertes d’exploitation des entreprises et les pertes de revenus des indépendants, artisans, commerçants et professions libérales ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Gabouty, vous avez raison de souligner l’importance du plan qui a été mis en œuvre par l’État pour accompagner les entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles. Ce plan repose sur quatre piliers : le chômage partiel, le report des cotisations sociales et fiscales, le fonds de solidarité et la possibilité d’obtenir des financements bancaires garantis par l’État à hauteur de 90 %.

Les 300 milliards d’euros de financements bancaires garantis vont permettre aux banques de prolonger et de garantir de manière quasiment automatique, sur la base d’instructions que nous avons établies et discutées avec elles, les lignes de trésorerie d’entreprises dont la notation Banque de France est supérieure à un certain niveau. Je veux ici préciser que la notation Banque de France a été gelée dans sa situation d’avant-crise, de manière à éviter, sur ce plan, des difficultés liées à l’impact de la crise. Pour toutes les entreprises qui étaient en bonne santé avant la crise, le prêt doit être accordé de manière quasiment automatique ; c’est ce que nous sommes en train d’organiser avec les banques.

Quant à la situation des entreprises qui avaient déjà des difficultés de trésorerie avant la crise sans nécessairement être sous procédure de sauvegarde, elle fera l’objet d’un examen dans lequel la Médiation du crédit interviendra pour trouver des solutions de compromis équilibrées.

Enfin, les entreprises en difficulté doivent répondre aux critères européens ; c’est pourquoi nous travaillons à un plan spécifique qui mobilisera notamment le FDES (Fonds de développement économique et social).

Les compagnies d’assurance abonderont le fonds de solidarité à hauteur de 200 millions d’euros. Moins d’une entreprise sur deux est assurée contre les pertes d’exploitation, et ce sont souvent les plus grosses entreprises qui contractent de telles assurances, d’où une inégalité des situations. Cela étant, nous pensons, comme vous, monsieur le sénateur, que les compagnies d’assurance doivent aller plus loin. C’est pourquoi Bruno Le Maire les incite notamment à prolonger les contrats quand bien même les entreprises auraient du mal à payer leurs primes d’assurance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour la réplique.

M. Jean-Marc Gabouty. À court terme, les entreprises auront d’immenses besoins de trésorerie ; vous y avez répondu, même si l’enveloppe de 300 milliards d’euros risque peut-être d’être insuffisante. Mais demain, le rebond économique souhaité dépendra de la santé financière des entreprises, indispensable aux adaptations, aux innovations et à la relance des investissements productifs.

Je précise qu’en évoquant la contribution des compagnies d’assurance à un fonds spécifique, je visais toutes les entreprises, et non pas celles qui disposent déjà d’une assurance contre les pertes d’exploitation.

stratégie industrielle en matière de matériel médical et de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le Président de la République a annoncé une dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros pour financer les commandes de médicaments, de respirateurs et de masques produits chez nous par nos entreprises. Il était temps ! Masques, blouses et gants arrivent au compte-gouttes, il faut bien le dire, et désormais les médicaments, dont le curare, commencent à manquer. Les mesures tardives annoncées par le Gouvernement ne produiront malheureusement, malgré l’urgence, pas d’effets immédiats.

Madame la secrétaire d’État, il y a beaucoup d’angoisse au sein de notre population, et beaucoup de peur chez celles et ceux qui, chaque jour, courageusement, soignent : les aides-soignants, les infirmiers, les médecins, les pharmaciens. Ils nous lancent de véritables SOS pour que nous les aidions à trouver des solutions.

Les maires, les élus, le secteur associatif se mobilisent pour aider au quotidien. Que dire des hôpitaux et des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), qui se démènent dans des conditions difficiles, partout sur nos territoires ? Que dire des salariés qui travaillent pour servir et faire vivre notre pays, et qui ne sont pas protégés ? Que dire de celles et de ceux qui travaillent alors que leur activité n’est pas nécessaire en ce moment ?

