PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2020
Discussion générale (suite)

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat à une heure quelque peu inhabituelle.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Je rappelle qu’il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou de porter un masque.

Les sorties de la salle des séances, pour les sénateurs, devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, les sorties se feront par le devant de l’hémicycle.

contrats de développement écologique

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Mme Françoise Cartron. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

« D’ici à la fin de 2021, nous souhaitons que tous les territoires – j’y insiste – soient dotés de contrats de développement écologique avec des plans d’action concrets, chiffrés, mesurables » a annoncé le Premier ministre hier, à l’Assemblée nationale, et ce matin au Sénat.

Votre gouvernement, madame la ministre, acte 20 milliards d’euros pour la croissance écologique, dans l’optique de gagner la bataille pour le climat et la biodiversité, afin que l’économie française devienne la plus verte et la plus décarbonée d’Europe.

Un de vos objectifs consiste à produire une alimentation plus locale et durable. Voilà une dizaine de jours, nous en débattions ici même sur la base du rapport que Jean-Luc Fichet et moi-même avons rendu, fin mai dernier, lequel comporte de nombreuses propositions pour une transition réussie.

D’autres objectifs ont également été fixés : soutenir les technologies vertes de demain, mieux recycler, moins gaspiller… Une politique ambitieuse pour le vélo doit également être mise en place.

À cela, il faut ajouter le plan de relance envers l’industrie, avec des contreparties, afin de faire évoluer notre modèle de production.

Madame la ministre, quelle sera la place des collectivités, en particulier des maires, dans ces politiques d’avenir ? Quel cahier des charges pour les contrats de développement écologique, avec quels financements ? Quelle complémentarité entre les collectivités et l’État pour développer ces politiques d’avenir ?

Ici, comme en Gironde et partout en France, les actions visant à savoir comment mieux manger, comment mieux circuler, comment mieux respirer sont au cœur de notre vie quotidienne, plébiscitées par nos concitoyennes et nos concitoyens. La crise nous l’a rappelé très fortement. Nous devons y répondre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame Cartron, je tiens tout d’abord à vous remercier de l’excellent travail que vous avez réalisé avec votre collègue. Je suis certaine qu’il nous sera utile.

Comme l’a souligné le Premier ministre, d’ici à la fin de 2021, tous les territoires – c’est-à-dire tous les bassins de vie – devront être dotés d’un contrat de relance et de développement écologique. Il existe déjà des outils, nationaux ou locaux : Actions cœur de ville, Territoires d’industrie, contrats de ruralité…

Mon ministère a soutenu le développement des contrats de transition écologique que 107 territoires et 250 EPCI ont déjà signé, sur la base de plus de 1 000 actions concrètes – soit plus de 1,5 milliard d’euros mobilisés.

Nous voulons en accélérer le déploiement et associer tout le monde – jeunes, entreprises, associations, élus… Ces contrats doivent être globaux et concerner tous les sujets qui permettent de relancer l’activité dans le sens de la transition écologique. Je pense à l’urbanisme, au vélo, aux réseaux d’eau, à la réfection des bâtiments, à l’adduction au réseau électrique dans certains territoires ruraux…

Nous devons porter une vision globale concrète sur tous ces aspects. L’État sera bien évidemment à vos côtés. Il existe déjà des outils pour vous aider, notamment l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), qui peut apporter l’ingénierie nécessaire aux territoires qui en ont besoin.

À ce stade, je tiens à saluer le travail déjà réalisé sur ces questions par Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon. Je vais continuer, avec cette dernière, à aider à la mise en place de réalisations concrètes dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

aménagement et attractivité des territoires

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Marc Gabouty. Ma question s’adresse à Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et à M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports.

Une politique de modernisation des infrastructures de transport au service de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement doit être intégrée au programme d’investissements publics de notre pays pour la prochaine décennie.

Il faut rendre compatibles et complémentaires le développement économique, l’écologie et le désenclavement des territoires. La mutation des modes de transport en est un élément majeur.

À côté du transport routier, auquel il manque quelques maillons, et du transport fluvial, dont le développement doit être accéléré – le canal Seine-Nord-Europe a pris beaucoup de retard –, se pose la problématique du transport ferroviaire qui constitue un levier essentiel de l’accessibilité des territoires et de la démarche écologique, cette dernière étant parfois – trop souvent à mon sens – dogmatique, punitive ou cosmétique.

