M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la récurrence d’événements météorologiques et climatiques extrêmes de plus en plus rapprochés ne laisse pas de répit aux agriculteurs. Comme le rappellent nombre d’entre eux, « ce qui, hier, était l’exception devient aujourd’hui la règle, les sinistres se répètent et s’aggravent, et viennent porter le coup de massue climatique à des exploitations par ailleurs en grande difficulté économique ».

Selon les dernières données du GIEC, la pression du changement climatique sur l’activité agricole va se poursuivre et développera l’émergence de nouvelles pathologies, des pathologies qui conduisent à une perte accélérée de la biodiversité, notamment des pollinisateurs.

L’an dernier la France a connu une succession d’épisodes de gel tardif, mais aussi de grêle, puis deux épisodes de canicule exceptionnels avec, pendant plusieurs jours, des températures supérieures à 40 degrés. Parallèlement, nous avons vécu une absence quasi totale de précipitations efficaces pendant cinq mois sur une grande partie du pays : 2019 a donc concentré les principales vulnérabilités de nos systèmes agricoles. La gestion des aléas climatiques va s’avérer complexe, mais indispensable dans les années à venir.

La question de l’assurance récolte posée par les auteurs de cette proposition de résolution est cruciale, d’autant que la crise sanitaire que nous traversons a mis en évidence l’importance de l’autonomie et de la sécurité alimentaires.

Alors que le régime des calamités agricoles a été progressivement réduit, notamment depuis 2010 avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le développement de l’assurance privée, bien qu’encouragé, n’a pas connu le succès escompté par ses promoteurs.

Malgré les niveaux croissants de subvention publique de l’État et de l’Union européenne ces quinze dernières années, le recours à l’assurance récolte reste minoritaire : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisque climatique, tandis que le taux de couverture est très marginal pour les exploitations d’arboriculture et nul pour les prairies.

Par conséquent de nombreux agriculteurs se trouvent le plus souvent démunis face à un sinistre. Ce faible taux de couverture est insuffisant pour garantir la pérennité du système du côté des assureurs.

Coût des primes, exigence d’un taux de perte de 30 %, coût de l’assurance multirisque climatique pour les assureurs eux-mêmes : certes, ces éléments ont été soulignés par les auteurs de la proposition de résolution, mais à aucun moment ils n’interrogent la pertinence de cet outil.

À cet égard, il est important de rappeler que, dans un contexte de baisse envisagée du budget de la future PAC 2021-2027, toute nouvelle croissance des soutiens publics à l’assurance privée, qu’elle soit portée par l’État ou par un prélèvement complémentaire sur le second pilier de la PAC, risque de se faire au détriment des autres objectifs de soutien. Je veux parler ici des aides bénéficiant à la fois aux territoires et aux exploitations les plus fragiles, en zones défavorisées et de montagne. Mais elle risque aussi de se faire au détriment des mesures favorables à la transition agroécologique des modèles agricoles. (M. François Bonhomme approuve.)

M. Yvon Collin. Pas faux !

M. Fabien Gay. Dans ces conditions, nous regrettons que les auteurs de la proposition de résolution n’aient pas fait référence – ou si peu ! – aux exclusions de garantie. En effet, de nombreuses exclusions de garantie existent dans les conditions générales de l’assurance récolte, laquelle ne couvre pas plusieurs événements à cause de leur trop forte probabilité : pertes de qualité, sauf exceptions ; pertes de rendement causées par excès d’eau en zones habituellement inondables ; pertes de rendement causées par les maladies ou les ravageurs, même s’ils sont consécutifs à l’aléa climatique.

Nous regrettons aussi que rien ne soit dit sur la multiplication des accords de libre-échange, qui mettent à mal les revenus des agriculteurs et ont impact majeur sur le changement climatique. Monsieur le ministre, avez-vous la date de ratification du CETA au Sénat ? (M. François Bonhomme samuse.)

Enfin, l’assurance n’est pas et ne peut pas être la solution miracle face aux aléas climatiques et de marché. Il est impératif de sensibiliser et de former davantage les agriculteurs à l’adaptation au changement climatique, ainsi qu’aux autres risques environnementaux et sanitaires.

La préservation du potentiel de production passe, notamment, par la prévention et la mise en place d’outils de protection, comme le stockage de l’eau en hiver pour réguler les inondations et irriguer pendant l’été.

