M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Je rejoins M. le rapporteur : à mon avis, on ne peut pas traiter un tel sujet au travers d’une ordonnance, à plus forte raison quand certaines régions sont en désaccord. Ce n’est pas la bonne solution : une question aussi importante, tant sur le plan financier que sur celui des territoires, mérite un véritable débat.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je le rappelle, l’ordonnance n’est pas un outil technique neutre : c’est un acte fort par lequel le Gouvernement confisque notre pouvoir législatif pour l’associer à son pouvoir exécutif. Ce n’est pas rien en démocratie, d’autant que la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020 confère un statut supérieur aux ordonnances en en faisant remonter le contentieux au Conseil constitutionnel, plutôt qu’au Conseil d’État.

Monsieur le ministre, dans votre propos, très juste et très cohérent, vous avez exposé la totalité des arguments qui nous poussent à vous refuser l’habilitation à légiférer par ordonnance. En effet, vous nous avez dit que c’est compliqué, qu’il faut du temps pour y travailler et qu’il n’y a pas de consensus : autant d’éléments qui excluent le recours à une ordonnance.

Si l’on peut comprendre qu’il faille parfois légiférer par ordonnances afin de pouvoir agir vite, rien ne le justifie dans le cas d’espèce. C’est un peu comme pour la procédure accélérée, que le Gouvernement utilise de manière systématique alors que, selon la Constitution, y recourir est censé devoir rester exceptionnel. Il ne faudrait pas que le recours aux ordonnances devienne, lui aussi, systématique. Sinon, nous parlementaires aurions du mal à expliquer aux Françaises et aux Français à quoi sert la représentation nationale. Or, au lendemain d’élections municipales marquées par un taux d’abstention record, c’est un souci démocratique constant pour les élus.

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.

M. Pierre Louault. On ne peut pas laisser le Gouvernement décider seul. Dans notre pays, la gestion du Feader est à un tournant. Il y a des mesures nationales. Ainsi, Natura 2000, qui est financé par le Feader, répond à un engagement du Gouvernement. Si les régions n’engagent pas des crédits disponibles, c’est l’État qui sera pénalisé.

Par conséquent, il doit y avoir une véritable concertation. Ce n’est pas dans la nature de notre pays. C’est dans celle de l’Allemagne, qui depuis longtemps négocie à Bruxelles le financement par le Feader de mesures soutenues par le gouvernement fédéral et les Länder.

À mon sens, l’État ne peut pas décider seul de ce qui sera délégué ou pas aux régions au titre du Feader. Il faut une véritable négociation, y compris avec la profession agricole et les élus ruraux, qui ont aussi leur mot à dire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 24.

(Larticle 24 est adopté.)

Article 24
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article additionnel après l'article 24 - Amendement n° 22 rectifié

Articles additionnels après l’article 24

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ma première prise de parole en tant que ministre de la culture devant votre auguste assemblée, je souhaite préciser le contexte dans lequel s’inscrivent les deux amendements que je vais vous soumettre.

Mon prédécesseur, Franck Riester, que je salue, a promu, à la fin de l’année 2019, une réforme très ambitieuse, au travers du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Ce texte a été examiné par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais, du fait de l’épidémie du covid-19, les travaux ont été interrompus. Il n’a pas été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, mais son calendrier d’examen demeure très incertain, pour des raisons que nous connaissons. Figurent pourtant dans ce projet de loi des dispositions tout à fait capitales et urgentes. Ainsi, la directive SMA doit en principe avoir été transposée au plus tard au 19 septembre 2020 et les deux directives relatives aux droits d’auteur et aux droits voisins doivent l’être avant juin 2021.

Il ne s’agit pas d’une question relevant de la simple administration, de respecter une obligation que nous imposerait l’Europe : ces dispositions sont essentielles et très attendues par les auteurs, les artistes, les professionnels des médias et des industries culturelles.