Bien évidemment, c’est le niveau d’équipement et d’offres commerciales du transport de voyageurs, c’est-à-dire des Intercités et des petites lignes qu’évoquait ce matin le Premier ministre, à l’exception de la grande vitesse, qui en pâtit. La situation est très dégradée, voire ubuesque – je pense notamment au train jour-nuit Paris-Rodez qui reste stationné à minuit en gare de Brive pendant trois heures et demie…

Plus grave encore, le fret ferroviaire connaît une régression continue depuis plusieurs décennies. À l’échelon national, la part modale du fer et du fleuve atteint aujourd’hui 9 % du tonnage contre 46 % en 1974, la moyenne européenne étant de 17 %. Cette faiblesse structurelle se caractérise par l’abandon de dessertes industrielles, aussi bien en termes d’approvisionnement que d’expéditions, et par l’affaiblissement de la capacité logistique de nos activités portuaires.

En termes de fret ferroviaire, y compris pour le ferroutage, nous sommes à la traîne de l’Europe. Il s’agit pourtant d’un domaine créateur d’emplois et hautement stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à lancer sur dix ans un plan Marshall ferroviaire nécessitant plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements pour remettre notre pays à niveau et permettre de dégager une offre de service plus compétitive et plus écologique ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur Gabouty il s’agit d’une question importante, chère aux territoires, singulièrement au nôtre.

Depuis 2017, le Gouvernement a investi très massivement dans les transports pour désenclaver nos territoires et verdir les transports. Nous mobilisons plus de 13 milliards d’euros sur le quinquennat pour les travaux d’entretien et de régénération et pour le développement des infrastructures nécessaires à l’ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer.

M. Pierre Laurent. Il faut rouvrir les petites lignes !

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. De premiers actes importants ont été réalisés. Je pense notamment aux protocoles « petites lignes » dont les premiers ont été signés le 20 janvier dernier avec les régions Grand Est et Centre-Val de Loire. Je ne doute pas que d’autres régions suivront.

Nous investissons de manière inédite dans la régénération du réseau routier. Nous avons voulu préserver les lignes aériennes d’aménagement du territoire selon une philosophie qui consiste à mieux articuler les modes de transport entre eux pour répondre aux spécificités des territoires et aux besoins de leurs habitants et de leurs entreprises, afin de garantir, comme vous l’avez souligné, leur attractivité.

Nous allons encore accélérer. Le Président de la République et le Premier ministre ont eu l’occasion de s’exprimer récemment sur ces questions. Les transports seront au cœur du plan de relance. Nous poursuivrons la contractualisation avec l’ambition de sauver les 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Nous voulons créer de nouvelles lignes de trains de nuit – vous avez mentionné cette ligne importante qui passe par Brive et Rodez.

Nous avons pour ambition de doubler la part modale du fret ferroviaire, encore trop faible dans notre pays. Nous aurons l’occasion d’annoncer la création de nouvelles autoroutes ferroviaires prochainement.

Monsieur le sénateur, ces projets ont vocation à se déployer d’ici à la fin du quinquennat. Plusieurs milliards d’euros y seront alloués. Nous avons beaucoup d’ambition pour les transports : pourvoyeurs d’emplois non délocalisables, ils irriguent nos territoires et sont au cœur du développement économique et écologique que nous voulons pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

mise en œuvre des propositions de la convention citoyenne pour le climat

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre de la transition écologique, mes chers collègues, la Convention citoyenne pour le climat, créée sur l’initiative du président Macron, a formulé 149 propositions. Le chef de l’État avait promis la transcription de celles-ci dans la loi.

Dès le 29 juin, il annonçait pourtant qu’au moins trois d’entre elles ne seraient pas retenues, dont la taxe de 4 % sur les dividendes. Et pourtant, point d’écologie sans solidarité ni justice sociale !

Le lendemain, Agnès Pannier-Runacher révélait que le moratoire demandé sur la 5G, luxe énergivore bien inutile dans un pays dont les territoires ne sont même pas desservis en totalité par internet, n’était pas non plus envisagé.

Le 14 juillet dernier, le président Macron a certes parlé d’écologie – il est vrai que ce thème semble aujourd’hui pourvoyeur de voix. Annoncer des mesures déjà envisagées dès 2018, comme la rénovation thermique des écoles et des Ehpad, c’est faire du neuf avec du vieux. En revanche, combien de petites lignes ferroviaires sauvées ? Combien de tonnes de fret ferroviaire supplémentaires ?