Ainsi que le soulignent les chambres d’agriculture, il est impératif de renforcer la résilience de notre système agricole : la PAC après 2020 devrait comporter une nouvelle mesure au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour financer des projets de transition, incluant des investissements matériels et immatériels ainsi que des aides forfaitaires pour prise de risque dans l’évolution des pratiques. L’accompagnement des exploitations agricoles vers l’adoption de nouvelles techniques, pratiques et productions adaptées aux conséquences du changement climatique et favorables au maintien de la biodiversité ne peut plus rester un vœu pieux.

Enfin, comme le soulignent certains syndicats agricoles, c’est une relance des opérations liées à l’organisation commune des marchés qui apparaît aujourd’hui comme la voie à retrouver, avec une adaptation de l’offre par l’intervention publique et l’aide au stockage privé, ainsi que la limitation des importations.

Nous nous abstiendrons sur cette proposition de résolution, mais c’est une abstention progressiste et positive ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’initiative de nos collègues du RDSE, qui se sont emparés du sujet du développement de l’assurance récolte en agriculture.

Depuis près d’une dizaine d’années, l’agriculture française est confrontée à des successions d’événements climatiques qui ont gravement impacté les productions, sans parler de la volatilité croissante des prix des matières premières agricoles.

Au cours des quatre dernières années, les agriculteurs ont dû faire face à des événements de grande ampleur. La fréquence de ces événements climatiques extrêmes doit donc nous interpeller, tout comme leur ampleur. Entre 2016 et 2019, le montant des dégâts a avoisiné 2 milliards d’euros.

Face à l’accroissement des aléas climatiques, il est nécessaire de prévenir les dommages, de réduire leurs impacts et de compenser les préjudices subis.

Il existe notamment un fonds public d’indemnisation : le régime des calamités agricoles, outil historique et politique du ministère de l’agriculture. En complément de ce dispositif, l’assurance privée se développe, mais peine à convaincre. Un tiers seulement des surfaces agricoles sont actuellement couvertes par un contrat d’assurance.

Ce débat nous invite à réfléchir à cette situation qui ne saurait se prolonger. Nos collègues du RDSE proposent d’encourager et de développer le régime de l’assurance récolte. Nous partageons pleinement les objectifs des auteurs de la proposition de résolution. La France ne peut se résoudre à laisser son agriculture ainsi exposée. L’assurance récolte constitue un outil de gestion des risques reconnu et efficace.

Cependant, avec un ratio de plus de 100 % entre les indemnités versées aux agriculteurs et les cotisations encaissées sur la période 2005-2019, le marché de l’assurance récolte n’a pas atteint son équilibre technique et financier. Il est aujourd’hui fragilisé et il existe un risque de moindre couverture des agriculteurs les plus exposés.

Par ailleurs, force est de constater que le système actuel n’est pas équilibré et ne s’appuie pas suffisamment sur la mutualisation nécessaire des risques et des sinistres.

En effet, le taux de couverture de la surface agricole utile par l’assurance récolte était proche de 30 % en 2018. La diffusion est plus importante dans les grandes cultures et dans la viticulture. En revanche, les taux sont presque nuls dans les autres filières comme l’arboriculture, pourtant particulièrement exposée, ou les prairies, pour lesquelles l’offre semble inadaptée.

Cette disparité est due au coût trop élevé pour nombre d’agriculteurs, notamment pour certaines productions. Il nous paraît donc important et nécessaire d’améliorer le dispositif d’assurance récolte afin de le rendre plus efficient et plus attractif. À défaut, il conviendrait de le rendre obligatoire.

Pour ce faire, il convient d’en repenser l’architecture, les paramètres techniques, les seuils de déclenchement, les taux de subvention et les dispositifs de financement. Nous ne pourrons y parvenir sans simplifier le dispositif assurantiel. Les trois niveaux de garantie disposant de taux de subvention variables sont sans doute trop complexes.

Il serait judicieux d’instaurer, d’une part, un seuil unique et un même taux de franchise et, d’autre part, un seul niveau de garantie subventionnable identique pour tous les groupes de cultures, en s’appuyant sur une mutualisation inter-cultures inter-régionale et inter-risques. Ce dernier point est fondamental.

