M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, en ce qui concerne la suspension du cabotage routier, la désorganisation actuelle de l’économie a atteint la plupart des activités économiques, dont le transport routier de marchandises. Ainsi, dès le début de la crise, le Gouvernement a engagé un dialogue approfondi avec les représentants de ce secteur stratégique.

Je veux réaffirmer devant vous que la nécessité d’accompagner ce secteur est totalement partagée par le ministère que je représente aujourd’hui. Le transport de marchandises a démontré son rôle majeur pour l’économie française lors de cette crise sanitaire et la reprise progressive de l’activité économique ne doit bien évidemment pas se faire au détriment de ces professionnels.

Un plan ambitieux de soutien décline des dispositions pour toutes les entreprises : report de cotisations sociales et de charges fiscales, voire annulation pour les entreprises les plus fragilisées ; engagement de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) en matière de soutien à la trésorerie et de garantie de prêts bancaires ; ou encore aides directes via un fonds de solidarité pour les petites entreprises.

À ces mesures, qui concernent toutes les entreprises françaises, s’ajoute un soutien spécifique au secteur du transport routier avec plusieurs dispositions visant à améliorer leur trésorerie.

Ainsi, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera remboursée chaque trimestre en 2020, et non plus chaque semestre. C’est un apport immédiat de 300 millions d’euros. En outre, l’échéance de 2020 de la taxe sur les véhicules routiers, qui doit normalement être payée au plus tard le 1er septembre de cette année, est reportée de trois mois, ce qui soulagera les entreprises de 90 millions d’euros.

Nous n’ignorons pas que certaines pratiques abusives, comme le cabotage systématique, contribuent à une concurrence déloyale dans un contexte déjà très difficile. Ce n’est pas tant le cabotage en lui-même qui est en cause que ses abus et – vous l’avez dit – ce sujet est d’abord européen.

Le Gouvernement souhaite donc l’adoption rapide des volets « social » et « accès au marché » du paquet mobilité, car ils renforceront l’équilibre de la concurrence au sein du marché communautaire.

Nous approchons du but : la commission du transport et du tourisme du Parlement européen vient d’adopter les projets de compromis qui seront examinés en séance plénière au début du mois de juillet prochain. La France aura ainsi obtenu le renforcement des capacités de contrôle et de lutte contre le cabotage systématique.

Dans l’attente, le Gouvernement demeure très attentif au respect des règles en vigueur. Je tiens à rappeler que les donneurs d’ordre doivent eux aussi exercer leur devoir de vigilance en la matière.

Enfin, mon collègue chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, a donné instruction aux services de contrôle pour que la lutte contre les infractions au cabotage soit une priorité d’action.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne soit pas intégralement satisfaisante : ce que nous demandons, c’est la suspension du cabotage, conformément aux règlements européens.

J’attire votre attention sur le fait qu’il est un peu dommage d’en arriver, sur ce sujet, à une question dans cet hémicycle. Les organisations représentatives des transporteurs ont sollicité le Gouvernement par courrier il y a plus d’un mois et demi. Vous me dites qu’une concertation est engagée, mais, sur ce point précis, elles n’ont pas reçu de réponse. Voilà pourquoi elles nous ont sollicités en tant que parlementaires.

Enfin, la commission des affaires européennes du Sénat, dont je suis vice-président, a déjà déposé, il y a quelque temps, une proposition de résolution européenne portant précisément sur la difficulté d’application du cabotage routier dans notre pays. Les règles en vigueur ne s’appliquent pas forcément. Nous ne savions pas alors qu’une crise arrivait, mais – on le sent – cette dernière renforce encore les inégalités dans ce métier.