Il s’agit non pas d’opposer « croissance écologique » et « décroissance verte », mais de l’impérieuse nécessité de changer de modèle social et économique. À quand le référendum visant à inscrire dans la Constitution la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité ? À quand le projet de loi validant les propositions de la Convention ? Ferez-vous en 600 jours ce que vous n’avez pas fait en trois ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Madame Benbassa, pas de transition écologique sans justice sociale, c’est une évidence. Vous pouvez compter sur moi pour y veiller, avec le reste du Gouvernement, également sur cette ligne.

La Convention citoyenne pour le climat était constituée de citoyens qui n’étaient pas, au départ, sensibilisés à la question écologique. Ils ont travaillé longtemps, ils se sont renseignés et ont fait des propositions dont certaines vont même au-delà de ce que proposent les écologistes depuis longtemps.

Le Président de la République s’est engagé à les transcrire, de différentes manières. Comme vous le savez, puisque vous les avez lues, certaines propositions relèvent du domaine réglementaire et feront l’objet d’un examen lors du prochain conseil de défense écologique qui déterminera comment les appliquer.

D’autres relèvent d’engagements et de négociations internationales : le Président de la République a commencé à les soutenir lors de sa rencontre avec la chancelière Merkel, dans les heures qui ont suivi sa rencontre avec les citoyens.

D’autres encore relèvent des collectivités locales qui seront associées à la transposition de ces mesures. L’idée est non pas d’agir d’en haut, mais de travailler avec les élus pour transposer les solutions proposées par les citoyens dans les territoires.

Enfin, d’autres mesures sont d’ordre législatif. Pour ces dernières, nous resterons fidèles à notre méthode : nous allons constituer un groupe de travail avec Marc Fesneau (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) associant parlementaires et citoyens pour aboutir à un projet de loi qui sera déposé à la fin de l’été pour une adoption, au plus tôt, au début de 2021, après l’exercice budgétaire.

Nous allons mettre en œuvre ces propositions.

Le Premier ministre a annoncé ce matin que 30 % du montant du plan de relance allaient être investis dans la transition écologique, ce qui permettra de financer nombre de ces mesures. Nous avions besoin de ces financements, c’est une très bonne chose. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

Mme Sophie Primas. Alors, soyez favorable aux amendements déposés sur le PLF 3 !

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Mme Esther Benbassa. Nous avons déjà eu suffisamment de paroles, madame la ministre, nous attendons des actes et seulement des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)

politique du gouvernement en matière d’égalité homme-femme

M. le président. La parole est à Mme Muriel Cabaret, pour le groupe socialiste et républicain, dont je salue la première intervention dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Muriel Cabaret. En votre « âme et conscience », monsieur le Premier ministre, vous avez nommé Gérald Darmanin ministre de l’intérieur. Pourtant, celui-ci fait de nouveau l’objet d’une enquête pour viol, harcèlement et abus de confiance concernant une sombre affaire d’échange de faveurs sexuelles contre une intervention à la Chancellerie. (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Julien Bargeton. Ce que vous dites est scandaleux !

Mme Muriel Cabaret. Depuis 2017, nous avons vu nombre de ministres démissionner à la suite d’affaires fiscales ou financières, ou encore pour consommation intempestive de homards…

Mais dans ce cas précis, rien : « circulez, il n’y a rien à voir ! » et rien à comprendre. Il n’y a pas de problème non plus. Avec le Président de la République, vous affichez votre soutien sans faille au ministre de l’intérieur sans même attendre la fin de la procédure judiciaire.

M. Julien Bargeton. C’est vous qui ne l’attendez pas !

Mme Muriel Cabaret. C’est une erreur éthique et politique d’une violence symbolique inouïe.

Que nous dites-vous en réalité ? Que M. Darmanin est innocent, que la victime ment, au mépris des principes d’équité, du contradictoire et d’équilibre entre les parties. Pis, vous ignorez le conflit d’intérêts en puissance que représente cette nomination : que se passera-t-il en cas de mise en examen d’un ministre qui sera l’autorité hiérarchique des policiers chargés d’enquêter sur ses agissements ?