Concernant la limite du prix subventionnable, il faut aussi entamer une démarche de simplification tant pour l’assuré que pour les assureurs. Il conviendrait certainement d’opter pour un prix maximum subventionnable fixé par barème qui correspondrait au prix de vente moyen.

Enfin, concernant l’indemnisation concrète des agriculteurs, l’Europe s’est largement impliquée à travers le règlement Omnibus. Il permet d’augmenter le taux de financement de l’assurance récolte à 70 % au lieu de 65 % et de baisser le seuil de déclenchement de 30 % à 20 % de perte de rendement. La France doit intégrer ces nouvelles possibilités.

Nous souhaitons vivement que les débats engagés sur la réforme de la PAC puissent être l’occasion d’intégrer avec plus d’ambition la gestion des risques en agriculture.

Les arbitrages budgétaires sont indispensables, mais complexes. Il faut le dire : des choix seront à faire, sans doute plus stratégiques pour garantir notre souveraineté alimentaire que certaines annonces faites il y a quelques jours par la Commission européenne en matière agricole, annonces déconnectées des réalités actuelles et d’ailleurs à contre-courant des orientations retenues par les autres grandes puissances mondiales.

Nous comptons sur notre ministre de l’agriculture pour proposer les améliorations nécessaires afin de mieux appréhender la gestion des risques en agriculture. Je sais qu’il y travaille. La gestion des risques ne se résume pas uniquement à l’assurance récolte.

Bien évidemment, la gestion du risque repose sur la combinaison de dispositifs complémentaires, notamment assurantiels, mais aussi sur l’épargne de précaution que vous avez mise en place, sur la déduction pour aléas (DPA), sans ignorer le volet recherche agronomique et variétale, ainsi que la gestion de l’eau. Vous l’aurez compris, nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux excès climatiques passés et futurs, la recherche de mécanismes de protection de notre agriculture est une nécessité impérieuse. S’il y a risque, la plus évidente des solutions est la souscription d’une assurance spécifique et adaptée. L’assurance des récoltes, dans le contexte, devrait spontanément se généraliser, mais on constate que tel n’est pas le cas.

La résolution proposée par nos collègues du groupe du RDSE est pertinente et très intéressante. Elle nous amène à nous demander pourquoi le système ne fonctionne pas comme il le devrait : comment « mettre de l’huile dans les rouages » ?

Nos collègues proposent des mesures de simplification d’un système complexe à trois niveaux, dans lesquels interviennent l’État et les assurances privées, avec des taux variables. Ils proposent l’harmonisation, plus de réactivité dans les aides, la bonification de taux, toutes mesures qui seront de nature à rendre ces assurances plus attractives.

En effet, comment avoir confiance dans un système qui paraît lointain, voire inadapté et inéquitable, lorsqu’il s’agit de la sécurité de son exploitation ? Les assurés sont « frileux ». Dans des exploitations où la trésorerie est extrêmement problématique, on ne peut pas se permettre les dépenses aléatoires.

De plus, les outils de gestion des risques climatiques doivent s’articuler avec une parfaite logique, en particulier pour le risque prairie. J’ai eu vent d’un sentiment d’injustice de la part d’agriculteurs assurés qui se sont trouvés exclus des aides « calamités agricoles », au contraire de leurs collègues non assurés. Comme je l’ai expliqué il y a un an dans le cadre d’une question écrite au Gouvernement, la tentation est grande pour nombre d’exploitants de renoncer à s’assurer. Par ailleurs, des contrats d’assurance prairie ont été résiliés unilatéralement par certains assureurs.

Autre constat, les événements météorologiques excessifs ne sont plus exceptionnels, ils deviennent la règle.

Le premier effet dans le calcul des indemnisations est que, les années de référence étant toutes mauvaises, les prises en charge deviennent ridicules et décevantes pour les sinistrés.

Le second dilemme qui se pose à nous est le suivant : comment assurer ce qui n’est plus un risque, mais devient une certitude ? En effet, nous sommes en train de sortir d’une logique assurantielle et de demander aux assureurs de rendre purement et simplement un service.