Je demande donc au Gouvernement de faire preuve, sur ce sujet, de la plus grande vigilance et de la plus grande fermeté !

dispositif de soutien aux victimes de l’épisode de sécheresse-réhydradation des sols de 2018

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 1123, adressée à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d’État, en décembre dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement a pris l’initiative de faire adopter l’augmentation de 10 millions d’euros des crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Selon l’objet de l’amendement déposé à cette fin, le but était « de mettre en place de façon exceptionnelle et transitoire un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l’épisode de sécheresse-réhydratation des sols survenu en 2018 ». On peut d’ailleurs se demander pourquoi la seule année 2018 est visée.

Quelques semaines plus tard, à l’occasion de l’examen par le Sénat de ma proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, adoptée à l’unanimité le 15 janvier dernier, plusieurs sénateurs ont exprimé des interrogations sur cette initiative du Gouvernement. Celle-ci crée, de fait, un dispositif temporaire dérogatoire au droit commun et doté d’une capacité financière par ailleurs très limitée au vu de l’ampleur des sinistres engendrés par des phénomènes non reconnus de retrait-gonflement des argiles.

En effet, comme l’a souligné dans son rapport la mission d’information sénatoriale sur la gestion des risques climatiques, la prise en charge de ces dommages se heurte chaque année à de grandes difficultés dans de nombreuses communes ne bénéficiant pas d’une reconnaissance par arrêté interministériel.

Pour apporter des réponses durables à ce problème majeur, qui frappe chaque année l’ensemble du territoire métropolitain, la mission a formulé plusieurs recommandations : il s’agit de faire évoluer les politiques de prévention et d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Aussi, je souhaite aujourd’hui avoir des précisions, premièrement, sur l’origine de ce dispositif de soutien exceptionnel et, deuxièmement, sur ses conditions de mise en œuvre. Je pense notamment au calendrier et aux conditions d’éligibilité pour les sinistrés. Enfin, j’aimerais savoir si cette initiative préfigure un changement d’approche plus global quant à la prise en charge des dommages résultant des phénomènes de sécheresse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, Mme Borne, qui ne peut être présente ce matin, m’a chargée de vous communiquer les éléments suivants.

Un amendement à la loi de finances pour 2020 a effectivement procédé à une augmentation, à hauteur de 10 millions d’euros, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Le but est de mettre en place, de façon exceptionnelle et transitoire, un dispositif de soutien aux victimes les plus affectées par l’épisode de sécheresse-réhydratation des sols survenu en 2018.

Cette aide a vocation à être réservée aux propriétaires occupants aux revenus très modestes de bâtiments d’habitation à usage de résidence principale situés dans une commune ayant formulé, au titre de l’année 2018, une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, mais qui ne l’ont pas obtenue. Pour mémoire, environ 30 % des communes associées à une telle demande n’ont pas été retenues en 2018.

Ce dispositif d’aide visera les bâtiments de plus de dix ans ayant subi des dommages sévères les rendant impropres à l’occupation. Il est en cours de calibrage. Ce travail sera fini prochainement, le plus rapidement possible, pour que les ménages puissent être indemnisés d’ici à la fin de l’année.

La distribution des aides sera organisée par les préfectures des départements concernés. Il s’agit de départements dont l’intensité de la déshydratation des sols, selon les critères techniques en vigueur, n’a pas été suffisante en 2018 pour que leur territoire soit reconnu en situation de catastrophe naturelle, mais qui présentent pour autant un taux de sinistres élevé et des critères météorologiques de second rang illustrant une situation de sécheresse anormale.

Néanmoins, ce dispositif reste ponctuel. Il n’a pas vocation à répondre à l’ensemble des demandes d’indemnisation. Pour progresser, le lancement d’une mission d’étude est prévu cette année ; elle aura pour objet d’apporter des solutions pérennes d’accompagnement des victimes des épisodes de sécheresse-réhydratation.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d’État, merci de votre réponse. J’ai bien compris que le dispositif créé par cet amendement est en cours d’écriture et qu’il sera mis en œuvre par les préfectures. Les sinistrés attendent ce fonds de 10 millions d’euros. Mais, vous l’avez dit vous-même, il sera de nature transitoire et, étant donné l’ampleur des problématiques liées à la sécheresse, ce montant est largement insuffisant. Même s’il ne concerne que 2018, ce dispositif sera, je l’espère, déployé dans les territoires pour que les personnes concernées puissent en bénéficier.