C’est le cas en particulier des dispositions de la directive SMA, qui permet d’assujettir les plateformes installées à l’étranger aux obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique. L’enjeu est crucial. Pendant le confinement, ces plateformes ont enregistré une forte croissance de leurs revenus, tandis que ceux des chaînes de télévision, sur lesquelles repose aujourd’hui le financement de la production, subissaient les conséquences de la crise du marché publicitaire.

C’est aussi le cas des dispositions de la directive relative aux droits d’auteur, qui permet de mieux protéger les droits de la propriété intellectuelle sur les plateformes de partage des contenus et de garantir le droit des auteurs et des artistes à une rémunération proportionnelle aux fruits de l’exploitation des œuvres.

La transposition par voie d’ordonnance ne me plaît pas davantage qu’à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, car ce n’est vraiment pas une pratique courante en matière audiovisuelle. En général, les textes sur ce sujet donnent lieu à des discussions nourries, passionnées et fort intéressantes !

Il y a donc, à côté de l’aspect technique, un aspect politique. Nous ne sommes pas en terrain inconnu et nous ne vous demandons donc pas un chèque en blanc : vous connaissez le texte issu, en mars dernier, des débats de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Je m’engage à ce que les ordonnances que nous soumettrons à votre ratification respectent les équilibres nés de cette discussion.

Pour le reste des dispositions du projet de loi initial, les arbitrages ne sont pas encore rendus. Ils dépendront du programme de travail du Gouvernement ; j’en discuterai avec le Premier ministre.

Pour l’heure, il est nécessaire, pour les professionnels et le soutien à la création, d’assurer la rapide transposition de ces directives par voie d’ordonnances. Je sais, car vous l’avez exprimé avec un peu d’avance, que vous partagez cet avis et que vous accorderez donc au Gouvernement l’habilitation qu’il sollicite. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et UC. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure de nature législative visant à :

a) Modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE autres que celles qui sont mentionnées aux articles 2-6 et 17 à 23 et celles qui ont été transposées par la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, et en procédant dans ce code aux mesures d’adaptation et aux mises en cohérence et corrections matérielles, légistiques et rédactionnelles rendues nécessaires par la directive ;

b) Modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle en vue de transposer en droit français les articles 2-6 et 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE et en procédant dans ce code aux mesures d’adaptation et aux mises en cohérence et corrections matérielles, légistiques et rédactionnelles rendues nécessaires par la directive ;

c) Modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle en vue de transposer en droit français les dispositions de la directive 2019/789 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, et modifiant la directive 93/83/CEE du Conseil et en procédant dans ce code aux mesures d’adaptation et aux mises en cohérence et corrections matérielles, légistiques et rédactionnelles rendues nécessaires par la directive.

II. – Les ordonnances prévues au a et au c du I sont prises dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi.

L’ordonnance prévue au b du I est prise dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi.

III. – Pour chaque ordonnance prévue au I, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à transposer deux directives de 2019 visant à renforcer la protection des auteurs et des titulaires de droits voisins. Ces deux directives doivent être transposées avant le 7 juin 2021.

La France s’est investie de façon exemplaire dans la négociation de ces deux directives. La première renforce la capacité des titulaires de droits à être rémunérés lorsque les plateformes de partage des contenus utilisent leurs œuvres, tout en respectant les droits et libertés des utilisateurs. La seconde stipule que les chaînes de télévision et les distributeurs sont solidairement responsables de la rémunération des auteurs lorsque les œuvres sont diffusées par la technique dite de l’injection directe.

La transposition de ces deux directives revêt aujourd’hui un caractère primordial pour les créateurs, dont les rémunérations ont été fortement affectées par la crise sanitaire. Il est indispensable que le Gouvernement prenne les dispositions nécessaires pour les transposer le plus rapidement possible.