C’est pourquoi, en plus du défi de regagner la confiance des assurés, s’ajoute le challenge de convaincre les assureurs de s’engager sur un terrain où leur activité ne peut pas s’équilibrer financièrement. Quel assureur aura une politique commerciale active sur des contrats qui lui feront perdre de l’argent de façon certaine ?

La seule issue est la prévention et la diminution du risque. C’est le dernier point de la résolution : « développer une politique ambitieuse de prévention ».

Il faut aller encore plus loin : tous ceux qui ont un œil professionnel sur la planète, ses tempêtes, ses ressources, ses excès, ses sécheresses et ses inondations, le savent bien.

Il ne faut pas seulement assurer le risque, il faut l’apprivoiser, vivre avec, retrouver des chemins de rentabilité et de pérennité en l’intégrant.

Il faut une aide technique au plus près des exploitants, extrêmement adaptée, ciblée, réactive, simple, opérationnelle et gratuite, du conseil, de l’investissement et des autorisations administratives qui permettent d’adapter les productions et les pratiques à des changements inévitables, des changements qui sont là, des changements qui ne sont plus un risque ou un aléa !

Il existe déjà des équipes sur le terrain et des outils de cette nature. Je pense aux chambres d’agriculture. Au lieu de leur couper les vivres, il faut au contraire leur laisser une dimension territoriale au plus près des exploitants, et leur donner une ampleur et une efficacité sans précédent.

Enfin, se pose la question récurrente de la gestion et du stockage de l’eau. Retenir l’eau lorsqu’elle tombe en excès, pour l’utiliser en cas de besoin, n’est-ce pas la meilleure prévention de la sécheresse ?

M. François Bonhomme. Eh oui ! Sivens ! Caussade !

Mme Nadia Sollogoub. Il faut vraiment, et de façon urgente, lever les freins réglementaires et politiques à la mise en œuvre d’aménagements hydrauliques.

Alors, avec l’aide de l’État, l’assureur retrouvera sa place aux côtés de l’assuré pour protéger toutes les productions agricoles contre tous les risques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et LaREM.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos agriculteurs, quel que soit leur secteur de production, sont de plus en plus confrontés à des événements climatiques extrêmes.

Les trois années précédentes ont, à ce titre, été marquées par des épisodes de sécheresse et d’inondation atypiques, et nombre de nos communes ont bénéficié d’une reconnaissance en état de catastrophe naturelle.

Le Tarn-et-Garonne ne fait pas exception : l’an dernier, 51 communes du département ont ainsi été reconnues en état de catastrophe naturelle au titre d’incidents survenus entre 2017 et 2018 ; 36 d’entre elles ont bénéficié d’une reconnaissance au titre du phénomène de sécheresse et de réhydratation et 15 ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite des pluies diluviennes, inondations et coulées de boue qui se sont abattues sur le Tarn-et-Garonne à la fin du printemps et au début de l’été derniers. Certaines communes n’ont, toutefois, pas obtenu satisfaction.

L’agriculture figure ainsi parmi les secteurs économiques les plus exposés aux méfaits du dérèglement climatique. C’est notamment le cas de l’arboriculture. Ainsi, dans le Tarn-et-Garonne, les producteurs de prunes s’inquiètent de plus en plus des conséquences que peuvent avoir des hivers exceptionnellement doux sur leurs récoltes. À titre d’exemple, l’année 2019 a été marquée par un hiver anormalement doux, avant qu’un coup de gel tardif ne vienne compromettre les récoltes des producteurs.

Ces dérèglements ne sont pas sans conséquence pour les agriculteurs : un accident climatique engendre souvent des problèmes sanitaires, et la conjonction des deux aboutit parfois à des pertes économiques considérables pour l’agriculteur.

Dès lors, les agriculteurs sont de plus en plus exposés à des incertitudes quant au volume de leurs récoltes et, par contrecoup, à leurs revenus. En moyenne, un agriculteur subit actuellement une perte de revenus de 20 % tous les trois à quatre ans, le niveau et la fréquence passant respectivement à 30 % tous les trois ans et demi pour les arboriculteurs.

Une telle situation nous amène inévitablement à remettre en question l’efficience du système actuel de gestion et de couverture des risques climatiques pour les agriculteurs. Ce dernier repose aujourd’hui sur deux piliers : le régime des calamités agricoles, d’une part, et l’assurance récolte, d’autre part, qui propose des garanties de rendement ou de chiffre d’affaires dont le déclenchement est lié à la survenance d’un événement climatique clairement identifié.