Vous précisez qu’une mission d’étude sera lancée en 2020. Très bien ! Mais le Sénat a déjà mené d’importants travaux au travers d’une mission d’information ; il a également voté, à l’unanimité, une proposition de loi qui apporte toutes les réponses. Au lieu de rouvrir ce chantier, appuyez-vous sur le travail du Sénat. Vous gagnerez un temps précieux, car il faut apporter des réponses rapidement !

création du terminal 4 de l’aéroport de roissy

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 1134, adressée à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, le groupe Aéroports de Paris (ADP) mène un projet d’ampleur avec la réalisation d’un quatrième terminal au sein de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. L’objectif est de passer de 100 à 130 millions de passagers par an.

Ce projet suscite de l’inquiétude chez les habitants comme chez les élus. Ces derniers se sont regroupés en un collectif créé par Eugénie Ponthier, maire adjointe d’Épinay-sur-Seine. En janvier dernier, 104 élus de tous bords politiques ont adressé un courrier au Président de la République pour l’alerter sur les dangers de l’extension de l’aéroport.

Si ADP a annoncé un report de la consultation publique à l’automne 2020, il n’a pas donné de date précise à ce jour ; or il est essentiel que cette consultation ait lieu, car les citoyens, notamment les riverains de l’aéroport, directement touchés, doivent pouvoir s’exprimer sur ce projet.

Beaucoup de questions méritent d’être soulevées. D’une part, le chiffre de 40 000 créations d’emplois n’a pas été vérifié et nombre d’experts considèrent qu’il est surestimé. D’autre part, 1,4 million de Franciliens subissent déjà les nuisances sonores et la pollution liées à l’aéroport, qu’une telle extension ne peut qu’accentuer.

Ce type de projet a un impact considérable sur l’environnement et sur le climat. Le terminal 4 entraînerait une augmentation de 40 % du trafic aérien, soit plus de 500 vols journaliers supplémentaires, couplée à une densification prévue des terminaux existants.

Le chiffrage des émissions de CO2 annoncé par ADP ne prend en compte que les phases de roulage, de décollage et d’atterrissage. Mais les avions effectuent aussi des trajets dont la France est pour partie responsable. Le Haut Conseil pour le climat préconise de les prendre en compte dans notre objectif de neutralité carbone. En incluant la moitié des trajets, 15 millions de tonnes d’équivalent CO2 s’ajouteraient aux émissions annuelles de la France d’ici à 2037.

Bien sûr, il faudrait également inclure les augmentations de trafic routier pour accéder à l’aéroport par l’A1 et l’A3, déjà surchargées.

Enfin, ce projet n’est évidemment pas sans lien avec la volonté de privatiser ADP et de réaliser le Charles-de-Gaulle Express pour quelque 20 000 usagers journaliers, alors que les transports du quotidien, comme le RER B, souffrent de sous-investissement.

Le trafic aérien a subi un choc massif avec la pandémie de Covid-19. Nous avons là une occasion de repenser notre modèle de consommation et de production. Saisissons-la !

Madame la secrétaire d’État, l’urgence environnementale est là : allez-vous vous opposer à ce projet nocif ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, le développement durable du transport aérien est évidemment une priorité du Gouvernement, et ce secteur doit s’engager pleinement dans la transition énergétique et écologique. C’est d’ailleurs l’esprit qui nous a animés pour la mise en œuvre du plan de relance appliqué au secteur aéronautique.

Les opérateurs du transport aérien sont déjà soumis à différents dispositifs contribuant à la lutte contre le changement climatique, dont la mise en œuvre est une priorité du Gouvernement. Je pense par exemple à l’entrée en vigueur du dispositif dit Corsia, mécanisme mondial imposant dès 2021 la compensation de la croissance des émissions de carbone des vols internationaux.