Quand allez-vous réquisitionner les entreprises pour qu’elles fabriquent les médicaments nécessaires, tels le curare ou la morphine, et l’oxygène ? Quand allez-vous engager les moyens nécessaires pour produire massivement des tests et les rendre accessibles à l’ensemble de la population, comme le recommande depuis le début l’Organisation mondiale de la santé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, 4 milliards d’euros, c’est effectivement le montant de l’enveloppe, massive, qui est aujourd’hui mise à disposition des hôpitaux pour leur permettre de s’approvisionner en matériels complémentaires. Le ministre de la santé a été très clair sur le plan qui a été anticipé et mis en œuvre depuis le début de cette crise pour réapprovisionner l’ensemble des hôpitaux en une période où les consommations de masques, de gel hydroalcoolique, de médicaments sont multipliées par dix, parfois par cent, voire par mille à l’échelle mondiale.

Le sujet n’est pas de réquisitionner ou de nationaliser des entreprises : ce n’est pas cela qui va permettre de fabriquer plus de masques ou de gel hydroalcoolique.

Mme Éliane Assassi. Il fallait le faire avant !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il s’agit aujourd’hui d’entraîner notre industrie, comme nous sommes en train de le faire en portant la production de masques, en France, de 13,5 millions à plus de 40 millions par mois courant avril, en mobilisant le réseau d’achat, notamment Santé publique France, qui a acheté plus de 1 milliard de masques et est étayé par près de 150 acheteurs privés intervenant en appui pour équiper l’ensemble des Français, en multipliant par dix la production de gel hydroalcoolique et en nous apprêtant à fabriquer, en cinquante jours, autant de respirateurs que la France en a produits en trois ans.

Tels sont les faits ! Ces mesures permettent d’accompagner la montée en puissance de nos soignants, que je veux ici remercier pour leur travail remarquable et leur présence sans faille sur le terrain. La deuxième ligne qui est mobilisée derrière eux doit désormais rendre possibles toutes les réalisations que j’ai évoquées.

Enfin, le ministère du travail élabore des protocoles très précis pour garantir la protection des salariés. En outre, en trois semaines, nous avons conçu de nouveaux masques en R&D ; ils sont aujourd’hui en production et permettront eux aussi de protéger l’ensemble des Français.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vos propos, madame la secrétaire d’État, ne sont guère rassurants ! Vous n’avez pas fait ce qu’il fallait en temps et en heure. Vous avez pris un retard considérable, mais peut-être serons-nous prêts l’hiver prochain, si survient un nouveau pic…

La situation est dramatique ; demain, il vous faudra rendre des comptes aux soignants, mais aussi à la population tout entière. Il faut changer de logiciel, madame la secrétaire d’État ! L’urgence vitale exige de substituer à vos dérives libérales le choix de l’intérêt général. Les réquisitions et les nationalisations sont la voie du bon sens, la voie du salut ! Vous pouvez d’ores et déjà changer de braquet en rétablissant en urgence l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) par ordonnance ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

contribution du secteur des assurances dans la crise sanitaire

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, notre pays, confronté à la crise du Covid-19, connaît une situation inédite et inquiétante, sur les plans tant sanitaire qu’économique.

Les mesures prises pour freiner puis stopper la propagation du virus sont prioritaires et nécessaires, mais elles frappent aussi très durement nos entreprises et leurs salariés. Qu’elles aient arrêté ou réduit leur activité, celles-ci subissent toutes d’importantes pertes d’exploitation, mettant en question leur survie même.

Le Gouvernement a pris des dispositions exceptionnelles pour endiguer cette catastrophe économique et sociale ; elles sont les bienvenues. Malgré cela, nombre d’entreprises, en particulier parmi les commerces, les artisans, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), craignent de ne pouvoir réussir à faire face.

Beaucoup se sont tournées vers leurs assureurs, qui leur répondent ne rien pouvoir faire pour les soutenir, car les cas de pandémie sont systématiquement exclus du champ des polices d’assurance. Du reste, si l’état de catastrophe naturelle, tel qu’il existe, était reconnu, les compagnies d’assurance n’indemniseraient pas plus ces entreprises, les polices ne couvrant pas les pertes d’exploitation en l’absence de dommage pour l’appareil productif.