Or force est de constater que le dispositif de gestion des risques se révèle, en l’état, de plus en plus inadapté aux besoins des agriculteurs.

Le premier pilier, celui des calamités agricoles, se distingue tout d’abord par une excessive lenteur des procédures. On peut ainsi compter jusqu’à dix-huit mois pour couvrir un aléa. Ses seuils se révèlent en outre inadaptés, notamment en cas de polyculture.

Il arrive par ailleurs que ce régime d’indemnisation entre en concurrence avec celui de l’assurance récolte. C’est notamment le cas pour l’arboriculture et les prairies où il est fréquent qu’un agriculteur non assuré bénéficie d’une meilleure indemnisation que celui qui s’était assuré !

Le cadre général se révèle donc inadapté : il importe de construire les outils et l’accompagnement dont l’agriculture a besoin pour s’adapter au changement climatique.

Je souscris ainsi pleinement aux objectifs fixés par les auteurs de cette proposition de résolution, dont l’ambition est d’adapter le dispositif de gestion des risques des agriculteurs en mettant en place des instruments susceptibles de répondre aux besoins de tous les agriculteurs, quel que soit leur secteur de production.

Cette proposition de résolution met, à juste titre, le doigt sur les obstacles actuels à la généralisation de l’assurance récolte. Elle reprend ainsi quelques-unes des principales mesures défendues par le monde agricole, qui visent à rendre l’assurance récolte plus attractive.

Je m’inscris dans l’esprit de cette proposition de résolution et considère, monsieur le ministre, qu’il serait bienvenu de simplifier l’assurance récolte, de l’adapter selon les cultures, de l’encourager financièrement, d’en réduire les effets de seuil et de mieux articuler entre eux les outils d’indemnisation existants.

Cette proposition de résolution invite le Gouvernement à améliorer l’articulation entre les outils actuels de gestion des risques climatiques afin qu’ils n’entrent pas en concurrence et ne créent pas de situations inéquitables entre les agriculteurs.

Une telle proposition me semble bienvenue et opportune, puisque la diffusion de l’assurance récolte progresse très lentement et inégalement selon les cultures : 30 % des surfaces viticoles et 26 % des grandes cultures sont couvertes par un contrat multirisque climatique tandis que le taux de couverture est très marginal pour les exploitations d’arboriculture, et nul pour les prairies. Nombreux sont ainsi les agriculteurs à se trouver démunis face à un sinistre.

Le développement des assurances récoltes doit bénéficier à l’ensemble des secteurs de production, à l’image de ce que l’on observe chez nos voisins espagnols. L’élevage doit profiter de cet essor, et ce malgré les difficultés techniques et économiques.

En outre, il apparaît nécessaire que le développement des assurances passe par un soutien financier des pouvoirs publics, notamment à travers une prise en charge d’une partie de la prime d’assurance.

Le développement des assurances récolte doit également reposer sur la mise en place de produits attractifs à destination des agriculteurs.

Mes chers collègues, en définitive, le régime d’assurance récolte apparaît comme un instrument efficace et responsabilisant, qui doit jouer un rôle essentiel dans la gestion des risques naturels, sanitaires ou climatiques. Vous l’aurez compris, je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie le RDSE de revenir sur ce sujet qui, effectivement, peine à progresser si l’on se réfère aux chiffres du développement de l’assurance – ils ont été rappelés.

L’assurance récolte fait partie des outils de gestion des risques en agriculture. Depuis 2016, le groupe socialiste et républicain a été, au sein du Sénat, une force de proposition sur le sujet du développement des outils de gestion des risques en agriculture. Le trio de l’époque, dans l’ordre alphabétique, était composé d’Henri Cabanel, de Didier Guillaume et de moi-même.

Nous disions alors, et le propos n’a pas pris une ride depuis, que la mise en œuvre d’une véritable politique de gestion des risques en agriculture était essentielle à l’heure de la multiplication des aléas économiques, climatiques et sanitaires.

Face au constat que la France ou l’Europe ne peuvent pas peser réellement sur les cours des marchés agricoles dans une optique de stabilisation et de régulation, il convient de prévoir des mécanismes de soutien aux agriculteurs qui leur apportent une aide dans les périodes difficiles et une capacité d’épargne attractive dans les périodes plus favorables.