M. le président. Le sous-amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. D. Laurent, Calvet, del Picchia, Piednoir, Cambon, Lefèvre et Kennel, Mmes Deromedi et Bruguière, M. Savin, Mme Lassarade, M. Charon, Mme Dumas, M. Savary, Mmes M. Mercier, Lamure et Gruny et M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Amendement n° 23

I.- Alinéa 4

Remplacer les mots :

aux articles 2-6

par les mots :

aux articles 2 à 7

II.- Alinéa 5

Remplacer les mots :

les articles 2-6

par les mots :

les articles 2 à 7

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Ce soir, je suis doublement émue : parce que je vous vois au banc du Gouvernement, madame la ministre, et parce qu’enfin nous y sommes !

Dans une autre vie, je me suis battue pendant des années au côté d’auteurs de l’écrit et de cinéastes, à Bruxelles, pour défendre l’exception culturelle française et les droits d’auteur. Comme tous mes collègues, j’aurais évidemment préféré que nous débattions d’une vraie loi, mais je me réjouis néanmoins à l’idée que ces ordonnances permettront enfin de faire entendre notre vision de la culture.

Avec ce sous-amendement, j’ai voulu aller un peu plus loin, un peu trop loin peut-être, en réduisant de douze à six mois les délais de transposition de toutes les dispositions des directives, s’agissant notamment des exceptions au droit d’auteur, concernant par exemple l’exception pédagogique. J’ai cru comprendre que cela serait trop compliqué : si la directive SMA est prête, ce n’est pas le cas de la directive sur le droit d’auteur. Je profite de cette occasion pour vous dire, madame la ministre, qu’il importe que la direction du livre reste en l’état au sein de votre ministère, pour les auteurs, les éditeurs et les bibliothèques.

Je retire ce sous-amendement d’appel et je voterai l’amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 26 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié ?

M. Jean Bizet, rapporteur. C’est vrai, le Parlement n’aime pas les ordonnances. Mais il aime la culture ! Nous sommes donc bien embarrassés…

Compte tenu de la réunion de travail que nous avons eue avec la présidente Morin-Desailly et le spécialiste de la question, Jean-Pierre Leleux, nous allons donner un avis favorable, à titre exceptionnel !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Oui, il ne faudrait pas que je prenne de mauvaises habitudes ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Félicitations pour votre nomination, madame la ministre ; je vous souhaite de réussir à donner à la culture toute la place qu’elle mérite : ce sera alors un succès pour la culture et pour la France. Votre voix peut porter, et j’espère que vous réussirez à obtenir ce que nous attendons tous, à savoir les moyens importants dont la culture a besoin, dans tous les domaines.

Avec votre prédécesseur, que je veux aussi saluer, nous avons très souvent mené des combats communs, notamment pour la transposition de la directive sur les droits voisins, issue d’une proposition de loi déposée sur mon initiative et qui fut unanimement soutenue par le Sénat. La France fut le premier pays à transposer cette directive.

Il est encore plus compliqué de dessaisir le Parlement de ses prérogatives quand il s’agit des médias. À l’occasion d’une réforme constitutionnelle, j’avais fait adopter un amendement visant à inscrire dans la Constitution que les règles concernant la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont fixées par la loi. En l’espèce, nous sommes prêts à un compromis. Cela tient aussi au fait que vous vous êtes engagée, à la suite de votre prédécesseur, à rechercher, en amont de la rédaction de l’ordonnance, un accord avec l’ensemble des forces soutenant cet impératif.

En posant cet acte, nous prenons nos responsabilités et nous attendons du Gouvernement qu’il fasse de même. L’audiovisuel connaît une révolution de ses usages avec le numérique. Les grandes plateformes s’en sortent très bien, et nous devons absolument créer les conditions d’une concurrence équitable, en les soumettant aux mêmes obligations que tous les autres médias.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. David Assouline. Nous soutiendrons cet amendement du Gouvernement, et je me réjouis que le sous-amendement ait été retiré.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je vous renouvelle mes vœux de bienvenue et vous annonce un événement exceptionnel, historique : ce canton-ci de l’hémicycle va voter une habilitation à transposer par ordonnance ! (Sourires.)