Madame la secrétaire d’État, à situation inédite, réponse inédite. Comptez-vous donc modifier, au nom de l’urgence, le code des assurances et déclarer un état de catastrophe naturelle et sanitaire, en élargissant l’indemnisation aux pertes d’exploitation sans dommage aux biens matériels ? Comptez-vous invoquer un motif d’intérêt général impérieux et saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il reconnaisse la validité d’une loi rétroactive au premier jour du confinement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Marie, vous demandez, au fond, comment nous allons pouvoir venir au secours des très petites entreprises. Nous répondons à cette question au travers du fonds de solidarité qui vise les très petites entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros, celles qui ont perdu 50 % de leur chiffre d’affaires au mois de mars, qui seront en difficulté au mois d’avril ou qui ont dû fermer pour des motifs réglementaires, par exemple.

En l’occurrence, les assureurs sont au rendez-vous, puisqu’ils abonderont ce fonds à hauteur de 200 millions d’euros. Cet argent ira aux très petites entreprises que j’évoquais. Celles-ci recevront, dès les premiers jours d’avril, 1 500 euros. Cela leur permettra de remédier aux difficultés auxquelles elles sont confrontées, au-delà du report, que nous leur avons déjà accordé, du paiement des cotisations sociales et des charges fiscales.

C’est là une mesure concrète : elle nous paraît plus efficace et plus rapide qu’une disposition supposant un revirement de jurisprudence constitutionnelle sur la non-rétroactivité des lois, qui serait juridiquement très fragile et ne serait pas applicable suffisamment vite alors que la trésorerie des entreprises est en train de souffrir.

Ce choix que nous avons fait est pragmatique et engage les assureurs. Je souhaite, comme vous, que ceux-ci aillent plus loin dans leur effort, notamment en prolongeant les contrats des entreprises qui auraient du mal à acquitter leurs primes d’assurance et en renforçant leur soutien au fonds de solidarité, qui pourrait être maintenu au-delà du mois de mars, comme nous pouvons l’anticiper.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Votre réponse me déçoit, madame la secrétaire d’État. Nous pensons qu’une loi aurait pu être envisagée pour que les assurances couvrent les pertes d’exploitation en l’absence de dommage pour l’appareil productif.

Cela étant, puisque vous considérez que ce n’est pas possible, peut-être pourriez-vous envisager une contribution spéciale temporaire des compagnies d’assurance, comme en 2017, de telle sorte que celles qui collectent 2,1 milliards d’euros par an au titre de la couverture du risque de perte d’exploitation aillent au-delà des 200 millions d’euros que vous avez évoqués.

continuité des activités indispensables au pays pendant la période de crise

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Emmanuel Capus. Dans cette crise, les soignants sont en première ligne. Je tiens à saluer leur professionnalisme et leur dévouement. Je tiens aussi à saluer, comme vous l’avez fait, monsieur le président, tous nos concitoyens qui respectent les consignes et restent confinés chez eux ; ils contribuent également à endiguer l’épidémie.

Au-delà, je veux saluer les Français qui continuent de remplir leur mission ; je pense aux caissières, aux policiers, aux militaires, aux éboueurs, aux fonctionnaires, aux routiers, aux agriculteurs, à tous ces professionnels qui continuent à travailler malgré les conditions dégradées.

Pour mener la guerre contre le virus, notre pays a besoin que chacun soit à son poste. La continuité des services est indispensable au fonctionnement de notre pays : cela vaut particulièrement pour nos services publics. Je partage à cet égard l’attachement à la continuité du service postal dans nos territoires ruraux qu’a exprimé Mme Guidez. Il n’est pas acceptable que des bureaux de poste ferment ou que le courrier et la presse ne soient plus distribués ; ce sont souvent, aujourd’hui, les seuls liens avec l’extérieur, notamment pour les plus âgés.

L’heure est à la mobilisation générale. La France a besoin, je le répète, que chacun soit à son poste, pour que tout le monde puisse se nourrir, se chauffer, s’éclairer. L’unité nationale est le geste barrière de nos institutions.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que, dans les semaines qui viennent, la continuité des services indispensables à la population sera assurée ?

J’évoquerai un sujet plus précis, qui tient à cœur à l’Angevin que je suis. Pour assurer la continuité alimentaire, encore faut-il qu’il y ait des producteurs. Or les horticulteurs vont devoir jeter leur production. Pour leur donner de l’air, pourriez-vous les autoriser à commercialiser leurs plants potagers, qui sont les aliments des mois prochains ?