Les deux textes votés en 2016 sur l’initiative du groupe socialiste et républicain du Sénat préconisaient de développer une véritable politique contracyclique afin d’être en phase avec les besoins et les attentes du monde agricole, tout cela dans une perspective claire de soutien du revenu.

Le 6 avril 2016, nous adoptions ici, au Sénat, une proposition de résolution visant à encourager le développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture.

Cette résolution proposait tout d’abord d’encourager la solidarité professionnelle afin que les filières travaillent ensemble pour développer des organisations économiques plus résilientes. Elle proposait ensuite de construire un système de mutualisation du risque économique, avec un objectif de stabilisation et de garantie des revenus. Elle proposait enfin de déterminer les conditions dans lesquelles le mécanisme de stabilisation des revenus au sein du deuxième pilier de la PAC pourrait être mis en œuvre en France, et de rendre le dispositif de l’assurance récolte plus attractif et plus accessible pour les exploitants.

Le 30 juin 2016, le Sénat adoptait une proposition de loi visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.

Dans ce texte nous proposions, notamment, la mise en place d’un fonds de stabilisation des revenus agricoles, la mise en œuvre d’expérimentations de mécanismes de gestion des risques économiques agricoles et de stabilisation des revenus dans les territoires et les filières, ou encore l’intensification de l’intervention du FNGRA en matière d’aides à la souscription d’une assurance en agriculture.

Nous financions ces mesures par une augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales de plus de 2 500 mètres carrés, par la mise en place d’une taxe sur les transactions financières sur les marchés des matières premières agricoles ou encore par la hausse de la contribution de la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles.

Ce texte avait été adopté à l’unanimité au Sénat, mais n’a pas terminé sa navette.

En 2019, toujours sur l’initiative du groupe socialiste et républicain du Sénat, une mission d’information relative à la gestion des risques et à l’évolution de nos régimes d’indemnisation était constituée. Si la majeure partie des préconisations formulées en juillet 2019 concerne le régime général des catastrophes naturelles, le rapport préconise également des réformes qui rejoignent totalement notre débat d’aujourd’hui.

Tout d’abord, il préconise de déplafonner le rendement de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes à certaines conventions d’assurance alimentant le FNGRA.

Il préconise ensuite la réduction des effets de seuil permettant l’entrée dans le régime des calamités agricoles en rendant éligible un agriculteur remplissant soit le critère de perte de rendement, soit le critère de perte de produit brut.

Il préconise également de diminuer, comme le permet le droit européen depuis le règlement Omnibus, le seuil de déclenchement à 20 % de pertes et d’augmenter le taux de subvention publique à la prime d’assurance du contrat socle à 70 % au lieu de 65 %.

Il préconise enfin d’allonger la durée permettant le calcul de la moyenne olympique pour mieux évaluer la perte de rendement théorique des agriculteurs permettant d’être éligible au régime des calamités agricoles.

En définitive, la proposition de résolution du groupe du RDSE rejoint, voire reprend, des positions et propositions déjà défendues par le groupe socialiste et républicain ces dernières années, et votées par notre assemblée dans son ensemble. Le groupe socialiste et républicain se réjouit d’avoir ouvert la voie, si j’ose dire. Tous les groupes de la Haute Assemblée s’étaient retrouvés à l’époque sur ces propositions, je voulais aussi le souligner. Nous devons unir nos forces pour soutenir l’agriculture française, comme le fait systématiquement le Sénat sur ces sujets.

Alors pourquoi les outils ne se développent-ils pas ? Pourquoi ces textes votés par une importante majorité au Sénat n’ont-ils pas prospéré jusqu’à devenir des lois ?

Il est évident que le contexte européen n’est pas étranger à cette situation. Les États membres peinent à se mettre d’accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP) du budget de l’Union européenne. La pandémie du Covid-19 complexifie encore ce préalable majeur.

À cela s’ajoute l’annonce du Green Deal de la Commission européenne qui, s’il est réellement mis en œuvre, rebattra très clairement les cartes de l’ensemble des politiques européennes.

Si la contribution budgétaire de chaque État membre reste identique, que deviendront les budgets sectoriels, celui de la PAC en particulier ?