Je le fais toutefois à regret. En effet, lors de la discussion sur la transposition de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins, j’avais signalé à M. Assouline qu’il me semblait risqué de n’en transposer qu’une partie. Il convenait, selon moi, de respecter sa cohérence et de travailler à une transposition globale. Tout le monde m’avait rassuré en m’annonçant l’arrivée imminente d’un véhicule législatif. Mais ledit véhicule est en panne, et je ne suis pas sûr qu’il sorte un jour du garage… Si nous avions alors travaillé sur l’amendement que j’avais proposé, nous aurions pu, ce soir, discuter d’une rédaction directement incorporable dans le code. Je regrette qu’il n’en ait pas été ainsi, mais l’essentiel reste de transposer cette directive, fût-ce par voie d’ordonnance, procédé un peu difficile à admettre pour le législateur…

Le groupe CRCE votera donc pour l’amendement, mais ne le dites pas à mes camarades ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. À mon tour, madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue, au nom du groupe RDSE.

Comme rapporteur de la mission « Médias, Livre et industries culturelles », je souhaite marquer l’importance de cet amendement, qui vise à accélérer la transposition de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur. La France se fait une fierté d’être motrice en matière de droits d’auteur depuis Beaumarchais. Elle a fini par entraîner l’Europe dans son combat pour faire prévaloir une conception autre que celle, américaine, du copyright.

C’est en bonne partie sous l’influence française, et après un long combat, que la directive sur le droit d’auteur a pu être adoptée par le Parlement européen. Le Sénat avait d’ailleurs pesé de tout son poids, en lançant la transposition des mesures relatives aux droits voisins des éditeurs de presse avant même l’adoption finale de la directive, sur une proposition de notre collègue David Assouline.

Bien sûr, nous regrettons amèrement d’être privés d’un débat riche et passionnant sur le projet de loi audiovisuel, dont l’examen semble frappé de malédiction depuis trois ans. Pour autant, il me semble que la transposition rapide de cette directive, réclamée par la quasi-totalité des acteurs de la profession, s’impose comme une nécessité aujourd’hui, au regard tant de l’incertitude du calendrier parlementaire que de l’urgence, pour les parties prenantes, de pouvoir disposer d’une vision à long terme de leur cadre de travail.

Il ne faut pas penser, en effet, que la seule transposition suffit. Elle devra être suivie, comme pour la directive SMA, de longues négociations, sur des sujets très complexes, entre auteurs, artistes-interprètes, producteurs et organismes de gestion collective. Il nous revient dès lors aujourd’hui de faire un sacrifice pour donner les meilleures chances à l’ensemble d’un secteur déjà trop durement frappé par la crise, à défaut de lui apporter – pour l’instant – le plan de relance massif que la commission de la culture appelle de ses vœux. Faisons déjà ce premier pas !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Il faut souvent beaucoup de temps pour que des directives soient transposées. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles on accélère le processus en l’espèce. Je me rappelle, cher Jean Bizet, nos travaux communs au sein de la commission des affaires européennes sur la stratégie à adopter en matière de gouvernance mondiale de l’internet. Ils ont donné lieu, dès 2015, à des propositions de résolution européenne affirmant le besoin d’une stratégie globale et offensive, qui évoquaient déjà la question du droit d’auteur. Il a donc fallu cinq ans pour que ces textes nous soient soumis ! Souvent, on se plaint de la lenteur des processus administratifs et des discussions à Bruxelles. Aujourd’hui, nous acceptons d’accélérer la transposition pour ne pas laisser sur le bord du chemin tous ces artistes et créateurs qui attendent beaucoup de directives devant permettre de rétablir un équilibre et d’assurer une juste rémunération de l’acte de création.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 24 - Amendement n° 23 rectifié
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Article 25

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 24.