Les réflexions engagées à l’échelle européenne dans le cadre du Pacte vert visent aussi l’accélération de la transition énergétique du transport aérien, avec le développement des carburants aéronautiques durables ou le renforcement des dispositifs en place comme le marché carbone européen.

En outre, dans le cadre du plan de relance du secteur aéronautique, le Gouvernement a annoncé le 9 juin dernier un budget de 1,5 milliard d’euros sur les trois prochaines années pour soutenir la recherche et le développement, ainsi que l’innovation du secteur en matière de décarbonation.

Par ailleurs, la crise sanitaire affecte les perspectives de croissance de moyen terme du trafic aérien. Les niveaux de trafic de 2019 pourraient ne pas être atteints avant 2023. Dans ce contexte, le calendrier du nouveau terminal 4 de Paris-Charles-de-Gaulle fera l’objet d’un réexamen.

Monsieur le sénateur, soyez certain que la maîtrise de tous les impacts environnementaux liés à l’activité de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle est une priorité. Le Gouvernement veillera à ce que les nuisances sonores, les émissions de polluants et leurs effets sanitaires soient maîtrisés. En particulier, l’étude dite « d’approche équilibrée », qu’Aéroports de Paris va mener en 2021, devrait permettre de progresser dans la prise en compte de la problématique du bruit, notamment la nuit.

importation de soja américain et production de biocarburant

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 678, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, traditionnellement, les États-Unis exportent près de 60 % de leur soja en Chine. Néanmoins, résultat de deux années de tensions entre ces deux pays, la Chine a augmenté la taxation des graines de soja américain. Dès lors, les États-Unis cherchent de nouveaux débouchés. Ils ont, de ce fait, visé l’Union européenne. En conséquence, à l’automne 2018, les négociations entre le président des États-Unis et celui de la Commission européenne ont entraîné une augmentation de 112 % de l’importation de soja américain par l’Union européenne.

La Commission européenne essaie de limiter la production européenne de biocarburants de première génération, et il semblerait que l’importation de soja ait été permise à cette même fin. Cette décision commerciale apparaît comme un coup porté à la production de matières premières pour les biocarburants au sein de l’Union européenne, et les agriculteurs français ne comprennent pas cette mesure. Quant à l’Union européenne, elle ne peut choisir de remplacer l’huile de palme par une matière première tout aussi nuisible à l’environnement.

On sait que le soja est également utilisé pour nourrir les bêtes destinées à produire de la viande. À ce sujet, Emmanuel Macron a indiqué en 2019 vouloir une souveraineté protéinique de la France. Ainsi, comment expliquer la position européenne, qui va à l’encontre de la déclaration du Président de la République et des objectifs européens en matière d’environnement, d’énergie et d’agriculture ? Pourriez-vous nous indiquer la position française sur ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur, cher Cyril Pellevat, la position de la France est très claire. Vous l’avez rappelé, le Président de la République a exprimé sa volonté d’une souveraineté protéique. Cette dernière est indispensable pour la nourriture des animaux, pour l’alimentation humaine et pour la transformation de nos cultures ; elle est surtout indispensable pour mettre un terme à notre dépendance au soja américain, qui traverse l’Atlantique pour arriver sur notre continent. Vous l’avez dit, chaque fois, le développement durable en prend un coup…

De son côté, l’Union européenne prend ses décisions comme elle l’entend. Elle fixe un cadre très clair pour les biocarburants. Ainsi, pour contribuer aux objectifs d’énergies renouvelables, les biocarburants doivent respecter les critères de durabilité fixés par la directive sur les énergies renouvelables de 2009. Ces critères portent tant sur la production de biomasse que sur les gaz à effet de serre dégagés sur toute la chaîne de production. Ils seront d’ailleurs renforcés en 2021. C’est la raison pour laquelle la France s’inscrit dans le cadre des décisions de l’Union européenne.