Les inquiétudes qui sont les nôtres depuis le début du processus de révision de la PAC restent entières à ce jour. M. le ministre nous dira ce qu’il en est des perspectives d’aboutissement des négociations en cours.

Concrètement, pourra-t-on affecter de façon significative des fonds publics pour développer l’assurance récolte dans le cadre d’une PAC dont le budget à euro constant diminuerait ? Ne faut-il pas mettre en place une taxe sur les transactions financières (TTF) pour abonder les ressources publiques qui pourraient être affectées à l’assurance récolte, au Fonds de stabilisation du revenu agricole (FSRA), au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), et à d’autres fonds, comme le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) ? C’est là un point majeur de contexte au vu du sujet qui nous intéresse.

La PAC a atteint la plupart de ses objectifs initiaux, mais elle n’a pas répondu de façon satisfaisante et durable, tant s’en faut, à la question du revenu du producteur. Pas davantage n’a permis d’y parvenir, à ce jour en tout cas, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, et nous le regrettons.

L’assurance récolte doit être développée, cela ne fait aucun doute. Mais qu’en sera-t-il de la façon de compenser les baisses du premier et du second piliers pour ce qui concerne la poursuite et le renforcement indispensables de la transition agroécologique ?

Sur le plan économique, où trouverez-vous les ressources publiques nécessaires à l’accompagnement des agriculteurs qui veulent souscrire ces polices d’assurance, mais qui en sont empêchés du fait de la faiblesse de leur revenu ou de leur épargne ? Quels crédits envisageriez-vous de redéployer ?

Sur le plan environnemental, ne faut-il pas aider davantage ceux qui investissent pour la transition climatique, la biodiversité, la qualité de la ressource en eau, en air, etc. à prendre une assurance ? Sur le plan culturel, la gestion des risques en agriculture est-elle pratiquée et maîtrisée par tous les chefs d’exploitations ?

L’assurance récolte est un moyen, le plus évident peut-être, mais d’autres outils de gestion des risques agricoles méritent d’y être ajoutés pour construire une véritable résilience à l’égard de tous les aléas potentiels.

En réalité, c’est une acculturation à ces techniques, complémentaires les unes des autres, qui est nécessaire pour que la réussite individuelle et collective soit au rendez-vous. La montée en connaissances et en compétences sur ces sujets techniques permettra que les stratégies des filières et des exploitations se complètent pour maximiser l’efficacité globale de la ferme France.

Je ne reviendrai pas sur les paiements pour services environnementaux (PSE), mais, vous le savez, je considère qu’ils font également partie des outils qu’il faudra développer à l’avenir pour soutenir le revenu agricole.

Par ailleurs, comme l’a dit Franck Menonville, sans une adhésion et un engagement les plus larges possible de la part des agriculteurs, rien ne pourra se faire à une échelle significative, ou bien peu.

En 2019, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, se disait favorable à une assurance récolte généralisée et mutualisée. Les idées émises par le groupe de travail mis en place sur son initiative sont intéressantes, je tiens à le dire : un fonds de mutualisation étendu à la ferme France, la mise en place de contrats à terme, l’intéressement des sociétés d’assurance.

Quels que soient les outils, la part de financement de l’État devra être importante, et celle des agriculteurs également. Mais encore faudra-t-il, et c’est un point essentiel, faire la démonstration à ces derniers qu’ils y gagneront plus qu’ils n’y perdront.

Il serait intéressant que le ministre nous dise comment et avec quels moyens il envisage d’avancer sur ces pistes, rapidement. En effet, je le disais au début de mon intervention, ce sont non pas les bonnes intentions et les idées qui manquent sur ce sujet, mais davantage les prises de décisions fortes et structurantes. Le contrat socle de 2016 était une première étape importante, il s’agit désormais d’en engager une nouvelle.

Au terme de cette prise de parole au nom de mon groupe, je veux remercier les auteurs de la proposition de résolution, Yvon Collin, Nathalie Delattre, et Henri Cabanel avec lequel j’ai beaucoup travaillé il y a quelque temps sur ce sujet tout aussi important qu’inabouti.

Dans le droit fil de ses travaux antérieurs, le groupe socialiste et républicain approuvera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, LaREM et RDSE.)