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de modifier la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée et le livre des procédures fiscales afin :

a) de transposer la directive 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels en procédant aux mesures d’adaptation et aux mises en cohérence et corrections matérielles, légistiques et rédactionnelles rendues nécessaires par la directive.

b) de procéder aux mesures d’adaptation et de tirer les conséquences nécessaires de la transposition mentionnée au a) s’agissant de la contribution à la production sur la base de leur activité en France des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande visant le territoire français qui relèvent de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne en :

- introduisant une faculté de mutualisation de la contribution à la production cinématographique pour les groupes éditant plusieurs services ;

- prévoyant l’association des organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs aux accords conclus entre les éditeurs de services et les organisations représentant les producteurs dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel tient compte pour la fixation des modalités de contribution au développement de la production d’œuvres ;

- prévoyant qu’une œuvre n’est pas prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur à la production lorsque les contrats conclus pour sa production ne sont pas compatibles avec les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-5 du code de la propriété intellectuelle relatives à la protection des droits moraux des auteurs et les principes énoncés aux articles L. 131-4 et L. 132-25 de ce code relatifs à leur rémunération et en subordonnant l’attribution des aides du Centre national du cinéma et de l’image animée à l’inclusion, dans les contrats conclus pour la production d’une œuvre, de clauses types assurant le respect de ces mêmes articles ;

- introduisant une procédure de conventionnement des services de médias audiovisuels à la demande par le Conseil supérieur de l’audiovisuel au-delà d’un seuil de chiffre d’affaires fixé par décret, et en prévoyant que cette convention précise notamment les conditions d’accès des ayants droit aux données relatives à l’exploitation de leurs œuvres ;

- soumettant à contribution à la production sur la base de leur activité en France les autres éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande visant le territoire français qui ne sont pas établis en France et qui ne relèvent pas de la compétence de la France ;

- permettant au Conseil supérieur de l’audiovisuel de recevoir de l’administration des impôts tous les renseignements relatifs au chiffre d’affaires des éditeurs et à cette autorité et au Centre national du cinéma et de l’image animée de se communiquer les informations qu’ils détiennent relatives aux chiffres d’affaires des éditeurs de services et des redevables des impositions mentionnées aux articles L. 115-6 à L. 115-13 du code du cinéma et de l’image animée et à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions relatives à la modernisation des règles de la communication audiovisuelle et au renforcement de la protection de la souveraineté culturelle

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement vise à transposer la directive du 14 novembre 2018 sur les services de médias audiovisuels.

La renégociation de cette directive a été une victoire importante pour la France et pour la défense de la diversité culturelle. Nous nous illustrons par une régulation très ambitieuse dans le domaine des médias et par un dispositif très important de soutien à la création. Il y a, sur ce point, un consensus politique assez remarquable. Je sais que vous y êtes très attachés, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous avons obtenu deux avancées dans cette négociation.

La première est l’extension de la régulation aux plateformes de partage de vidéos. On peut parfois regretter le temps important passé par les plus jeunes sur ces plateformes. Il était nécessaire que l’Europe édicte des règles communes destinées à les protéger contre des contenus susceptibles de leur nuire. En France, pour les seules plateformes établies sur notre territoire, ce rôle incombera au Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a su, dans le passé, protéger les auditeurs et les téléspectateurs.

Par ailleurs, la France a obtenu la possibilité de soumettre à son système de soutien à la création les services qui ciblent notre territoire à partir d’autres États en dérogeant au sacro-saint principe du pays d’origine, qui fait consensus au niveau européen sur d’autres sujets. Je le disais dans mon propos introductif, la part de marché de ces grandes plateformes numériques s’est encore accrue pendant la crise sanitaire, rendant plus urgente encore leur participation au financement de la création en France. L’objectif est double : d’une part, rétablir l’équité entre diffuseurs nationaux et plateformes étrangères ; d’autre part et peut-être surtout, assurer la pérennité de notre dispositif de soutien à la création au bénéfice des créateurs eux-mêmes. Je pense qu’une unanimité se dégagera sur cette question.