Que les députés LaREM se rassurent, il s’agit non pas de nier la présomption d’innocence (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), nous y sommes très attachés (M. le garde des sceaux lève les yeux au ciel.),…

M. François Bonhomme. Vous faites bien de le dire !

Mme Muriel Cabaret. … mais de vous interroger sur le signal délétère envoyé à toutes les victimes.

Vous qui en appelez à l’exemplarité de la politique et à la lutte contre les violences faites aux femmes, quel message envoyez-vous aux Françaises et aux Français lorsque vous faites fi de la parole des victimes ? Mesurez-vous bien les conséquences de cette nomination ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, je comprends que c’est votre première intervention.

M. Julien Bargeton. Ce n’est pas la meilleure ! (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous dites que je défends M. Darmanin. Mais ce n’est pas lui que je défends, ce sont les principes fondamentaux de l’État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – MM. Olivier Cadic et Max Brisson applaudissent également. – Protestations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

Je suis ici en tant que chef du Gouvernement dans une assemblée parlementaire. M. Darmanin n’est pas mis en examen. M. Darmanin n’a fait l’objet d’aucune condamnation et, à ce que je sache, chaque fois que l’autorité judiciaire a eu à se prononcer dans cette affaire, elle a rendu des actes consacrant son innocence. M. Darmanin a droit au respect des principes de la République comme tous les citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

Nous assistons à des dérives inadmissibles. Je le dis ici avec solennité et gravité.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Après les cas Bayrou, Ferrand, et autres…

M. Jean Castex, Premier ministre. Comme vous le savez, il m’appartient, aux termes de la Constitution, de proposer au Président de la République la nomination des membres de mon gouvernement. C’est en mon âme et conscience, madame, au-delà du respect des principes fondamentaux de la République, que j’ai fait cette proposition.

Votre intervention suppose donc que j’aurais biaisé avec ma conscience, ce que je ne vous autorise pas à dire. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

situation au mali

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires.

M. Joël Guerriau. Malgré de belles avancées, la situation au Sahel reste préoccupante.

Nous avons atteint un objectif important avec l’élimination du chef d’AQMI. Pour autant, comme nous avons pu le voir lors des événements du week-end dernier, les Maliens manifestent une colère antigouvernementale.

La France s’est beaucoup investie au Mali. Je veux rendre hommage aux militaires français blessés ou tués au cours de ces opérations. Nous avons payé un lourd tribut. Nous devons donc faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard de ce territoire.

Le G5 Sahel est un soutien fondamental au cœur duquel se trouve le Mali, puissance disposant d’un territoire très vaste. Ces derniers jours, des manifestations ont réuni une foule considérable à Bamako. Des incidents très violents ont éclaté : on a dénombré onze morts et plus de cent cinquante blessés. La situation est dramatique. Le Gouvernement est remis en cause à la suite des élections législatives de mars et avril derniers.

Nous sommes en droit de nous inquiéter. Nous avons besoin d’un État malien fort et légitime pour mener à bien ces luttes antiterroristes.

Nos ressortissants français, nombreux dans ce pays, sont-ils en sécurité ? Que peut faire la communauté internationale pour éviter que le Mali ne sombre dans le chaos, que le Gouvernement ne soit renversé par un groupe terroriste ou par un coup d’État militaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Monsieur Guerriau, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Yves Le Drian, en déplacement à l’étranger.

Vous avez raison, le Mali traverse une crise politique ayant conduit aux graves débordements du week-end dernier, réprimés en faisant usage d’une force manifestement excessive. La France, qui a clairement condamné les débordements de toutes parts, appelle les différentes parties à retrouver le chemin du dialogue.

Elle est bien évidemment aux côtés de ses ressortissants, à travers son ambassade, pour assurer leur sécurité, et aux côtés de ses partenaires internationaux pour appuyer une solution d’avenir.

Nous soutenons toutes les initiatives des forces politiques et sociales qui conduiraient à retrouver le chemin du dialogue. Le président Keïta s’est adressé à la Nation et a pris un certain nombre d’engagements. La France l’encourage maintenant à les mettre en œuvre, notamment l’abrogation du décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle et la constitution d’un gouvernement de consensus. Le Premier ministre Cissé y travaille.

Nous pouvons aussi noter avec satisfaction que celles et ceux qui avaient été arrêtés lors des débordements ont été libérés. Nous appelons le président Keïta à continuer dans cet esprit de responsabilité.