Le 29 janvier 2019, la Commission européenne a reconnu le système de certification de la production du soja américain comme étant compatible avec les normes de durabilité de l’Union européenne. La reconnaissance de ce système facilite l’incorporation de soja américain dans les carburants européens. Cela n’était nullement interdit auparavant. Mais c’est parce que nous considérons que les biocarburants issus de soja certifié durable peuvent contribuer aux objectifs d’énergies renouvelables dans les transports qu’une telle incorporation est autorisée.

Vous le voyez, la réglementation européenne ne discrimine pas les matières premières entre elles, mais impose des critères de durabilité. Le gouvernement français est vigilant à cet égard, en particulier pour les biocarburants incorporés. C’est pourquoi il soutient le renforcement de la traçabilité et des contrôles. Il ne peut s’opposer à l’entrée sur le territoire de matières premières – en l’occurrence le soja américain – qui respectent le même cahier des charges européen.

À la rentrée, le Gouvernement présentera son plan stratégique « protéines végétales », qui s’inscrit dans le cadre d’un plan « protéines » européen – je devais le détailler au printemps, mais le Covid ne l’a pas permis. Le but est de garantir une autonomie protéique, pour que nous ne dépendions plus des tourteaux de soja américains qui traversent l’Atlantique !

lutte contre le piratage du sport

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 1213, adressée à M. le ministre de la culture.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, j’évoquerai ce matin la lutte contre le piratage du sport.

Depuis plusieurs années, la France s’est engagée à mieux protéger les ayants droit et diffuseurs des programmes sportifs, notamment avec l’adoption de l’article 24 de la loi Éthique et transparence du sport professionnel du 1er mars 2017.

Toutefois, ce dispositif se révèle insuffisant : il est désormais nécessaire de renforcer les mesures protégeant les ayants droit et diffuseurs et d’assurer une lutte enfin effective contre le piratage des contenus sportifs en direct.

La valeur des droits sportifs en France dépassera les 1,5 milliard d’euros dès la saison sportive 2020-2021, et ces droits sont un des éléments importants de la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.

Le phénomène du piratage des contenus sportifs, quant à lui, connaît un véritable essor depuis plusieurs années ; le manque à gagner estimé serait de l’ordre de 500 millions d’euros et de plusieurs centaines de milliers d’abonnés.

En examinant le projet de loi de réforme de l’audiovisuel, les députés ont adopté très largement en commission des affaires culturelles un article 23 visant la mise en œuvre d’un dispositif spécifique de lutte contre le piratage du sport. L’adoption de ce dispositif équilibré a été saluée par l’ensemble des acteurs.

Alors que la crise sanitaire inflige de très fortes difficultés économiques aux acteurs du sport, la mise en œuvre rapide d’un tel dispositif serait une réponse forte au soutien des acteurs économiques concernés. Elle permettrait également de préserver les mécanismes de solidarité au bénéfice du sport amateur.

Monsieur le ministre, quel est désormais votre calendrier pour l’examen de ce projet de loi, qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire ? Sous quelle forme les dispositifs seront-ils adoptés ? Nous entendons parler de textes moins ambitieux que prévu, voire d’ordonnances. Pouvez-vous nous assurer que ce dispositif de lutte contre le piratage du sport sera adopté dans les plus brefs délais ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Savin, vous le rappelez avec raison : le piratage est un fléau, pour les contenus de la création comme pour les contenus sportifs. Nous le savons bien, les droits sportifs contribuent au financement de toute la filière du sport, notamment les sports régulièrement retransmis à la télévision, comme le football, le rugby et bien d’autres.

Le Gouvernement est totalement mobilisé dans la lutte contre le piratage. Il y a quelques années, j’ai moi-même été le rapporteur de la fameuse loi qui a créé la Hadopi, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, visant à lutter contre le piratage.