Mme la présidente Morin-Desailly et M. Leleux ont d’ailleurs déposé des sous-amendements tendant à mieux affirmer l’équité que nous recherchons tous entre les services traditionnels et les nouveaux médias et à apporter des précisions sur l’association des auteurs. J’y serai évidemment tout à fait favorable.

Enfin, la transposition de cette directive implique de modifier à la marge certaines dispositions de la sacro-sainte loi de 1986 qui encadre le régime de contribution à la production, pour permettre une mise en œuvre effective des principes de la directive. Il s’agit de créer un mécanisme de conventionnement des services à la demande pour pouvoir adapter les règles aux spécificités de chaque plateforme et de veiller à ce que les œuvres que les plateformes déclareront au titre de leurs obligations respectent les droits moraux et patrimoniaux des auteurs. Il nous faut évidemment donner au CSA la possibilité d’échanger des informations avec le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et l’administration fiscale pour qu’il puisse contrôler efficacement le respect de ces obligations.

M. le président. Le sous-amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Leleux, Mme Morin-Desailly, MM. Assouline et Hugonet, Mme Laborde et M. Gattolin, est ainsi libellé :

Amendement n° 22, alinéa 5

Après le mot :

transposition

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

du 18) de l’article 1er de la directive n° 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 précitée en vue notamment d’assurer un traitement équitable entre services de télévision et de médias audiovisuels à la demande en :

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. La transposition de la directive SMA, qui permettra la contribution des plateformes au financement de la création française, est très attendue par le monde de la création.

Cette intégration à l’écosystème du financement de la création ne saurait toutefois suffire en l’absence d’une modernisation, voire d’un assouplissement, du régime réglementaire des acteurs historiques, qui sont aujourd’hui laissés sur le bas-côté dans l’attente du projet de loi sur l’audiovisuel.

Sans action complémentaire, les plateformes continueront à bénéficier de contraintes réduites et de droits étendus sur la production. Quant à leurs obligations de participation au financement, elles pourraient paradoxalement renforcer leur attractivité sur le marché français, grâce à des contenus premiums de qualité.

J’ajoute que les plateformes pourront rentabiliser ces investissements réalisés en France auprès d’une audience planétaire de dizaines de millions d’auditeurs, difficilement accessible pour les opérateurs français.

Le présent sous-amendement est à mon sens très important pour rééquilibrer quelque peu une situation que la transposition de la directive risque encore d’aggraver…

C’est la raison pour laquelle le groupe de travail qui s’est réuni pendant le confinement pour analyser les conséquences de l’épidémie de covid-19 sur le monde des médias a élaboré ce sous-amendement visant à introduire un principe d’équité. L’exercice est difficile : nous essayons seulement de « canaliser » l’ordonnance que vous allez rédiger, madame la ministre. Il s’agit d’introduire une référence au principe d’équité entre les nouveaux acteurs et les acteurs traditionnels.

Le respect de l’équité constitue d’abord une nécessité politique. Il n’est pas possible de laisser diverger deux types de réglementation s’appliquant à deux catégories d’acteurs en situation de concurrence directe. Ce principe d’équité aura ensuite des conséquences juridiques, car il s’imposera au pouvoir réglementaire pour la rédaction des décrets à venir.

Je précise qu’équité ne signifie pas égalité. En effet, il y a des différences entre les opérateurs, mais ce principe permettra d’adapter les obligations aux spécificités respectives de chacun des acteurs.

Cette rédaction, tout en assurant la mise en œuvre de la directive, comme nous le souhaitons tous, permettra d’envoyer un signal important concernant la poursuite de la modernisation et de l’assouplissement des règles dans le secteur de l’audiovisuel.