Nous soutenons la nouvelle mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), après celle dont les conclusions ont été rendues en juin, qui devrait nous permettre de proposer des solutions d’avenir pour le Mali. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Nous sommes extrêmement attentifs à la situation au Mali. Hier encore, sept villageois dogons ont été tués par des terroristes. La présence française est donc importante.

Je crains toutefois que le Gouvernement n’ait montré une certaine fragilité. Afin de légitimer parfaitement son pouvoir, il serait bon qu’IBK reprenne un chemin démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

pompier blessé dans l’essonne

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Mardi soir, il est vingt-trois heures trente sur le petit parking du stade Jean-Laloyeau, à Étampes, dans l’Essonne, département que j’ai l’honneur de représenter dans cette enceinte avec quatre autres de mes collègues. Un sapeur-pompier, qui intervient sur un incendie de voiture, est la cible d’un tir par arme à feu et voit une balle lui traverser le mollet.

Notre collègue Franck Marlin, maire d’Étampes, présent sur les lieux au moment de cette véritable tentative d’homicide, pourrait égrener les actes d’incivilité, de violence urbaine insupportable dont sa ville est victime depuis tant d’années, à l’instar de très nombreuses villes en France.

Vous étiez hier sur place, à ses côtés, pour témoigner de votre soutien aux soldats du feu, ainsi qu’à l’ensemble des forces de l’ordre. Nous vous en remercions.

Monsieur le ministre, je vous sais homme d’action et de responsabilité. Mais au-delà du dépôt de plainte systématique que vous avez appelé de vos vœux hier, ce qui constitue, reconnaissons-le, un strict minimum, comment comptez-vous sortir de la posture, des tweets et des discours creux auxquels votre prédécesseur nous a malheureusement trop souvent habitués durant cette triste première moitié de quinquennat ?

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Jean-Raymond Hugonet. Vous avez déclaré hier : « la République est partout chez elle ». Assurément, monsieur le ministre ! Dès lors, comment comptez-vous mettre hors d’état de nuire ceux qui n’ont pas cette idée de la France que nous avons en partage et qui est notre fierté nationale ? En d’autres termes, quand et comment comptez-vous sortir la France de la chienlit dans laquelle elle se trouve plongée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Julien Bargeton. C’est excessif !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur Hugonet, j’ai bien rendu visite, hier soir, à ce sapeur-pompier et à ses camarades de brigade pour leur dire l’émotion qu’a suscitée non pas ce simple fait divers, mais cette attaque contre la République, contre les sapeurs-pompiers qui portent l’uniforme de la solidarité.

L’un d’entre eux a été blessé par balle lors d’une intervention – somme toute banale – visant à éteindre un incendie de véhicule sur un parking. Encore plus choquant, il s’agissait de la troisième agression en dix mois que connaissait ce sergent-chef. Comme nombre de ses camarades de l’Essonne et de beaucoup de villes de France, il intervient chaque jour la peur au ventre, alors qu’il est là pour aider les autres – c’est la vocation d’un pompier, qu’il soit professionnel ou volontaire.

À la demande du Premier ministre, j’ai annoncé un dépôt de plainte systématique de l’administration en plus de ce que décideront les victimes.

J’ai évoqué, avec le préfet de département et les forces de police, la façon dont on pourrait protéger encore mieux – nous en sommes arrivés là, monsieur le sénateur – les pompiers lors d’interventions que l’on peut qualifier de « très difficiles ».

En attaquant les pompiers, les policiers, les gendarmes, les conducteurs de bus, comme celui qui a été tué dans des conditions particulièrement ignobles à Bayonne, mais aussi les professeurs, les médecins et les infirmiers et les infirmières, on attaque la République.

Partout chez elle, la République est pourtant attaquée. Tout ne sera pas réglé en un jour. Dans certains endroits – je sais de quoi je parle, élu d’un territoire que l’on dit difficile –, la République est mise en joue.

La volonté du gouvernement de Jean Castex et du Président de la République n’est pas de se contenter de mots, monsieur le sénateur, mais bien de passer aux actes. Je serai partout où il le faudra pour faire reculer ceux qui veulent que nous reculions. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. J’entends votre réponse pleine de responsabilité, monsieur le ministre.

La République est attaquée. Mais plus que la République, c’est la Nation qui est attaquée. Il va bien falloir que ce gouvernement fasse ce qui n’a jamais été fait en s’attaquant à ceux qui sont contre cette nation et qui n’ont plus rien à voir avec notre société républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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