De plus, le projet de loi audiovisuel contient un certain nombre de dispositions permettant de renforcer la lutte contre le piratage, notamment pour les contenus sportifs. Le juge doit pouvoir intervenir en amont des compétitions, afin que les sites soient bloqués dès que commence la retransmission du sport en direct. Ces nouveaux pouvoirs donnés au juge ont toute leur importance.

Vous l’avez indiqué : en commission, le dispositif a encore été renforcé, notamment pour raccourcir les délais de traitement des dossiers. Il s’agit de faire en sorte que la justice intervienne plus vite et que les ayants droit obtiennent plus facilement gain de cause.

Avec ma collègue ministre des sports et avec Mme la garde des sceaux, nous sommes en train d’étudier ces nouvelles dispositions. Leur constitutionnalité nous inspire encore quelques doutes, mais nous avons la même détermination que les députés qui en ont eu l’initiative de cet amendement : il faut renforcer encore, si c’est possible, le dispositif de lutte contre le piratage des contenus sportifs en ligne.

Pour ce qui concerne le calendrier, le Gouvernement doit bien sûr tenir compte des perturbations causées par le Covid. Les urgences sont nombreuses. Nous voulons aller vite pour la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA, permettant d’obliger les plateformes à investir dans les contenus culturels français et européens. Je vous le confirme, nous procéderons vraisemblablement par ordonnances.

Nous discutons avec l’Assemblée nationale et le Sénat pour inscrire le plus tôt possible à l’ordre du jour le projet de loi audiovisuel. Ce texte est très important pour renforcer la lutte contre le piratage, mais il contient bien d’autres volets, comme la préparation de la télévision du futur !

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, j’entends bien que le Gouvernement est mobilisé. En outre, vous confirmez qu’un travail important a été fait au Parlement, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, pour renforcer les pouvoirs du juge et, ainsi, sanctionner plus rapidement ceux qui piratent ces contenus.

Malheureusement, vous ne nous donnez toujours pas de calendrier. La saison sportive commencera dans quelques mois, et les diffuseurs, comme les ligues, sont très inquiets de ce manque de dispositifs. Le Sénat devrait bientôt déposer une proposition de loi sur ce point, pour que nous avancions plus rapidement !

situation préoccupante des bouquinistes à paris

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 1211, adressée à M. le ministre de la culture.

Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, je tiens à évoquer la situation préoccupante des bouquinistes à Paris.

Descendants des colporteurs ambulants de l’Ancien Régime, les bouquinistes ont connu une histoire mouvementée, intimement liée à l’histoire de Paris. Ces férus de littérature et de beaux ouvrages, âgés de 20 à 90 ans, sont les gardiens et les promoteurs de notre culture française.

Anatole France les surnommait « les braves marchands d’esprit ». Avec leurs 300 000 bouquins et leurs 900 boîtes vert wagon, ils nous invitent aujourd’hui à parcourir quatre kilomètres de livres anciens ou contemporains, de gravures, de timbres et de revues. Emblèmes du Paris historique, ils participent au charme des bords de Seine : ils constituent une animation touristique, une attraction culturelle, un patrimoine littéraire et historique unique qu’il faut bien sûr préserver.

Sur l’initiative de l’association culturelle des bouquinistes de Paris, laquelle regroupe près de 80 % de ces professionnels, et des maires des Ve et VIe arrondissements, Florence Berthout et Jean-Pierre Lecoq, ces 227 petites librairies à ciel ouvert ont fait leur entrée en février 2019 au patrimoine culturel immatériel français : c’est un premier pas vers le classement au patrimoine mondial de l’Unesco.

Déjà pénalisée par les gilets jaunes, puis par les grèves des transports, la profession a une nouvelle fois été durement touchée par la crise sanitaire. Il serait malheureux que ces libraires de la Seine disparaissent, alors que bien des villes dans le monde, telles Tokyo, Montréal ou Pékin, se sont inspirées de ce modèle.

Monsieur le ministre, envisagez-vous un plan de sauvegarde – j’emploie ce terme à dessein, en référence au patrimoine immatériel de l’Unesco – pour préserver cette profession ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.